Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 03 14 Date : Le 14 février 2006 Commissaire : M e Jacques Saint-Laurent X Demandeur c. COMMISSION ADMINISTRATIVE DES RÉGIMES DE RETRAITE ET D’ASSURANCES Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION, formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 5 février 2004, le demandeur s’adresse à l’organisme afin d’obtenir deux documents qu’il décrit comme suit : 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci-après appelée «la Loi sur l’accès»
04 03 14 Page : 2 « 1- L’évaluation actuarielle 2003 pour le RREGOP. 2- Les études récentes des coûts de différentes hypothèses de bonification des rentes de retraite des retraités et/ou des futurs retraités, entre autres, ceux couverts par le RREGOP, que vous avez réalisées pour les parties négociantes (les centrales syndicales, syndicats et gouvernement). Cette dernière étude fut remise récemment, entre autres, à la CSQ. » LA PREUVE [2] Le 13 février 2004, le responsable de l’accès de l’organisme répond au demandeur. Il souligne que l’évaluation actuarielle de 2003 n’est pas disponible. [3] L’organisme refuse de communiquer les études récentes de coûts des différentes hypothèses de bonification des rentes. En s’appuyant sur l’article 39 de la Loi sur l’accès, le responsable affirme que les documents ont été préparés pour des parties négociantes, dans le cadre de négociations relatives à des conditions de travail. [4] En outre, le responsable de l’accès invite le demandeur à s’adresser au Secrétariat du Conseil du trésor puisque le document dont on demande l’accès relève davantage de la compétence de cet organisme. [5] Le 20 février 2004, le demandeur présente à la Commission d’accès à l’information une demande de révision de la décision du responsable de l’accès du 13 février. [6] L’audience s’est tenue à Montréal le 9 mai 2005 en présence du demandeur et du procureur de l’organisme Me Jean Maranda. M. Gaétan Morneau accompagnait le demandeur. [7] Au début de l’audience, le procureur de l’organisme demande que l’on précise qui est la partie demanderesse au dossier. Il souligne que la demande d’accès du 5 février 2004 était signée par le demandeur, alors que l’avis de convocation transmis en mars 2005 indique que la partie demanderesse est la Coalition pour la pleine indexation des retraités. Le demandeur déclare être la partie demanderesse. [8] Le procureur de l’organisme dépose également en preuve un affidavit de la conseillère en accès aux documents et en protection des renseignements personnels du Secrétariat du Conseil du trésor.
04 03 14 Page : 3 [9] Cet affidavit fait état de la demande d’accès du demandeur adressée au Secrétariat du Conseil du trésor le 18 février 2004. L’affidavit, la demande d’accès du 18 février 2004 et la réponse du Secrétariat du Conseil du trésor du 16 mars 2004 ont été produits en liasse, pièce O-1. [10] Tel qu’il appert de la lettre du 18 février 2004, la demande d’accès adressée au Secrétariat du Conseil du trésor ne reprend que la deuxième partie de la demande d’accès présentée à l’organisme, soit : «les études récentes des coûts de différentes hypothèses de bonification des rentes de retraite des retraités et/ou des futurs retraités, entre autres, celles couvertes par le RREGOP que vous avez réalisées pour les parties négociantes (les centrales syndicales, syndicats et Gouvernement).» [11] L’affidavit (O-1) nous informe que le 16 mars 2004, le responsable de l’accès du Secrétariat du Conseil du trésor a répondu à la demande du 18 février. Cette réponse précise que les recherches ont permis de retracer un document daté du 31 octobre 2003 intitulé «Estimation de coûts de différents scénarios de modification pour le RREGOP». [12] De plus, on apprend que le Secrétariat du Conseil du trésor refuse l’accès à ce document en s’appuyant sur les articles 27, 37 et 39 de la Loi sur l’accès. [13] Aucune demande de révision n’a été présentée à l’égard du refus du Secrétariat du Conseil du trésor. ARGUMENTS i) de l’organisme [14] Concernant l’évaluation actuarielle 2003 pour le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), le procureur de l’organisme précise que l’élaboration de ce document obéit aux règles prescrites par la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics 2 . Ainsi, avant d’être rendu public, il doit notamment être soumis au comité de retraite. En pratique, les membres de ce comité paritaire reçoivent, à titre de projet, l’évaluation actuarielle qui est subséquemment approuvée. [15] Au cours de l’audience, le procureur de l’organisme et le demandeur ont informé la Commission que l’évaluation actuarielle faisant l’objet de la demande de révision est approuvée et maintenant disponible pour le public, notamment, dans le site Internet de l’organisme. 2 L.R.Q. c. R-10
04 03 14 Page : 4 [16] Concernant la demande relative aux études récentes des coûts des différentes hypothèses de bonification des rentes de retraite des retraités, le procureur de l’organisme rappelle que ces documents sont préparés dans le cadre de l’article 137 de la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. En s’appuyant sur le processus prescrit, il souligne que ces études ne sont pas préparées à l’initiative de l’organisme. En fait, les parties négociantes en font la demande. [17] Le procureur de l’organisme dépose le document en litige sous pli confidentiel. Il s’agit d’un document daté du 31 octobre 2003 relatif à des estimations de coûts intitulé : «Estimation de coûts de différents scénarios de modification pour le RREGOP». [18] En outre, le procureur de l’organisme soumet, doctrine et jurisprudence à l’appui, que la décision de l’organisme de référer la demande d’accès au Secrétariat du Conseil du trésor, comme le permet l’article 48 de la Loi sur l’accès, ne constitue pas une décision pouvant faire l’objet d’une demande de révision. [19] Le procureur de l’organisme ajoute que son client ne peut pas se substituer au Secrétariat du Conseil du trésor ou aux autres parties négociantes pour soulever les restrictions à l’accès qui leur appartiennent. ii) du demandeur [20] Le demandeur connaît le processus de consultation de l’organisme. Il souligne cependant qu’il serait inacceptable que les retraités n’aient pas accès à ces études préparées pour les parties négociantes. [21] Il rappelle qu’il est essentiel que les retraités puissent en prendre connaissance au moment opportun, tenant compte des décisions qui sont prises à partir des informations que contiennent ces études. [22] Concernant l’organisme visé par la demande, le demandeur soumet que la démarche auprès du Secrétariat du Conseil du trésor n’exclut pas la demande d’accès présentée à l’organisme. Il affirme qu’il ne s’agit pas uniquement d’une question de légalité, mais plutôt de moralité et d’éthique, considérant que les retraités sont ainsi privés d’une information qui les place dans une situation défavorable par rapport aux parties patronales et syndicales. À l’inverse, il prétend que la communication de ces informations aux retraités ne causera pas de préjudice à l’organisme.
04 03 14 Page : 5 DÉCISION [23] Dans sa réponse à la demande d’accès du 5 février 2004, l’organisme informe le demandeur que l’évaluation actuarielle du RREGOP pour l’année 2003 n’est pas disponible. L’article 174 de la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics prévoit dans quelle circonstance l’organisme doit préparer cette évaluation. « 174. Le Comité de retraite visé à l’article 164 doit, à tous les trois ans, demander à la Commission de faire préparer une évaluation actuarielle du régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, du régime de retraite des enseignants et du régime de retraite des fonctionnaires par les actuaires qu’elle désigne. À défaut d’une telle demande, la Commission doit faire préparer l’évaluation actuarielle s’il s’est écoulé plus de trois ans depuis la dernière évaluation. Le Comité nomme un actuaire-conseil chargé de lui faire rapport, dans un délai de 30 jours à compter de sa nomination, sur la pertinence des hypothèses utilisées pour l’évaluation actuarielle des régimes. Le Comité doit, dans les 90 jours de la réception du rapport, le transmettre au ministre.» [24] La Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics prévoit donc que l’évaluation actuarielle préparée par l’organisme doit d’abord être soumise au Comité de retraite constitué en vertu de l’article 164. Ce comité obtient un rapport d’un actuaire-conseil sur la pertinence des hypothèses utilisées. Le rapport est subséquemment transmis au ministre. [25] L’examen de l’évaluation actuarielle que le procureur de l’organisme a fait parvenir à la Commission le 11 mai 2005 permet de découvrir la chronologie des différentes étapes de réalisation du document. [26] L’évaluation est produite sur la base des données arrêtées au 31 décembre 2002. L’annexe 1 du document nous informe que le mandat de produire une évaluation actuarielle à partir des données arrêtées au 31 décembre 2002 a été confié à la direction de l’actuariat, du développement et de la planification stratégique, le 4 mars 2004. Puis, le 12 octobre 2004, le directeur de l’actuariat, du développement et de la planification stratégique fait parvenir au président de l’organisme l’évaluation actuarielle demandée.
04 03 14 Page : 6 [27] Concernant les estimations de coûts des différents scénarios de modifications pour le RREGOP, la réponse du 13 février 2004 informe le demandeur, conformément à l’article 48 de la Loi sur l’accès, que les études de différentes hypothèses de bonification ont été réalisées à la demande du Secrétariat du Conseil du trésor. Ainsi, sa demande d’accès relève davantage de cet organisme. Il est invité à communiquer avec le responsable de l’accès du Secrétariat du Conseil du trésor. [28] Le procureur de l’organisme soumet que la Commission d’accès à l’information n’a pas compétence pour apprécier la justesse de la décision de référer la demande d’accès à un autre organisme. [29] L’article 135 de la Loi sur l’accès permet à «une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l’accès aux documents de la protection des renseignements personnels» de demander à la Commission d’accès à l’information de réviser cette décision. [30] Pour sa part, l’article 48 de la Loi sur l’accès impose au responsable de l’accès l’obligation d’indiquer au requérant le nom de l’organisme compétent, lorsque les circonstances l’exigent. « 48. Lorsqu’il est saisi d’une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d’un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l’article 47, indiquer au requérant le nom de l’organisme compétent et celui du responsable de l’accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l’article 45 ou par le deuxième alinéa de l’article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit.» [31] En pratique, lorsque le responsable de l’accès indique au requérant le nom de l’organisme qui serait, selon lui, compétent, il dispose de la demande d’accès qui lui a été présentée. L’accès est refusé pour ce motif. [32] Selon moi, le demandeur peut, conformément à l’article 135 de la Loi sur l’accès, s’adresser à la Commission d’accès à l’information pour demander la révision de la décision de l’organisme dont le résultat équivaut à un refus de communiquer le document demandé.
04 03 14 Page : 7 [33] Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de révision, la Commission d’accès à l’information doit déterminer si le responsable de l’accès est justifié de ne pas communiquer le document en indiquant au requérant le nom de l’organisme public compétent. [34] Eu égard à la formulation de l’article 48 de la Loi sur l’accès, l’organisme a-t-il adéquatement considéré que la demande d’accès relève davantage de la compétence d’un autre organisme public? [35] Il s’agit donc de déterminer si, en février 2004, le responsable de l’accès de l’organisme était justifié de référer le demandeur au Secrétariat du Conseil du trésor concernant les études de différentes hypothèses de bonification des rentes de retraite et de refuser l’accès pour ce motif. [36] Le dernier alinéa de l’article 137 de la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics prévoit que l’organisme peut notamment : «…réaliser toute étude qui lui est demandée conjointement…». « 137. … La Commission ne peut réaliser, dans le cas du régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, du régime de retraite des enseignants, du régime de retraite des fonctionnaires, du régime de retraite du personnel d’encadrement, des régimes établis en vertu des articles 9, 10 et 10.0.1 de la présente loi et du régime de retraite de certains enseignants, que les études concernant leur administration. Toutefois, elle peut réaliser toute étude qui lui est demandée conjointement par les parties négociant les conditions de travail des employés visés par ces régimes ou par les associations représentant les employés visés par le régime de retraite du personnel d’encadrement et le gouvernement.» [37] Le document du 31 octobre 2003 intitulé «Estimation de coûts de différents scénarios de modifications pour le RREGOP» m’a été produit à titre confidentiel par le procureur de l’organisme. L’annexe 1 de ce document confirme qu’un mandat a été confié à l’organisme, conjointement par le Secrétariat du Conseil du trésor et l’intersyndical (C.S.N., C.S.Q., F.T.Q., S.F.P.Q. et F.I.I.Q.). [38] De plus, la preuve soumise par l’organisme démontre que les estimations de coûts doivent être utilisées par les parties négociantes, notamment, le Secrétariat du Conseil du trésor.
04 03 14 Page : 8 [39] De plus, les parties négociantes sont susceptibles d’invoquer des restrictions à l’accès qui leur sont propres, notamment, en vertu de l’article 27 de la Loi sur l’accès. [40] Dans ces circonstances, j’en viens à la conclusion que le responsable de l’accès de l’organisme était justifié de référer le demandeur au Secrétariat du Conseil du trésor, conformément à l’article 48 de la Loi. POUR CES MOTIFS, la Commission : REJETTE la demande de révision. M e Jacques Saint-Laurent Président M e Jean Maranda Avocat de l’organisme
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