Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 02 17 93 Date : 20040220 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. La Maison grise de Montréal Entreprise DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE D'EXAMEN DE MÉSENTENTE SUR L’ACCÈS [1] Le 22 octobre 2002, la demanderesse requiert de l’entreprise une copie de son dossier et de tous documents qui la concernent. [2] Le 7 novembre suivant, M me Suzanne Ducharme, directrice générale, lui refuse temporairement l’accès audit dossier, et l’invite à désigner un professionnel de la santé de son choix qui recevrait la communication des renseignements médicaux que contient ce dossier, et ce, en conformité avec l’article 37 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi sur le secteur privé »). De plus, l’entreprise lui refuse l’accès à d’autres renseignements qui risquent d’avoir un effet sur des procédures judiciaires au sens de l’article 39 de ladite loi. [3] Insatisfaite, la demanderesse formule, le 15 novembre suivant, à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande pour que 1 L.R.Q., c. P-39.1.
02 17 93 Page : 2 soit examinée cette mésentente qui vise uniquement le second point de la réponse de l’entreprise en ce que 2. Votre dossier contient également des renseignements, autres que de nature médicale, dont la divulgation de ceux-ci risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur des procédures judiciaires dans lesquelles nous avons intérêt. […] L’AUDIENCE [4] L’audience de cette cause a eu lieu à Montréal, le 20 janvier 2004, en présence de la demanderesse et du témoin de l’entreprise. [5] M e Martin Vaillancourt, qui représente l’entreprise, informe la soussignée que sa cliente consent à remettre à la demanderesse copie des documents contenus à son dossier, lesquels faisaient l’objet du litige. Il signale que ces documents ont déjà été remis à la demanderesse, dans le cadre de litiges l’opposant à la demanderesse devant la Régie du logement et la Cour du Québec. Ces procédures judiciaires ont abouti à un règlement hors cour qui fut entériné par cette Cour. LA PREUVE A) M me ANDRÉE CHAMPAGNE, POUR L’ENTREPRISE [6] M me Champagne déclare sous serment que l’entreprise est une maison d’hébergement où résident onze femmes qui, pour la plupart, éprouvent des problèmes divers tels la pénurie de logement, l’itinérance, la toxicomanie, des troubles de la personnalité, etc. La mission principale de l’entreprise consiste à aider les femmes à retrouver leur autonomie. M me Champagne y travaille depuis près de douze ans et occupe le poste de superviseure clinique et de coordonnatrice des admissions. Elle relève de la directrice générale qui, elle, relève du conseil d’administration. [7] Elle précise que la demanderesse était résidente chez l’entreprise pour une période comprise entre 2001 et le mois de juin 2003. Par leurs fonctions, les intervenants sont tenus à rencontrer les résidentes, y compris la demanderesse, et de colliger dans « les cahiers de suivi » tous renseignements, interventions qui les concernent. L’entreprise possède deux cahiers de suivi pour chaque résidente. Ceux-ci ne sont pas conservés dans le dossier de celle-ci mais plutôt dans un classeur assigné à cette fin. [8] M me Champagne explique, qu’à la demande de la directrice générale, elle a effectué des recherches afin de trouver les deux cahiers de suivi en question, pour
02 17 93 Page : 3 en remettre une copie à la demanderesse, mais sans succès. Elle s’est alors adressée à des employées de l’entreprise qui ont effectué des recherches complémentaires, également en vain. [9] Elle signale que l’entreprise a dû procéder à des rénovations qui ont impliqué une relocalisation des dossiers dont elle a la charge. Elle ignore ce qui est alors advenu de ces cahiers. [10] La soussignée vérifie auprès de M me Champagne les démarches qu’elle aurait entreprises afin de retrouver lesdits documents. Celle-ci estime que, malgré ces recherches dont elle fournit des exemples, l’entreprise n’arrive pas à retracer lesdits documents. Elle mentionne, à titre d’exemple, qu’un autre dossier qu’elle identifie et qui n’a aucun lien avec la présente cause, demeure également introuvable chez l’entreprise. [11] Par ailleurs, quant à l’accès intégral au dossier de la demanderesse, M me Champagne remet à l’audience copie de ce dernier, à l’exception des deux cahiers de suivi manquants. [12] L’avocat intervient pour préciser que des pièces mentionnées lors des procédures judiciaires devant la Cour du Québec ont déjà été signifiées à la demanderesse, elle les a donc en sa possession. Il revient à celle-ci de déterminer si elle désire les remettre à son médecin; le consentement que recherchait l’entreprise pour pouvoir le faire est maintenant sans objet. B) DÉPOSITION DE LA DEMANDERESSE [13] La demanderesse, qui témoigne sous serment, signale qu’elle met en doute la déposition de M me Champagne eu égard à son impossibilité à retrouver les « deux cahiers de suivi »; elle s’étonne d’être la seule résidente chez l’entreprise à être confrontée à une telle situation. [14] De plus, elle affirme que lorsqu’elle a reçu la réponse de l’entreprise datée du 7 novembre 2002, elle a communiqué par écrit avec un médecin qu’elle identifie (pièce D-1) pour l’autoriser à avoir accès aux documents qui étaient en litige, mais que l’entreprise ne lui a pas communiqué lesdits documents. [15] La demanderesse trouve inacceptable que l’entreprise n’ait pas donné suite dans un délai raisonnable à sa demande; celle-ci ayant attendu le jour de l’audience pour lui remettre les documents.
02 17 93 Page : 4 LA RÉOUVERTURE DE L’AUDIENCE [16] Cependant, le lendemain de l’audience, à savoir le 21 janvier 2004, la demanderesse communique à la soussignée une lettre indiquant notamment que les documents transmis par l’organisme sont incomplets; elle identifie comme suit les documents manquants : • Demande auprès de Habitation Pelletier; • Demande auprès de Mouvement contre le viol et l’inceste; • Demande auprès de la Maison Marguerite suivi Post-hébergement; • Demande à la Maison Marguerite pour le bilan de séjour; • Demande adressée auprès de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. [17] La soussignée a convoqué les parties à une réouverture de l’audience qui se tiendra par lien téléphonique; ce qui fut fait le 20 février suivant. A) DÉPOSITION ADDITIONNELLE DE M ME ANDRÉE CHAMPAGNE [18] M me Champagne, pour l’entreprise, qui témoigne sous serment, déclare que la demanderesse a en sa possession une copie de chacune des demandes ci-dessus mentionnées. [19] En ce qui concerne le dossier médical de celle-ci qui se trouverait aux archives de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, M me Champagne précise que l’entreprise ne l’a pas requis auprès de ce centre hospitalier; elle ne détient donc pas ce dossier médical. B) DÉPOSITION ADDITIONNELLE DE LA DEMANDERESSE [20] La demanderesse affirme, sous serment, que l’entreprise lui a communiqué les demandes telles qu’elles sont ci-dessus décrites, et non leur contenu. C) ARGUMENTS ADDITIONNELS DE L’AVOCAT DE L’ENTREPRISE [21] M e Vaillancourt plaide que cette preuve additionnelle a démontré que l’entreprise ne détient pas les documents auxquels réfère la demanderesse dans sa lettre datée du 21 janvier 2004. Il indique que, pour avoir accès à ces documents, la demanderesse n’a qu’à formuler auprès des entreprises citées précédemment et au centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont, une demande d’accès.
02 17 93 Page : 5 LA DÉCISION [22] L’article 1 de la Loi sur le secteur privé, à son deuxième alinéa, prévoit notamment que cette loi s’applique aux renseignements personnels quelque soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles : écrite, graphique, etc. 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. […] [23] La demanderesse, pour sa part, a formulé sa demande d’examen de mésentente selon les termes des articles 42 et 44 de la Loi sur le secteur privé, lesquels stipulent que : 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25. 44. La partie qui désire soumettre une mésentente à la Commission pour examen doit formuler sa demande par écrit et payer les frais exigibles prévus par règlement. La demande expose brièvement les raisons justifiant l'examen de la mésentente par la Commission. Avis de la demande faite par une partie est donné par la Commission à l'autre partie. [24] De plus, la déposition de M me Champagne permet d’établir qu’elle-même ainsi que d’autres personnes travaillant pour l’entreprise ont effectivement fait des recherches afin de retrouver les deux cahiers de suivi manquants pour pouvoir les remettre à la demanderesse, mais sans succès. [25] Les motifs fournis par l’entreprise, à l’audience, pour en arriver à cette conclusion permet de déduire qu’il y a eu un manquement de la part de celle-ci en
02 17 93 Page : 6 n’adoptant pas les moyens nécessaires pour conserver, dans un endroit sécuritaire, les cahiers de suivi que désire obtenir la demanderesse, particulièrement après avoir reçu sa demande d’accès qu’elle lui avait adressée le 22 octobre 2002. [26] Cependant, force est de constater que, selon la preuve obtenue, les deux cahiers de suivi, constitués au nom de la demanderesse, ont été soit détruits soit égarés par l’entreprise. Celle-ci ne détient donc plus, aux termes de l’article 1 de la Loi sur le secteur privé, les documents recherchés par la demanderesse. [27] Par ailleurs, en ce qui concerne la preuve obtenue lors de la réouverture de l’audience tenue, par lien téléphonique, le 20 février 2004, la déposition de M me Champagne a clairement indiqué que l’entreprise ne détient pas les documents relatifs aux demandes qui ont été formulées auprès des quatre autres entreprises citées précédemment et auprès du centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont. [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande d’examen de mésentente de la demanderesse contre la Maison grise de Montréal; PREND ACTE que l’entreprise lui a transmis à l’audience copie des documents qu’elle détenait; CONSTATE que l’entreprise ne détient pas les autres documents recherchés par la demanderesse lors de la réouverture de l’audience; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse contre la Maison grise de Montréal; FERME le présent dossier n o 02 17 93. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 20 février 2004 M e Martin Vaillancourt Procureur de La Maison grise de Montréal
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