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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 11 33 Date : Le 10 janvier 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. HÔPITAL SAINTE-JUSTINE Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 25 mai 2004, le demandeur adresse une demande daccès au dossier de santé de son fils mineur auprès de M me Martine Dubé, directeur adjoint et responsable de laccès aux documents de lHôpital Sainte-Justine lOrganisme »). [2] Le 11 juin 2004, lOrganisme refuse au demandeur laccès au dossier de santé de son fils, invoquant, au soutien de son refus, larticle 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 (la « L.s.s.s.s. »). 1 L.R.Q., c. S-4.2.
04 11 33 Page : 2 [3] Le 30 juin 2004, le demandeur sollicite lintervention de la Commission d'accès à l'information la Commission »), afin que soit révisée cette décision de lOrganisme. LAUDIENCE [4] Après avoir été reportée, laudience de la présente cause se tient le 17 octobre 2005, à Montréal. LOrganisme est représenté par M e Anne de Ravinel. LA PREUVE A) DE LORGANISME [5] M e De Ravinel fait témoigner M me Dubé. Celle-ci dépose dans un premier temps un formulaire d’« autorisation de communiquer des renseignements contenus au dossier » (pièce O-1) rempli par le demandeur le 13 février 2004. Ce dernier cherche à consulter le dossier de santé de son fils décédé le 22 septembre 2003. Saisi de cette demande, lOrganisme écrit au demandeur, le 16 février 2004 (pièce O-2), lui refusant laccès et invoquant larticle 23 de la L.s.s.s.s. LOrganisme réfère au surplus le demandeur au Bureau du coroner quant à la connaissance de la cause du décès de son enfant. [6] M me Dubé témoigne avoir proposé au demandeur, lors dune conversation téléphonique ultérieure, une rencontre avec les personnes ayant entouré lenfant à son arrivée à lhôpital. Le 22 mars 2004, il répond à cette invitation (pièce O-3). Il indique quil accepte la proposition de tenir une telle rencontre et identifie les intervenants dont il souhaite la présence. Le demandeur précise avoir toujours accompagné son fils, mais navoir pu être présent à son arrivée à lhôpital et ne s'être présenté à son chevet que quelques minutes avant son décès. [7] M me Dubé dépose (pièce O-4 en liasse) des courriels du D r Jean Charest portant sur une rencontre prévue le 11 mai 2004 avec le demandeur et identifiant les personnes convoquées. Selon M me Dubé, cette rencontre devait porter notamment sur la cause du décès et lévolution des circonstances ayant entouré la mort de lenfant. M me Dubé ajoute que des renseignements confidentiels concernant des tiers ne peuvent pas être communiqués au demandeur. [8] M me Dubé explique que, le 25 mai 2004, le demandeur dépose une demande daccès au dossier de santé de son fils (pièce O-5). Elle souligne que le
04 11 33 Page : 3 demandeur y indique, notamment, son intention décrire une biographie relatant la vie de son enfant. [9] M me Dubé indique que, le 11 juin 2004, lOrganisme refuse au demandeur laccès au dossier de santé de son fils (pièce O-6) et précise ne bénéficier daucune discrétion pour acquiescer à sa demande. Elle témoigne quen cas de décès, le 1 er alinéa de larticle 23 de la L.s.s.s.s. doit trouver application. Elle précise que si le demandeur avait annoncé le besoin dobtenir le dossier afin, par exemple, dentreprendre une poursuite contre lOrganisme ou pour exercer un droit relatif à un régime dassurance-vie, la réponse aurait pu être différente. [10] M me Dubé témoigne quavant de rencontrer le demandeur, elle avait contacté le D r Paul Dionne, coroner, qui la encouragé à le faire. Elle signale que le demandeur connaissait le diagnostic de la maladie de son enfant. Ce dernier avait été hospitalisé à 58 reprises. [11] M me Dubé précise que, le 10 août 2004, la Commission écrit à lOrganisme (pièce O-7). Cette lettre fait suite à la demande de révision du 30 juin 2004 de la décision de lOrganisme du 11 juin précédent présentée par le demandeur et dont une copie y est jointe. [12] M me Dubé produit à l'audience un affidavit daté du 14 octobre 2005 signé par M me Amélie Gaboury-Choquette, archiviste médicale auprès de lOrganisme (pièce O-8 en liasse), auquel est joint un document signé de M me Gaboury-Choquette. Ce document indique que le dossier de santé en cause comporte 20 tomes de documents pour un total estimé de 10 740 pages. Ce document fait état du temps requis pour la lecture du dossier et sa reproduction. Il y est également fait mention du coût estimé de reproduction du dossier. B) DU DEMANDEUR [13] Le demandeur affirme quil souhaite avoir accès au dossier de santé de son enfant, car il veut savoir ce qui sest passé dans les derniers moments de sa vie, à la suite de son arrivée à lUrgence de lOrganisme. Il a toujours pris soin de son enfant et ajoute quavant le décès de celui-ci, il a toujours eu accès à son dossier de santé et exerçait une garde partagée avec sa mère. Il ne comprend pas pourquoi lOrganisme lui refuse maintenant laccès à ce dossier, dautant plus quil continue dexercer lautorité parentale à légard de son enfant, même après son décès. [14] Selon le demandeur, lOrganisme aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire et lui donner accès au dossier de santé de son enfant mineur. Il
04 11 33 Page : 4 souligne que celui-ci avait un handicap physique et non intellectuel. Précisant quil est journaliste et écrivain, le demandeur indique que rien dans la L.s.s.s.s. ne lui interdit laccès au dossier de santé de son enfant décédé. Les renseignements confidentiels quil contient devraient lui être accessibles, ce qui lui permettrait décrire une biographie à son égard. Ces renseignements sont dintérêt public. De plus, peu de temps avant son décès, une entrevue avait été enregistrée avec son fils par caméra vidéo chez lOrganisme. Avec son consentement, cette entrevue a été visionnée par les participants lors dun congrès de soins palliatifs organisé par lOrganisme. LES ARGUMENTS [15] M e De Ravinel résume les témoignages du demandeur et de M me Dubé. Elle fait remarquer que lOrganisme a répondu aux questions et préoccupations du demandeur dont le défunt fils souffrait dune maladie dégénérative. Celui-ci a été hospitalisé à 58 reprises. Dans des circonstances comme le cas sous étude, lOrganisme tente daider les parents des enfants décédés à faire leur deuil. [16] Par ailleurs, M e De Ravinel argue quun professionnel de la santé nest pas un tiers au sens de larticle 18 de la L.s.s.s.s. Elle ajoute cependant que les notes inscrites par des infirmières et infirmiers et des médecins au dossier de santé de lenfant mineur du demandeur contiennent beaucoup de renseignements nominatifs concernant des tiers. Ces derniers lui sont inaccessibles : 18. Un usager n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement le concernant et contenu dans son dossier qui a été fourni à son sujet par un tiers et dont l'information de l'existence ou la communication permettrait d'identifier le tiers, à moins que ce dernier n'ait consenti par écrit à ce que ce renseignement et sa provenance soient révélés à l'usager. Le premier alinéa ne s'applique pas lorsque le renseignement a été fourni par un professionnel de la santé ou des services sociaux ou par un employé d'un établissement dans l'exercice de leurs fonctions. Aux fins du présent alinéa, un stagiaire, y compris un résident en médecine, est assimilé à un professionnel de la santé ou des services sociaux. [17] De plus, M e De Ravinel fait valoir que le principe de base établi par le législateur est que le dossier de santé dun usager, incluant celui de lenfant mineur du demandeur, est confidentiel selon les termes de larticle 19 de la L.s.s.s.s., tel quénoncé, notamment, dans laffaire St-Cyr c. Centre hospitalier
04 11 33 Page : 5 Malartic 2 . Elle précise toutefois que des exceptions à la règle de confidentialité sont prévues à larticle 23 de cette loi. Ces dernières doivent être interprétées de façon restrictive. [18] Selon M e De Ravinel, le témoignage de M me Dubé a également établi que lOrganisme a fait connaître au demandeur les causes du décès de son fils mineur. Lobligation impartie à lOrganisme au 2 e alinéa de larticle 23 de la L.s.s.s.s. est donc satisfaite. En outre, selon la preuve établie, le demandeur connaissait déjà de quelle maladie souffrait son fils mineur, cette information lui ayant été communiquée. Lobligation du 3 e alinéa de larticle 23 est également satisfaite par lOrganisme. [19] Par ailleurs, relativement à un éventuel pouvoir discrétionnaire de la responsable de laccès de lOrganisme à acquiescer à la demande, M e De Ravinel fait valoir que la L.s.s.s.s. noffre pas une telle discrétion. Elle réfère aux décisions B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 3 et Grignet c. Hôpital Saint-Charles-Borromée 4 . À cette dernière décision, la Commission fait notamment remarquer que : […] Le législateur a énoncé des règles extrêmement sévères quant à la communication du dossier hospitalier dune personne décédée. Ces règles sont incontournables et il mest impossible dy passer outre même si, comme le prétend le demandeur, les circonstances particulières de la présente affaire justifieraient la communication complète du dossier demandé. [20] Quant à largument du demandeur voulant quil souhaite écrire une biographie relativement à certains aspects de la vie de son fils, M e De Ravinel fait valoir que, conformément, entre autres, à laffaire X. c. Centre hospitalier universitaire de Québec 5 , la Commission a déjà décidé que cet argument ne peut pas être pris en considération pour donner à un demandeur laccès au dossier de santé dun usager. DÉCISION [21] Le législateur a établi, à larticle 19 de la L.s.s.s.s., un principe de base voulant que le dossier dun usager soit confidentiel, peu importe que celui-ci soit 2 C.A.I. Montréal, n o 99 07 67, 16 décembre 1999, c. Comeau. 3 C.A.I. Montréal, n o 92 09 06, 9 février 1993, c. Miller. 4 C.A.I. Québec, n o 95 02 11, 14 août 1996, c. Boissinot. 5 C.A.I. Québec, n o 00 07 34, 25 février 2001, c. Grenier.
04 11 33 Page : 6 une personne mineure ou majeure. Nul ne peut y avoir accès, à moins de remplir les conditions énoncées à larticle 23 de cette loi. Cet article doit être interprété de façon restrictive : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. [22] La preuve non contredite démontre que le demandeur est le père de lenfant mineur décédé et que lOrganisme lui a toujours donné accès à son dossier de santé jusquà son décès. Il est par ailleurs établi que lOrganisme a apporté sa collaboration au demandeur. Afin de pouvoir répondre à ses questions, une rencontre a été tenue entre ce dernier et des professionnels de la santé qui ont eu affaire avec son enfant, particulièrement à son arrivée à lUrgence de lOrganisme jusquà son décès.
04 11 33 Page : 7 [23] Néanmoins, malgré toute la sympathie ressentie à légard du demandeur à laudience, force est de constater que le législateur ne confère à lOrganisme aucun pouvoir discrétionnaire quant à la communication des renseignements médicaux contenus au dossier de santé dun usager, incluant celui de son fils mineur décédé. [24] La soussignée considère que les motifs invoqués par le demandeur pour y avoir accès, tels son souhait décrire une biographie et la continuation de lexercice de lautorité parentale après le décès de son enfant, ne répondent malheureusement pas aux critères législatifs donnant ouverture à la communication au dossier de santé de celui-ci au sens du 1 er alinéa de larticle 23 de la L.s.s.s.s. Tel que mentionné dans laffaire B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 6 , la Commission a notamment décidé que : Lorsquune personne décède, la règle de la confidentialité des renseignements personnels, reconnue à larticle 19 précité, ne séteint pour autant. Le droit à la protection des renseignements personnels perdure au-delà de la mort et seules les exceptions expressément énoncées dans la loi permettent dy déroger. […] [25] Par ailleurs, il est opportun de souligner que la L.s.s.s.s. trouve pleine application dans la présente cause, en vertu de larticle 28 de la L.s.s.s.s. qui prévoit que : 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [26] La soussignée estime quil incombait au demandeur de démontrer que les renseignements convoités au dossier de santé de son enfant mineur décédé lui étaient nécessaires à lexercice des droits conférés par le législateur dans la L.s.s.s.s., ce qu'il n'a malheureusement pas pu faire. [27] Considérant lapplication de la L.s.s.s.s. à la présente cause selon les termes de larticle 28, il nest pas opportun de statuer sur les renseignements contenus dans laffidavit de M me Gaboury-Choquette daté du 14 octobre 2005. 6 Précitée, note 3.
04 11 33 Page : 8 [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur contre lOrganisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Anne De Ravinel Procureure de lOrganisme
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