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Dossier : 03 01 84 Date : 20040212 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Ministère de la Sécurité publique Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demanderesse requiert, le 20 novembre 2002, de la Sûreté du Québec (la « S.Q. ») un exemplaire dune « cassette vidéo et audio » la concernant ainsi que le rapport écrit dun test polygraphique quelle aurait subi à lun de ses bureaux, au mois davril 1996, déposés dans un dossier détenu par celle-ci. [2] Le 10 janvier 2003, le ministère de la Sécurité publique (le « Ministère »), par lentremise de M. André Marois, responsable de laccès aux documents, indique à la demanderesse quil a reçu, le 16 décembre 2002, sa demande à laquelle il acquiesce en partie; il lui refuse toutefois l'accès à la cassette vidéo et audio invoquant à cet effet larticle 28 (3) de la Loi sur laccès aux documents des
03 01 84 Page : 2 organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [3] Insatisfaite, la demanderesse sollicite, le 27 janvier 2003, lintervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») afin de réviser cette décision. L'AUDIENCE [4] Laudience de cette cause se tient, le 9 octobre 2003, à Montréal, en présence des parties et de leurs témoins respectifs. LA PREUVE A) M. ANDRÉ MAROIS, POUR LE MINISTÈRE [5] M e Sophie Primeau, avocate du Ministère, fait témoigner sous serment, M. Marois. Celui-ci déclare être le responsable de laccès aux documents pour le Ministère. Il affirme avoir traité la présente demande quil a reçue à son bureau le 16 décembre 2002. [6] M. Marois précise que la cassette vidéo présente un test polygraphique effectué par lagent Donald Bourque, de la S.Q., à lun des bureaux de celle-ci, au cours duquel il pose une série de questions à la demanderesse relatives à divers sujets, incluant celui faisant lobjet du dossier auquel elle réfère dans sa demande. Il ajoute que cette cassette vidéo démontre une méthode denquête utilisée par la S.Q., laquelle se situe au niveau de linterrogatoire de la demanderesse, selon les termes de larticle 28 (3) de la Loi sur laccès. [7] Il affirme que le Ministère a acquiescé partiellement à la demande en fournissant à la demanderesse copie du rapport polygraphique (pièce O-1 en liasse). CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. MAROIS [8] En contre-interrogatoire mené par M e Annick Desjardins, avocate de la demanderesse, M. Marois réitère lessentiel de sa déposition. Il signale de plus que la communication des renseignements contenus à cette cassette vidéo risquerait de dévoiler une méthode denquête dont se sert la S.Q. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 01 84 Page : 3 B) DÉPOSITION DE M. LINO MAURIZIO, POUR LE MINISTÈRE [9] M. Lino Maurizio déclare sous serment quil est lieutenant chef de service à la S.Q. depuis quelques mois. Il détient un baccalauréat en criminologie et est membre de la Canadian Association of Police Polygraphists ainsi que de lAmerican Polygraph Association. Cette dernière regroupe des policiers polygraphistes du Canada et des États-Unis. En ce qui concerne lagent ayant procédé au test de la demanderesse, M. Bourque, M. Maurizio indique quil est retraité depuis plus de cinq ans. [10] Il fournit à tire dexemple, quaprès avoir examiné un dossier, il lui incombe de faire inviter une personne à subir un test polygraphique. Il explique que ce type de test est offert, par exemple, à des personnes accusées de crime majeur ou à des victimes. Dans le cas sous étude, la demanderesse a été invitée par la S.Q. à subir ce test qui démontre, entre autres, une technique dentrevue utilisée par ce corps policier. PREUVE EX PARTE [11] Une preuve ex parte est demandée par le Ministère, selon les termes de l'article 20 des Règles de preuve et de procédure 2 de la Commission, afin que M. Maurizio puisse expliquer de façon détaillée les éléments contenus à la cassette vidéo faisant lobjet du présent litige, à lexclusion de la demanderesse, de son avocate et des personnes présentes dans la salle daudience, la soussignée ayant préalablement pris soin de fournir les explications nécessaires. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. CONTINUATION DE L'AUDIENCE C) CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. MAURIZIO [12] M. Maurizio affirme que le Service de police de Boisbriand, initialement en charge du dossier, la transféré à la S.Q. Il affirme également que le test fait une chronologie de plusieurs éléments qui ne peuvent être disséqués; ils forment un tout. Il précise quil existe cinq policiers polygraphistes autorisés par la S.Q. qui couvrent lensemble du territoire québécois. Il en existe dautres notamment à Vancouver, en Ontario et aux États-Unis. À son avis, la même méthode est utilisée au Canada et aux États-Unis. 2 L.R.Q. [A-2.1-r. 2].
03 01 84 Page : 4 [13] Par ailleurs, pour parfaire leur connaissance en la matière, M. Maurizio souligne que les policiers polygraphistes participent à des congrès au cours desquels ils reçoivent une formation et de la documentation. Il précise cependant que certains détails techniques relatifs à ce sujet pouvant se trouver sur internet, ne proviennent pas de la S.Q. Il ajoute quun policier enquêteur responsable dun dossier de nature criminelle na pas accès à la cassette vidéo dun test polygraphique, comme dans le cas en lespèce, mais que cest plutôt le Substitut du procureur général qui procède à son visionnement et décide des suites à donner à un dossier. D) DÉPOSITION DE LA DEMANDERESSE [14] La demanderesse déclare, sous serment, quen 1996, elle travaillait à la section de la perception des taxes municipales à Boisbriand. Elle a été informée quune citoyenne laurait faussement accusée davoir « volé largent » comptant quelle lui aurait remis au bureau, en paiement de ses taxes municipales. Considérant quelle na jamais subtilisé ce montant dargent et que laccusation était non fondée, elle a accepté de subir un test polygraphique à linvitation de la S.Q. [15] Selon la demanderesse, quelques années plus tard, elle aurait eu « des crises dangoisse » qui auraient fait ressurgir laccusation de vol portée contre elle par cette citoyenne. Elle confirme que le Ministère lui a déjà fait parvenir copie du rapport polygraphique quelle a réussi. Elle considère cependant que le visionnement de cette cassette vidéo enregistrée par la S.Q, à lun de ses bureaux, lui est nécessaire afin de « faire un deuil bien mérité » de ces deux événements et dêtre en mesure de pouvoir mener une vie normale. Elle soumet en preuve (pièce D-1) un document émanant de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « CSST ») faisant état, entre autres, dun diagnostic relatif à son état de santé. E) M. JEAN-PIERRE HALLÉ, TÉMOIN EXPERT [16] M e Desjardins, avocate de la demanderesse, informe la soussignée quelle désire faire témoigner M. Jean-Pierre Hallé à titre de témoin expert. [17] Celui-ci décrit, sous serment, sa formation académique, en ce quil possède, entre autres, un baccalauréat spécialisé et une maîtrise en psychologie; il a commencé un doctorat et a rédigé des articles qui ont été publiés dans des revues spécialisées, telles le Scandinavian Journal of Behaviour Therapy et la Revue de modification du comportement. Il a de plus enseigné tant à luniversité que dans des centres hospitaliers.
03 01 84 Page : 5 [18] M. Hallé déclare être psychologue clinicien depuis 1976 et avoir accumulé plus de vingt mille heures/clinique depuis lannée 1982. Il déclare, entre autres, avoir témoigné dans soixante-dix causes devant les instances judiciaires et quasi-judiciaires. Il précise également quil est consultant externe auprès de la CSST, de lIndemnisation des victimes dactes criminels (l’« IVAC ») et de la Société de lassurance automobile du Québec (la « SAAQ »). [19] Après vérification auprès de lavocate du Ministère, la Commission déclare M. Hallé, témoin expert dans la présente cause. [20] M. Hallé indique que la demanderesse a été référée, à son bureau, par son médecin traitant et quil la rencontre depuis le mois de novembre 2002, pour une série de plusieurs sessions de psychothérapie. Il indique que la demanderesse a participé aux deux premières sessions, lesquelles se situent à une phase préparatoire. [21] Selon M. Hallé, « lévénement de 1996 provoque de fortes réactions, tels cauchemars, perte de sommeil » chez la demanderesse. Il décrit avec précision la situation dans laquelle elle se trouve et la nécessité pour celle-ci de pouvoir « retourner à lévénement et visionner la cassette vidéo à des fins thérapeutiques ». [22] En réponse à une question de lavocate du Ministère, M. Hallé déclare que le visionnement de la cassette vidéo fait partie intégrante de lévolution positive de la demanderesse; les explications que lui a fournies lagent policier en charge du déroulement du test polygraphique en 1996 sont insuffisantes. LES ARGUMENTS A) DE LORGANISME [23] M e Primeau plaide demblée que lagent de la S.Q. ayant procédé à linterrogatoire de la demanderesse sur la cassette vidéo est une personne chargée de détecter, prévenir et réprimer le crime ou les infractions à la loi, et ce, conformément au premier alinéa de larticle 28 de la Loi sur laccès. [24] Elle affirme que cette cassette, dune durée de trois heures et demie, contient des renseignements qui sapparentent à un interrogatoire et qui ne peuvent pas être divulgués à la demanderesse en vertu de larticle 28 (3) de la Loi sur laccès parce que leur divulgation risque davoir des incidences sur la sécurité publique et de révéler une méthode denquête. À son avis, il importe danalyser ce paragraphe objectivement pour refuser la communication de ce document, et ce,
03 01 84 Page : 6 tel que la statué la Commission dans les affaires Cloutier c. Ville de Lévis 3 et Waltzing c. Ministère de la Sécurité publique 4 . [25] Lavocate fait de plus ressortir que les renseignements contenus à cette cassette vidéo sont répartis en trois parties; elle réfère à la déposition de M. Maurizio qui a témoigné, lors de la preuve tenue ex parte et par huis clos, entre autres, sur : Le contenu des renseignements obtenus lors dune séance de polygraphie et son enregistrement sur une cassette vidéo, incluant celle faisant lobjet du présent litige; Le fonctionnement de cet appareil; La nécessité de garder confidentielles les informations qui sy trouvent. [26] Lavocate plaide de plus que les critères législatifs pour lapplication de larticle 28, à son premier alinéa et à son troisième paragraphe, sont rencontrés; la Commission ne devrait donc pas communiquer à la demanderesse les renseignements quelle recherche. B) DE LA DEMANDERESSE [27] Lavocate de la demanderesse, pour sa part, argue que le troisième paragraphe de larticle 28 de la Loi sur laccès est inapplicable dans la présente cause, en ce que la demanderesse connaît déjà tous les renseignements nominatifs se trouvant à la cassette vidéo, pour avoir été celle à qui les questions ont été posées par lagent de la S.Q. Ces renseignements, qui la concernent, ne révèlent rien quelle ne connaît déjà; ils devraient donc lui être accessibles au sens de larticle 83 de cette loi, et ce, en conformité à la décision de la Commission dans laffaire Boucher c. Communauté urbaine de Montréal 5 . [28] De plus, lavocate cite les commentaires des auteurs Desbiens et Poitras 6 , au sujet du terme « révéler », à savoir que : 3 [1987] C.A.I. 465. 4 [2001] C.A.I. 213. 5 [1993] C.A.I. 269. 6 Lina DESBIENS et Diane POITRAS, Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, textes annotés. Montréal, SOQUIJ, 1996, p. 173.
03 01 84 Page : 7 Lutilisation de ce terme démontre que la divulgation doit « apprendre » quelque chose. Ainsi, la divulgation de renseignements déjà connus du grand public ne révèle pas une source confidentielle dinformation. [29] Par ailleurs, lavocate invite la Commission à éviter de rendre une décision qui risquerait dêtre discriminatoire à légard de la demanderesse; elle considère que celle-ci possède des limitations fonctionnelles sur une base quotidienne et des difficultés à caractère psychologique (pièce D-1 précitée), ce qui constituerait un handicap, et ce, pour les motifs invoqués par la demanderesse et son témoin expert, M. Hallé. [30] À cet égard, lavocate plaide que le Ministère a une obligation daccommodement à légard de la demanderesse selon les termes des articles 15 de la Charte canadienne des droits et libertés 7 (la « Charte canadienne ») et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne 8 (la « Charte québécoise »). Charte canadienne 15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. (2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques. Charte québécoise 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap. 7 Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada [1982] R.-U. , c 11]. 8 L.R.Q., c. C-12.
03 01 84 Page : 8 Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. [31] À cet effet, lavocate réfère à une décision rendue par la Cour suprême du Canada dans laffaire Ville de Montréal et Communauté urbaine de Montréal c. Commission des droits de la personne, Ville de Boisbriand et al 9 , statuant notamment que la notion de : handicap peut résulter aussi bien dune limitation physique que dune affection, dune construction sociale, dune perception de limitation ou dune combinaison de tous ces facteurs. Cest leffet de lensemble de ces circonstances qui détermine si lindividu est ou non affecté dun « handicap » pour les fins de la Charte. [32] De plus, lavocate cite en exemple larrêt Grismer c. British Columbia Council of Human Rights 10 la Cour suprême a statué quune décision, bien quelle soit objective, était discriminatoire à lendroit du demandeur, lorganisme en question sétant abstenu daccommoder celui-ci eu égard à lhandicap auquel il était confronté (handicap de la vue). C) RÉPLIQUE DU MINISTÈRE [33] M e Primeau réplique que la demanderesse a subi un test polygraphique sous la direction dun agent de la S.Q., lequel test est enregistré sur une cassette vidéo. Les renseignements qui sy trouvent ne peuvent pas être dévoilés, au risque de révéler une méthode denquête. Lavocate estime que le Ministère a refusé à la demanderesse laccès au document recherché en application de la Loi sur laccès; il na donc pas agi de façon discriminatoire à lendroit de celle-ci au sens de la Charte, tel que le laisse croire lavocate de la demanderesse. [34] Par ailleurs, commentant la décision Boucher 11 précitée, lavocate réplique quune distinction mérite dêtre apportée. Dans cette affaire, le demandeur voulait obtenir copie dun rapport de filature dont il était lobjet, tandis que dans le cas sous étude, le Ministère a déjà communiqué à la demanderesse copie du rapport polygraphique, mais celle-ci voudrait obtenir copie de la cassette vidéo. LA DÉCISION [35] La demanderesse a formulé sa demande en vertu de larticle 1 de la Loi sur laccès qui lui permet davoir accès à des documents détenus par un organisme 9 [2000] 1 R.C.S. 665, par. 78. 10 [1999] 3 R.C.S. 868. 11 Précitée, note 5.
03 01 84 Page : 9 dans lexercice de ses fonctions, quelque soit leur forme. Les auteurs Duplessis Hétu 12 décrivent à cet effet quatre critères devant être respectés pour voir à lapplication de cet article : Le renseignement recherché doit se retrouver dans un document; Ce document est détenu physiquement ou juridiquement par un organisme; Ce même document est détenu par un organisme; Ce document est détenu par cet organisme dans lexercice de ses fonctions. [36] Référant à la décision Bleau c. Municipalité de St-Jean-de-Matha, ces auteurs indiquent 13 notamment que : La Loi sur laccès a pour objet de forcer lorganisme à donner accès aux documents quil détient et dans la mesure la demande permet didentifier un document particulier, cest à ce document particulier que lorganisme doit donner accès. [37] Dans le cas présent, le document visé par la demanderesse est une cassette vidéo montrant clairement toutes les étapes du déroulement dun test polygraphique quelle a subi, sous la direction de lagent Bourque, polygraphiste à la S.Q. Ce document contient des renseignements nominatifs qui la concernent et il est détenu par cet organisme dans lexercice de ses fonctions; elle a donc le droit, entre autres, de recevoir communication des renseignements contenus à ce document selon les termes de larticle 83 de ladite loi, sous réserve des restrictions législatives. [38] La preuve a démontré : Quà lépoque la demanderesse travaillait au service de perception des taxes de la municipalité de Boisbriand, une citoyenne aurait prétendu que cette dernière sétait appropriée largent comptant avec lequel elle aurait payé ses taxes municipales; Le Service de police de Boisbriand, initialement en charge de ce dossier, avait transféré celui-ci à la S.Q. 12 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, Laccès à linformation et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, Publications CCH ltée, 2003, folio 13 001. 13 [1984-86] 1 C.A.I. 1 mentionné dans Ibidem, vol. 2, folio 10 404.
03 01 84 Page : 10 La demanderesse a alors été invitée par la S.Q. à subir un test polygraphique ce quelle a accepté de faire volontiers; Le 10 avril 1996, elle a rencontré lagent Bourque, polygraphiste à la S.Q., à lun des bureaux de celle-ci, qui a procédé à lenregistrement dudit test; Le rapport polygraphique démontre que la demanderesse ne sétait pas appropriée le montant dargent en question (pièce O-1 en liasse); Malgré ce résultat, elle a déclaré, sous serment, être confrontée à des difficultés, entre autres, de nature psychologique, liées à cet événement; ce qui a été confirmé et détaillé par M. Hallé, témoin expert dans la présente cause. Un document émanant de la CSST corrobore également ce diagnostic (pièce D-1); La demanderesse affirme que lagent de la S.Q. lui a fourni toutes les informations concernant le test polygraphique, à savoir le déroulement du test, les questions qui lui seraient posées, etc. Elle indique néanmoins que le visionnement de la cassette vidéo lui est nécessaire afin de pouvoir « faire un deuil » sur cette fausse accusation qui a été portée contre elle; M. Hallé, témoin expert, a rencontré la demanderesse à deux reprises dans le cadre dune série de plusieurs sessions en psychothérapie; il considère que le visionnement de cette cassette vidéo est nécessaire à des fins thérapeutiques pour la demanderesse, afin de pouvoir « retourner à cet événement »; Le Ministère refuse de fournir à la demanderesse ladite cassette vidéo, précisant que celle-ci, particulièrement, contient des renseignements qui, sils sont dévoilés, risquent de révéler une méthode denquête dont se servent les agents de la S.Q. qui sont chargés de détecter, prévenir ou réprimer le crime ou les infractions à une loi, suivant les dispositions législatives prévues au premier alinéa de larticle 28 et à son troisième paragraphe. [39] La soussignée a examiné la preuve recueillie dans la présente cause et a procédé au visionnement de la cassette dune durée de plus de quatre heures. Lexamen de cette cassette vidéo démontre clairement des renseignements nominatifs que détient la S.Q. sur la demanderesse ainsi que ceux quelle lui a fournis. Le visionnement fait ressortir, entre autres, les éléments suivants :
03 01 84 Page : 11 La demanderesse a rencontré lagent Bourque, polygraphiste, dans lun des bureaux de la S.Q. afin dy subir un test polygraphique; Avant de débuter le test, lagent Bourque a pris le soin nécessaire dinformer la demanderesse du respect de ses droits fondamentaux au sens de la Charte et quelle nétait pas obligée de subir ledit test auquel elle pouvait mettre un terme à tout moment. Lagent sest assuré à chaque instant que la demanderesse comprenait le sens de chaque vérification ou intervention quil a effectuée auprès delle, et son droit à lassistance dun avocat; Lagent explique de façon exhaustive les circonstances dans lesquelles la S.Q. invite une personne à subir ce type de test et également dans quelles circonstances les renseignements recueillis peuvent ou non être utilisés devant une cour de justice; Lagent a clairement expliqué à la demanderesse en quoi consiste un test polygraphique et le résultat recherché, cest-à-dire quelle dise la vérité; La demanderesse, à son tour, pose des questions à lagent afin de vérifier sa compréhension sur un ou des sujets en particulier déjà cités; Lagent linforme quà la fin de ce test, il sera en mesure de lui faire connaître le résultat, à savoir si elle a réussi ou échoué ce test; À la fin de ce test et après vérification des réponses de la demanderesse, lagent avise celle-ci quelle a réussi son test polygraphique qui démontre clairement quelle ne sétait pas appropriée du montant pour lequel elle est faussement accusée par une citoyenne, tel quil est indiqué à la pièce O-1 précitée; Lagent informe de plus la demanderesse quil avisera ses superviseurs du résultat de ce test. [40] Le visionnement de la cassette vidéo a permis à la soussignée de constater que celle-ci ne contient aucun renseignement qui justifierait lapplication de larticle 28 (3). La demanderesse connaît lensemble des renseignements nominatifs puisque cest elle qui répondait aux questions de lagent et qui fournissait des renseignements nominatifs additionnels la concernant directement.
03 01 84 Page : 12 [41] Le visionnement de cette cassette ne démontre aucunement que fournir à la demanderesse une copie de la cassette risquerait de révéler une méthode denquête utilisée par les agents de la S.Q. Le Ministère na pas démontré que la demanderesse ne connaissait pas déjà les renseignements personnels qui la concernent, lesquels ont été enregistrés par lagent Bourque, et ce, pour les motifs déjà énoncés. [42] Par ailleurs, comme lindiquent les auteurs Doray et Charette 14 : Pour lessentiel, larticle 28, alinéa 1, paragraphe 3 e cherche à protéger les stratégies policières et les moyens utilisés par les policiers pour prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. Ainsi, les techniques utilisées pour obtenir la preuve, les moyens par lesquels on effectue le filtrage des plaintes, ou les sources confidentielles dinformation, sont usuellement protégés par ce paragraphe; par contre, il sera nécessaire que les renseignements pour lesquels ce paragraphe est invoqué révèlent une information qui nétait pas connue auparavant. [43] De ce qui précède, la soussignée considère que le Ministère devra communiquer à la demanderesse une copie de la cassette vidéo, conformément à la décision rendue dans laffaire Boucher 15 précitée par laquelle la Commission a statué notamment en ces termes : Or, la preuve me convainc que la divulgation ne serait pas susceptible de révéler une méthode denquête puisque cette dernière est connue de M. Boucher il sagit dune filature- et que la manière dont la surveillance fut effectuée ne semble pas être ignorée par M. Boucher. De surcroît, la substance des renseignements contenus dans les rapports de filature concerne les allées et venues de M. Boucher, ce quil ne saurait ignorer ni lui révéler quoi que ce soit quil ne connaît déjà. [44] Par ailleurs, la Commission considère quil ny a pas lieu de traiter les arguments ou répliques des avocates des parties relatifs à un acte discriminatoire que le Ministère aurait pu commettre à légard de la demanderesse au sens des Chartes en lui refusant laccès au document convoité. 14 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à linformation. Loi annotée, Éditions Yvon Blais, 2002, II/28-18. 15 Précitée, note 5.
03 01 84 Page : 13 [45] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande de révision de la demanderesse contre Ie ministère de la Sécurité publique; ORDONNE au Ministère de communiquer, dans son intégralité, à la demanderesse copie de la cassette vidéo la concernant, dont lenregistrement fut effectué par la Sûreté du Québec et dont le résultat date du 10 avril 1996; FERME le présent dossier n o 03 01 84. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 12 février 2004 M e Annick Desjardins SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE Procureure de la demanderesse M e Sophie Primeau BERNARD ROY & ASSOCIÉS Procureurs du ministère de la Sécurité publique
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