Dossier : 03 08 77 Date : 20040204 Commissaire : M e Christiane Constant M. X Demandeur c. Ministère de la Justice Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur requiert, le 23 avril 2003, au ministère de la Justice (l’« organisme »), de lui donner copie intégrale d’un dossier le concernant, relatif à une plainte de nature criminelle qui aurait été portée contre lui. [2] Le 14 mai suivant, l’organisme, par l’entremise de M e Pierre Legendre, responsable de l’accès aux documents, lui fait parvenir certaines pièces de son dossier. Il explique que d’autres documents, détenus par le Bureau des substituts du procureur général, émanent du Service de police de la Ville de Mascouche (le « Service de police ») et du ministère de la Sécurité publique (le « MSP ») Il invite le demandeur à s’adresser à ces organismes au sens des articles 47 et 48 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [3] Pour d’autres documents, il invoque comme motif de refus les articles 28 (par. 1 à 9), 53, 54, 59, 88 et 14 de la Loi sur l’accès. Il indique également comme motif de refus les articles 9 et, 31 de ladite loi ainsi que l’article 9 de la Charte des 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 08 77 Page : 2 droits et libertés de la personne 2 (la « Charte ») car ils seraient protégés par le secret professionnel. [4] Insatisfait, le demandeur formule, le 22 mai 2003, une demande pour que soit révisée cette décision de l’organisme devant la Commission d'accès à l'information (la « Commission »). L'AUDIENCE [5] Une audience se tient à Montréal, le 2 février 2004, en présence des parties et du témoin de l’organisme qui est représenté par M e Anne Des Roches, du cabinet d’avocats BERNARD ROY & ASSOCIÉS. LA PREUVE A) M. PIERRE DION, POUR L’ORGANISME [6] Après avoir été assermenté, M. Pierre Dion déclare être l’un des responsables de l’accès aux documents pour l’organisme, au même titre que M e Pierre Legendre qui a répondu, le 14 mai 2003 à la demande d’accès du demandeur. Il produit la demande d’accès de celui-ci, un accusé de réception indiquant l’application du délai additionnel de dix jours pour le traitement de la demande, la réponse de l’organisme ainsi que la demande de révision (pièce O-1 en liasse). [7] Il dépose, dans leur intégralité et sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige, lesquels sont répartis en trois catégories qu’il identifie comme suit : • Des documents remis au demandeur; • Des documents faisant l’objet d’un renvoi à d’autres organismes; • Des documents non remis au demandeur et qui proviennent du ministère de la Justice. [8] M. Dion affirme que l’organisme a remis au demandeur, entre autres, des documents constitués notamment de la correspondance, incluant celle provenant de celui-ci, et des documents le concernant déposé au dossier de la Cour relatif à des procédures judiciaires que le demandeur a intentées contre sa compagnie d’assurances. 2 L.R.Q., c. C-12.
03 08 77 Page : 3 [9] Pour les documents provenant du Service de police et du MSP, M. Dion affirme que l’organisme refuse de les communiquer au demandeur et invite celui-ci à s’adresser au responsable respectif de ces deux organismes conformément aux articles 47 et 48 de la Loi sur l’accès, afin de formuler ses demandes d’accès. Précisions recherchées par le demandeur [10] M . Dion réitère auprès du demandeur les mêmes informations qu’il a fournies au cours de son témoignage initial. B) LA DÉPOSITION DU DEMANDEUR [11] Le demandeur, qui témoigne sous serment, déclare qu’un incendie est survenu à son domicile en 1996; une enquête policière a été tenue par M. Michel Thériault, du Service de police. À la suite de ce sinistre, il a réclamé auprès de la compagnie d’assurances Wellington, devenue par la suite, Les Assurances Bélanger Lajeunesse inc., avec laquelle il faisait affaires à ce moment, le montant indiqué à sa police d’assurances; cette réclamation lui a été refusée. [12] Il a donc intenté contre celle-ci (absente de l’audience) un recours de nature civile devant la Cour supérieure afin de pouvoir obtenir le montant en question. Il estime que l’agent enquêteur, M. Thériault, n’aurait pas effectué son enquête de manière adéquate; celui-ci ayant de plus témoigné contre lui lors d’un interrogatoire après défense tenue dans la cause devant la Cour supérieure. C) CONTRE-INTERROGATOIRE PAR L’ORGANISME [13] En contre-interrogatoire mené par M e Des Roches, le demandeur affirme que la Cour supérieure a rejeté sa cause portant le n o 500-05-024245-969 contre sa compagnie d’assurances; il en a appelé de cette décision devant la Cour d’appel qui a également rejeté son appel. Il affirme de plus s’être adressé à la Cour suprême du Canada qui a refusé d’entendre sa cause. [14] Le demandeur ajoute qu’il désire connaître la date de transmission du dossier d’enquête par M. Thériault au Bureau des substituts du procureur général chargé d’examiner s’il existe ou non matière à déposer contre lui une plainte de nature criminelle; il indique qu’il voulait savoir si, effectivement, une accusation de cet ordre serait ou aurait été portée contre lui. Sur ce dernier point, le demandeur lit le contenu d’une lettre datée du 11 mars 2003 que M e Claude Lachapelle, Substitut en chef adjoint du procureur général du Québec, lui a fait parvenir, laquelle, à son avis, contiendrait ce renseignement; il l’a de plus avisé qu’aucune accusation de nature criminelle n’a été portée contre lui.
03 08 77 Page : 4 [15] L’avocate informe le demandeur que l’organisme aurait même pu refuser de confirmer l’existence des documents et le réfère à cet effet au premier alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès, mais il ne l’a pas fait. [16] Le demandeur pour sa part souligne que, faisant suite à la réponse de l’organisme datée du 14 mai 2003, il a effectivement formulé une demande auprès du Service de police pour avoir accès aux documents recherchés; il en fera de même auprès du MSP. [17] À cette réponse, l’organisme s’est référé à divers articles de la Loi sur l’accès pour lui refuser l’accès à des documents. Répondant au désir du demandeur de connaître le libellé de ces articles, M e Des Roches, pour l’organisme, lui remet une copie intégrale de ladite loi. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [18] M e Des Roches rappelle la déposition de M. Dion, selon laquelle l’organisme ne peut pas fournir au demandeur copie des documents qui ont été produits par le Service de police et par le MSP; il n’a d’autre choix que de l’inviter à s’adresser, comme il l’a fait, à ces autres organismes, suivant ainsi les dispositions législatives prévues aux articles 47 et 48 de la Loi sur l’accès et à la décision Lévesque c. Commission scolaire Taillon 3 selon laquelle la Commission a décidé que Le demandeur devra donc adresser sa demande d’accès au responsable du ministère de l’Éducation au cas où ce dernier pourrait avoir des restrictions à l’accès à faire valoir. [19] L’avocate rappelle la déposition du demandeur affirmant qu’il a effectivement formulé une demande d’accès auprès du Service de police. [20] Par ailleurs, l’avocate argue que les documents provenant de l’organisme qui sont refusés au demandeur sont constitués de trois pages. Ces documents contiennent des faits bruts qui ont été transmis au substitut du procureur général, permettant à celui-ci d’examiner l’affaire et d’émettre une opinion légale eu égard à un sujet précis qui concerne le demandeur, à savoir s’il y a matière pouvant donner ouverture à une accusation de nature criminelle. 3 [1993] C.A.I. 142, 144.
03 08 77 Page : 5 [21] L’avocate argue de plus que ces documents sont confidentiels, protégés par le secret professionnel, selon les termes de l’article 31 de la Loi sur l’accès et de l’article 9 de la Charte; l’avocate cite à titre de référence la décision (Québec) Ministère de la Justice c. Broasca 4 . [22] Le demandeur, pour sa part, réitère sa demande initiale, tout en faisant référence au sinistre survenu à son domicile en 1996, duquel s’ensuivit une enquête par le Service de police et des procédures judiciaires contre sa compagnie d’assurances d’alors. LA DÉCISION [23] La Commission comprend que les « Documents remis au demandeur » et déposés à l’audience, sous pli confidentiel, ne sont pas en litige. Il reste à statuer, entre autres, sur ceux ci-après décrits : • Ceux faisant l’objet d’un renvoi à d’autres organismes (153 pages); • Ceux non remis au demandeur et qui proviennent du ministère de la Justice (six pages plutôt que trois). [24] En ce qui concerne cette première catégorie de documents, l’examen de ceux-ci par la soussignée permet de conclure qu’ils proviennent effectivement du Service de police ou pour son compte, dans le cadre d’une enquête tenue par celui-ci à la suite d’un incendie survenu au domicile du demandeur, le 14 janvier 1996. D’autres documents bien identifiés émanent du MSP. [25] En conséquence, le quatrième paragraphe de l’article 47 de la Loi sur l’accès prévoit, et ce, dans le délai prévu à ladite loi, que le responsable de l’accès de l’organisme à qui la demande est adressée (en l’occurrence le ministère de la Justice) doive informer le demandeur que les documents recherchés relèvent plutôt de la compétence d’un autre organisme (le Service de police et le MSP), et ce, tel qu’en a décidé la Commission dans l’affaire Lévesque 5 précitée. [26] De plus, la preuve non contredite a démontré que l’organisme a fourni au demandeur les coordonnées des responsables des deux organismes d’où émanent ces documents, et ce, selon les termes de l’article 48 de ladite loi. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : […] 4 [2002] C.A.I. 413 (C.Q.). 5 Précitée, note 3.
03 08 77 Page : 6 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; […] 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. [27] Par ailleurs, commentant les deux articles ci-dessus mentionnés, les auteurs Duplessis et Hétu 6 indiquent, entre autres, que : Le législateur a prévu, à l’article 47 de la Loi sur l’accès, un certain nombre d’obligations incombant au responsable de l’accès de l’organisme, dont, entre autres, celle d’informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d’un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte. L’article 48 complète l’article 47 en précisant de quelle manière le responsable doit exercer cette obligation. [28] Le demandeur a de plus témoigné qu’il a formulé une demande d’accès auprès du Service de police, et ce, suivant les renseignements qui lui ont été transmis par l’organisme dans sa réponse datée du 14 mai 2003 (pièce O-1 en liasse précitée). [29] Cependant, eu égard aux documents de six pages émanant de l’organisme, se trouvent deux lettres datées du 6 février 2003 que M e Lachapelle, substitut en chef adjoint du procureur général, a fait parvenir à un tiers, d’une part, et au demandeur, d’autre part. La soussignée constate toutefois que celle adressée à celui-ci ne fait pas partie intégrante de la série de documents que l’organisme lui a déjà adressée. 6 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, vol. 2, Publications CCH ltée, 2003, f. 146 404.
03 08 77 Page : 7 [30] La soussignée considère donc que le demandeur a le droit d’obtenir copie de cette lettre qui lui a déjà été adressée. Ce document détenu par l’organisme au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès le concerne; il a le droit d’y avoir accès au sens des deux premiers paragraphes de l’article 83 de ladite loi, et ce, tel que l’a statué la Commission à la décision X c. Commission scolaire du Lac-St-Jean 7 . [31] Par ailleurs, la soussignée note que l’organisme n’a pas soumis à l’audience d’arguments eu égard aux articles 9 (2), 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur l’accès. [32] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur contre le ministère de la Justice; PREND ACTE que l’organisme a déjà communiqué au demandeur des pièces de son dossier, lesquels sont constituées particulièrement de copies de lettres écrites par lui-même ainsi que de documents se trouvant au dossier de la Cour supérieure portant le n o 500-05-024245-969; ORDONNE au Ministère de transmettre au demandeur copie d’une lettre datée du 6 février 2003 que le Bureau des substituts du procureur général lui avait déjà fait parvenir, mais qui ne fait partie intégrante des « documents remis au demandeur »; REJETTE, quant au reste, la demande; FERME le présent dossier portant le n o 03 08 77. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 4 février 2004 M e Anne Des Roches BERNARD ROY & ASSOCIÉS Procureurs pour le ministère de la Justice 7 [2000] C.A.I. 263.
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