Dossier : 02 20 01 Date : 20040130 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Commission de la santé et de la sécurité du travail Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION [1] La demanderesse requiert de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « CSST »), le 11 octobre 2002, de retirer de son dossier « tout le contenu du dossier d’expertise médicale » ainsi que tout autre document y référant. Elle requiert également de cet organisme de n’en garder aucune copie, de n’en parler à qui que ce soit et de lui retourner lesdits documents. [2] L’organisme l’informe, le 25 novembre suivant, que la Direction régionale de l’Île-de-Montréal – 3, lui a communiqué sa demande d’accès le 21 novembre. Elle avise la demanderesse qu’en l’absence de réponse dans le délai légal de vingt jours, elle pourra exercer un recours en révision devant la Commission d'accès à l'information (la « Commission »). [3] Le 2 décembre 2002, la CSST requiert des précisions auprès de la demanderesse cherchant à confirmer si la demande « vise l’expertise du D r Lionel
02 20 01 Page : 2 Béliveau, du 31 octobre 2001, ou nous préciser quel autre document ou renseignement est visé par » sa demande de retrait. [4] Le 17 décembre 2002, la CSST, par l’entremise de M e Diane Poitras, responsable de l’accès aux documents, l’avise de son refus en invoquant que la rectification demandée ne répond pas aux conditions énoncées à l’article 89 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). [5] Le 22 décembre suivant, la demanderesse requiert de la Commission de réviser la décision rendue par l’organisme sur le retrait de ces documents de son dossier. L’AUDIENCE [6] L’audience est entendue à Montréal, le 20 novembre 2003, en présence de la demanderesse et des avocats des parties. LA PREUVE DE LA DEMANDERESSE [7] La demanderesse, qui témoigne sous serment, est représentée par M e Rénald Boudreau. Elle déclare que son dossier à la CSST contient trois expertises médicales émanant de trois médecins, à savoir le D r Jocelyn Aubert, le D r Lionel Béliveau et la D re Hélène Fortin. [8] Ayant cessé de travailler pour cause de maladie, elle affirme avoir voulu bénéficier de prestations d’assurance salaire. Le D r Béliveau, désigné par son employeur, l’Institut gériatrique de Montréal, aurait procédé à une expertise médicale; l’employeur lui ayant préalablement transmis un extrait de renseignements médicaux contenus dans un autre dossier, datant de 1995 et relatant des problèmes de santé mentale. [9] La demanderesse considère que compte tenu qu’elle n’avait pas autorisé son employeur à communiquer au médecin ce type de renseignements, celui-ci n’aurait pas dû en prendre connaissance ni en faire mention dans son rapport d’expertise. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 20 01 Page : 3 [10] La demanderesse souligne que le litige qui l’opposait à cet employeur est terminé et qu’une entente est intervenue entre les parties (pièce D-1); de ce fait, elle ne voit pas la nécessité pour la CSST de conserver les trois expertises médicales déposées à son dossier; elle veut s’assurer que personne ne soit en mesure d’utiliser les informations qui y sont mentionnées. LES ARGUMENTS A) M E MÉLANIE VINCENT, POUR LA CSST [11] M e Vincent précise ce qui suit : • La CSST ne détient pas d’expertise médicale portant la signature du D r Aubert concernant la demanderesse; • Il y a eu désaccord entre le médecin traitant de la demanderesse et le D r Béliveau au sujet du contenu et des conclusions du rapport d’expertise médicale de celui-ci; • L’employeur a contesté le rapport du médecin traitant de la demanderesse selon les termes de l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles 2 (la « L.a.t.m.p. »). [12] M e Vincent plaide que le D r Béliveau a été désigné par l’employeur de la demanderesse à l’époque, pour procéder à un examen médical de celle-ci, selon les dispositions législatives prévues à l’article 209 L.a.t.m.p. Le médecin a produit un rapport d’expertise. [13] Considérant le désaccord entre l’attestation ou le rapport du médecin traitant de la demanderesse et le rapport d’expertise du D r Béliveau, la D re Fortin, membre du Bureau d’évaluation médicale (le « BEM »), a été désignée par la CSST, conformément à l’article 216 L.a.t.m.p., pour trancher le litige médical en lui donnant un « Avis » au sens de l’article 221 L.a.t.m.p. [14] Elle argue que la CSST, étant liée par cet Avis, doit rendre sa décision en suivant son contenu et ses conclusions au sens de l’article 224.1 L.a.t.m.p.; elle a donc décidé de refuser l’indemnité que réclamait la demanderesse. Celle-ci s’est alors prévalue de son droit d’appel devant la Commission des lésions professionnelles (la « CLP ») et, par la suite, s’est désistée de son recours. 2 L.R.Q., c. A-3.001.
02 20 01 Page : 4 [15] Dans ces circonstances, la décision qu’avait rendue la CSST de ne pas verser d’indemnité à la demanderesse est maintenue et devient donc une décision finale. B) M E RÉNALD BOUDREAU POUR LA DEMANDERESSE [16] M e Boudreau rappelle la déposition de sa cliente selon laquelle les renseignements de nature médicale, recueillis en 1995, et auxquels réfère le D r Béliveau dans son rapport d’expertise, n’auraient pas dû lui être communiqués car elle n’avait pas autorisé son employeur à le faire. [17] L’avocat plaide qu’en raison du désistement de la demanderesse de sa cause devant la CLP, elle devrait être en mesure de faire retirer de son dossier par la CSST, l’expertise du D r Béliveau ainsi que l’Avis de la D re Fortin. C) RÉPLIQUE DE L’ORGANISME [18] En ce qui concerne l’allégation voulant que l’employeur aurait communiqué au D r Béliveau des informations sans le consentement de la demanderesse, M e Vincent réplique que la CSST n’en avait pas été informée. LA DÉCISION [19] Concernant l’allégation ci-dessus mentionnée, la Commission tient à préciser que la présente audience vise une demande de rectification et non une plainte qui, elle, est traitée dans le cadre d’une enquête. Tel n’est pas le cas dans la présente cause. [20] Il importe de préciser que la demanderesse a sollicité l’intervention de la Commission pour réviser une décision rendue par la CSST selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès et sur la rectification de renseignements nominatifs la concernant, suivant les dispositions prévues à l’article 89 de ladite loi. 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles.
02 20 01 Page : 5 Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. [21] La Commission retient essentiellement de la preuve et des précisions apportées par l’avocate de la CSST les éléments suivants : • La demanderesse travaillait à l’Institut gériatrique de Montréal et elle a cessé d’y travailler pour des raisons de santé; • Afin de lui permettre de bénéficier de prestations d’assurance salaire, son employeur (absent de l’audience) a exigé qu’elle se soumette à un examen médical sous la gouverne du D r Béliveau conformément à l’article 209 L.a.t.m.p. 209. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212. L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé. • Il y a eu désaccord entre l’attestation (non produite à l’audience) du médecin traitant de la demanderesse et le rapport d’expertise du D r Béliveau; • La D re Hélène Fortin, membre du BEM, conformément à l’article 216 L.a.t.m.p., a examiné les rapports médicaux transmis par la CSST au sens de l’article 219, et a donné un Avis, conformément à l’article 221 de ladite loi;
02 20 01 Page : 6 221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu. Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet. • La CSST est liée par cet Avis, et ce, tel qu’il est stipulé par l’article 224.1 L.a.t.m.p.; elle a donc décidé de refuser l’indemnité réclamée par la demanderesse; • Celle-ci a d’abord contesté cette décision devant la CLP, pour ensuite se désister de son recours, respectant ainsi une entente intervenue avec son employeur (pièce D-1 précitée), dont un extrait indique que M me X « se désiste de son appel à la Commission des lésions corporelles numéro […] »; • Conséquemment à ce désistement, la décision de la CSST de refuser à la demanderesse l’indemnité réclamée est maintenue et devient finale; • La CSST ne détient pas de rapport d’expertise portant la signature du D r Aubert et concernant la demanderesse. [22] La demanderesse a clairement témoigné sous serment que le but recherché est la destruction du rapport d’expertise médicale du D r Béliveau et de l’Avis émis par la D re Fortin, membre du BEM, conservés par la CSST à son dossier. Or, comment cela pourrait-il se faire sans pour autant détruire la substance même de ce dossier? [23] Les précisions apportées par la CSST, à l’audience, voulant que la demanderesse se soit prévalue de son droit d’appel devant la CLP pour contester sa décision de ne pas lui verser une indemnité monétaire, n’ont pas été contredites par celle-ci. [24] L’entente signée entre la demanderesse et son employeur (pièce D-1 précitée) impliquait son désistement de son recours devant la CLP et l’application de la dernière décision de la CSST. Mais en aucun cas, ce document n’engageait
02 20 01 Page : 7 la CSST et ne l’obligeait à retirer les documents en litige du dossier de la demanderesse. [25] De ce qui précède, la soussignée est d’avis que le rapport d’expertise du D r Béliveau et l’Avis de la D re Fortin sont partie intégrante de cette dernière décision de la CSST, laquelle demeure toujours valide, d’autant qu’il faut se rappeler que celle-ci est liée par le diagnostic et les autres conclusions émises par ces médecins au sens de l’article 224 L.a.m.t.p. [26] Par ailleurs, un organisme public, tel la CSST, est tenu de voir à ce que les renseignements nominatifs qu’il conserve soient à jour, exacts et complets au sens de l’article 72 de la Loi sur l’accès. S’ils ne le sont pas, cette conservation est non autorisée par la loi et offre donc ouverture à l’application de l’article 89 de ladite loi, tel qu’il est mentionné à la décision Thibert c. Centre d’accueil du Haut-Saint-Laurent 3 . [27] Le droit à la rectification peut permettre seulement la rectification des faits objectifs, dans la mesure où il est démontré, entre autres, que les renseignements nominatifs contenus dans un fichier concernant une personne physique, en l’occurrence la demanderesse, sont inexacts, incomplets ou équivoques au sens de l’article 89 de ladite loi. [28] La Commission n’a aucun pouvoir à se substituer à l’auteur d’une opinion pour la modifier contre son gré ou à son insu tel qu’elle l’a statué entre autres dans la décision Massicotte c. École Mont-Saint-Antoine inc. 4 [29] Faire droit à la présente demande telle qu’elle est formulée, résulterait à la destruction pure et simple des éléments essentiels qui constituent le dossier détenu par la CSST. Toutefois, comme le soulignent les auteurs Doray et Charette 5 , « On ne peut pas effacer ni réécrire le passé ». [30] Les motifs invoqués par la demanderesse ne peuvent donc pas être retenus par la Commission puisqu’elle n’a pas démontré que les renseignements nominatifs qui la concernent sont soit inexacts, incomplets, ou équivoques au sens de l’article 89 de ladite loi. La CSST a donc raison de refuser la rectification telle qu’elle est requise par la demanderesse. 3 [1987] C.A.I. 340. 4 [1989] C.A.I. 377 référée dans Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, vol. 3, Publications CCH ltée, 2003, f. 227 202. 5 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information, Loi annotée – Jurisprudence- Analyse et commentaires, volume 1, Éditions Yvon Blais, 2003, f. III/89-12.
02 20 01 Page : 8 [31] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse sur la rectification de son dossier contre la Commission de la santé et de la sécurité du travail; FERME le présent dossier n o 02 20 01. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 30 janvier 2004 M e Rénald Boudreau Procureur pour la demanderesse M e Mélanie Vincent Procureure pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail
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