Dossier : 02 18 58 Date : 20040121 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Ville de Montréal Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 10 octobre 2002, la demanderesse requiert du Service de police de la Ville de Montréal (l’« organisme »), copie du « rapport des détectives » pour le dossier de sa fille qu’elle identifie par le numéro qui y est inscrit. Elle affirme avoir obtenu copie d’un rapport qui ne correspondait toutefois pas à celui auquel elle désire avoir accès. [2] Le 15 octobre suivant, l’organisme lui communique un accusé de réception et l’avise que si le délai de vingt jours prévu pour une réponse n’est pas respecté, elle pourra s’adresser à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour une demande de révision. [3] Le 29 octobre 2002, l’organisme lui refuse l’accès au document recherché, invoquant à cet effet l’article 53 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 18 58 Page : 2 [4] Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse formule, le 26 novembre suivant, une demande pour que soit révisée cette décision auprès de la Commission. L'AUDIENCE [5] Après avoir été remise une fois à la demande de l’organisme, l’audience de cette cause se tient à Montréal, le 1 er décembre 2003, en présence de la demanderesse et d'un témoin de l’organisme qui est représenté par M e Paul Quézel. [6] L’avocat dépose, sous le sceau de la confidentialité, le dossier faisant l’objet du présent litige. De plus, il précise que l’organisme a ouvert ce dossier d’enquête après que la demanderesse ait rapporté la disparition de sa fille majeure, le 27 août 2002. Ladite enquête, qui n’était pas de nature criminelle, s’est terminée le 17 septembre suivant. LA PREUVE A) LA DEMANDERESSE [7] La demanderesse affirme solennellement que sa demande vise les informations qu’elle décrit ainsi, en deux points, à sa demande de révision : 1) la date et l’heure où le rapport de personne disparue que j’ai déposé le 27 août 2002 a été transmis à New York via Interpol, et le nom de la personne ou du service qui l’a reçu à New York. Je désire savoir également la date et l’heure où Interpol a été informée que le dossier était clos. 2) On m’a dit que l’un des détectives a parlé à un agent américain qui a détenu ma fille brièvement le 17 septembre 2002. Je désire savoir la date et l’heure de cette conversation, ainsi que les noms des deux parties (c’est-à-dire le nom du détective qui a parlé à l’agent américain, et le nom de l’agent américain à qui il a parlé). [8] Elle déclare que sa fille est maniaco-dépressive et qu’elle a quitté son domicile vers les États-Unis, sans laisser d’information pour la retrouver. Elle reconnaît qu’au moment de sa disparition, sa fille était majeure. Elle estime cependant qu’en tant que mère, il était de son devoir de porter plainte comme elle l’a fait auprès de l’organisme dans le but de retrouver sa fille disparue.
02 18 58 Page : 3 [9] Elle signale que l’organisme aurait dû lui fournir les renseignements recherchés, car elle en avait besoin pour les communiquer à un agent de police américain. Elle précise que lorsque les autorités policières américaines ont retrouvé sa fille à New York, un de leurs agents a contacté son fils qui réside dans la région de Montréal pour s’assurer, entre autres, que la personne retrouvée (la fille de la demanderesse) n’était pas mineure. [10] De plus, la demanderesse déplore le manque de collaboration de l’organisme dans sa recherche de renseignements précis, et ce, dans l’intérêt de sa fille malade. À son avis, cette façon d’agir de l’organisme a démontré une incompréhension à l’égard de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, alors qu’il aurait dû lui accorder une attention particulière; tandis que le Consulat américain et les autorités policières américaines ont apporté leur aide, ce qui a permis notamment le retour de sa fille malade au Canada. Elle refuse de croire qu’elle ne peut pas avoir accès au dossier de l’organisme, sous prétexte que sa fille est une personne majeure et qu’elle n’ait pas obtenu son consentement à la divulgation des renseignements confidentiels la concernant. [11] Conséquemment, la demanderesse considère qu’il existe une faille dans les lois qui méritent d’être modifiées. Elle estime que « les lois actuelles ne protègent pas les personnes atteintes de maladie mentale »; elle devrait avoir accès au dossier de sa fille afin d’avoir un exemple pour illustrer notamment la nécessité de les faire modifier, et ce, dans l’intérêt de ces personnes. [12] De plus, la demanderesse procède, à l’audience, à la lecture d’un document d’une page (pièce D-1), par lequel elle décrit ses contacts avec l’organisme, les inconvénients qu’elle aurait subis et son insatisfaction face à son incapacité à obtenir les renseignements recherchés. B) INTERROGATOIRE DE LA DEMANDERESSE PAR M E QUÉZEL [13] La demanderesse réitère le contenu de sa déposition initiale, elle ajoute que malgré l’âge adulte de sa fille, le consentement de celle-ci n’est pas nécessaire pour que l’organisme lui communique les renseignements qu’elle voudrait obtenir, puisqu’elle est sa mère. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [14] L’avocat de l’organisme plaide d’emblée que la Commission doit décider si le document en litige est ou non accessible à la demanderesse.
02 18 58 Page : 4 [15] Il fait ressortir essentiellement les éléments suivants : • Que la demanderesse reconnaît l’âge adulte de sa fille qui est maniaco-dépressive; • Qu’elle a porté plainte auprès de l’organisme suite à la disparition de sa fille; • Que cet organisme a effectué une enquête axée sur cette disparition, laquelle enquête s’est terminée le 17 septembre 2002; • Que les renseignements nominatifs se trouvant au dossier de l’organisme concernent la fille majeure de la demanderesse et qu’ils ont été cueillis lors de l’enquête, l’article 53 devrait s’appliquer dans la présente cause; • Que la demanderesse a admis que sa fille majeure n’a pas consenti à la communication des renseignements recherchés la concernant; • Que sans le consentement de cette personne majeure, l’organisme ne peut pas communiquer à la demanderesse lesdits renseignements nominatifs. B) DE LA DEMANDERESSE [16] La demanderesse, pour sa part, maintient sa position à vouloir obtenir copie du rapport ainsi que les renseignements indiqués dans sa demande de révision. LA DÉCISION [17] Le dossier auquel la demanderesse désire avoir accès est déposé sous le sceau de la confidentialité par l’organisme. Il est constitué des documents suivants : • Une enquête / Sommaire d’enquête (treize pages); • Un rapport complémentaire (huit pages); • Une note manuscrite (une page); • D’autres documents (dix pages). [18] L’examen de ces documents révèle qu’ils concernent la disparition de la fille majeure de la demanderesse. Ces documents sont truffés de renseignements nominatifs au sens de l’article 53 de la Loi sur l’accès, eu égard non seulement à la personne concernée (la fille majeure), mais également à des personnes
02 18 58 Page : 5 rencontrées lors de l’enquête. Leur divulgation risque de révéler l’identité des personnes physiques avec lesquelles l’enquêteur a été en contact. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [19] Par ailleurs, malgré les préoccupations de la demanderesse à vouloir obtenir les renseignements recherchés, il importe de préciser que ceux-ci ne la concernent pas personnellement, mais concernent plutôt sa fille majeure (articles 83 de la Loi sur l’accès et 3 du Code civil du Québec 2 ). 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée. Ces droits sont incessibles. [20] Quelqu’un d’autre, quel qu’il soit, ne peut avoir accès à des renseignements nominatifs qu’avec le consentement de la personne concernée au sens de l’article 88 de la Loi sur l’accès. 2 L.Q. 1991, c. 64.
02 18 58 Page : 6 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [21] Or, la demanderesse a, elle-même, admis à l’audience que le consentement de sa fille ne lui était pas nécessaire pour obtenir les renseignements recherchés, car elle est sa mère et qu’elle a porté une plainte au sujet de sa disparition. [22] Commentant l’article 83 précité, les auteurs Duplessis et Hétu 3 indiquent notamment que : Le droit d’accès de la personne concernée par les renseignements convoités est gouverné, entre autres, par les article 83 et 88 de la Loi sur l’accès. Ce droit fait partie des droits de la personnalité définis à l’article 3 du Code civil du Québec dont l’exercice est strictement réservé à son titulaire. Il est même incessible. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M me X contre la Ville de Montréal; FERME le présent dossier portant le n o 02 18 58. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 21 janvier 2004 M e Paul Quézel Procureur pour le Service de police de la Ville de Montréal 3 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, vol. 3, Publications CCH ltée, 2003, f. 209 801.
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