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Dossier : 03 06 66 Date : 20040112 Commissaire : M e Christiane Constant M me N. G. et M. A. G. Demandeurs c. Hôpital Jean-Talon Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Dans une lettre datée du 9 décembre 2002 et portant la signature des demandeurs, ceux-ci requièrent de lorganisme davoir accès au dossier médical de M me X, qui est décédée, pour obtenir les renseignements suivants : - Nous aimerions connaître les soins exacts qui lui ont été donnés par le et/ou les médecins traitants de son arrivée à son décès […]
03 06 66 Page : 2 - Nous aimerions connaître le nom de tous les médicaments administrés à (M me X) ainsi que la ou les raisons de leur administration […] - Nous aimerions connaître les détails des manœuvres de réanimation; - Finalement, nous aimerions avoir lélectrocardiogramme complet; […] [2] Les demandeurs ajoutent que ces renseignements leur sont nécessaires afin de vérifier si la cause du décès aurait pu être de nature « génétique ou héréditaire ». [3] Le 15 janvier 2003, M me Isabelle Labonté, au Service des archives médicales, les réfère à deux médecins dont lun est généraliste et lautre cardiologue, ces derniers étant « sûrement les personnes les plus appropriées pour répondre à toutes ces questions ». [4] Insatisfaits, les demandeurs sadressent, le 19 février suivant, au D r Charles Bellavance, directeur des Services professionnels et hospitaliers, pour que soit révisée cette réponse de lorganisme. [5] Nayant pas obtenu de réponse à cette lettre, les demandeurs formulent, le 16 avril 2003, auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande afin que soit révisée la décision de lorganisme. LAUDIENCE [6] La présente cause est entendue en audience à Montréal, le 18 novembre 2003, en présence des demandeurs et dun témoin de lorganisme qui est représenté par M e Sylvain Poirier, du cabinet davocats Heenan Blaikie. LA PREUVE A) INTERROGATOIRE DE M ME N.G, LUN DES DEMANDEURS PAR M E POIRIER [7] Après avoir été assermentée, lun des demandeurs, M me N. G., déclare que lautre demandeur est son père, lépoux de sa défunte mère, M me X. Elle précise que lorganisme leur a fourni une copie partielle du dossier médical de feue M me X. Elle aurait voulu avoir accès au reste dudit dossier, car elle soupçonne que lorganisme aurait commis une erreur médicale. Elle précise également quelle a reçu copie du « rapport dautopsie et le bulletin de décès ».
03 06 66 Page : 3 [8] M me N. G. reconnaît que lorganisme a adressé aux demandeurs une lettre datée du 16 mai 2003 émanant du D r Bellavance dans laquelle il indique notamment que leurs raisons pour avoir accès au dossier médical de feue M me X « ne correspondent pas à celles qui nous autorisent à » leur transmettre copie de ce dossier (pièce O-1). Le médecin explique, de plus, les efforts entrepris par les techniciens ambulanciers et le personnel hospitalier concernant létat de sa mère. [9] En ce qui concerne une partie de la demande à savoir si la cause du décès aurait pu être de nature « génétique ou héréditaire », M me N. G. se déclare satisfaite de la réponse à caractère médical qua fournie le D r Jean Arakélian à son affidavit (pièce O-2), selon laquelle le dossier médical de sa défunte mère « ne contient aucun renseignement susceptible de fournir quelque information pertinente que ce soit quant à lexistence dune possible maladie génétique ou à caractère familial ». [10] De plus, elle reconnaît que, le 28 janvier 1999, elle a fait parvenir à M me Lise Chagnon, responsable du Secrétariat des archives chez lorganisme, une lettre (pièce O-3) selon laquelle elle explique avoir souffert psychologiquement du décès de sa mère et vouloir savoir si lorganisme avait entrepris tous les efforts nécessaires pour « tenter de la sauver ». [11] Elle reconnaît également avoir avisé lorganisme que « sil y a eu erreur médicale, elle ne veut pas poursuivre lhôpital » et navoir aucunement lintention dentreprendre de procédures judiciaires contre ce dernier. B) DÉPOSITION DE M. A. G, LAUTRE DEMANDEUR [12] M. A. G. déclare, sous serment, être le père de M me N. G. et lépoux de feue M me X. Il précise, pour sa part, quil veut connaître notamment les interventions qua effectuées le personnel hospitalier sur son épouse, et ce, de son arrivée à lhôpital jusquà son décès, de manière à ce quil puisse être en mesure den avoir le cœur net. LES ARGUMENTS [13] M e Poirier fait ressortir les éléments suivants : M me N. G. reconnaît avoir reçu une lettre du D r Bellavance, le 16 mai 2003 (pièce O-1), par laquelle il explique les efforts quont déployés, entre autres, les techniciens ambulanciers et le personnel hospitalier eu égard à létat de la défunte;
03 06 66 Page : 4 M me N. G. se dit satisfaite de la réponse du D r Arakélian (pièce O-2) à leffet notamment que le dossier médical de sa mère ne contient vraisemblablement pas dinformation pertinente « que ce soit quant à lexistence dune possible maladie génétique ou à caractère familial »; M me N. G. na pas lintention dentreprendre de procédures judiciaires contre lorganisme (pièce O-3). [14] Lavocat plaide que la demande est maintenant sans objet, et ce, pour les motifs invoqués par M me N. G. au cours de son témoignage à laudience. [15] Il souligne que lorganisme sympathise avec les demandeurs qui sont attristés par le décès dun être cher. Il ajoute que, malgré la déposition de M me N. G. indiquant quelle est satisfaite de la réponse de lorganisme, celle-ci continue à se demander si lorganisme aurait pu commettre une erreur médicale dans le traitement de la défunte. Ceci constitue une nouvelle demande basée sur des soupçons qui ne fait pas lobjet du présent litige et sur laquelle la Commission na pas à statuer. [16] Par ailleurs, lavocat plaide que le dossier dun patient est confidentiel au sens de larticle 19 de la Loi sur les services de santé et sur les services sociaux 1 (la « L.s.s.s.s. »), et quil le demeure malgré le décès de ce patient. [17] Lavocat de lorganisme demande donc à la Commission de rejeter la demande de révision des demandeurs. LA DÉCISION [18] En regard de léventualité derreur médicale soulevée par M me N.G., lun des demandeurs, lors de sa déposition à laudience, la soussignée tient à préciser que la Commission nest pas habilitée à statuer sur ce point, nétant pas le forum approprié; de plus, cet élément ne fait pas partie du présent litige. [19] Par ailleurs, la preuve non contredite indique, entre autres : Que M me N. G. reconnaît avoir reçu une lettre du D r Bellavance, le 16 mai 2003 (pièce O-1), eu égard aux efforts déployés, entre autres, par les techniciens ambulanciers et le personnel hospitalier, relatifs à létat de sa défunte mère; 1 L.R.Q., c. S-4.2.
03 06 66 Page : 5 Que M me N. G. se dit satisfaite de la réponse du D r Arakélian (pièce O-2) à leffet notamment que le dossier médical de sa mère ne contient pas dinformation à caractère génétique ou héréditaire; Quelle na pas lintention dintenter des recours judiciaires contre lorganisme et que les renseignements quelle cherchait à obtenir, lont été dans lunique objectif de trouver une paix intérieure (pièce O-3); Que lautre demandeur, M. A. G., a indiqué au cours de son témoignage quil voudrait avoir accès au reste du dossier médical de sa défunte épouse, afin de connaître toutes les interventions qua pu effectuer le personnel hospitalier, de son arrivée à lhôpital jusquà son décès. Dispositions législatives [20] Les articles 19, 23 et 28 L.s.s.s.s. stipulent : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure
03 06 66 Page : 6 cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [21] Le législateur stipule clairement que le dossier médical dun usager est confidentiel selon les termes de larticle 19 L.s.s.s.s. précité, il ne fait pas de distinction entre un usager vivant ou un usager décédé. Ce principe de la confidentialité dun dossier médical est également retenu et commenté par les auteurs Doray et Charrette 2 . [22] De plus, les exceptions indiquées au troisième alinéa de larticle 23 L.s.s.s.s. eu égard à une maladie génétique ou à caractère familial, doivent être interprétées restrictivement, et ce, tel qu'il est indiqué aux décisions Rodrigue c. Centre local des services communautaires des Etchemins et al. 3 et Hôpital St-Charles-Borromée c. Rumak et al. 4 et St-Cyr c. Centre hospitalier Malartic 5 . De plus, la soussignée retient les renseignements fournis sur ce point par le D r Arakélian dans son affidavit (pièce O-2) et dont M me N. G. se déclare satisfaite. [23] En ce qui concerne le motif invoqué par lautre demandeur, M. A. G., voulant connaître les démarches quaurait pu entreprendre le personnel hospitalier ainsi que les soins qui ont été prodigués à sa défunte épouse, de son arrivée à lhôpital jusquà son décès, il ne peut être retenu par la Commission car ce motif ne rencontre pas les critères législatifs contenus à larticle 23 L.s.s.s.s. précité. [24] Par ailleurs, larticle 28 L.s.s.s.s. prévoit que les articles 17 à 27 de cette loi sappliquent, sans égard à la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 6 . Ces articles se trouvent au chapitre II de ladite loi traitant, entre autres, de laccès du dossier de lusager, de la confidentialité entourant ce dossier et des restrictions qui sy rattachent. [25] La soussignée considère que la preuve a démontré que lorganisme a répondu de façon satisfaisante aux demandeurs (pièces O-1 et O-2). 2 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information. Loi annotée. Volume 1, Éditions Yvon Blais, 2002. 3 [1999] C.A.I. 381. 4 [1997] C.A.I. 405 (C.Q.). 5 [2000] C.A.I. 22. 6 L.R.Q., c. A-2.1.
03 06 66 Page : 7 [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision des demandeurs contre lHôpital Jean-Talon; FERME le présent dossier n o 03 06 66. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 12 janvier 2004 M e Sylvain Poirier HEENAN BLAIKIE Procureurs de lHôpital Jean-Talon
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