Dossier : 03 05 74 Date : 20040108 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Centre hospitalier de St. Mary Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Dans une lettre non datée que la demanderesse transmet à l’organisme, elle requiert de celui-ci de lui fournir copie du dossier médical de son défunt époux qu’elle nomme, lequel contiendrait 873 pages. Elle indique que l’organisme lui aurait déjà fourni trois cents pages et qu’elle voudrait obtenir les documents manquants. [2] Elle ajoute ce qui suit : […] I need there records to find out if my late husband did have a disease which could have been transmitted to me or my family. [3] Le 22 janvier 2003, afin d’être en mesure de repérer les documents recherchés, l’organisme requiert des précisions auprès de la demanderesse qui lui transmet une lettre le 31 janvier suivant.
03 05 74 Page : 2 [4] Le 5 février 2003, M me Isabelle Roy, archiviste médicale, l’informe qu’elle aurait déjà reçu copie des 873 pages qui composent le dossier médical. De plus, dans une lettre datée du 3 mars 2003, M me Roy avise la demanderesse, entre autres : […] In order to verify the existance of any disease which could have been transmitted to you or your family, we have decided to have the chart review by a physician. We will respond to you and to Dr. Laurier as soon as possible. [5] Le 12 mars suivant, l’organisme l’informe qu’il lui refuse l’accès au dossier de son défunt époux, invoquant à cet effet l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 (« L.s.s.s.s »). [6] Le 31 mars 2003, la demanderesse formule auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande pour que soit révisée cette décision. L’AUDIENCE [7] Une audience est tenue à Montréal, le 21 novembre 2003, en présence de la demanderesse et du procureur de l’organisme, M e Simon Gagné, du cabinet d’avocats Heenan Blaikie. LA PREUVE Interrogatoire de la demanderesse par M e Simon Gagné pour l’organisme [8] La demanderesse, qui témoigne sous serment, déclare que l’organisme lui a communiqué un certain nombre de documents provenant du dossier médical de son défunt époux; elle souhaite obtenir les documents manquants. [9] Elle reconnaît que le 10 juin 1999, elle avait fait une demande précise auprès de l’organisme (pièce O-1). Elle reconnaît également qu’elle avait fait parvenir une lettre à M. Armand Kumar Joshi, directeur général de l’organisme, par laquelle elle voulait savoir si son défunt époux éprouvait des problèmes de santé relatifs à des maladies génétiques ou héréditaires (pièce O-2). [10] Elle déclare être veuve et avoir un fils majeur dont le père est son défunt époux. Elle admet que, dans une lettre datée du 14 mars 2003, M me Isabelle Roy, responsable de l’accès aux documents pour l’organisme, lui a fait parvenir copie 1 L.R.Q., c. S-4.2.
03 05 74 Page : 3 de celle du D r Todd McConnell (pièce O-3 en liasse), par laquelle il répond comme suit aux préoccupations de la demanderesse : […] Further review of the chart does not reveal any other diseases, which could be construed, as hereditary or genetic. A family history of coronary artery disease is a risk factor for coronary artery disease in the subsequent offspring but there is no specific genetic test for this disease and the information in the chart would not be useful to the family beyond what they already know. [11] La demanderesse admet de plus qu’elle n’est pas liée par le sang avec son défunt époux. [12] Elle affirme avoir pris soin de son époux durant sa maladie, et qu’elle est donc en droit d’avoir accès au dossier dans son intégralité, afin de connaître tous les soins médicaux qui lui ont été prodigués par l’organisme où son décès est survenu en 1999. [13] Par ailleurs, la demanderesse précise qu’elle a reçu une série de documents qui proviennent du dossier médical en question, sans être en mesure d’en connaître la provenance, alors qu’elle n’avait pas fait une demande formelle. Elle s’étonne que l’organisme refuse de lui donner l’accès aux documents manquants, dans le cadre de la présente demande, malgré qu’elle lui ait fait parvenir le montant d’argent requis pour couvrir les frais de reproduction de la totalité des 873 pages de documents. [14] L’avocat de l’organisme souligne que contrairement à ce qui a été écrit dans la lettre transmise à la demanderesse le 5 février 2003, l’ensemble du dossier médical de son défunt époux ne lui a pas été communiqué. LES ARGUMENTS [15] M e Gagné réfère au but principal recherché par la demanderesse quand elle souhaite avoir accès au dossier médical de son défunt époux, et ce, tel qu’il est indiqué à sa demande (pièce O-2 précitée). [16] L’avocat signale que, n’étant pas liés par le sang, son défunt époux n’aurait pas pu transmettre à la demanderesse des maladies génétiques ou héréditaires auxquelles elle fait référence dans sa demande d’accès. [17] En ce qui concerne le fils majeur de la demanderesse, l’avocat signale qu’il appartient à celui-ci de formuler sa propre demande d’accès auprès de l’organisme, si tel est son désir de connaître si son défunt père aurait pu lui
03 05 74 Page : 4 transmettre une maladie génétique ou à caractère familial au sens de l’article 23 L.s.s.s.s. [18] L’avocat argue que l’organisme a eu raison d’invoquer cet article comme motif de refus d’accès, car la demanderesse ne rencontre pas les critères législatifs qui lui permettraient l’accès audit dossier; cet article devant être interprété de façon restrictive. [19] L’avocat plaide qu’un dossier médical est confidentiel au sens de l’article 19 de cette même loi. Nul ne peut y avoir accès, si ce n’est que pour des raisons particulières. LA DÉCISION Dispositions législatives [20] Les articles 19, 23 et 28 L.s.s.s.s. stipulent : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où
03 05 74 Page : 5 cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [21] La demanderesse reconnaît sous serment que l’organisme lui a communiqué plusieurs documents. La preuve non contredite a démontré que son époux est décédé en 1999 chez l’organisme. [22] La preuve a également démontré que l'organisme ne peut pas fournir à la demanderesse les documents manquants qui se trouvent audit dossier, et ce, pour les motifs invoqués à l’article 19 L.s.s.s.s. ci-dessus mentionné. [23] Le principe de la confidentialité du dossier d’un usager, comme le cas sous étude, doit être respecté conformément à l’affaire X. c. Hôpital du Saint-Sacrement 2 , selon laquelle la Commission, citant B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 3 , a indiqué que le principe de la confidentialité des renseignements contenus au dossier d’un usager demeure, malgré le décès de celui-ci. [24] À l’article 19 de cette loi précité, le législateur stipule expressément que le dossier médical d’un usager est confidentiel; il ne fait pas de distinction entre un usager vivant ou décédé. Les exceptions s’y trouvant, doivent être interprétées de façon restrictive, et ce, tel qu'il est mentionné aux décisions Rodrigue c. Centre local des services communautaires des Etchemins et al. 4 , Hôpital St-Charles-Borromée c. Rumak et al 5 et St-Cyr c. Centre hospitalier Malartic 6 . [25] Ce principe de la confidentialité est également retenu et commenté par les auteurs Doray et Charrette 7 en ce que le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans le dossier de l’usager décédé ne vise cependant que les renseignements dont la communication est nécessaire à l’exercice de leurs droits en leur qualité d’héritiers, de représentants légaux ou de bénéficiaires. 2 [1996] C.A.I. 33, 37. 3 [1993] C.A.I. 15. 4 [1999] C.A.I. 381. 5 [1997] C.A.I. 405 (C.Q.). 6 [2000] C.A.I. 22. 7 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information. Loi annotée. Volume 1, Éditions Yvon Blais, 2002.
03 05 74 Page : 6 [26] La soussignée comprend de plus que les héritiers et représentants légaux ont le droit d’avoir accès au dossier d’un usager lorsque ceux-ci agissent à ce titre, en vertu de l’article 23 L.s.s.s.s. Le dossier d’un usager, à savoir celui de l’époux de la demanderesse, doit demeurer confidentiel, car la demande vise l’obtention de documents pour faire valoir un droit personnel, c’est-à-dire connaître si son défunt époux éprouvait des problèmes de santé relatifs à des maladies génétiques ou héréditaires. [27] La demanderesse a clairement indiqué au cours de son témoignage qu’elle était l’épouse du défunt et qu’elle n’avait aucun lien consanguin. Donc, l’exception prévue à cet article, eu égard aux maladies génétiques ou à caractère familial, ne s’applique pas dans le présent cas. [28] Toute exception à la règle de la confidentialité doit être interprétée de façon restrictive, tel qu'il est mentionné aux décisions Rodrigue 8 et Hôpital St-Charles-Borromée 9 précitées. [29] Dans cette cause, la déposition de la demanderesse suggère que celle-ci désire avoir accès au dossier médical de son défunt époux, non pas à titre d’héritière ou de représentante légale, mais plutôt afin de faire valoir un droit qui lui est propre. [30] Conséquemment, les motifs d’accès invoqués ne rencontrent pas les critères législatifs prévus au premier alinéa de l’article 23 L.s.s.s.s.; la demanderesse n’a pas non plus démontré que la communication de ces renseignements était nécessaire à l’exercice d’un droit qui lui serait dévolu, entre autres, à titre d’héritière, tel qu’il est indiqué à la décision X. c. Institut Philippe-Pinel de Montréal 10 . [31] Les exigences relatives à l’application de cet article doivent recevoir une interprétation stricte. Dans l’affaire X c. Hôpital Saint-Sacrement 11 précitée, la Commission a statué que Les termes du premier alinéa de l’article 23 de la L.S.S.S.S. sont clairs : les renseignements sont accessibles dans la mesure où cette communication est nécessaire à l’exercice des droits de l’héritier qui les demande. (Italique mis par la commissaire Boissinot.) 8 Précitée, note 4. 9 Précitée, note 5. 10 [1997] C.A.I. 304. 11 Précitée, note 2, p. 39.
03 05 74 Page : 7 [32] Par ailleurs, l’article 28 L.s.s.s.s. prévoit que les articles 17 à 27 de cette loi s’appliquent, sans égard à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 12 . Ces articles se retrouvent au chapitre II de ladite loi traitant, entre autres, de l’accès du dossier de l’usager, de la confidentialité entourant ce dossier et des restrictions qui s’y rattachent. [33] Dans le cas sous étude, il incombait à la demanderesse de démontrer à la Commission que les renseignements recherchés au dossier médical de son époux lui étaient nécessaires pour exercer les droits que lui confère la L.s.s.s.s. Or, elle n’a pas pu le faire. [34] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M me X contre le Centre hospitalier de St. Mary; FERME le présent dossier n o 03 05 74. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 8 janvier 2004 M e Simon Gagné HEENAN BLAIKIE Procureurs pour le Centre hospitalier de St. Mary 12 L.R.Q., c. A-2.1.
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