Dossier : 03 01 90 Date : 20040108 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Hôpital Royal Victoria (Centre universitaire de santé McGill) Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 2 décembre 2002, la demanderesse s’adresse à l’organisme de la manière suivante : […] this is my written request for copies of my late husband [qu’elle identifie] medical records […]. [2] Le 9 décembre suivant, l’organisme l’avise, entre autres, que pour pouvoir repérer les documents recherchés, la demanderesse devra lui fournir des renseignements précis relatifs au dossier médical de son défunt époux, tels son numéro d’assurance maladie et sa date de naissance. [3] Estimant ne pas avoir obtenu réponse à sa demande, elle sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour réviser cette décision présumée de l’organisme, demande que la Commission reçoit le 3 février 2003.
03 01 90 Page : 2 [4] Cependant, le 28 mai 2003, l’organisme lui refuse l’accès pour les motifs cités et invoquant à cet effet l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 (« L.s.s.s.s. »). L’AUDIENCE [5] La présente audience se tient, le 21 novembre 2003, à Montréal en présence de la demanderesse et du témoin de l’organisme, M e Barry A. Cappel. LA PREUVE A) LA DEMANDERESSE [6] La demanderesse, après avoir été assermentée, déclare que l’organisme ne lui a communiqué aucun document. Elle précise qu’avant le décès de son époux, un cardiologue qui travaillait chez l’organisme lui aurait prodigué des soins médicaux et que son époux aurait subi un électrocardiogramme au mois de mars 1991. Elle voudrait de plus connaître la cause de son décès. [7] Elle affirme qu’elle a pris soin de son époux durant sa maladie et qu’elle est donc en droit d’avoir accès au dossier de celui-ci. La demanderesse précise également que son époux n’est pas décédé chez le présent organisme, mais plutôt au Centre hospitalier de St. Mary en 1999. B) M E BARRY A. CAPPEL, POUR L’ORGANISME [8] M e Barry A. Cappel, responsable de l’accès pour l’organisme, fait ressortir les éléments suivants comme motif de refus d’accès aux documents recherchés : • L’organisme ne peut pas donner à la demanderesse copie du dossier médical de son défunt mari, car il est confidentiel. À son avis, ce dossier contient près de six cents pages. • La demanderesse pourrait cependant y avoir accès, si elle rencontrait les critères législatifs prévus à l’article 23 L.s.s.s.s., tel qu’il est mentionné dans la réponse de l’organisme datée du 28 mai 2003. • Elle souhaite connaître la cause du décès de son défunt époux, alors que celui-ci est décédé dans un autre hôpital, à savoir le Centre hospitalier de St. Mary. Le présent organisme ne peut lui venir en aide. 1 L.R.Q., c. S-4.2.
03 01 90 Page : 3 LA DÉCISION Dispositions législatives [9] Les articles 19, 23, 28 L.s.s.s.s. et l’article 47 de la Loi sur l’accès stipulent : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). Loi sur l’accès 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant;
03 01 90 Page : 4 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. [10] La preuve non contestée a démontré que le défunt époux de la demanderesse possède un dossier médical chez l’organisme. La demanderesse voudrait y avoir accès afin d’être en mesure de tenter d’identifier les soins médicaux que son époux y a reçus. [11] La preuve non contestée a également démontré que l’époux de la demanderesse est décédé en 1999 dans un autre hôpital. [12] La soussignée comprend que l'organisme ne peut pas fournir à la demanderesse copie du dossier médical, parce que cette demande ne rencontre pas les critères législatifs prévus à l’article 19 L.s.s.s.s. ci-dessus mentionné. [13] Cet article indique essentiellement le principe de la confidentialité du dossier d’un usager, conformément à la décision X. c. Hôpital du Saint-Sacrement 2 , où la Commission, citant l'affaire B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 3 , a décidé que le principe de la confidentialité des renseignements contenus au dossier d’un usager demeure, malgré le décès de celui-ci. [14] La demanderesse souhaite obtenir des renseignements contenus au dossier médical d’un usager, c’est-à-dire son défunt époux, lequel est régi par la L.s.s.s.s. À l’article 19 de cette loi précité, le législateur stipule clairement que le dossier médical d’un usager est confidentiel; il ne fait pas de distinction entre un usager vivant ou un usager décédé. 2 [1996] C.A.I. 33, 37. 3 [1993] C.A.I. 15.
03 01 90 Page : 5 [15] Les exceptions qui s’y trouvent, doivent recevoir une interprétation restrictive, et ce, tel qu'il est mentionné aux décisions Rodrigue c. Centre local des services communautaires des Etchemins et al. 4 , Hôpital St-Charles-Borromée c. Rumak et al 5 et St-Cyr c. Centre hospitalier Malartic 6 . Ce principe de la confidentialité est également retenu et commenté par les auteurs Doray et Charrette 7 en ce que le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans le dossier de l’usager décédé ne vise cependant que les renseignements dont la communication est nécessaire à l’exercice de leurs droits en leur qualité d’héritiers, de représentants légaux ou de bénéficiaires. [16] La soussignée comprend de plus, selon les termes de l’article 23 L.s.s.s.s que les héritiers et représentants légaux ont le droit d’avoir accès au dossier d’un usager lorsque ceux-ci agissent à ce titre. Le dossier d’un usager, tel celui de l’époux de la demanderesse, doit demeurer confidentiel, car la demande vise l’obtention de documents pour faire valoir un droit personnel, c’est-à-dire, entre autres, connaître les soins qui lui ont été prodigués ainsi que la cause de son décès. [17] L’exception prévue à cet article relative aux maladies génétiques ou à caractère héréditaire, laquelle octroierait à un individu l’accès à un dossier médical ne s’applique pas dans la présente cause. Toute exception à la règle de la confidentialité doit être interprétée de façon restrictive, tel qu'il est mentionné aux décisions Rodrigue 8 et Hôpital St-Charles-Borromée 9 précitées. [18] Dans le cas en l’espèce, la déposition de la demanderesse suggère que celle-ci désire avoir accès au dossier médical de son défunt époux, non pas à titre d’héritière ou de représentante légale, mais plutôt afin de faire valoir un droit qui lui est propre. Conséquemment, les motifs d’accès invoqués ne rencontrent pas les critères législatifs prévus au premier alinéa de l’article 23 L.s.s.s.s. [19] Les exigences relatives à l’application de cet article doivent recevoir une interprétation stricte. Dans l’affaire X c. Hôpital Saint-Sacrement 10 précitée, la Commission a statué que 4 [1999] C.A.I. 381. 5 [1997] C.A.I. 405 (C.Q.). 6 [2000] C.A.I. 22. 7 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information. Loi annotée. Volume 1, Éditions Yvon Blais, 2002. 8 Précitée, note 4. 9 Précitée, note 5. 10 Précitée, note 2 , p. 39.
03 01 90 Page : 6 Les termes du premier alinéa de l’article 23 de la L.S.S.S.S. sont clairs : les renseignements sont accessibles dans la mesure où cette communication est nécessaire à l’exercice des droits de l’héritier qui les demande. (Italique mis par la commissaire Boissinot.) [20] Par ailleurs, la soussignée constate que le responsable de l’accès pour l’organisme n’a pas répondu avec diligence dans le délai de vingt jours suivant la date de réception de la demande d’accès tel qu’il est stipulé à l’article 47 de la Loi sur l’accès, mais plutôt trois mois plus tard. [21] Quoi qu’il en soit, il importe de préciser que la L.s.s.s.s. trouve pleine application dans la présente cause. [22] En effet, l’article 28 L.s.s.s.s. prévoit que les articles 17 à 27 de cette loi s’appliquent, sans égard à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 11 . Ces articles se retrouvent au chapitre II de ladite loi traitant, entre autres, de l’accès du dossier de l’usager, de la confidentialité entourant ce dossier et des restrictions qui s’y rattachent. [23] Dans le cas sous étude, il incombait à la demanderesse de démontrer à la Commission que les renseignements recherchés au dossier médical de son époux lui étaient nécessaires pour exercer les droits que lui confère la L.s.s.s.s. Or, elle n’a pas pu le faire. [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M me X contre l’hôpital Royal Victoria; FERME le présent dossier n o 03 01 90. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 8 janvier 2004 11 L.R.Q., c. A-2.1.
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