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Dossier : 03 13 06 Date : 20040108 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Ville de Longueuil Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Dans une lettre non datée transmise à la Ville de Longueuil (la « Ville »), la demanderesse requiert de celle-ci de lui donner accès à un rapport de police ainsi quaux photographies qui auraient été prises à son domicile lors du décès de son époux. [2] Le 8 juillet 2003, la Ville lui en refuse laccès en vertu de larticle 53 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur laccès »). Elle lui mentionne également lui avoir communiqué, le 7 mai précédent, une copie élaguée du rapport après que les renseignements nominatifs aient été masqués. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 13 06 Page : 2 [3] Insatisfaite, la demanderesse sollicite lintervention de la Commission daccès à linformation (la « Commission »), le 11 juillet 2003, pour que soit révisée la décision de la Ville. LAUDIENCE [4] Laudience de cette cause se tient à Montréal, le 2 décembre 2003, en présence de la demanderesse, du témoin de lorganisme et de M me Marie-Anaïs Sauvé, stagiaire en droit. LA PREUVE A) M ME CAROLE LEROUX, POUR LORGANISME [5] M me Leroux témoigne sous serment. Elle déclare être chef du Service de la gestion des documents et Archives, et responsable de laccès aux documents pour lorganisme. Elle ajoute que la demanderesse a communiqué une première fois avec elle, par téléphone, le 23 avril 2003, et quelle avait alors requis laccès au rapport de police et aux photographies de son époux décédé. [6] M me Leroux lui a, tout dabord, fait parvenir une copie du rapport de police le 7 mai 2003, après avoir masqué les renseignements nominatifs concernant la personne décédée et les témoins, selon les termes de larticle 53 de la Loi sur laccès. [7] Elle précise que sur réception dudit rapport, la demanderesse a formulé cette fois-ci, par écrit, une nouvelle demande daccès quelle a reçue à son bureau le 2 juillet suivant. Par cette demande, elle requiert les mêmes documents, mais dans leur intégralité. [8] Le 8 juillet 2003, M me Leroux accuse réception de sa demande daccès et lui rappelle que lorganisme lui a déjà communiqué une copie élaguée dudit rapport et quil lui a refusé laccès à toutes les photographies. [9] Cependant, après les avoir examinées, M me Leroux indique, à laudience, que lorganisme consent à fournir à la demanderesse vingt-cinq dentre elles, à lexception de celles montrant son époux décédé, au nombre de six, ainsi que les parties masquées du rapport de police. [10] M me Leroux dépose, sous le sceau de la confidentialité, le rapport de police intégralement, lequel indique par un soulignement les parties masquées en litige; les six photographies restantes demeurent également en litige.
03 13 06 Page : 3 B) DE LA DEMANDERESSE [11] La demanderesse témoigne sous serment. Elle déclare que son défunt époux et elle ont été mariés pendant dix-sept ans, et ce, jusquen 2002, soit au moment de son décès survenu par suicide à leur domicile; il était membre des Forces armées canadiennes. [12] Elle précise quil lui est nécessaire de visionner les photographies de son défunt mari, ayant été celle qui a découvert le corps inanimé et qui a fait appel au Service de police de lorganisme. Elle précise également quelle a besoin de visionner lesdites photographies afin de pouvoir « passer à une autre étape de sa vie ». [13] La demanderesse signale de plus quen raison de cette situation, elle a perdu son emploi; elle reçoit des soins médicaux appropriés. À son avis, sans le visionnement de ces photographies, elle continuera toujours à se questionner. [14] Par ailleurs, elle trouve injuste que lorganisme ait pu avoir accès à toutes les photographies et au rapport de police dans son intégralité, alors que celui-ci lui en refuse laccès pour les motifs invoqués. [15] Selon la demanderesse, le législateur devrait prévoir une exception à la Loi sur laccès pour quune personne se trouvant dans une situation analogue à la sienne puisse avoir accès aux documents en litige dans leur intégralité. LA DÉCISION [16] Les documents en litige sont constitués de deux séries de documents, à savoir : Un rapport de police (36 pages) qui contient, entre autres, des déclarations de témoins inscrites de façon manuscrite et reproduites par dactylographie; Six photographies de lépoux décédé de la demanderesse. [17] La demanderesse se prévaut de son droit fondamental pour avoir accès à des documents détenus par lorganisme dans lexercice de ses fonctions au sens de larticle 1 et du premier alinéa de larticle 9 de la Loi sur l'accès tel qu'il a été mentionné à la décision Larivière c. Centre des services sociaux du Montréal-Métropolitain 2 . 2 [1987] C.A.I. 15.
03 13 06 Page : 4 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. [...] [18] La Loi sur l'accès est une loi quasi constitutionnelle qui, par son rattachement à certains droits fondamentaux reconnus à la Charte des droits et libertés de la personne 3 , a un caractère législatif fondamental tel qu'il a été mentionné à la décision Conseil de la magistrature du Québec c. Commission daccès à linformation et al. 4 [19] Et comme la souligné la Commission à la décision Noël c. Ville de Montréal 5 , le législateur a nettement indiqué à l'article 168, le caractère prépondérant de cette loi qui régit tant laccès aux documents détenus par les organismes publics que la protection des renseignements personnels : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [20] Le législateur a cru nécessaire dindiquer que, malgré son caractère prépondérant, cette loi na pas pour effet de restreindre le droit daccès dune personne résultant de lapplication dune autre loi, à moins que ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels au sens de larticle 171 de la Loi sur laccès. Seule la protection de ces renseignements peut être invoquée par un organisme public pour refuser à une personne qui en fait la demande, laccès à un document, comme le cas sous étude. 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre: 1° l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels; 2° la protection des renseignements personnels ni l'exercice du droit d'accès d'une personne à un renseignement nominatif la 3 L.R.Q., c. C-12. 4 [2000] 3 R.J.Q. 638 (C.A.). 5 [2001] C.A.I. 15.
03 13 06 Page : 5 concernant, résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982; 2.1° la protection d'un renseignement contenu dans un dossier fiscal prévue à la section VIII du chapitre III de la Loi sur le ministère du Revenu (chapitre M-31) à l'égard d'une personne visée par cette section; 3° la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication. [21] Le refus daccès de lorganisme à légard de la demanderesse vise essentiellement le libellé de larticle 53 de la Loi sur laccès traitant des renseignements nominatifs, lesquels sont confidentiels. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [22] Larticle 53 précité revêt un caractère impératif et dordre public; il protège tout renseignement personnel concernant une personne physique qui permet didentifier celle-ci selon les termes de larticle 54. Cest ce qui ressort des décisions Nadeau c. Ville de Laval 6 et Balmet Canada inc. c. Hôpital du Haut-Richelieu 7 . Les dispositions contenues à larticle 53 précité accordent une protection absolue à une personne physique et lon ne peut donc pas y déroger. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [23] Lexamen du rapport de police démontre que lorganisme ne pouvait pas fournir à la demanderesse copie intégrale de ce document. Lexamen des parties masquées démontre que celles-ci sont truffées de renseignements nominatifs, lesquels sont protégés par les articles 53 et 54 précités. Elle ne peut donc pas avoir accès à ces parties masquées. 6 [2002] C.A.I. 54. 7 [1991] C.A.I. 230.
03 13 06 Page : 6 [24] En ce qui a trait aux six photographies du défunt époux de la demanderesse, force est de constater que la Commission na dautre choix que de confirmer la décision de lorganisme de ne pas lui en avoir donné accès, et ce, conformément aux articles 53 et 54 de la Loi sur laccès précités. [25] De plus, la Commission comprend la situation dans laquelle se trouve la demanderesse eu égard à la façon par laquelle son époux a trouvé la mort, et au sujet de laquelle le rapport de police vient confirmer sa déposition à laudience. [26] Toutefois, le législateur a établi des balises quant à la protection des renseignements nominatifs qui sont confidentiels, tel quil est mention dans la présente cause; la Commission ne peut donc pas y déroger. [27] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre la Ville de Longueuil; PREND ACTE que lorganisme lui a communiqué une copie élaguée du rapport de police et quil lui a remis à laudience vingt-cinq photographies prises sur les lieux de lévénement; DÉCLARE que les six photographies restantes demeurent inaccessibles à la demanderesse; REJETTE, quant au reste, la demande et FERME le présent dossier portant le n o 03 13 06. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 8 janvier 2004 M me Marie-Anaïs Sauvé Stagiaire en droit pour la Ville de Longueuil
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