Dossier : 03 04 05 Date : 20031218 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. BOURSE DE MONTRÉAL Entreprise DÉCISION L'OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le 3 février 2003, le demandeur exige de la Bourse de Montréal de lui communiquer, d’ici le 12 février suivant, son dossier complet, « […] incluant les interrogatoires de la Bourse de Montréal Inc auprès de Valeurs Mobilières Banque Laurentienne Ltée soit auprès de M. [R], de M. [G], de M me [B] ou de tout autre employé de cette firme de courtage. » [2] Le 10 février 2003, le demandeur écrit à la Bourse de Montréal ce qui suit : Suite à votre refus du 4 février 2003 de me livrer les interrogatoires des personnes citées dans mon courrier du 3 février 2003, lesquels interrogatoires, vous le savez trop bien, sont très embarrassants et très compromettants à la fois pour vous Bourse de Montréal Inc et pour votre
03 04 05 Page : 2 complice la firme de courtage Valeurs Mobilières Banque Laurentienne ltée; [3] Le 20 février 2003, le demandeur requiert de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») d’examiner sa mésentente avec la Bourse de Montréal. [4] Le 5 mars 2003, la Bourse de Montréal réitère son refus de communiquer les interrogatoires pour les motifs suivants : • La demande s’inscrit dans le cadre de l’avis introductif d’instance et des procédures disciplinaires entreprises contre le demandeur le 16 mai 2002; • Les interrogatoires réfèrent à un autre dossier; • Les interrogatoires se sont déroulés dans un cadre informel, n’ayant que les notes manuscrites des enquêteurs et pas des notes sténographiques; • Les informations concernent des tiers; • Les « […] interrogatoires informels ne seront pas déposées ou utilisées (sic) dans le cadre du dossier disciplinaire institué par la Bourse […] » contre le demandeur. [5] Le 26 novembre 2003, une audience se tient à Montréal. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [6] Les parties confirment que l’objet du litige consiste à décider de l’accessibilité des interrogatoires de tierces parties détenus par la Bourse de Montréal.
03 04 05 Page : 3 B) LA PREUVE i) De la Bourse de Montréal M. Stephan Jacob [7] M. Stephan Jacob, chef des enquêtes, raconte que la Bourse de Montréal est un organisme d’autoréglementation (pièce E-2), selon les termes de l’article 169 de la Loi sur les valeurs mobilières 1 (pièce E-1), devant respecter la Règle Quatre régissant les enquêtes (pièce E-3) : 169 - Bourse ou chambre de compensation Une bourse de valeurs ou une chambre de compensation de valeurs doit être reconnue par la Commission à titre d'organisme d'autoréglementation pour exercer son activité au Québec. Une association professionnelle ne peut réglementer les opérations sur valeurs de ses membres que si elle est reconnue par la Commission à titre d'organisme d'autoréglementation. [8] M. Jacob fait part que le demandeur, courtier en plein exercice, employé de Valeurs mobilières Desjardins, a fait l’objet d’une plainte. Une enquête de nature disciplinaire a été instituée, le 16 mai 2002, comportant 228 chefs d’accusation (pièce E-4). Le Comité de discipline de la Bourse de Montréal a statué, préliminairement, que le demandeur pouvait obtenir une partie du dossier d’enquête, la décision étant la suivante (pièce E-5) : […] ORDONNE à la requérante de transmettre à l’intimé ou à ses procureurs, au moins dix (10) jours ouvrables avant la date fixée pour la continuation de l’audition: • un extrait du dossier d’enquête 02-591 correspondant au compte-rendu intitulé «Rencontre [B] et [R]» incluant (i) les coordonnées de la rencontre; et (ii) les questions et réponses numéros 12 (à l’exception du sous-paragraphe a.) et 17 à 21, apparaissant à ce compte-rendu; 1 L.R.Q., c. V-1.1.
03 04 05 Page : 4 • une liste des témoins que la requérante entend faire entendre aux fins d’établir les allégués de sa plainte, avec une indication des éléments de la preuve déjà communiqués à l’intimé sur lesquels elle projette de faire témoigner ces personnes; DÉCLARE que pour le reste, la communication de la preuve pertinente par la requérante a été adéquate; […] [9] M. Jacob atteste avoir donné suite à cette décision du Comité de discipline de la Bourse de Montréal en communiquant au demandeur les renseignements ayant fait l’objet de l’ordonnance (pièce E-6). Il informe la Commission que l’audition sur le fond du litige doit reprendre les 3 et 4 décembre 2003. [10] M. Jacob certifie que le document réclamé par le demandeur est bien celui lui ayant été remis et correspondant à la pièce E-6. [11] Interrogé par le demandeur, M. Jacob atteste avoir été l’enquêteur responsable de son dossier, ayant été assisté par M. Nicolas D'Astous. Il explique qu’une enquête est une démarche informelle : l’enquêteur ne note pas les conversations tenues avec les témoins ni ne procède à un enregistrement mécanique. Seul son assistant, M. D’Astous, prend des notes. [12] M. Jacob confirme que plusieurs passages à la pièce E-6 sont masqués. Il affirme que les renseignements ainsi masqués sont ceux bénéficiant d’une restriction à leur communication. ii) Du demandeur [13] Le demandeur reconnaît avoir reçu de la Bourse de Montréal copie du document annexé à la pièce E-6. Il réitère vouloir obtenir une copie complète des témoignages recueillis par la Bourse le concernant. Il prétend que la Bourse dissimule de la preuve en ne lui remettant pas intégralement le contenu de la pièce E-6. Il fait valoir que le refus de lui communiquer les documents demandés ne lui assure pas une défense pleine et entière.
03 04 05 Page : 5 C) LES ARGUMENTS i) De la Bourse de Montréal [14] Le procureur de la Bourse de Montréal, M e Marc-André Blanchard, soumet que la décision du Comité de discipline a permis au demandeur d’obtenir plus d’informations que ce que la Loi permet en pareille situation. Il est d’opinion que sa cliente était justifiée de refuser au demandeur, selon les termes des 1 er et 2 e paragraphes de l’article 39 et de l’article 40 de la Loi, les renseignements pouvant nuire à une enquête, à un tiers ou ayant un effet sur une procédure judiciaire 2 : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1 o de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (L.R.Q., chapitre A-8); 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. ii) Du demandeur [15] Le demandeur qualifie de non fondées les allégations du procureur de la Bourse de Montréal. Il prétend n’avoir obtenu les informations de cette dernière qu’au compte-gouttes. Il est d’avis que le président du Comité de discipline peut lui remettre tous les documents qu’il exige. 2 Murphy c. Chambre de la Sécurité financière, C.A.I. Québec, n o 01 14 11, 9 août 2002, c. Grenier.
03 04 05 Page : 6 DÉCISION [16] D’entrée de jeu, il importe de spécifier que la Commission n’est pas habilitée à trancher un litige en matière disciplinaire ou civile. [17] La preuve soumise m’a convaincu que la Bourse de Montréal ne détient pas d’autres documents, selon les termes des articles 1 et 2 de la Loi, en lien avec la demande d’accès que ceux déjà communiqués et celui en litige : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public. 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. [18] J’ai examiné le document remis au demandeur, masqué de certains passages, et la copie intégrale m’ayant été remise sous pli confidentiel. D'une part, je constate que les parties identifiant le demandeur lui ont été données. D’autre part, j’en arrive rapidement à partager, vu la preuve, les arguments du procureur de la Bourse de Montréal, notamment que les motifs de restriction invoqués en vertu de la Loi n’auraient pas autorisé la communication d’autant de renseignements au demandeur. Le demandeur ne pourra donc obtenir les renseignements en litige, ceux-ci étant visés par les articles 39 et 40 de la Loi.
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