Dossier : 02 11 60 Date : 20031218 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. SSQ, GROUPE FINANCIER Entreprise DÉCISION L'OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le demandeur conteste la décision prise par SSQ, Groupe financier (la « SSQ ») de lui refuser l’accès, selon les termes des articles 39 et 40 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi ») et de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 (la « Charte »), à tous les documents le concernant, notamment le rapport de l’expert en sinistre. [2] Une audience se tient à Montréal le 13 novembre 2003. La Commission d'accès à l'information (la « Commission ») reçoit de la SSQ, le 21 novembre suivant, un affidavit de M me Marlène Lachance. 1 L.R.Q., c. P-39.1. 2 L.R.Q., c. C-12.
02 11 60 Page : 2 L'AUDIENCE A) LE LITIGE [3] Le demandeur confirme vouloir obtenir tous les documents le concernant, notamment les documents d’expertise, d’enquête et d’évaluation de son camion ayant fait l’objet d’une réclamation de sa part, le 7 mars 2002, auprès de la SSQ. [4] Les documents suivants sont déposés de consentement : E-1 : Réponse à la demande d’accès, datée du 15 juillet 2002, accompagnée des documents donnés au demandeur; E-2 : Lettre de la SSQ, datée du 26 mars 2003, refusant d’indemniser le demandeur pour les dommages subis au véhicule le 7 mars 2002 et annulant la police d’assurance; E-3 : Lettre de la SSQ, datée du 26 juin 2002, remettant au demandeur sa déclaration; E-4 : Mise en demeure du procureur du demandeur du 29 mai 2003; E-5 : Documents provenant de l’Inspecteur général des institutions financières (l'« IGIF ») concernant le demandeur; E-6 : Lettre à l’assuré demandant un interrogatoire statutaire, datée du 20 juin 2002; E-7 : Lettre du demandeur envoyée à M e Marie-France Amyot datée du 8 juillet 2002; E-8 : Code de déontologie des experts en sinistre. [5] La SSQ remet, pour sa part, à la Commission, sous pli confidentiel, les huit documents en litige suivants : 1) Rapport n o 1 de l’expert en sinistre et rapport de l’évaluation; 2) Rapport n o 2 de l’expert en sinistre; 3) Rapport n o 3 de l’expert en sinistre; 4) Rapport n o 4 de l’expert en sinistre; 5) Rapport n o 5 de l’expert en sinistre;
02 11 60 Page : 3 6) Rapport n o 6 de l’expert en sinistre; 7) Rapport d’expertise de Pintendre Autos inc.; 8) Rapport n o 7 de l’expert en sinistre B) LA PREUVE i) De la SSQ M me Claudette Turcotte [6] M me Turcotte, expert en sinistre pour le Groupe CGI, anciennement le Bureau d’expertise des assureurs, mentionne avoir reçu le mandat de M me Lachance de la SSQ d’effectuer une expertise à la suite des événements survenus le 7 mars 2002. Il s’agit d’une enquête au sujet de la réclamation à la SSQ par le demandeur visant le remboursement pour les dommages subis à son camion par le feu. [7] M me Turcotte indique avoir interrogé le demandeur sur cet incident, le 20 mars 2002, et exigé certaines pièces justificatives. Elle signale ne pas avoir eu une pleine collaboration de la part du demandeur et avoir constaté des contradictions à son témoignage. Elle a donc soumis ses observations à la SSQ et cette dernière a requis un complément d’enquête. [8] M me Turcotte confirme qu’elle a interrogé, dans le cadre de son enquête, d’autres personnes que le demandeur. Elle fait valoir que la deuxième enquête a démontré que le demandeur utilisait son camion pour des fins commerciales et pas simplement pour une utilisation personnelle, comme le stipulait sa police d’assurance. La SSQ a alors refusé d’indemniser le demandeur. Elle souligne avoir refusé au demandeur de lui donner une copie de son rapport d’enquête. Le demandeur [9] Le demandeur intervient pour signaler qu’il possède les rapports de police. Il fait part de son désir d’obtenir l’expertise expliquant les causes ayant provoqué l’incendie du véhicule et celle statuant sur le coût de remplacement du camion. M me Claudette Turcotte [10] M me Turcotte confirme que le deuxième rapport renferme l’expertise sur la valeur du véhicule. Elle atteste avoir préparé sept rapports pour la SSQ, dont seul le septième n’était pas réalisé au moment de la demande d’accès.
02 11 60 Page : 4 M me Josée Beaulieu [11] M me Beaulieu, réviseure de dossiers, raconte être intervenue à la suite d’une plainte du demandeur sur le délai de traitement de sa réclamation (plus de 60 jours) et pour obtenir l’aide d’un expert en sinistre. Elle a effectué la vérification du dossier et constaté des éléments problématiques, notamment sur l’utilisation du camion à des fins commerciales, alors que la couverture d’assurance ne prévoit qu’une utilisation à des fins personnelles, et le fait que le demandeur ait pris du temps à fournir les informations demandées. Elle signale que le demandeur conteste avoir utilisé le camion à des fins commerciales. [12] M me Beaulieu indique que les documents en litige contiennent plusieurs informations touchant d’autres personnes que le demandeur. Elle mentionne également que les documents obtenus de l’IGIF rapportent l’existence d’une inscription au nom du demandeur, depuis le 21 janvier 2002, comme entreprise effectuant des travaux de déneigement (pièce E-5). [13] M me Beaulieu relate que cette dernière situation a provoqué l’annulation du contrat d’assurance et le refus d’indemniser le demandeur (pièce E-2). Elle atteste que la SSQ a reçu une mise en demeure du procureur du demandeur (pièce E-4). [14] M me Beaulieu soutient avoir confié un mandat à M e Marie-France Amyot, le 12 juin 2002, pour interroger le demandeur, mais que la SSQ n’a pas l’intention de le poursuivre. [15] Interrogée par le demandeur, M me Beaulieu lui confirme qu’habituellement, l’assureur a 60 jours pour donner suite à une réclamation lorsqu’il possède toutes les pièces justificatives. Comme il subsistait des précisions à obtenir du demandeur que l’expert en sinistre devait vérifier, le dossier n’a pu être fermé. La Commission [16] La Commission exige de la SSQ d’effectuer une recherche supplémentaire pour vérifier s’il existe ou non d’autres documents en lien avec la demande. La SSQ devra produire un affidavit dans les 10 jours constatant les fruits de sa recherche. [17] Le 21 novembre 2003, la Commission reçoit l’affidavit détaillé de M me Marlène Lachance, réviseure à l’emploi de la SSQ, responsable du dossier de réclamation du demandeur et représentante dûment autorisée (pièce E-9). Elle déclare :
02 11 60 Page : 5 3. J'ai procédé à la vérification du dossier de réclamation, entre autres des documents qui ont été remis sous les cotes E-1 à E-16 lors de l'audition auprès de la Commission d'accès à l'information; 4. Pour ce qui est des documents contenus au dossier de réclamation avant la demande d'accès du 27 juin 2002, on y retrouve: a) Rapport de sinistre à la souscription; b) Facture de Pintendre auto; c) Lettre adressée à un tiers et portant la date du 8 avril 2002; d) Notes informatiques du 7 mars au 27 juin 2002 inclusivement; 5. J'ai pris connaissance du dossier de souscription de M. Veillette portant le numéro 071309A et, quant aux documents antérieurs au 27 juin 2002, seuls les documents ci-après énumérés sont contenus au dossier: a) Notes informatiques du 15 janvier 1999 au 27 juin 2002; b) Rapport de sinistre à la souscription (identique au point 4 a); c) Document concernant l'immatriculation de la compagnie de M. Veillette auprès de l'Inspecteur général des institutions financières (identique à celui transmis lors de la demande d'accès); d) Note manuscrite du souscripteur ayant traité le dossier suite à la réception du rapport remis au point 3 a); e) Formulaire « Répartition des risques »; f) Formulaire 9011 signé par M. Veillette le 5 mai 2000; g) Contrat d'assurance FPQ no. 1;
02 11 60 Page : 6 6. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés dans la réponse à la demande d'accès est refusé aux documents ci-haut mentionnés, à l'exception du formulaire 9011, tel que décrit au paragraphe 5 f) et au contrat FP no.1, tel que décrit au paragraphe 5 g); La Commission [18] La Commission identifie les autres documents en litige remis par la SSQ de la façon suivante : 9) Déclaration de l’assuré (5 mai 2000) (2 pages); 10) Contrat d’assurance FPQ no 1 (6 pages); 11) Rapport de sinistre à la souscription (2 pages); 12) Note manuscrite du souscripteur (2 pages); 13) Notes informatiques du 15 janvier 1999 au 27 juin 2002 (13 pages); 14) Notes informatiques du 7 mars au 27 juin 2002 (23 pages); 15) Écran enquête (1 page); 16) Document intitulé « Transport prime » (2 pages), facture de Pintendre Autos inc. (2 pages) et lettre à un tiers du 8 avril 2002 ii) Du demandeur [19] Le demandeur exprime qu’il voulait se faire rembourser et n’avait aucune information de la SSQ depuis plus de trois mois. Il dit n’avoir obtenu de réponse définitive de la SSQ que sept mois après l’incident. Il n’approuve pas la position ni la façon d’agir de l’assureur, ayant déboursé des primes pour être assuré. Il atteste que son camion était muni d'une pelle. C) LES ARGUMENTS i) De la SSQ [20] M e Guylaine Giguère plaide que, même en l’absence de mise en demeure, le contexte de la présente prête à une situation de poursuite. Il existe, selon elle, au moment de la demande d’accès, une probabilité d’un litige entre le demandeur et la SSQ. Cette dernière n’avait pas encore pris position et le demandeur ne
02 11 60 Page : 7 collaborait pas entièrement à l’enquête 3 . Il subsiste un contexte de désaccord 4 . Les conditions prévues au 2 e paragraphe de l’article 39 ont donc été satisfaites : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement […] 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [21] M e Giguère invoque également l’article 9 de la Charte pour refuser l’accès aux rapports réalisés par l’expert en sinistre : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Devoir du tribunal. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [22] M e Giguère soutient que les rapports confectionnés par l’expert en sinistre sont de nature confidentielle, relevant du secret entre la cliente, la SSQ, et le professionnel. Elle fait part que le secret professionnel n’est pas seulement celui prévu au Code des professions 5 , même si, dans une autre décision qu’elle ne partage pas et présentement en appel, la Commission n’a pas reconnu que l’expert en sinistre bénéficie de l’exception au secret professionnel 6 . 3 Arcand c. AXA Assurances, C.A.I. Montréal, n o 00 14 16, 16 mai 2002, c. Constant. 4 X c. Assurances générales des Caisses Desjardins, C.A.I. Québec, n o 02 09 48, 9 avril 2003, c. Grenier; X c. Assurances générales des Caisses Desjardins, C.A.I. Québec, n o 02 15 37, 11 avril 2003, c. Grenier; X c. Meloche Monnex, C.A.I. Québec, n o 02 07 54, 10 juillet 2003, c. Boissinot. 5 Général Accident, compagnie d’assurances du Canada c. Ferland, [1997] C.A.I. 446 (C.Q.); La Sécurité assurances générales c. Gravel, [2000] C.A.I. 408 (C.Q.). 6 X c. Assurances générales des Caisses Desjardins, C.A.I. Québec, n o 99 19 68, 7 juillet 2003, c. Boissinot; Assurances générales des caisses Desjardins c. Ménard, C.Q. Montréal, n o 500-80-001893- 032, 24 octobre 2003, permission d’appel accordée par le juge Désormeau.
02 11 60 Page : 8 [23] M e Giguère évoque subsidiairement l’article 40 de la Loi. Elle avance que les documents renferment plusieurs renseignements sur des tiers qui ne veulent pas que ces informations les concernant soient divulguées parce que cela pourrait leur nuire : 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. DÉCISION [24] L'état du dossier, lors de la demande d’accès, révèle un conflit potentiel entre le demandeur, ne collaborant pas pleinement à l’enquête, et la SSQ, s’apprêtant dans les circonstances à refuser de l’indemniser. De fait, la SSQ a refusé d’indemniser le demandeur prétextant que le camion était utilisé à des fins autres que personnelles. Il subsistait donc une crainte raisonnable et sérieuse que le demandeur intente des procédures judiciaires pour réclamer le remboursement de son camion incendié. Les événements donnent donc ouverture à l’application du 2 e paragraphe de l’article 39 de la Loi. [25] Toutefois, les documents en litige risquent-ils vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire? [26] J’ai examiné attentivement les documents en litige. Je suis d’avis que les renseignements directement reliés au litige entre les parties et discutant, commentant ou impliquant la SSQ et le demandeur au sujet de la réclamation de ce dernier à la suite de l’incendie du camion sont visés par cet article 39 de la Loi. [27] Appartiennent à cette catégorie : • les sept rapports de l’expert en sinistre qui, dans les faits, ne constituent qu’un seul rapport, rédigé par la même personne, dont plusieurs éléments ont été colligés sur des périodes différentes (documents en litige n os 1 à 6 et 8);
02 11 60 • le rapport d’expertise de Pintendre Autos inc. (document en litige n • Le rapport de sinistre (document en litige n • les notes manuscrites (document en litige n • les pages 11 à 13 des notes informatiques du 15 janvier 1999 au 27 juin 2002 (document en litige n o 13); • les notes informatiques du 7 mars au 27 juin 2002 (document en litige n 14); • le document intitulé « Transport-privé », facture de Pintendre Autos inc. et des informations sur un tiers (document en litige n [28] Je suis cependant d'avis qu’il n’existe pas de restrictions applicables aux documents suivants : • le consentement (1 page) et la déclaration du 11 mars 2002 (3 pages) signés par le demandeur se trouvant au rapport de l’expert en sinistre du 20 mars (document en litige n l’impact que peuvent avoir ces renseignements sur des procédures judiciaires; • la déclaration du demandeur du 5 mai 2000 (document en litige n • le contrat d'assurance FPQ n • les pages 1 à 10 des notes informatiques du 15 janvier 1999 au 27 juin 2002 (document en litige n o 13); • le document intitulé « Écran enquête », étant une déclaration du demandeur (document en litige n POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [29] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [30] ORDONNE à la SSQ de communiquer au demandeur les renseignements ou documents suivants : Page : 9 o 7); o 11); o 12); o o 16). o 2). La Commission voit difficilement o 9); o 1 (document en litige n o 10); o 15).
02 11 60 • le consentement (1 page) et la déclaration du 11 mars 2002 (3 pages) du demandeur se trouvant au rapport de l’expert en sinistre du 20 mars (document en litige n o 2); • la déclaration du demandeur du 5 mai 2000 (document en litige n • le contrat d'assurance FPQ n • les pages 1 à 10 des notes informatiques du 15 janvier 1999 au 27 juin 2002 (document en litige n o 13); • le document intitulé « Écran enquête » (document en litige n Giguère et Associés (M e Guylaine Giguère) Procureurs de l'entreprise Page : 10 o 9); o 1 (document en litige n o 10); o 15). MICHEL LAPORTE Commissaire
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.