Dossier : 02 17 76 Date : 2003.12.08 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. MINISTÈRE DES RELATIONS AVEC LES CITOYENS ET DE L’IMMIGRATION Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 17 septembre 2002, le demandeur s’adresse au responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) afin d’obtenir copie des rapports des consultants externes Gilles Demers et Madeleine Bruyère remis respectivement à la sous-ministre Raymonde St-Germain en mai ou juin 2002 et à l’un des directeurs de l’organisme au printemps 2000 concernant un cadre de l’organisme, qu’il identifie, et le climat de travail dans le service que ce cadre dirige. 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
02 17 76 Page : 2 [2] Le 18 septembre suivant, le Responsable accuse réception, le 17 septembre 2002, de la demande et se prévaut du délai additionnel de 10 jours, prévu par la Loi, pour répondre à celle-ci. [3] Le 17 octobre 2002, le Responsable refuse de communiquer les documents demandés, invoquant les articles 14, 37, 39, 53, 86.1 et 88 de la Loi au soutien de ce refus. [4] Le 6 novembre 2002, le demandeur formule à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision du Responsable. [5] Le 20 janvier 2003, le demandeur fait parvenir à la Commission un document sur lequel apparaissent les signatures de douze (12) personnes dûment identifiées qui autorisent le demandeur à demander les deux rapports en cause et qui consentent à ce que les renseignements nominatifs les concernant lui soient divulgués. Ces consentements sont signés entre les13 et 27 novembre 2002. [6] Une audience se tient en la ville de Québec le 24 septembre 2003. L’AUDIENCE A. LE LITIGE [7] Les documents suivants sont l’objet du litige : a. Les pages 3 à 11 d’un rapport de 11 pages concernant l’évaluation du climat organisationnel d’une direction particulière de l’organisme, préparé par Gilles Demers, consultant, transmis à la Sous-ministre le 18 juin 2002; b. Le rapport intitulé Diagnostic organisationnel préparé pour une certaine direction de l’organisme et préparé par Madeleine Bruyère (Psycho Choix enr.) en avril 1999 ( 6 pages comprenant la page frontispice et les pages 1 à 5) B. LA PREUVE Témoignage de monsieur Gilles Deschamps
02 17 76 Page : 3 [8] Monsieur Deschamps est l’adjoint au Responsable au Secrétariat général de l’organisme depuis janvier 2003. Il était le Responsable en titre à l’époque de la réception de la demande d’accès jusqu’en janvier 2003. Rapport Demers [9] Il dépose sous la cote O-1, la lettre d’accompagnement du rapport en litige a) adressée par son auteur, le consultant Gilles Demers, le 18 juin 2002 à la sous-ministre Saint-Germain. [10] Ce document de transmission explique bien le contexte dans lequel ce rapport a été préparé. [11] Onze (11) lettres faisant état d’un problème de climat de travail dans une certaine direction de l’organisme et visant la gestion d’une certaine personne (que le demandeur a identifié dans sa demande d’accès) sont à la source de la consultation. [12] Le document O-1 mentionne que la Sous-ministre en poste a mandaté monsieur Demers pour prendre connaissance des plaintes, rencontrer les personnes impliquées et dresser un tableau le plus précis possible des relations interpersonnelles et du climat de travail prévalant dans cette direction particulière. [13] Au total 23 personnes ont été vues par monsieur Demers. Rapport Bruyère (Psycho Choix enr.) [14] Ce rapport a été préparé à la suite de circonstances similaires à celles ayant précédé le rapport Demers. Il concerne la même personne et le même service. C. LES REPRÉSENTATIONS [15] L’avocat de l’organisme fait état du caractère substantiellement nominatif des documents en cause. Les renseignements qu’ils contiennent concernent en substance une personne physique visée par certains reproches dirigés contre elle par des employés de sa direction. LA DÉCISION [16] La Commission considère que la réponse sous examen est reliée à une demande d’accès faite en vertu de l’article 9 de la Loi.
02 17 76 Page : 4 [17] La Commission a pris connaissance des deux documents en litige. LES CONSENTEMENTS [18] Dans le cadre de l’examen d’une demande de révision en matière d’accès à l’information, il n’est pas de la compétence de la Commission de se prononcer sur la validité des autorisations et consentements visés par les articles 53 et 59 de la Loi ou sur l’effet de tels autorisations et consentements sur l’accessibilité des renseignements visés par ceux-ci. Cette compétence appartient au responsable seul 2 . [19] L’article 135 de la Loi, circonscrivant la compétence de la Commission en cette matière, n’étend pas le pouvoir de révision au-delà de la décision du responsable de refuser l’accès ou la rectification, demandés par écrit, pour les motifs de refus d’accès ou de rectification prévus à la Loi. Le défaut de consentement ou d’autorisation ne fait pas partie de ces motifs de refus. [20] Subsidiairement, la Commission désire faire les remarques qui suivent. [21] Les rapports en litige ne mentionnent généralement pas le nom des personnes rencontrées ni ceux des plaignants ni spécifient ou identifient la source des renseignements auxquels ils réfèrent de sorte qu’on ne peut relier aucun des 12 consentements produits sous la cote D-1 à l’un ou l’autre des renseignements contenus dans ces rapports. [22] De surcroît, le Responsable n’a pas eu accès à ces consentements avant de rendre sa décision sur l’accessibilité des documents en litige. Il ne pouvait donc en tenir compte lorsqu’il a pris sa décision. La Commission révise la décision du Responsable de l’accès en considérant l’état du dossier au moment de cette décision. La Commission ne pourrait par conséquent tenir compte de ces consentements ultérieurs lors du processus de révision. RÉVISION DES MOTIFS DE REFUS [23] Le Responsable a refusé de communiquer les rapports en litige, notamment, en vertu des articles 53, 54, 59 alinéa premier et 14 de la Loi. 2 Corporation Crédit-gestion inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2001] CAI 399, 405.
02 17 76 Page : 5 [24] La preuve et l’examen des documents en litige démontrent que ces deux documents ont été confectionnés à la suite de la manifestation, aux autorités par certaines personnes, principalement à l’intérieur du service en question, de malaises, mécontentements, frustrations et plaintes vis-à-vis la personne qui assume la direction de ce service. [25] Les deux documents visent la gestion du même service par la même personne. [26] Les deux documents contiennent une analyse du climat organisationnel de cette direction de l’organisme à partir des faits recueillis auprès des personnes directement concernées mais, la plupart du temps, non identifiées spécifiquement. [27] Ces documents rapportent les difficultés organisationnelles et relationnelles imposées aux individus du service par la personne qui en assume la direction, certaines de ses décisions et actions ainsi que les comportements plus ou moins acceptables de la part de cette personne, principalement. [28] Ces documents proposent des solutions et recommandent que certaines décisions soient prises et que certains gestes soient posés pour améliorer la situation dans ce service. [29] La Commission est d’avis que ces deux documents concernent, en substance, la personne assumant la direction du service en question, sa manière de le gérer, les lacunes et les forces de cette gestion et la façon de l’améliorer. [30] Compte tenu que les faits, analyses et les recommandations en cause sont directement reliés à la controverse entourant la gestion d’une personne physique, que le demandeur a identifiée et qui était à l’emploi de l’organisme, la Commission considère que l’ensemble et la substance des renseignements se retrouvant dans ces documents sont des renseignements nominatifs concernant cette personne physique. [31] Ces documents sont donc totalement inaccessibles en vertu des articles 53, 54 et 59 alinéa premier de la Loi parce qu’ils visent directement à apprécier la compétence d’un cadre d’un organisme public et contiennent en substance des renseignements concernant la conduite et la réputation de cette personne : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également
02 17 76 Page : 6 être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, […] [32] Ces renseignements ne sont pas visés par l’article 55 et par le paragraphe 1° de l’article 57 de la Loi comme étant revêtus d’un caractère public. Ces renseignements ne sont pas la fonction ou ne portent pas sur la fonction 3 de ce cadre. En outre, la jurisprudence récente de la Cour du Québec indique que le paragraphe 1° de l’article 57 doivent recevoir une interprétation restrictive 4 , principalement à titre d’exception au principe de la confidentialité des renseignements personnels : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 3 B. c. Québec (Société de l’assurance automobile du Québec), CAI, n° 94 15 24, Montréal le 24 juillet 1995, commissaire Laurie Miller; Université de Montréal c. Lamontagne, [1998] CAI 467 (C.Q.). 4 Cardinal c. Leclerc, [1999] CAI 492 (C.Q.) 496; Lachine (Ville de) c. Leclerc, [1999] CAI 482 (C.Q.) 488; Bureau du commissaire des incendies de la Ville de Québec c. Assurance Royale, [1999] CAI 497 (C.Q.) 503, 504; Université de Montréal c. Lamontagne, [1998] CAI 467 (C.Q.) 469.
02 17 76 Page : 7 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° […] [33] Les renseignements en cause n’ont donc pas perdu leur caractère nominatif. [34] Les renseignements nominatifs constituant la substance des documents en litige, au sens de l’article 14 de la Loi, il n’est pas possible d’en effectuer l’élagage sans enlever toute signification ou intelligibilité à ces documents : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [35] L’analyse qui précède suffit pour disposer entièrement du litige. Il n’est donc pas utile que la Commission se prononce sur le bien-fondé des autres motifs de refus soulevés dans la décision sous examen. E. INTERDICTION DE PUBLICATION, DE DIFFUSION ET DE DIVULGATION [36] Étant donné la conclusion à laquelle la Commission en arrive et la nature confidentielle des documents qui suivent, des témoignages entendus et des représentations faites, il convient de frapper la demande d’accès portant la date du 17 septembre 2002, les documents déposés en preuve sous les cotes O-1 et D-1 et tous les témoignages et les représentations livrés publiquement, d’un interdit de publication, de diffusion et de divulgation.
02 17 76 Page : 8 [37] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission FRAPPE D’UN INTERDIT DE PUBLICATION, DE DIFFUSION ET DE DIVULGATION la demande d’accès portant la date du 17 septembre 2002, les documents déposés en preuve sous les cotes O-1 et D-1 et tous les témoignages et les représentations livrés publiquement lors de l’audience. REJETTE la présente demande de révision en matière d’accès. Québec, le 8 décembre 2003. DIANE BOISSINOT Commissaire Procureur de l’organisme : M e Sébastien Rochette
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