Dossier : 02 11 93 Date : 20031121 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Ministère de la Sécurité publique Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 19 avrIl 2002, la demanderesse, qui est représentée par M e Pierre Viens, du cabinet d’avocats PICARD GARCEAU PASQUIN PAGÉ VIENS, requiert de la Sûreté du Québec de Rawdon, MRC Matawini (la « S.Q. »), de lui communiquer copie complète d’un dossier ayant été constitué à la suite d’un incendie survenu le ou vers le 11 janvier 1998 à l’adresse indiquée dans la demande, dans la municipalité de Sainte-Béatrix : [...] notamment, le rapport d’enquête, les déclarations de témoins, les photographies, les croquis, les rapports d’expertises et les rapports d’analyse des prélèvements qui ont été faits sur les lieux de l’incendie, etc.
02 11 93 Page : 2 [2] Le 7 juin suivant, l’organisme aurait transmis à la demanderesse un accusé de réception et l’aurait avisée qu’un délai supplémentaire de dix jours serait requis pour le traitement de la demande. [3] Le 26 juin 2002, l’organisme informe, d'une part, l'avocat de la demanderesse avoir reçu, le 30 mai précédent, la demande adressée à la S.Q.; et d'autre part, il indique que « les renseignements recherchés ne concernent pas votre cliente [...] celle-ci n'étant pas identifiée comme la propriétaire du chalet incendié ». [4] L'organisme ajoute que les renseignements personnels qu'il détient sont protégés par les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »), et qu'ils ne peuvent pas être communiqués en l’absence du consentement de la personne concernée. Il souligne que si la demanderesse démontre qu’elle a un intérêt dans le dossier, l’organisme pourra lui communiquer des renseignements notamment en regard des articles 28, 59 et 88 de ladite loi. [5] Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse formule, par l’entremise de son avocat, M e Viens, le 27 juillet 2002, une demande auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée la décision de l’organisme. À cette demande de révision, est annexée une procédure judiciaire qui la cite comme étant l’un des défendeurs dans une cause de nature civile. L’AUDIENCE [6] Le 20 mai 2003, l’audience se tient à Montréal. La demanderesse est représentée par M e Pierre Bazinet, du même cabinet d’avocats que celui qui a formulé les demandes d’accès et de révision. L’organisme, pour sa part, est représenté par M e Dominique Legault, de la firme d'avocats BERNARD ROY & ASSOCIÉS. LA PREUVE ET LES ARGUMENTS A) M. ANDRÉ MAROIS, POUR L’ORGANISME [7] M. Marois, qui témoigne sous serment, déclare être responsable de l’accès aux documents pour l’organisme. Il explique avoir pris connaissance de la demande d’accès et avoir refusé de communiquer les renseignements demandés. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 11 93 Page : 3 [8] À son avis, des documents tels les déclarations de témoins, contiennent des renseignements nominatifs au sens de l’article 53 de la Loi sur l'accès; leur divulgation risque d'identifier des personnes physiques au sens de l’article 54 de la même loi. [9] Il ajoute que le policier a rencontré des témoins et qu'il a recueilli leur version des faits relative à l’incendie survenu au chalet en litige; les documents se trouvant au dossier que détient l’organisme ne démontrent pas que ces témoins aient consenti, par écrit, à la communication des renseignements qui y sont contenus et qui les concernent au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès; ils devraient donc demeurer confidentiels. De l’avis de M. Marois, leur communication risque de créer un préjudice à ces témoins ou à la personne qui est l’objet de ces renseignements au sens du paragraphe 5 de l’article 28 de cette même loi. [10] De plus, M. Marois souligne que la demanderesse n’a pas démontré à l’organisme qu’elle possède un intérêt pour pouvoir requérir lesdits renseignements; il ne voit donc pas la nécessité de répondre positivement à sa demande, d’autant que le chalet incendié ne lui appartient pas. [11] En ce qui a trait au rapport d’enquête, M. Marois indique que l’organisme ne peut pas en fournir une copie à la demanderesse, car sa divulgation révélerait une méthode d’enquête du policier qui était chargé de cette affaire, selon l’article 28 (3) de la Loi sur l'accès. B) CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. MAROIS PAR M E PIERRE BAZINET i) Objections soulevées par l'organisme [12] À une question de l’avocat de la demanderesse qui veut savoir si le policier arrivé sur les lieux du sinistre était chargé de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou encore, si ce policier avait tenté d'identifier la cause de cet incendie, M e Legault formule une objection. Elle indique que lorsqu’un policier arrive sur les lieux d’un sinistre, celui-ci n’a pas à vérifier la cause de ce dernier, mais qu'il doit plutôt, en premier lieu, chercher si un crime a été ou non commis. [13] M e Bazinet, pour la demanderesse, réplique que pour déterminer si un incendie est ou non d’origine criminelle, un policier est tenu d’abord d'en chercher la cause. [14] L'avocat continue son interrogatoire en demandant à M. Marois si le policier enquêteur cherchait si l’incendie aurait été ou non de nature criminelle. L’avocate de l’organisme formule une autre objection. Elle ajoute que la demanderesse ne possède pas l’intérêt juridique pour soumettre à l’organisme la demande d’accès
02 11 93 Page : 4 et pour demander à la Commission de réviser ladite demande; l’article 88 de la Loi sur l'accès trouverait application dans la présente cause, dans la mesure où les renseignements nominatifs concernent les témoins. [15] De plus, elle signale qu’une procédure judiciaire ayant été intentée contre la demanderesse, celle-ci n’a qu’à se prévaloir des dispositions prévues au Code de procédure civile 2 (le « C.p.c. ») pour tenter d’obtenir les documents faisant l’objet du présent litige. [16] L’avocat de la demanderesse réplique que « les policiers vont tout d’abord chercher des éléments, des techniques propres aux pompiers, par exemple : les foyers d’incendie, etc. », de manière à connaître l’élément déclencheur d’un incendie. Il argue que, dans la présente cause, l’organisme n’a pas démontré que le policier était chargé de prévenir, détecter et réprimer le crime. Ce dernier a plutôt effectué une enquête de nature administrative, comme l’aurait fait un pompier; il n’a donc pas effectué une enquête policière. Par conséquent, les éléments recueillis ne révéleraient pas une méthode d’enquête au sens de l’article 28 (3) de la Loi sur l'accès. Il cite à cet effet la décision Pinsonnault c. Ville de Trois-Rivières 3 . [17] En ce qui concerne la notion de l’intérêt soulevée par l’organisme, l’avocat plaide que cette demande est faite selon les dispositions législatives contenues à l’article 9 de la Loi sur l'accès, laquelle loi ne requiert pas d’un individu de dévoiler un intérêt lorsqu’il fait une demande d’accès. Pour ces motifs, il est d'avis que l'article 88 de la Loi sur l'accès précité ne s’applique pas dans la présente cause. [18] En ce qui a trait à la référence au C.p.c. faite par l’organisme, l’avocat indique, pour l’essentiel, que la demanderesse qu’il représente exerce son droit qui lui est reconnu à la Loi sur l’accès; il n’existe pas de disposition législative qui lui interdirait de s’adresser à la Commission pour exercer ce droit fondamental. [19] Les deux objections sont prises sous réserve par la soussignée. ii) Continuation du contre-interrogatoire de M. Marois [20] M. Marois affirme que lorsqu’un policier se rend sur les lieux d’un incendie, comme dans le cas en l’espèce, il agit à ce titre. Il affirme que la S.Q., relevant de l’organisme, n’a pas tenu d’enquête criminelle dans ce dossier, mais plutôt une enquête policière dans le cadre du mandat qu’elle détient de prévenir, détecter ou réprimer le crime. Il ajoute que le policier, par ses recherches, ses analyses, ses 2 L.R.Q., c. C-25. 3 [1992] C.A.I. 79, 83.
02 11 93 Page : 5 observations, cherche à déterminer « à quel type d’événement » il a affaire. Le résultat de tous ces éléments lui permet de rédiger un rapport d’enquête, d’en arriver à une conclusion et d'émettre des recommandations. Il signale qu’à partir des informations recueillies, un policier peut référer le dossier à un substitut du Procureur général; il souligne que, dans le cas présent, aucune accusation de nature criminelle n’a été portée contre des individus. [21] Par ailleurs, M. Marois dit ignorer si l’appel relatif à l’incendie a été reçu tant par les pompiers que par les policiers de la S.Q. Il dit également ignorer si la municipalité de Sainte-Béatrix possède ou non des « policiers pompiers » sur son territoire. Il précise cependant qu’un policier de la S.Q., relevant de l’organisme, ne remplit pas cette double fonction. [22] À cette étape du contre-interrogatoire, l’avocat de la demanderesse précise qu’en raison de cet incendie, une action, de nature civile, a été intentée contre sa cliente, ancienne propriétaire du chalet incendié, par la compagnie d'assurances, l’Unique, qui assurait la nouvelle propriétaire. Il indique, de plus, qu’il n’a pas l’intention de produire cette procédure qui est annexée à la demande de révision transmise à la Commission. Il ajoute que cette procédure judiciaire démontre que l’incendie aurait été « d’origine électrique ». [23] M. Marois, qui poursuit sa déposition, souligne que la compagnie d’assurances a mené sa propre enquête et a recueilli des faits, mais que l'enquêteur de la S.Q. n’a pas été mandaté par cette compagnie pour chercher la cause de l’incendie, et qu’il ne travaille pas pour ladite compagnie. LA PREUVE PAR HUIS CLOS [24] Une audience par huis clos est tenue, à la demande de l’organisme, afin de présenter une preuve sur les documents en litige qui sont déposés sous le sceau de la confidentialité, et ce, conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure 4 de la Commission et en l’absence de l’avocat de la demanderesse. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document qu'un organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. 4 L.R.Q. [A-2.1, r. 2].
02 11 93 Page : 6 LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [25] M e Legault plaide que la fonction principale d’un policier de la S.Q., dont l’organisme est responsable, est de prévenir, détecter, réprimer le crime ou les infractions à la loi. Celui-ci, en se rendant sur les lieux de l’incendie survenu à l’adresse indiquée à la demande, effectue une enquête policière. La plupart des documents auxquels la demanderesse souhaite avoir accès, tels les déclarations des témoins et le rapport d’enquête, contiennent des renseignements nominatifs au sens de l’article 53 de la Loi sur l'accès; leur divulgation risque d’identifier des personnes physiques en vertu de l’article 54 de cette même loi. Elle réfère à cet effet, à la déposition de M. Marois, selon laquelle ces déclarations ont été obtenues à la suite d’un incendie qui a donné lieu à une enquête policière, de laquelle s’ensuit un rapport. i) L’article 28, paragraphes 3 et 6 [26] Elle réfère à la preuve par huis clos et plaide que la divulgation des renseignements contenus au rapport d’enquête risque de révéler une méthode d’enquête destinée à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois (par. 3), par exemple, la manière utilisée par le policier afin de cueillir des informations auprès de différents témoins. [27] Dans le cas présent, l’avocate rappelle un extrait de la preuve par huis clos, selon laquelle le policier chargé de l’enquête a interrogé le Centre de renseignements policiers du Québec (« CRPQ »), qui est un système de communication regroupant plusieurs banques de données et qui est accessible uniquement aux corps policiers. La communication de ce renseignement risque de révéler les composantes de ce système de communication (par. 6). Elle signale qu’un pompier n’a pas accès au CRPQ; on ne peut donc pas prétendre que l’enquête menée par ce policier serait l’équivalente de celle effectuée par un pompier. [28] M e Legault commente la décision Cusson c. Ministère de la Sécurité publique 5 où notamment la Commission a refusé de donner au demandeur copie de certaines pages de documents, parce que celles-ci « sont essentiellement composées de codes et de numéros n’étant accessibles qu’aux corps policiers et à leurs membres ». L’avocate estime que, comme dans l’affaire Cusson, l’article 28 (6) de la Loi sur l'accès devrait trouver application dans la présente cause. 5 C.A.I. n o 02 12 23, 27 janvier 2003, c. Laporte.
02 11 93 Page : 7 Traitant de ce paragraphe, l’avocate réfère particulièrement au document émanant du CRPQ qui a été produit en preuve par huis clos. ii) L’article 28, paragraphe 5 [29] De plus, M e Legault plaide la nécessité, pour la Commission, de ne pas révéler les renseignements personnels fournis par les témoins dans cette enquête, car leur divulgation risque de leur causer préjudice ou à celui qui en est l’objet, et ce, tel qu'il a été mentionné par la Cour du Québec à la décision Communauté urbaine de Montréal c. Winters 6 . Elle souligne que dans cette affaire, comme dans le cas sous étude, aucune accusation de nature criminelle n’a été portée contre le demandeur. iii) L’article 88 [30] L’avocate argue que la preuve n’a pas démontré que ces témoins auraient autorisé l’organisme à communiquer à la demanderesse les renseignements qui les concernent, car la divulgation de ces renseignements risque vraisemblablement de révéler un renseignement sur une autre personne physique, telle la demanderesse. Selon les termes de l’article 88 de la Loi sur l'accès, la Commission ne devrait pas lui fournir copie desdites déclarations. [31] En ce qui concerne les photographies, l’avocate réfère la soussignée à la déposition de M. Marois tenue lors de la preuve par huis clos pour indiquer que la Commission devrait en refuser l’accès à la demanderesse. B) DE LA DEMANDERESSE i) Article 9 de la Loi sur l'accès [32] M e Bazinet plaide que la demande de révision est formulée selon les termes de l’article 9, premier alinéa de la Loi sur l'accès. Cet article prévoit un principe général selon lequel toute personne qui en fait la demande, a droit d’accès à des documents d’un organisme public, alors que les restrictions prévues au deuxième alinéa de cet article représentent l’exception au droit d’accès à un document, tel qu'il est mentionné à la décision Syndicat des travailleurs et travailleuses du Centre d’accueil Émilie-Gamelin et de la résidence Armand-Lavergne (C.S.N.) c. Centre d’accueil Émilie-Gamelin 7 . À ce jugement, la Cour 6 [1989] C.A.I. 209 (C.Q.) en appel de [1984-86] 1 C.A.I. 217. 7 [1990] C.A.I. 286 (C.S.).
02 11 93 Page : 8 supérieure référant à la décision Gélinas c. Office du crédit agricole du Québec 8 , indique que : Ce droit est inconditionnel et un requérant n’a pas à donner les raisons de sa demande d’accès. « La Loi sur l’accès ne pose pas de condition à l’exercice du droit général d’accès prévu à l’article 9. Il suffit, pour se prévaloir de ce droit, de faire une demande ». [33] Dans ce même jugement, la Cour supérieure, commentant la décision Syndicat des services sociaux de Québec inc. (S.S.H.Q.I.) c. Centre hospitalier Jeffery-Hale 9 , indique que Ce principe est à ce point clair que la Commission d’accès a même statué que l’absence d’intérêt du requérant n’est pas un motif pour refuser de communiquer des renseignements. [34] L’avocat argue que la demanderesse devrait avoir accès à certains documents, après que des renseignements nominatifs en aient été extraits, le cas échéant. ii) L’article 14 [35] M e Bazinet argue également que l’article 14 de la Loi sur l'accès stipule qu’un organisme ne peut refuser à un demandeur l’accès à un document pour le motif qu'il pourrait refuser de le lui communiquer; à moins que les renseignements extraits de ce document en forment la substance. Il ajoute que ce n’est pas parce qu’un document émane du CRPQ qu’il devrait automatiquement être soustrait à l’accès. La demanderesse devrait donc en obtenir une copie. iii) L’article 28, paragraphes 2 et 3 [36] L’avocat plaide que les paragraphes 2 et 3 de cet article ne devraient pas s’appliquer dans la présente cause car, à son avis, la preuve a démontré que l’enquête relative à cet incendie est terminée et qu’aucune accusation de nature criminelle n’a été déposée contre des individus. De plus, l’enquête menée par l’Unique, compagnie d’assurances, aurait conclu que l’incendie était « d’origine électrique ». L’avocat plaide que la divulgation des renseignements recherchés ne risque pas d’entraver le déroulement d’une enquête, au sens du paragraphe 2, ou de révéler une méthode d’enquête au sens du paragraphe 3 de l'article 28 de cette loi. 8 [1987] C.A.I. 109, 110 citée dans note 7, 293. 9 [1987] C.A.I. 62 en référence dans note 7, 293.
02 11 93 Page : 9 iv) L’article 28, paragraphe 5 [37] Par ailleurs, l’avocat argue que l’organisme n’a pas démontré que la divulgation des déclarations obtenues auprès des personnes qui occupent la résidence incendiée ou auprès d’un autre individu qu’il nomme, risque de causer un préjudice à l’auteur de ces renseignements ou à celui qui en est l’objet. Il souligne qu’au contraire, ces deux personnes ont déjà été indemnisées par la compagnie d’assurances. En conséquence, il n’existe aucun secret et leurs déclarations devraient être accessibles à la demanderesse, tel que l'a statué la Commission dans l'affaire La Prudentielle, compagnie d’assurance et al. c. Ministère de la Sécurité publique 10 . [38] En ce qui concerne les photographies, l’avocat souligne ne pas pouvoir soumettre d’arguments, ne les ayant pas vues ou examinées. Il considère que ces photographies relateraient l’état des lieux après l’incendie et que la demanderesse, qu’il représente, devrait avoir accès à l’intégralité du dossier d’enquête, y inclus le rapport et les noms des témoins, et ce, pour les motifs ci-dessus invoqués. v) Les articles 83 et 88 [39] Par ailleurs, l’avocat indique que les articles 83 et 88 de la Loi sur l'accès sont inapplicables dans la présente cause. L’article 83 traite, d’une part, des droits d’une personne concernée à avoir accès à un renseignement nominatif qui la concerne. L’article 88 vise notamment le refus pour un organisme à communiquer un renseignement nominatif, lorsque ce renseignement risque vraisemblablement de révéler un renseignement sur une autre personne physique, d’autre part. C) RÉPLIQUE DE L’ORGANISME i) L’article 14 [40] En ce qui concerne cet article, l’avocate réplique que l'organisme pourra fournir à la demanderesse une série de documents; il ne pourra pas lui en donner d’autres. ii) L’article 28, paragraphe 3 [41] L’avocate rappelle que cet article contient une disposition impérative selon laquelle un organisme public, en l’occurrence l’organisme cité dans la présente instance, doit refuser de communiquer à une personne, telle la demanderesse, 10 [1990] C.A.I. 130.
02 11 93 Page : 10 des documents pour les motifs qui y sont indiqués. Elle ajoute, entre autres, que les déclarations des témoins, les photographies, les plans et les croquis font partie intégrante d’une méthode d’enquête au sens de ce paragraphe. Les documents que l’organisme a refusés à la demanderesse ne devraient donc pas être accessibles à celle-ci. [42] De plus, citant la décision Winters c. Communauté urbaine de Montréal 11 , l’avocate indique ce qui suit : Il importe de rappeler qu’avant d’examiner les effets d’une divulgation de renseignements eu égard à ceux prévus aux paragraphes 1 à 9 de l’article 28, il faut vérifier si ces renseignements correspondent à ceux visés par le paragraphe introductif de l’article 28; c’est-à-dire qu’il faut s’assurer que ces renseignements aient été « obtenus par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois ». iii) L'article 28, paragraphe 5 [43] L’avocate signale que l'organisme ne peut pas acquiescer à la demande voulant que les noms des témoins soient masqués sur leur déclaration respective, parce que la demanderesse risque de faire un lien entre les faits relatés et l'auteur de la déclaration. LA DÉCISION SUR LES OBJECTIONS [44] Après avoir entendu les représentations respectives des avocats sur les objections soulevées par l’organisme lors de la déposition de M. Marois, la soussignée considère qu'il importe, eu égard notamment aux fonctions du policier enquêteur dans la présente cause, de préciser que par ses fonctions et par son titre, un policier est une personne chargée, en vertu de la loi, de prévenir, détecter et réprimer le crime. Elle estime donc que l'article 28 s'applique au cas présent. L'objection est maintenue. [45] Par ailleurs, la demanderesse, ayant exercé son droit d'accès selon les termes de l'article 9 de la Loi sur l'accès, elle n'est aucunement obligée de démontrer un intérêt quelconque pour obtenir les documents recherchés, tel qu'il 11 [1987] C.A.I. 370, 375.
02 11 93 Page : 11 est mentionné à la décision Bhérer c. Ministère de la Santé et des Services sociaux 12 . L'objection de l'organisme est rejetée. SUR LA DEMANDE DE RÉVISION A) ASSISE LÉGALE [46] Cette décision réfère aux articles 9, 14, 28 (2) (3) (5) et (6), 53, 54, 88 et 168 de la Loi sur l'accès. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : […] 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; […] 12 [1986] C.A.I. 359.
02 11 93 Page : 12 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [47] Les documents en litige déposés, à l’audience, sous le sceau de la confidentialité, sont composés de : • Une déclaration statutaire (une page); • Un rapport préliminaire d’incendie (deux pages); • Un rapport d’enquête (sept pages); • Des photographies; • Une autorisation donnée à un représentant de l’organisme, dans le cadre de son enquête qui fait suite à l’incendie; • Un rapport d’événement (deux pages); • Un document non titré (une page). B) L'article 9 [48] La demande de révision est faite en vertu des dispositions législatives prévues à l’article 9 de la Loi sur l'accès, à son premier alinéa, lequel traite du
02 11 93 Page : 13 principe général d’accès accordé à tout individu qui désire obtenir copie des divers documents, tels qu'ils sont décrits à la demande. Ces documents sont détenus par le présent organisme. Les demandes de consultation et de reproduction de ces documents se font selon les modalités prévues aux articles 10 et suivants de cette même loi. Les restrictions au droit d’accès décrites au deuxième alinéa de l'article 9 et à la Section II n’ayant pas été soulevées par l’une ou l’autre des parties, à l'exception de l'article 28; elles ne font pas l’objet de traitement dans la présente cause. [49] Le libellé de l’article 9 précité garantit à la demanderesse un droit fondamental qui comporte un caractère prépondérant, tel qu'il est mentionné à la décision Noël c. Régie des installations olympiques 13 et au sens de l’article 168 de la Loi sur l'accès précité. [50] Il importe de signaler que l’intérêt n’est nullement requis à un demandeur qui souhaite avoir accès à un document détenu par un organisme public, car l’absence d’intérêt ne constitue pas un motif pour lui en refuser l'accès, tel qu'il est mentionné à l'affaire Syndicat des travailleurs du Centre Émilie-Gamelin 14 précitée. [51] Par ailleurs, la soussignée retient les arguments de l’avocat de la demanderesse, eu égard aux articles 83 et 88 de la Loi sur l'accès pour leur non-application dans le cas en l’espèce. C) LES RAPPORTS ET L’ARTICLE 28 (PAR. 2, 3, 5 et 6) [52] La preuve tant documentaire (ex. : CRPQ) que testimoniale a démontré que, par ses fonctions et par son titre, un policier est chargé, en vertu de la loi, de prévenir, détecter et réprimer le crime, et que les termes de l'article 28, et plus particulièrement, les paragraphes 2, 3, 5 et 6 qui ont été cités et débattus à l’audience par les avocats des parties, s'appliquent à la présente cause. [53] Lors de l'audience, la preuve non contredite a démontré que la S.Q., relevant de l’organisme, dessert le territoire de Sainte-Béatrix, lieu de l’incendie. Il importe de rappeler les arguments de l’avocate de l’organisme qui a fait ressortir une partie du témoignage de M. Marois tenu par huis clos, en ce que notamment, dans le cadre de son enquête, le policier de la S.Q. a interrogé le système de communication, à savoir le CRPQ. Une copie de ce document a été produite en preuve par huis clos. Ce système est accessible uniquement aux corps policiers et non aux pompiers. Ce document démontre qu’une vérification du CRPQ était 13 [2001] C.A.I. 376. 14 Précitée, note 7.
02 11 93 Page : 14 nécessaire à ce policier enquêteur qui devait effectuer son travail à la suite de l’incendie survenu au chalet en question. L’organisme a clairement démontré que le policier enquêteur, dans le cadre de cette affaire, était chargé de détecter ou de réprimer le crime ou les infractions aux lois, au sens du premier paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l'accès précité. La soussignée décide que ce document est inaccessible à la demanderesse en conformité à l'article 28 (6). [54] Par ailleurs, la soussignée a examiné les documents faisant l’objet du présent litige. Celle-ci prend acte que suivant la preuve par huis clos, l’organisme communiquera à la demanderesse certaines parties des documents ci-dessous décrites : • Au rapport préliminaire d'incendie : l’adresse de la résidence incendiée, le nom et l’adresse au travail du pompier, lequel se trouve sous la rubrique « Pompiers » et la deuxième page dans son intégralité; • Au rapport d’enquête : à la première page, à partir du mot « enquête » jusqu’à « Ste-Béatrix ». Par la suite, à partir du mot « Arrivée sur les lieux » jusqu’à Ste-Béatrix; le nom et le n o de matricule du policier ayant rédigé ledit rapport; • Au rapport d’événement, à la première page, seule la section 1 est accessible; le « numéro de dossier » ayant été masqué; • À la seconde page du rapport d'événement, la section 5 de ce document, à partir du mot « constatations » jusqu’à « s’échappait du toit »; par la suite, à partir de « Sgt l’Écuyer » jusqu’à « scène »; la section 6. D) LA DÉCLARATION [55] Parmi les documents en litige, il n'y a qu'une déclaration statutaire d'un témoin; la demanderesse ne pourra pas y avoir accès, car la preuve n’a pas démontré que ce témoin ait consenti à ce que l’organisme divulgue les renseignements nominatifs qui le concernent. Il s'agit d'une personne physique dont l’identité doit demeurer confidentielle. Ces renseignements sont, entre autres, sa date de naissance, son adresse personnelle, son numéro de téléphone, etc. Les articles 53 et 54 de la Loi sur l'accès s’appliquent dans la présente cause. E) LES PHOTOGRAPHIES [56] La soussignée a examiné les photographies que l’organisme lui a présentées, à l’audience par huis clos et sous le sceau de la confidentialité; la
02 11 93 Page : 15 soussignée a constaté qu’elles sont toutes numérotées. Chacune d’entre elles réfère au contenu du rapport de l’enquêteur de la S.Q et est en lien direct avec ce document. Ces photographies sont donc inaccessibles à la demanderesse en vertu de l'article 28 (3). [57] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de la demanderesse contre le Ministère de la Sécurité publique; PREND ACTE que l’organisme communiquera à la demanderesse copie de certaines parties du rapport d’enquête telles qu'elles sont mentionnées au paragraphe 54; REJETTE, quant au reste, la demande et ferme le présent dossier portant le n o 02 11 93. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 21 novembre 2003 M e Pierre Bazinet PICARD GARCEAU PASQUIN PAGÉ VIENS Procureurs de la demanderesse M e Dominique Legault BERNARD ROY & ASSOCIÉS Procureurs du ministère de la Sécurité publique
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.