Dossier : 02 08 86 Date : 20031106 Commissaire : M e Christiane Constant M. X Demandeur c. Commissaire à la déontologie policière Organisme public DÉCISION PRÉLIMINAIRE L'OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 22 mai 2002, le demandeur requiert, par l’entremise de son avocat, M e Normand Haché, du cabinet d’avocats AUDET, HACHÉ & ASSOCIÉS, du bureau du Commissaire à la déontologie policière (l’« organisme »), de lui faire parvenir copie d’une décision que ce dernier aurait rendue au sujet d'une plainte pour brutalité policière formulée par le demandeur contre un agent de police. Il requiert également l’accessibilité à la vidéocassette de surveillance eu égard à sa plainte auprès de l’organisme.
02 08 86 Page : 2 [2] Le 31 mai suivant, l’organisme lui communique copie de la décision. Quant à la vidéocassette de surveillance, il lui suggère de s’adresser au Service de police de la Ville de Montréal (le « S.P.V.M ») de qui relève ce document. [3] Insatisfait de cette réponse, le demandeur formule, le 7 juin 2002, par l’entremise de son avocat, une demande pour que soit révisée cette décision auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »). L'AUDIENCE [4] Après avoir été remise une fois à la demande de l'avocat du demandeur, l’audience de cette cause se tient à Montréal, le 23 septembre 2003, en présence de M e Christian Reid, pour l'organisme, et de M e Haché, pour le demandeur, mais en l’absence de celui-ci. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [5] M e Reid, pour l’organisme, n’a pas de témoin à faire entendre. [6] L’avocat plaide que la vidéocassette de surveillance à laquelle le demandeur souhaite avoir accès appartient au S.P.V.M. Pour étayer cette argumentation, il dépose en preuve un document portant le sigle « POLICE » (pièce O-1) sur lequel est inscrit « Veuillez retourner cette vidéocassette à l’adresse suivante : Service de police de la C.U.M. » (adresse). Le responsable de l’accès pour l’organisme, M e Yves-Albert Paquette, a donc avisé le demandeur d’adresser sa demande auprès du S.P.V.M.; il invoque, à cet effet, l’article 48 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [7] M e Reid ajoute que l’organisme détient physiquement cette vidéocassette de surveillance, parce qu’il devait la visionner afin de pouvoir rendre une décision dans le cadre d’une enquête eu égard à une plainte déposée par le demandeur contre le S.P.V.M. [8] M e Reid affirme qu’à la demande de l’avocat du demandeur, M e Haché, l’organisme n’a pas retourné au S.P.V.M. ladite vidéocassette qu’il exhibe à l’audience, sans toutefois la déposer en preuve. Il maintient la décision de 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 08 86 Page : 3 l’organisme de ne pas vouloir en fournir une copie au demandeur, particulièrement selon les termes de l’article 48 de la Loi sur l'accès. [9] L’avocat estime, qu’en conséquence, la présence du S.P.V.M. est nécessaire à l’audience afin que celui-ci puisse faire valoir ses représentations quant à l’accessibilité de cette vidéocassette de surveillance dont le demandeur cherche à en obtenir copie. B) DU DEMANDEUR [10] M e Haché, pour le demandeur, n’a pas de témoin à faire entendre. Il plaide qu’après avoir reçu la réponse de l’organisme l’avisant que le S.P.V.M. en est le détenteur juridique, il a adressé à celui-ci une demande d’accès le 5 juin 2002. Le S.P.V.M. lui a répondu, le 2 juillet 2002, que « Nous ne sommes donc pas en possession de celle-ci, notre seul exemplaire étant maintenant entre les mains du Commissaire à la déontologie » (pièce D-1 en liasse). [11] M e Haché argue que la réponse du S.P.V.M. qui le réfère à l’organisme, lui permet de comprendre que celui-ci devra lui communiquer copie de cette vidéocassette dont il est détenteur. [12] Par ailleurs, selon cet avocat, il est important de visionner ladite vidéocassette de surveillance dans laquelle le demandeur apparaît, parce qu’il a été accusé de voies de fait, d’une part, et de méfait, d’autre part, contre le S.P.V.M. [13] L’avocat indique qu’il s’est adressé tant à l’organisme qu’au S.P.V.M. pour pouvoir obtenir copie de cette vidéocassette de surveillance, mais sans succès. LA DÉCISION PRÉLIMINAIRE [14] La soussignée retient que le seul objet en litige est l’accessibilité ou non de la vidéocassette de surveillance au demandeur, puisque l’organisme lui a déjà remis copie de la décision du Commissaire à la déontologie policière. [15] Les arguments des avocats des parties font ressortir, entre autres : • Que le demandeur a formulé auprès de l’organisme une demande pour avoir accès à la vidéocassette de surveillance dans laquelle il apparaît;
02 08 86 Page : 4 • Que l’organisme lui en refuse l’accès et le réfère au S.P.V.M. qui, à son avis, est le détenteur juridique de cette vidéocassette (pièce O-1 précitée); • Qu’à la suite de cette réponse, le demandeur a formulé auprès du S.P.V.M. une demande pour avoir une copie de cette vidéocassette et que celui-ci lui a répondu de s’adresser plutôt à l’organisme qui détient le seul exemplaire du S.P.V.M. (pièce D-1 en liasse précitée); • Qu’à la demande de M e Haché, l’organisme n’a pas retourné au S.P.V.M. la vidéocassette qu’il a en sa possession; • Que la présence du S.P.V.M. s’avère nécessaire à l’audience afin qu’il puisse faire valoir ses représentations sur l’accessibilité ou non de ce document recherché par le demandeur. ASSISE LÉGALE [16] Les articles qui s’appliquent à la présente cause sont les articles 1, 9, 47 (4), 48 et 168 de la Loi sur l'accès : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : [...] 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; [...]
02 08 86 Page : 5 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. A) L'ARTICLE 1 [17] Pour voir à l’application de l’article 1 de la Loi sur l'accès, le législateur prévoit quatre critères qu’il importe de mentionner. • Premièrement : que les renseignements recherchés se trouvent dans un document au moment de la demande d’accès • Deuxièmement : que ce document soit détenu par un organisme public, et ce, quelle qu'en soit sa forme • Troisièmement : que « la détention de ce document doit être exercée par un « organisme public », tel que défini par les articles 3 à 7 de la Loi sur l’accès, ou encore, par un tiers à la demande ou pour le compte d’un tel organisme public. » 2 • Quatrièmement : que ledit document soit détenu « dans l’exercice des fonctions » de cet organisme. [18] À la lecture de ce qui est ci-dessus mentionné, la soussignée considère que l’organisme rencontre les quatre critères pour l’application de cet article, et ce, 2 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information, Loi annotée – Jurisprudence-Analyse et commentaires, volume 1, Éditions Yvon Blais, Mise à jour 2, 2002, f. I/2.
02 08 86 Page : 6 conformément à la décision Hélie c. Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances 3 . B) LES ARTICLES 9 et 168 [19] L’article 9 prévoit que toute personne a le droit d’obtenir des documents d’un organisme public lorsqu'elle en fait la demande. Le demandeur a respecté cette condition tant auprès de l’organisme qu’auprès du S.P.V.M. Il a donc exercé un droit fondamental, impératif, qui a un caractère prépondérant aux dispositions législatives qui lui sont contraires au sens de l’article 168 de la Loi sur l'accès et tel qu'il est mentionné dans l’enquête Therrien c. Ville de Montréal, tenue par la Commission 4 . C) L’ARTICLE 47 [20] Le législateur a jugé nécessaire d’exiger du responsable d’accès d’un organisme de donner suite à une demande d’accès, dans un délai de vingt jours de la réception d’une demande, suivant les conditions prévues aux paragraphes 1 à 6 de cet article. Dans le présent cas, la preuve documentaire a démontré que le responsable de l’accès de l’organisme a répondu au demandeur dans le délai de vingt jours prescrit à la loi et en référant le demandeur au S.P.V.M. de qui relève davantage la demande relative à la vidéocassette de surveillance (pièce O-1 précitée). D) L’ARTICLE 48 [21] En ce qui concerne l’article 48 de la Loi sur l'accès, les arguments des avocats des parties ainsi que les pièces respectives qu’ils ont déposées en preuve mènent la soussignée à conclure que la vidéocassette de surveillance dont le demandeur désire obtenir copie relève effectivement de la compétence du S.P.V.M. [22] Considérant que sur un document (pièce O-1 précitée), le S.P.V.M. a bel et bien indiqué « Veuillez retourner cette vidéocassette à l’adresse suivante » à savoir le « Service de police de la C.U.M. »; [23] Considérant que le S.P.V.M., dans sa réponse au demandeur, le 2 juillet 2002, affirmait qu’il n’était plus en possession de cette vidéocassette de 3 [1986] C.A.I. 181 dans Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, Publications CCH ltée, 2001, vol. 2, f. 13 001. 4 [2001] C.A.I. 208.
02 08 86 Page : 7 surveillance et que son seul exemplaire est en possession de l’organisme (pièce O-2 en liasse précitée); [24] Considérant cette preuve documentaire, la soussignée estime indispensable la présence du S.P.V.M. à l'audience au cours de laquelle il devra faire valoir ses représentations sur l’accessibilité ou non de la vidéocassette de surveillance au demandeur; [25] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ORDONNE à l’organisme de communiquer au S.P.V.M. copie de la demande de révision du demandeur, à laquelle sont annexées copies des deux pièces (O-1 et O-2 en liasse) qui ont été déposées en preuve à l’audience; ORDONNE à la Ville de Montréal de comparaître à la prochaine audience, dont la date sera fixée par la responsable des rôles de la Commission, en collaboration avec tous les avocats au dossier, afin que la Ville puisse faire valoir ses représentations sur l’accessibilité ou non de la vidéocassette de surveillance recherchée par le demandeur; CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 6 novembre 2003 M e Normand Haché AUDET, HACHÉ & ASSOCIÉS Procureurs du demandeur M e Christian Reid Procureur du Commissaire à la déontologie policière
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