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Dossier : 02 00 77 Date : 20031031 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Protecteur du citoyen Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demanderesse formule, le 30 novembre 2001, auprès du Protecteur du citoyen (l’« organisme ») une demande afin dobtenir : un exemplaire dun MÉMOIRE concernant ma plainte faite le 8 décembre 1995 et qui a été déposé au Curateur public en novembre/octobre dernier. [2] L'organisme lui transmet, le 4 décembre 2001, un accusé de réception et lui explique, entre autres, le délai légal prévu à la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès ») pour répondre à la demande daccès ainsi que le recours en révision dont elle peut se prévaloir, conformément à la loi. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 00 77 Page : 2 [3] Le 17 décembre 2001, lorganisme refuse à la demanderesse laccès aux documents, invoquant à cet effet les articles 37, 38 et 87 de la Loi sur l'accès. [4] Le 16 janvier 2002, la demanderesse sollicite lintervention de la Commission pour réviser cette décision. LAUDIENCE [5] Une audience se tient à Montréal, le 9 septembre 2003, en présence de la demanderesse, de l'avocat et du témoin de lorganisme, après avoir été remise une première fois à la demande de lorganisme. [6] M e Jean-Claude Paquet, conseiller juridique pour l'organisme, avise la soussignée que la preuve de celui-ci portera sur larticle 38 de la Loi sur l'accès; il renonce à invoquer larticle 37 de ladite loi. Il précise que lorganisme fera sa preuve sur la demande daccès telle quelle a été présentée le 30 novembre 2001. De plus, lavocat signale que la demanderesse a formulé, après cette date, auprès du même organisme, dautres demandes daccès relatives au même document. LA PREUVE A) De M me MICHELINE McNICOLL, POUR LORGANISME [7] M e Paquet fait témoigner, sous serment, M me McNicoll, qui déclare être commissaire à la qualité des services et responsable de lapplication de la Loi sur l'accès; elle rend des décisions relatives aux demandes daccès qui sont formulées à lorganisme. Celui-ci a compétence pour recevoir et reçoit diverses plaintes de citoyens; il a également compétence pour régler un litige opposant ceux-ci au Curateur public (le « Curateur »). M me McNicoll ajoute que les enquêteurs qui travaillent chez lorganisme détiennent les pouvoirs de commissaires-enquêteurs qui leur sont conférés à la Loi sur le protecteur du citoyen 2 . [8] M me McNicoll explique, à titre d'exemple, que sur réception dune plainte contre le Curateur, le présent organisme tient une enquête, de laquelle sensuit un rapport qui contient des conclusions et des recommandations. Le Curateur décide des suites à donner à ce rapport. 2 L.R.Q., c. P-32.
02 00 77 Page : 3 [9] Elle dépose en preuve un résumé d'interventions effectuées tant par la demanderesse que par lorganisme (pièce O-1); elle précise que l'objet de la plainte formulée par la demanderesse contre le Curateur est la gestion d'une propriété immobilière dont elle avait héritée avec ses frères et soeurs, dont l'une d'entre elles était soumise à la curatelle publique jusqu'en 1995. Lorganisme a mené une enquête sur les allégations portées par la demanderesse, de laquelle sensuit un rapport que la demanderesse nomme « Mémoire ». M me McNicoll indique que les éléments recueillis au cours de cette enquête contiennent notamment des renseignements personnels sur la demanderesse et sur « dautres personnes significatives dans lentourage dune personne sous tutelle ». À son avis, les noms qui apparaissent dans ledit document sont des renseignements nominatifs qui doivent demeurer confidentiels, car leur divulgation risque de révéler lidentité de ces personnes. [10] Elle ajoute que lenquête de lorganisme est terminée et que ce dernier a rendu le rapport au Curateur, mais que le processus décisionnel au sein de cet organisme était toujours en cours au moment de la demande daccès, à savoir le 30 novembre 2001. M me McNicoll tient à préciser que sa déposition porte uniquement sur cette demande. [11] Elle dépose, sous le sceau de la confidentialité, une lettre datée du 23 octobre 2001, à laquelle sont joints le rapport et quarante-trois annexes, que lorganisme a communiqués au Curateur. Elle dépose également, sous le sceau de la confidentialité, une note datée du 14 novembre 2002 que le Curateur a communiquée à l'organisme lui faisant part, entre autres, de discussions, de l'analyse du dossier et de recommandations. [12] De plus, M me McNicoll précise que, le 5 décembre 2002, l'organisme a fait parvenir à la demanderesse, une lettre l'informant notamment de la « fin de lenquête du Protecteur du citoyen » eu égard à ladministration par le Curateur de la maison en litige (pièce O-2 en liasse). Elle ajoute que lorganisme a remis à la demanderesse copie des conclusions et recommandations du rapport final qui la concernent, et ce, dans le respect des renseignements nominatifs qui, au sens de larticle 53 de la Loi sur l'accès, doivent demeurer confidentiels. B) DE LA DEMANDERESSE [13] La demanderesse, qui témoigne sous serment, fait lhistorique de la propriété familiale. Ses six frères et soeurs et elle sont devenus les propriétaires indivis dun immeuble qui était habité précédemment par leur mère, M me X; lune de ses sœurs vivait alors déjà sous le régime de protection du Curateur.
02 00 77 Page : 4 [14] Au mois de janvier 1991, la majorité des propriétaires indivis, incluant la demanderesse, ont conclu une entente avec le Curateur, pour que celui-ci administre cette propriété immobilière, et ce, jusquà sa vente. Cependant, pour des motifs qui lui sont propres, la demanderesse se dit insatisfaite de la manière selon laquelle le Curateur a géré cette propriété et l'a ensuite vendue à l'un des héritiers. Elle a donc déposé une plainte auprès de lorganisme contre le Curateur (pièce D-1). [15] La demanderesse ajoute qu'il lui est nécessaire de connaître le contenu de ce Mémoire/rapport qui la concerne et de savoir ce qui en est ressorti, d le dépôt de sa demande daccès le 30 novembre 2001 (pièce D-2) auprès de lorganisme. Elle estime que larticle 53 de la Loi sur l'accès ne pourrait sappliquer dans la présente cause, car elle a été linitiatrice de la plainte en question auprès de cet organisme. LES ARGUMENTS A) M e JEAN-CLAUDE PAQUET, POUR LORGANISME [16] M e Paquet invoque larticle 38 de la Loi sur l'accès pour refuser laccès au rapport recherché par la demanderesse. Il rappelle les faits : Lorganisme a mené une enquête en raison de plaintes déposées par la demanderesse contre le Curateur public, selon lesquelles celui-ci naurait pas exercé, avec diligence, le mandat qui lui était confié pour la gestion et ladministration dune propriété immobilière; Le 30 novembre 2001, la demanderesse formule auprès de lorganisme une demande pour avoir accès au Mémoire ou rapport; Le 17 décembre suivant, l'organisme confirme lexistence de ce Mémoire qui comporte quarante-trois annexes et décide de lui refuser laccès à ce document qui contiendrait « un avis ou une recommandation initiale faite par un membre du personnel de la Protectrice du citoyen, rendue à cet organisme qui na pas encore rendu sa réponse à cet avis ». Il invoque à cet effet larticle 38 de la Loi sur l'accès; Le 8 mai 2002, le Curateur transmet à lorganisme une note explicative concernant une offre de règlement intérimaire;
02 00 77 Page : 5 Le 14 novembre 2002, une note présentant la position finale du Curateur au sujet du litige a été transmise à l'organisme. [17] Lavocat plaide que, le 17 décembre 2001, lorganisme a eu raison, en droit, de ne pas fournir à la demanderesse copie dudit rapport car, à cette date, la décision finale nétait toujours pas rendue par le Curateur. Lavocat plaide également quil appartient à ce dernier de déterminer sil décide de donner suite à ce rapport et aux recommandations qu'il contient. [18] Citant les auteurs Doray et Charette 3 , lavocat souligne que : [...] larticle 38 vise les avis et recommandations institutionnels, cest-à-dire les avis et recommandations quun organisme public a reçus dun organisme qui en relève ou ceux quil a faits à un autre organisme public. [...] En second lieu, larticle 38 permet dassurer la confidentialité des avis ou des recommandations quun organisme public adresse à un autre organisme public.[...] [19] Ces auteurs ajoutent 4 : Enfin, sur la question de savoir ce que constitue une décision finale, la Commission, à bon droit croyons-nous, a décidé quil ny avait pas lieu dattendre que le droit dappel de lorganisme ou du demandeur soit épuisé pour considérer quil sagit bien dune décision finale. Ce nest pas le processus judiciaire ou quasi judiciaire que lon cherche à protéger dans le cadre de larticle 38, mais bien le processus décisionnel administratif qui se termine lorsque lorganisme a pris une décision. [20] Lavocat réitère que la preuve documentaire déposée, sous le sceau de la confidentialité, ainsi que le témoignage de M me McNicoll, ont pu démontrer que le processus décisionnel était toujours en cours au moment de la demande d'accès. B) LA DEMANDERESSE [21] La demanderesse, pour sa part, soutient que la plainte contre le Curateur origine delle-même, que lenquête est terminée; lorganisme devrait donc lui 3 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information, Loi annotée Jurisprudence-Analyse et commentaires, volume 1, Éditions Yvon Blais, Mise à jour 2, 2002, f. II/38-1 et 38-2. 4 Ibidem.
02 00 77 Page : 6 fournir un exemplaire de ce Mémoire/rapport final dans son intégralité ainsi que des quarante-trois annexes. LA DÉCISION [22] La demanderesse a formulé, le 30 novembre 2001, une demande pour avoir accès à un Mémoire/rapport préparé par lorganisme à la suite dune enquête quil a menée sur le Curateur. [23] La preuve non contredite a démontré que, le 8 décembre 1995, il existait un litige entre la demanderesse et le Curateur, concernant particulièrement une propriété immobilière quil administrait au nom des héritiers de sa mère, incluant une de ses soeurs qui vivait alors sous le régime de protection du Curateur. [24] La preuve a également démontré que lorganisme a terminé son enquête depuis le 23 octobre 2001, quil a émis cinq recommandations au Curateur qui, au moment de la demande d'accès, navait toujours pas rendu sa décision finale. Larticle 38 de la Loi sur l'accès trouve pleinement application dans la présente cause, et ce, en respect de la décision Veilleux c. Université du Québec à Hull 5 . 38. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation que lui a fait un organisme qui en relève ou qu'il a fait à un autre organisme public, jusqu'à ce que la décision finale sur la matière faisant l'objet de l'avis ou de la recommandation ait été rendue publique par l'autorité compétente. Il en est de même pour un ministre en ce qui concerne un avis ou une recommandation que lui a fait un organisme qui relève de son autorité. [25] Commentant cet article de la Loi sur l'accès, les auteurs Duplessis et Hétu 6 précisent que : […] notons que lexpression « décision finale » fait référence au processus administratif et non pas au processus judiciaire ou quasi judiciaire 424 . Pour se prononcer à savoir si la décision rendue, à la suite de la formulation de lavis ou de la recommandation que lon cherche à protéger, est finale, il faut analyser tout le processus décisionnel qui peut être, à titre dexemple, celui mis en place dans la loi habilitante applicable. Si la décision rendue par lautorité 5 [1988] C.A.I. 252. 6 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, Publications CCH ltée, 2001, folio 6575.
02 00 77 Page : 7 compétente est finale et quelle a également été rendue publique, lorganisme naura, à ce moment-là, dautre choix que de divulguer les avis et recommandations qui sous-tendent la décision 425 . ________ 424 voir Pépin c. Commission administrative des régimes de retraite et dassurances [1984-86] 1 C.A.I. 43. 425 Corriveau c. Bureau d'audiences publiques sur l'environnement [1994] C.A.I. 250, 256. [26] De plus, la lettre datée du 5 décembre 2002 démontre expressément que lorganisme a informé la demanderesse de l'offre finale du Curateur dans le dossier en question, tout en lui faisant parvenir deux documents intitulés « Montants de réparation Offre du Curateur public du Québec », un projet de « Transaction » selon les articles 2631 et suivants du Code civil du Québec 7 ainsi quun projet de « Quittance-Reçu-Renonciation » (pièce O-2 en liasse précitée). [27] Par ailleurs, la soussignée retient, entre autres, de la déposition de M me McNicoll que lorganisme a fait parvenir à la demanderesse une copie élaguée des recommandations qui la concernent et que les renseignements nominatifs concernant dautres personnes ne lui ont pas été communiqués afin de ne pas dévoiler leur identité au sens des article 53 et 54 de la Loi sur l'accès. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [28] La soussignée souligne que lors de l'audience, l'organisme n'a pas discuté de l'article 87 qu'il avait invoqué dans sa réponse du 17 décembre 2001. [29] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : 7 L.Q., 1991, c. 64.
02 00 77 Page : 8 COMPREND que, le 30 novembre 2001, date de la demande daccès auprès du Protecteur du citoyen, le Mémoire/rapport recherché par la demanderesse nétait pas accessible; COMPREND de la déposition de M me McNicoll, pour lorganisme, que le processus décisionnel était alors toujours en cours et que le Curateur public navait pas rendu sa décision finale relative à la matière faisant lobjet de recommandations; CONSIDÈRE que, pour ces raisons, larticle 38 de la Loi sur l'accès sappliquait intégralement au moment de la demande d'accès; REJETTE donc la demande de révision de la demanderesse contre le Protecteur du citoyen. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 31 octobre 2003 M e Jean-Claude Paquet Procureur du Protecteur du citoyen
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