Dossier : 02 17 60 Date : 20031021 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Ville de Rosemère Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 14 octobre 2002, la demanderesse formule auprès de la Ville de Rosemère (l'« organisme ») une demande afin d’avoir accès aux rapports de police la concernant, à compter du mois d’avril 2001 jusqu’à la date de cette demande. [2] Le 18 octobre suivant, l'organisme invoque les paragraphes 1, 5 et 9 de l’article 28 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès ») pour lui en refuser l’accès. [3] Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse sollicite, le 11 novembre 2002, l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée cette décision de l’organisme. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 17 60 Page : 2 L'AUDIENCE [4] Cette cause, qui a débuté le 15 août 2003, à Montréal, a été suspendue par la soussignée, pour se poursuivre le 28 août suivant, en présence de la demanderesse, de M e Patrick St-Amour, greffier et responsable d’accès aux documents, et du témoin de l’organisme. LA PREUVE PAR HUIS CLOS [5] Une preuve par huis clos est effectuée selon les termes de l'article 20 des Règles de preuve et de procédure 2 de la Commission, en l’absence de la demanderesse, après avoir fourni à celle-ci les explications nécessaires. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. A) M. PATRICK ST-AMOUR, RESPONSABLE DE L’ACCÈS [6] M. St-Amour dépose, sous pli confidentiel, les documents en litige. Il invoque les paragraphes 1, 3, 5 et 6 de l’article 28 de la Loi sur l'accès ainsi que les articles 14, 53, 54 et 88 de ladite loi. Il indique, pour l’essentiel, que ces documents représentent des cartes d’appel constituées par le service de police de l’organisme lors d’interventions impliquant la demanderesse et des tiers. B) M. JEAN DEMERS, TÉMOIN POUR L'ORGANISME [7] M. Jean Demers a témoigné, sous serment, et a déclaré qu’il travaille comme policier depuis 25 ans chez l’organisme et qu'il y occupe le poste de directeur par intérim depuis quelques mois. CONTINUATION DE L’AUDIENCE LA PREUVE ET LES ARGUMENTS [8] À la reprise de l’audience, la soussignée fait à la demanderesse un résumé de la preuve par huis clos et l’informe que M. Demers a témoigné sur le contenu des documents en litige ainsi que des fonctions que ce dernier occupe au sein de l’organisme. 2 L.R.Q. [A-2.1-r. 2] D. 2058-84.
02 17 60 Page : 3 [9] La demanderesse déclare ne pas avoir de questions à poser au témoin de l’organisme. A) DÉPOSITION DE LA DEMANDERESSE [10] La demanderesse déclare, sous serment, qu’elle a dû porter plainte au service de police à plusieurs reprises contre ses co-propriétaires. Elle se dit insatisfaite de la manière selon laquelle le service de police de l’organisme a traité ce dossier, car il aurait décidé de prendre partie pour ses co-propriétaires contre elle et que justice n’a pas été rendue en sa faveur. [11] La soussignée tient à préciser que la Commission n’est pas habilitée à statuer sur un litige opposant la demanderesse à ses co-propriétaires; ce n’est pas le bon forum. Elle rappelle, entre autres, que cette audience est tenue par la Commission qui est un tribunal administratif quasi-judiciaire afin de déterminer, notamment, si les documents auxquels l’accès lui est refusé, peuvent ou non lui être accessibles, en tenant compte de la Loi sur l'accès et de l’ensemble de la preuve présentée. [12] La demanderesse continue sa déposition en indiquant que M. St-Amour l’a avisée que l’organisme était prêt à lui fournir les dates d’interventions du service de police, ce qu’elle refuse. En effet, elle déclare souhaiter avoir non seulement les dates d’interventions mais également les motifs inscrits à chacune de ces interventions. [13] De plus, elle croit avoir été l’objet de harcèlement de la part de ses co-propriétaires; les renseignements contenus dans ces documents lui permettraient, à son avis, d'intenter des poursuites judiciaires contre eux. Elle s’étonne de l’attitude des policiers à son égard pour cette demande, d’autant plus que l’avocat qui l’a représentée dans un dossier de nature criminelle, a pu obtenir une série de documents. B) M. ST-AMOUR, POUR L'ORGANISME [14] M. St-Amour intervient pour confirmer qu’effectivement les documents auxquels réfère la demanderesse ont été obtenus par l’avocat de celle-ci, mais dans le cadre de la divulgation de la preuve dans une cause qui est terminée. [15] Il ajoute que, dans le présent cas, l’organisme ne devrait pas fournir à la demanderesse les documents en litige, car ils contiennent des renseignements nominatifs au sens de l’article 53 de la Loi sur l'accès. La divulgation de ces renseignements permettrait d’identifier des personnes physiques au sens de l’article 54 de ladite loi.
02 17 60 Page : 4 [16] Il ajoute que, bien que les renseignements recherchés concernent la demanderesse au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès, leur divulgation risque de révéler un renseignement nominatif concernant des personnes physiques dont l’organisme n’a pas obtenu le consentement. [17] De plus, il précise que la divulgation de ces documents risque de révéler une méthode d’enquête utilisée par ce corps policier en vertu de l’article 28 (3) de cette loi. Il précise également que leur divulgation permettrait à la demanderesse de connaître, entre autres, le contenu de conversations entre des résidants de la municipalité et les policiers 3 . [18] La communication de ces renseignements risque de nuire à ces résidants, selon les termes de l’article 28 (5) de ladite loi. Il ajoute que ces documents sont également constitués d’informations qui, par leur divulgation, risquent de révéler les composantes du système de communication destiné à l’usage du corps policier, au sens du paragraphe 6 du même article. [19] De plus, M e St-Amour déclare que, pour les raisons invoquées, l’organisme ne peut fournir à la demanderesse que les dates d’interventions; et que l’extraction de la plupart de renseignements rendrait incompréhensible le reste desdits renseignements, selon les termes de l’article 14 de ladite loi. LA DÉCISION [20] Les articles de la Loi sur l'accès pertinents à la présente cause sont : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 3 Winters c. Communauté urbaine de Montréal [1987] C.A.I. 370.
02 17 60 Page : 5 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; [...] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; [...] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; [...]. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [21] Les documents auxquels la demanderesse souhaite avoir accès sont constitués de cartes d’appel au nombre de vingt et une. Chaque page contient huit sections. Chacune de ces sections contient un renseignement très précis, tels : • un numéro de code propre au service de police • les nom, prénom et coordonnées de tiers ou de la demanderesse • les dates d’intervention
02 17 60 Page : 6 • un résumé assez précis indiquant les motifs pour lesquels un appel a été fait au service de police ou le résumé d’une intervention • un autre numéro de code référant au mobile principal relié à l’appel ou à l’intervention en question • le numéro de matricule d’un policier en charge de cet appel ou de cette intervention à un moment précis. [22] La preuve par huis clos a démontré que la divulgation des renseignements ci-dessus mentionnés, à l’exception du numéro de matricule d’un policier, sont visés par le premier alinéa de l’article 28 de la Loi sur l'accès précité, selon lequel l’organisme doit refuser de communiquer un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi. Lesdits renseignements ont été obtenus suivant les circonstances mentionnées aux paragraphes 3, 5 et 6 de cet article et aux décisions Waltzing c. Ministère de la Sécurité publique 4 , Lebel c. Ministère de la Sécurité publique 5 et Dufour c. Ministère de la Sécurité publique 6 . [23] La preuve par huis clos a également démontré que la divulgation de ces renseignements risque de porter préjudice à leur auteur ou à la personne en faisant l'objet, tel qu'il est mentionné au paragraphe 5 de l’article 28 de la Loi sur l'accès et dans les affaires Audet c. Municipalité Saint-Adolphe-d’Howard 7 et Procureur général du Québec c. Allaire 8 . Dans ce dernier cas, au sujet de déclarations de témoins faites à la police, la juge Michèle Pauzé, de la Cour du Québec, a notamment indiqué que : [...] ce n’est pas parce que les demandeurs connaissent l’identité et le contenu de la déposition que les dispositions de l’article 28 de la Loi doivent être écartées. [...] Le principe de la Loi veut que les renseignements concernant une personne et qui permettent de l’identifier sont confidentiels. Ceux-ci ne peuvent être dévoilés sauf si la personne concernée l’autorise, y consent ou dans le cadre des exceptions prévues spécifiquement à l’article 59 de la Loi. (La juge Pauzé a souligné.) 4 [2001] C.A.I. 213. 5 [1999] C.A.I. 372. 6 [1996] C.A.I. 312. 7 [2000] C.A.I. 167. 8 A.I.E. 2002AC-89 (C.Q.).
02 17 60 Page : 7 [24] Le témoignage de M. Demers et les explications fournies par M. St-Amour lors de la preuve par huis clos ont démontré, entre autres, la nécessité pour l’organisme à ne pas communiquer à la demanderesse copie des documents qu’elle recherche. Les dispositions législatives citées en ce sens par l’organisme le confirment. [25] De plus, l’examen de ces documents a démontré que ceux-ci contiennent des renseignements nominatifs au sens de l’article 53 de la Loi sur l'accès, qui, s’ils sont dévoilés, risquent d’identifier des personnes physiques au sens de l’article 54 de cette même loi et de l’affaire Dufour 9 précitée. [26] Néanmoins, malgré que ces renseignements concernent la demanderesse, la preuve n’a pas démontré que les personnes identifiées par ces cartes d’appel aient autorisé l’organisme à divulguer des renseignements nominatifs qui les concernent au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès précité. [27] Par ailleurs, la soussignée comprend que l'organisme a offert à la demanderesse de lui donner accès aux dates d’intervention, ce qu’elle refuse, car elle désire obtenir non seulement ces dates, mais également les motifs pour lesquels les appels ont été effectués auprès du service de police de l’organisme. [28] De plus, il est admis par les parties que dans le cadre de la divulgation de la preuve dans une cause qui est terminée, l'avocat de la demanderesse a obtenu les documents qui la concernaient. [29] De ce qui précède, l’examen des documents en litige a clairement démontré que la substance de ces documents est formée de renseignements que l’organisme doit refuser de communiquer à la demanderesse en conformité à l’article 14 de la Loi sur l'accès et à la décision Université de Montréal c. Fédérations des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal 10 . [30] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : COMPREND que l'organisme a offert de fournir à la demanderesse les dates d'interventions, ce qu'elle refuse; REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre Ia Ville de Rosemère; 9 Précitée, note 6. 10 [1995] C.A.I. 390 (C.Q.) 393.
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