Dossier : 03 02 60 Date : 20 octobre 2003 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. CENTRE HOSPITALIER DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 5 décembre 2002, le demandeur s’est adressé au responsable de l’accès aux documents de l’organisme afin de consulter les procès-verbaux du Bureau médical de l’Hôpital Notre-Dame. [2] Le 14 janvier 2003, le responsable lui a indiqué qu’il se devait de réitérer la réponse qu’il lui avait déjà donnée en mai 2002, soit de refuser d’acquiescer à sa demande d’accès en vertu de l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 . [3] Le demandeur requiert la révision de cette décision. Il est l’auteur de la biographie du D r Wilfrid Derome qui doit être incessamment publiée; il veut, à cette fin, consulter les procès-verbaux du Bureau médical de l’Hôpital 1 L.R.Q., c. S-4.2.
03 02 60 Page : 2 Notre-Dame pour les années 1903 à 1931. À son avis, ces procès-verbaux sont des sources nécessaires à sa recherche au plan historique. L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) de l'organisme Témoignage de M. Robert Racicot : [4] L’avocate de l’organisme fait entendre M. Robert Racicot qui témoigne sous serment. M. Racicot est, depuis décembre 1997, directeur des partenariats et des relations avec la communauté ainsi que responsable de l’accès aux documents de l’organisme. À sa connaissance, l’organisme comprend l’Hôpital Notre-Dame depuis octobre 1996. [5] M. Racicot a reçu la demande d’accès écrite du demandeur le 8 décembre 2002. Il avait, déjà en mai 2002, refusé d’acquiescer à sa demande d’accès verbale en invoquant l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ce, même si le demandeur lui avait précisé que l’accès aux procès-verbaux du Bureau médical de l’Hôpital Notre-Dame était requis pour compléter la biographie du D r Wilfrid Derome. M. Racicot a donné avis de la 2 ième demande d’accès à la responsable du service de gestion documentaire de l’organisme, M me France Laflamme ainsi qu’à la secrétaire du comité excécutif du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, M me Marie-Pierre Cordeau, et il a à nouveau vérifié le bien-fondé de son refus antérieur; la confidentialité de ces procès-verbaux lui a été confirmée par M me Cordeau. [6] M. Racicot n’a pas, en qualité de responsable, accès aux procès-verbaux visés par l’article 218 précité; il sait que les procès-verbaux du bureau médical sont constitués de renseignements qui traitent des affaires internes de ce bureau, de la pratique médicale, de nominations de médecins, de reconduction de privilèges, d’affaires disciplinaires et de plaintes. Les procès-verbaux en litige sont conservés confidentiellement, à l’Hôpital Notre-Dame même, par le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l’organisme; ils n’ont jamais été publicisés ou versés dans des documents du conseil d’administration de l’organisme. Les personnes qui y ont accès sont celles qui sont désignées par la loi.
03 02 60 Page : 3 [7] M. Racicot a expliqué au demandeur que son refus s’appuyait nécessairement sur l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux : 218. Malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), les dossiers et procès-verbaux du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et de chacun de ses comités sont confidentiels. Toutefois, un médecin examinateur et les membres du comité de révision visés à l’article 51 peuvent prendre connaissance du dossier professionnel d’un membre du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens lorsque les renseignements qu’il contient sont nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. De plus, les membres du conseil d’administration peuvent avoir accès aux extraits pertinents du dossier professionnel d’un membre du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens qui contiennent des renseignements nécessaires à la prise de décision en ce qui concerne l’imposition de mesures disciplinaires à un médecin, un dentiste ou un pharmacien conformément à la procédure déterminée par règlement pris en vertu du paragraphe 2° de l’article 506. Nul ne peut prendre connaissance des procès-verbaux d’un comité du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens sauf les membres du comité, les membres du comité exécutif du conseil, le Tribunal administratif du Québec ou les représentants d’un ordre professionnel dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la loi. Nul ne peut prendre connaissance des procès-verbaux du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens sauf les membres
03 02 60 Page : 4 du conseil et ceux du comité exécutif de ce conseil, le Tribunal administratif du Québec ou les représentants d’un ordre professionnel dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la loi. Contre-interrogatoire de M. Robert Racicot : [8] M. Racicot ne nie pas que 3 historiens de la médecine au Québec aient pu avoir accès aux procès-verbaux en litige au début de 1990; il ignore comment ces documents leur ont été rendus accessibles et il ne saurait dire si l’organisme a reçu des plaintes ou subi un préjudice résultant de la publication, vers 1993, de renseignements qui en proviennent. M. Racicot est conscient que le travail du demandeur puisse être freiné par la décision que la loi lui impose de prendre. Interrogatoire du demandeur : [9] Le demandeur témoigne sous serment. À sa connaissance, 3 historiens qu’il désigne par leur nom ont, vers 1990, eu accès à tous les procès-verbaux de l’Hôpital Notre-Dame parce que cet établissement leur avait demandé d’écrire son histoire. Ces historiens auraient, selon ce qu’affirme le demandeur sous toute réserve, eu accès aux procès-verbaux en litige. Le demandeur n’a pas eu accès à ces procès-verbaux mais il a eu accès au livre qui a été publié vers 1993 sur l’histoire de l’Hôpital Notre-Dame. ii) du demandeur [10] Le demandeur entend compléter la 1 ière biographie du D r Wilfrid Derome, pionnier de l’Hôpital Notre-Dame. Il souhaite que l’organisme le laisse consulter les procès-verbaux en litige, étant entendu qu’il aviserait l’organisme des renseignements qu’il compterait retenir et qu’il exclurait les renseignements non pertinents ou dont la publication serait préjudiciable. [11] Le demandeur spécifie qu’il ne cherche pas de cas disciplinaires; son intérêt porte sur les réformes qui ont été apportées par le D r Wilfrid Derome, qui a été directeur des laboratoires de l’Hôpital Notre-Dame et qui était un expert judiciaire, et sur les raisons qui ont amené celui-ci à cesser d’œuvrer à titre
03 02 60 Page : 5 d’assistant interne en 1903. Le demandeur est, au plan historique, à écrire la vie du D r Wilfrid Derome et à lui « redonner une identité ». B) LES ARGUMENTS i) de l'organisme [12] L’avocate de l’organisme prétend que l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, précité, s’applique aux procès-verbaux en litige. [13] Elle souligne que la preuve démontre que ces documents renseignent sur l’organisation médicale ainsi que sur les affaires médicales d’un établissement de santé qui, depuis 1996, fait partie intégrante de l’organisme. [14] Elle donne les explications qui suivent concernant le bureau médical établi en milieu hospitalier : • le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens visé par l’article 218 susmentionné tire son origine de la Loi des hôpitaux 2 qui constitue, dès 1962 et pour chaque hôpital, un bureau médical qui est responsable, envers le conseil d’administration ou le propriétaire, des soins médicaux et de l’organisation scientifique; le bureau médical est doté d’un comité exécutif en vertu de la loi; • la Loi sur les services de santé et les services sociaux 3 , entrée en vigueur le 1 er juin 1972 pour remplacer la Loi des hôpitaux, institue le conseil des médecins et dentistes qui, pour sa part, remplace le bureau médical constitué en 1962; ce conseil est responsable du contrôle et de l’appréciation des actes médicaux et dentaires posés dans un centre hospitalier ainsi que du maintien de la compétence des médecins et dentistes y exerçant; • la confidentialité des dossiers et des procès-verbaux du conseil des médecins et dentistes et de chacun de ses comités est prévue par l’article 39 de la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux adoptée en 1974 et entrée en vigueur le 1 er janvier 1975; • le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens est institué en 1984 par la Loi modifiant diverses dispositions législatives 4 ; il remplace le conseil des médecins et dentistes; 2 Statuts refondus 1964, c. 164. 3 L.Q. 1971, c. 48. 4 1984, c. 47, article 173.
03 02 60 Page : 6 • le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, tel qu’il existe aujourd’hui, est institué par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives 5 entrée en vigueur le 1 er octobre 1992; cette loi remplace la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-5); • les responsabilités du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens comprennent celles qui étaient dévolues au bureau médical. [15] L’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, invoqué par le responsable en réponse au demandeur, est entré en vigueur le 1 er octobre 1992; il a été modifié à quelques reprises pour permettre à certaines personnes d’avoir accès aux procès-verbaux du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens ou à ceux d’un comité de ce conseil. La confidentialité de ces documents est donc maintenue, ce, sauf pour les personnes expressément autorisées à y avoir accès. [16] L’article 218, précité, s’applique aux procès-verbaux en litige; cette disposition, qui établit le caractère confidentiel de ces documents, ne comprend ni exception en faveur de la recherche ou de l’histoire, ni délai au terme duquel les renseignements soient accessibles. [17] Les tribunaux, notamment la Cour d’appel 6 , ont confirmé que l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux est clair, qu’il ne souffre d’aucune ambiguïté et qu’il ne donne ouverture à aucune autre exception que celles qui y sont stipulées. La Cour supérieure a précisé : «…Ainsi, la qualité des soins aux parties et, partant, la compétence des professionnels qui administrent les soins sont au cœur de la loi qui gouverne les rapports entre les professionnels eux-mêmes et entre ceux-ci et leurs patients. Il n’est pas étonnant que le législateur ait voulu garder confidentiels les dossiers dans lesquels on discute de la compétence et du comportement d’un médecin, d’un dentiste ou d’un pharmacien. Comment réagirait un tel professionnel qui doive donner son avis sur des gestes posés par un collègue avec qui il travaille s’il sait 5 1991, c. 42. 6 Lafontaine c. Rémillard [1994] R.D.J. 396 (C.A.).
03 02 60 Page : 7 que son témoignage pourra être rendu public. Sans cette mesure de confidentialité, il est à peu près certain que les professionnels témoigneraient avec une prudence telle que les buts poursuivis par le législateur seraient difficilement atteints. Quoiqu’il en soit, la jurisprudence est claire. Il y a absolue confidentialité des dossiers du C.M.D.P. et de ses comités 7 .». «…Le Conseil (C.M.D.P.) est responsable du contrôle et de l’appréciation de la qualité et la pertinence des actes médicaux et de l’évaluation et du maintien de la compétence des médecins dans un centre. Ces dossiers ne concernent pas que la relation bilatérale patient-auteurs des soins mais visent une facette élargie, soit la relation public(en général)-auteurs des soins. On devinera qu’il s’agit de discussions autour d’une table dans un contexte qui, s’il n’a peut-être pas le caractère secret d’une délibération d’un jury, commande par la Loi une discrétion et un caractère confidentiel favorables à une libre expression et à un échange d’idées qui évolue en même temps que se déroulent les discussions 8 . [18] L’article 218, invoqué par le responsable, est incontournable, péremptoire. Il s’applique malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 9 et il prescrit la stricte confidentialité des procès-verbaux en litige. Le demandeur n’est pas visé par l’une ou l’autre des exceptions prévues par cette disposition. [19] L’accès antérieur, illégalement permis à des personnes, ne confère aucun droit au demandeur; il en est de même de toute autorisation obtenue de la famille du D r Derome. 7 Tambourgi c. Hôtel-Dieu de Roberval, AZ-97021786. 8 Curateur public du Québec c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke [1997] R.J.Q. 517 (C.S.) 9 L.R.Q., c. A-2.1.
03 02 60 Page : 8 [20] Le demandeur veut consulter le contenu des procès-verbaux concernant des activités médicales. Ce contenu est confidentiel en vertu de la loi; seule une modification législative peut venir en aide au demandeur. ii) du demandeur [21] Le demandeur veut consulter des renseignements dont l’intérêt scientifique et historique est certain; ces renseignements excluent tout risque de poursuite. [22] Le bureau médical n’existait pas avant d’être institué par la Loi des hôpitaux en 1962. [23] L’organisme préconise une application sévère de la loi. [24] Les procès-verbaux en litige sont essentiels à la biographie à laquelle travaille le demandeur. DÉCISION [25] La demande vise la consultation des procès-verbaux du bureau médical de l’Hôpital Notre-Dame pour les années 1903 à 1931. La preuve démontre que ces documents existent comme tels puisqu’ils sont conservés par le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l’organisme et puisque, selon le témoignage du demandeur, ils ont déjà été consultés en 1990. La Commission comprend que le bureau médical de l’Hôpital Notre-Dame existait factuellement en 1903 avant d’être constitué par une loi en 1962. [26] La preuve non contredite démontre que les procès-verbaux en litige concerneraient vraisemblablement les médecins qui ont pratiqué à l’Hôpital Notre-Dame au cours de la période précisée par la demande de révision de même que les activités exercées par ces médecins, à ce titre. Le témoignage du demandeur confirme qu’il veut avoir accès à des renseignements de cette nature afin d’en extraire ceux qu’il considère pertinents pour compléter la biographie du D r Derome. [27] Les procès-verbaux en litige sont confidentiels en vertu de l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
03 02 60 Page : 9 [28] La Commission s’est interrogée à savoir si ces documents, parce qu’inactifs et conservés depuis plusieurs décennies, sont accessibles à l’expiration du délai prévu par l’article 19 de la Loi sur les archives: 19. Les documents inactifs qui sont destinés à être conservés de manière permanente et auxquels s’appliquent des restrictions au droit d’accès en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels sont communicables, malgré cette loi, au plus tard 100 ans après leur date ou 30 ans après la date du décès de la personne concernée. Sauf si la personne concernée y consent, aucun renseignement relatif à la santé d’une personne ne peut cependant être communiqué avant l’expiration d’un délai de 100 ans de la date du document. Malgré le premier alinéa, les documents qui y sont visés peuvent être communiqués, avant l’expiration des délais prévus, à une personne à des fins de recherche si les renseignements personnels ne sont pas structurés de façon à être retrouvés par référence au nom d’une personne ou à un signe ou symbole propre à celle-ci et s’il n’y a pas de moyen pour repérer ces renseignements à partir d’une telle référence. Cette personne doit respecter le caractère confidentiel des renseignements personnels pendant le délai où ils ne peuvent être communiqués, sans le consentement de la personne concernée. [29] Force est de constater que l’article 19 précité n’est applicable qu’aux documents auxquels s’appliquent des restrictions au droit d’accès prévues par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels; la restriction à l’accès concernant les procès-verbaux en litige s’applique en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ce, malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
03 02 60 Page : 10 [30] La décision du responsable est fondée en droit; ce dernier n'avait pas le choix en vertu de la loi.
03 02 60 Page : 11 [31] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE LA DEMANDE DE RÉVISION. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Christiane Lepage Avocate de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.