Dossier : 02 11 84 Date : 20031010 Commissaire : M e Christiane Constant M me X Demanderesse c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Faisant référence à une décision rendue par le bureau de révision du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (l'« organisme »), la demanderesse requiert de celui-ci, le 28 mai 2002, copie de son dossier, Le tout afin de bien me défendre, lors de mon ultime recours, auprès de la section des affaires sociales du Tribunal Administratif du Québec. [2] L’organisme lui transmet, le 6 juin suivant, un accusé de réception. Le 17 juin, M me Pierrette Brie, responsable ministérielle de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels, avisait la demanderesse qu’un délai supplémentaire était requis à l’organisme pour le traitement de la demande.
02 11 84 Page : 2 [3] Le 17 juillet 2002, l’organisme fait droit en partie à la demande, en lui transmettant certains documents, dont une partie aurait préalablement été extraite ou masquée, invoquant à cet effet, comme motif de refus, l’article 88 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [4] Le 30 juillet suivant, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée la décision de l’organisme. LA DÉCISION [5] Le 3 juillet 2003, conformément à l'article 140 de la Loi sur l’accès et à l’article 22 de ses règlements 2 , la Commission requiert de la demanderesse de lui faire connaître sa position eu égard à la décision de l’organisme de lui refuser l’accès intégral audit dossier. 140. Lorsqu’elle est saisie d’une demande de révision, la Commission doit donner aux parties l’occasion de présenter leurs observations. 22. La Commission peut accepter tout mode de preuve qu’elle croit le mieux servir les fins de la justice. Elle peut requérir la production de tout document qu’elle estime nécessaire. A) RÉPONSE DE LA DEMANDERESSE [6] Le 18 juillet 2003, la demanderesse répond en ces termes : La présente est en réponse à votre lettre enregistrée du 3 juillet 2003 où vous me demandiez ma position en égard du ministère. Je considère ma lettre du 30 juillet 2002, incluant les 8 annexes, très précise et je ne vois pas l’utilité d’effectuer une déclaration solennelle car je n’y vois là qu’une façon de me piéger. Je réponds donc de bonne foi et j’y ajouterai quelques noms. [...] Tel qu’indiqué dans ma lettre du 30 juillet 2002, je n’ai pas besoin de l’entière documentation mais de tout ce qui concerne l’enquête effectuée. Soit…des « notes à côtés », des « mémos », des « résumés d’entrevues » [de certaines personnes qu’elle identifie]. 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, L.R.Q., A-2.1, r.2.
02 11 84 Page : 3 [7] De plus, la demanderesse déclare qu'elle est insatisfaite de l’enquête menée par l’organisme, eu égard à son dossier d’aide sociale et que les personnes ayant intervenu à son dossier lui auraient causé un préjudice « irréparable ». Elle identifie des tiers ainsi que M mes Claudine Dion, enquêteure, et Johanne Ouellet, agente responsable de son dossier chez l'organisme. [8] Par ailleurs, la soussignée comprend des commentaires de la demanderesse que celle-ci ne désire pas obtenir copie de tout son dossier détenu par l’organisme, mais plutôt « des notes à côté », des « mémos », des « résumés d’entrevue » de certaines personnes qu’elle identifie. [9] Les 29 juillet et 12 août 2003, la Commission communique à l’organisme copie de ces commentaires et lui demande de lui faire parvenir ses observations écrites ainsi que copie intégrale du dossier faisant l’objet du présent litige. Ce qui fut fait le 21 août, par l’entremise de M me Marie-Ève Beaulieu, stagiaire en droit chez l’organisme. B) COMMENTAIRES DE L’ORGANISME [10] L’organisme indique notamment que : • La communication des déclarations de témoins contenues au dossier de la demanderesse révèlerait vraisemblablement des renseignements nominatifs qui lui permettraient d'en identifier les auteurs au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès. • Ces déclarations auraient été obtenues dans le cadre d’une enquête menée par l'organisme sur la vie maritale de la demanderesse et d’une personne qui est identifiée. • Ces renseignements ne devraient pas être communiqués à la demanderesse pour les motifs invoqués à cette lettre du 21 août 2003 selon la décision B c. Ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité sociale 3 de la Commission qui a été confirmée par la Cour du Québec 4 . [11] L'organisme ajoute que le contenu des déclarations pourrait fournir à [la demanderesse] des indices précis lui permettant d’identifier les déclarants. Donc, dans le doute, l’organisme a l’obligation d’empêcher la 3 [1991] C.A.I. 183. 4 [1993] C.A.I. 315 (C.Q.).
02 11 84 Page : 4 communication des renseignements lorsque celui-ci estime que l’identité d’une personne risque d’être dévoilée. [12] M me Beaulieu réfère à cet effet à la décision Hébert c. Régie de l'assurance maladie du Québec 5 . [13] L’organisme a communiqué, sous pli confidentiel, à la Commission, le dossier en question qui contient 28 pages en litige. On y trouve entre autres : • Deux déclarations assermentées de tiers avec leurs coordonnées respectives, leur numéro de téléphone et les opinions ou commentaires très précis qu’ils émettent sur la demanderesse et une autre personne; • Un résumé d’informations que M me Claudine Dion aurait cueillies auprès de trois personnes qui sont identifiées aux documents. [14] L’essentiel des documents dont l’accès est refusé, contient des renseignements nominatifs qui révèlent notamment qu’une enquête a été menée par l’organisme sur des allégations sur la vie maritale de la demanderesse. Des témoins ont alors été rencontrés et ont émis des opinions ou commentaires précis sur la demanderesse; leurs coordonnées apparaissent dans ces documents ainsi que le numéro de téléphone de certains d’entre eux. Ce sont des renseignements nominatifs au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur l'accès. Il est évident que leur divulgation permettrait à la demanderesse d’identifier les personnes qui sont citées à ces documents. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 5 [1994] C.A.I. 136.
02 11 84 Page : 5 [15] De plus, une jurisprudence constante de la Commission précise que Les renseignements nominatifs contenus dans un document bénéficient d’une protection impérative, parce qu’ils constituent un aspect du droit au respect à la vie privée prévu à la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12) et à la Charte canadienne des droits et libertés (L.R.C. (1985), App. II, no 44, annexe B, partie 1). 6 [16] Cette tendance jurisprudentielle se vérifie également aux décisions Pinsonnault c. Ville de Trois-Rivières 7 , Fortin c. Ministère du Revenu du Québec 8 et Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal c. Université de Montréal 9 . [17] Les dispositions législatives prévues aux articles 53 et 54 de la Loi sur l'accès ont un caractère d’ordre public; elles peuvent être soulevées en tout temps tel que le stipule le jugement Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 10 . [18] Par ailleurs, l’article 83 prévoit que toute personne a le droit d’être informée d’un renseignement nominatif qui la concerne. Elle a le droit d’avoir communication de tout renseignement nominatif qui la regarde. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. [...] [19] Cependant, comme dans le cas sous étude, l’organisme a le droit de refuser à la demanderesse la communication des renseignements nominatifs la concernant lorsque cette divulgation risque de révéler des renseignements nominatifs sur d’autres personnes physiques, sauf si celles-ci ont préalablement consenti, par écrit, à leur divulgation au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une 6 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, vol. 3, Publications CCH ltée, 2002, f. 157 103 7 [1995] C.A.I. 341. 8 [2002] C.A.I. 72. 9 [1994] C.A.I. 68, 71. 10 [1999] C.A.I. 311 (C.Q.).
02 11 84 Page : 6 personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révèlerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [20] La plaidoirie écrite de l’organisme laisse croire que les tiers mentionnés dans les documents en litige n’ont pas consenti à la divulgation des renseignements nominatifs qui les concernent. [21] Ainsi, la Commission est convaincue que l’organisme devait extraire ou masquer des renseignements nominatifs, tels les déclarations de tiers, et ce, conformément à l’article 88 de la Loi sur l’accès et aux décisions X c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu 11 et Bélisle c. C.S.S. Laurentides-Lanaudière 12 . [22] Par ailleurs, la soussignée fait siens les propos de la Commission qui, dans l'affaire Tshiani-Bisumbulé c. Régie de l’assurance maladie du Québec 13 , a notamment décidé que des documents : […] ne sont pas accessibles parce qu’ils révèleraient l’identité de tiers impliqués par la présente enquête. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale; FERME le présent dossier n o 02 11 84. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 10 octobre 2003 11 [1988] C.A.I. 180. 12 [1986] C.A.I. 105. 13 [2002] C.A.I. 90.
02 11 84 Page : 7 M me Marie-Ève Beaulieu Stagiaire en droit Ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale
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