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Dossier : 02 14 36 Date : 20031121 Commissaire : M e Jennifer Stoddart X Partie demanderesse c. LOTO-QUÉBEC Organisme public DÉCISION LA DEMANDE [1] Le demandeur désire obtenir des informations sur des suicides dans le Casino du Lac-Leamy opéré par Loto-Québec, ainsi que sur les services ambulanciers intervenus sur les lieux. Il écrit à lorganisme à ce sujet le 26 juillet 2002 : […] Je voudrais consulter : 1. La liste de classement de tous les documents et du Casino du Lac-Leamy. 2. La liste de classement de tous les documents du Casino du Lac-Leamy portant sur les suicides et les tentatives de suicides. 3. Tout document de la Société des casinos du Québec et du Casino du Lac-Leamy incluant notamment la correspondance, les mémos, les formulaires, les ententes, les rapports, les analyses, les statistiques, les procédures et les politiques sur la question des suicides ou des tentatives de suicide.
02 14 36 Page : 2 4. La liste de classement de tous les documents du Casino du Lac-Leamy portant sur les interventions des services ambulanciers sur les lieux de cet établissement incluant le terrain extérieur. 5. Tout document de la Société des casinos du Québec et du Casino du Lac-Leamy incluant notamment la correspondance, les mémos, les formulaires, les ententes, les rapports, les analyses et les statistiques, les procédures et les politiques sur les interventions des services ambulanciers sur les lieux de cet établissement incluant le terrain extérieur. Suite à cette consultation je voudrais pouvoir obtenir une copie d'un ou des documents consultés. […] [2] Réponse de l'organisme lui est donnée le 29 août 2002 : […] Vous trouverez ci-joint la liste de classement des documents du Casino du Lac-Leamy. En ce qui concerne les rapports relatifs à un suicide survenu dans un casino ou ses environs, vous devez adresser votre demande au Bureau du coroner, lequel détient ces renseignements. Par ailleurs, nous ne pouvons donner d'accès aux autres renseignements demandés. En effet, les informations, si elles existent, comportent des renseignements nominatifs au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur l'Accès aux documents d'un organisme public et la protection de renseignements personnels (La Loi) et il est impossible, en l'absence du consentement des personnes concernées, d'en permettre l'accès et également, comportent des renseignements obtenus dans le cadre d'enquête visée par l'article 28, et des avis et recommandations visés par l'article 37 de la Loi. […] [3] Insatisfait, le demandeur sadresse à la Commission d'accès à l'information la Commission ») le 12 septembre 2002, afin de faire réviser cette décision. L'AUDIENCE [4] Une audience a lieu à Gatineau le 12 août 2003.
02 14 36 Page : 3 LA PREUVE i) du demandeur [5] Le demandeur explique quil veut consulter les documents sans nécessairement avoir des copies. En référant à la réponse de Loto-Québec, il affirme que lorganisme doit dire de façon claire et en plus grand détail comment larticle 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements personnels (la Loi) 1 sapplique. Si on invoque les exceptions au principe daccès pour soustraire une partie dun document, les renseignements ainsi soustraits doivent en former la substance. Selon lui, sil y a des formulaires ou des statistiques, on ne peut appliquer les articles 28, 37,53 ou 54. [6] Il ajoute, en déposant en preuve les documents D-1 et D-2, quil a tenté dobtenir ces documents depuis 1998 et que lorganisme a répondu quil nétait pas assujetti à la Loi. Toutefois, depuis la décision de la Cour dAppel du Québec dans laffaire François Pouliot c. Hydro-Québec International Inc. 2 , il a demandé des informations de nouveau, d le présent litige. ii) de lorganisme [7] Le procureur de lorganisme remet au demandeur la version la plus récente de la liste de classement (0-1). Comme il sagit de la seule liste de classement existante, les parties sentendent à leffet quon a disposé des demandes daccès #1, 2 et 4. [8] Par la suite, le procureur demande que son témoin soit entendu ex parte et à huis clos étant donné les informations quon allègue être confidentielles sur lesquelles celui-ci témoignera. La Commission, en référant aux principes de larrêt Lynn Moore c. Cour du Québec, Loto-Québec et al 3 , accède à sa demande. Le témoignage de M. Michel Gougeon [9] M. Gougeon est vice-président de la sécurité corporative de Loto-Québec, ce qui comprend lensemble des activités de lorganisme ainsi que les casinos. Il est en charge de la sécurité de lorganisme depuis l984. Des incidents de tentatives de suicide sont sous la responsabilité du directeur de la sécurité de chaque établissement et ces personnes se rapportent à lui. Il est le concepteur des systèmes et des procédures de sécurité en place dans les trois casinos quopère Loto-Québec. Il est responsable de lembauche de tout le personnel et 1 L.R.Q. c. A-2.1. 2 [2002] C.A.I. 463 (C.A.). 3 [2002] C.A.I. 460 (C.A.).
02 14 36 Page : 4 simplique directement dans lembauche de nouveaux employés. Il soccupe personnellement de leur formation. Il voit au déploiement et au nombre dagents de sécurité dans chaque établissement. Il a été investi des pouvoirs dun agent de la paix par la Cour supérieure en 1994. [10] Aucun changement dans les normes de sécurité ne peut être apporté sans son approbation. Les trois casinos sont gérés selon les mêmes normes et méthodes. [11] Il souligne quau Québec, les casinos sont des sociétés dÉtat, ce qui est relativement rare. En tant quorganismes détat, ils sont particulièrement préoccupés par des questions de sécurité, de prévention du crime et de la qualité des activités. [12] De l'avis de M. Gougeon, une personne qui décide de se suicider ne prend pas cette décision du jour au lendemain mais chemine dans un long tunnel. Pendant cette période, il arrive que sa famille fasse part de ses appréhensions à la police. La police en informe le casino. À sa connaissance, il ny a eu quun suicide dans les casinos de Loto-Québec et cétait dans le stationnement du Casino de Montréal en 1994. [13] Il témoigne sur les documents déposés sous pli confidentiel. Ces documents sont : O-2 fiche intitulée Services des enquêtes Personne en détresse O-3 fiche intitulée Services des enquêtes - Joueur en détresse O-4 deux rapports intitulés « Activités ou incidents physiques » colligés ensemble sous la mention «Casino de Montréal Rapport dincidents concernant les sujets demandés (suicides, tentatives de suicide, interventions des ambulanciers) » O-5 huit rapports intitulés « Activités ou incidents physiques », colligés ensemble sous la mention «Casino du Lac-Leamy Rapport dincidents concernant les sujets demandés (suicides, tentatives de suicide, interventions des ambulanciers) » [14] De plus, est déposé le document public suivant : O-6 Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements personnels - Règlement sur les organismes publics tenus de refuser de confirmer l'existence et de donner communication de certains renseignements. [15] En témoignant sur les rapports contenus dans O-4, M. Gougeon souligne quon peut reconnaître les personnes impliquées. De plus, on y relate la façon dintervenir des services de sécurité du casino. Il explique que la méthode denquête du casino est hautement confidentielle et que lui seul est au courant de tous les aspects des suivis de dossier. Il ajoute que le crime organisé serait
02 14 36 Page : 5 fort intéressé par les détails des enquêtes des forces de sécurité ainsi que par les identités des agents de sécurité. [16] M. Gougeon témoigne que les méthodes dintervention et de prévention sont les mêmes, quil sagit de crime appréhendé ou de menace de suicide. Il raconte aussi les mesures que Loto-Québec prend pour offrir des services daide aux personnes en détresse. Pour lorganisme, le suicide est une forme de violence dont il faut soccuper. Il témoigne sur les nouvelles méthodes de prévention que les casinos espèrent mettre en place bientôt. [17] Il témoigne sur les différents rapports contenus dans O-4 et O-5 et fait valoir que ce sont, tous et chacun, des rapports sur un ensemble de faits relatifs à des incidents impliquant des personnes en détresse. Il fait valoir aussi que les détails relatifs au lieu et au déroulement de lincident contenu dans ces rapports fait en sorte que la famille et les amis de la personne pourraient les reconnaître. Certains rapports font état de conversations avec les membres de la famille. Dautres décrivent la manière dans laquelle les agents de sécurité interviennent. Dautres encore décrivent les relations avec la police lors dun incident. [18] Lors dun incident impliquant de la violence, M. Gougeon raconte que les agents de sécurité des casinos sécurisent dabord la personne et ensuite voient à apporter laide nécessaire, dépendamment de la situation. Il sagit du même type dintervention, que ce soit pour prévenir une agression ou un suicide. [19] Contre-interrogé par le demandeur, à qui le procureur de lorganisme, à la demande de la Commission, a fait un résumé du témoignage ex-parte de son client, M. Gougeon précise quil na pas témoigné sur des enquêtes sur le personnel interne. Par ailleurs, M. Gougeon a admis que les casinos documentent lintervention des services ambulanciers, lorsquil y en a. [20] Sur ce dernier point, le procureur de lorganisme sengage à procéder à une nouvelle recherche dans les archives et à informer la Commission des résultats dans les meilleurs délais. [21] Le 5 septembre 2003, le procureur de lorganisme écrit à la soussignée : […] Tel qu'entendu lors de l'audition du 12 août dernier, notre cliente a procédé à des vérifications additionnelles relativement à la demande d'accès à des documents portant sur « l'intervention des services ambulanciers aux casinos ». À cet effet, vous trouverez ci-joint un exemple de rapport relativement à une intervention dans le cas d'une personne en détresse les services ambulanciers ont été requis. Pour les mêmes motifs que ceux que nous vous avons soulevés lors de nos représentations sur les autres rapports du service de sécurité de Loto-Québec, nous vous soumettons que la
02 14 36 Page : 6 demande de révision à l'égard de ce document devrait être également rejetée. Par ailleurs, bien qu'il soit connu que les casinos ont à l'occasion faire appel aux services ambulanciers pour transporter des personnes saisies d'un malaise mais qui ne sont en aucune façon reliées à une tentative de suicide ou à un suicide, il n'existe aucun document répertoriant ces interventions. De plus, la base de données ne permet pas de produire un rapport indiquant automatiquement les événements qui auraient donné lieu à « l'intervention des services ambulanciers » non reliés aux questions de suicide. Notre cliente affirme donc ne pas être en mesure de produire électroniquement, par son système de données, des documents ainsi définis. À tout événement, nous vous soumettons que les documents du type que celui transmis ci-joint sont visé par les mêmes représentations que nous vous avons formulées lors de l'audition et à la suite du témoignage de monsieur Michel Gougeon. Notre cliente est toutefois satisfaite que toute intervention ambulancière reliée au suicide ou à la tentative de suicide a pu être identifiée. Ces documents vous ont déjà été transmis à cet effet. […] [22] Laudience se poursuit, par conférence téléphonique, le 2 octobre 2003. [23] M. Michel Gougeon témoigne de nouveau et dépose, sous pli confidentiel, le document 0-7 qui avait été envoyé à la Commission le 5 septembre précédent. [24] Il explique que cette fois-ci on a demandé au système informatique de sortir ce qui est relié au transport. Il explique que le champ informatique transport, service ambulancier existe. Toutefois, il précise que ces documents contiennent le nom, la nature de la blessure, ladresse et la date de naissance et quils sont des renseignements confidentiels. Il y aurait plusieurs incidents de ce type par semaine. [25] Selon M.Gougeon, les agents de sécurité sont formés pour dispenser les premiers soins lorsque les gens sont pris dune malaise et ils existent des documents utilisés pour cette formation. Il existe aussi des documents résumant la procédure à suivre dans les cas nécessitants des premiers soins. Il existe, en moyenne, quelques 8.5 rapports par semaine des services de sécurité relatifs aux appels aux services ambulanciers, soit approximativement 1 par jour au Casino de Montréal, une par semaine au Casino du Lac-Leamy et une par deux semaines au Casino du Manoir Richelieu. Il estime quon peut reculer cinq ans dans les rapports. [26] En réponse à une question du demandeur, il dit quil existe une infirmerie au Casino de Lac-Leamy.
02 14 36 Page : 7 [27] Le demandeur modifie cette partie de sa demande daccès, séance tenante, aux documents sur les services ambulanciers à létablissement de Lac-Leamy seulement. [28] En terminant son témoignage, M. Gougeon estime que le rapport déposé sous pli confidentiel est typique de lensemble des rapports sur le même sujet. LES PLAIDOIRIES i) de lorganisme [29] Le procureur de lorganisme fait valoir que les documents en question ne peuvent être élagués de leurs renseignements personnels, qui forment la substance des documents. [30] Il rappelle que M. Gougeon est un agent de la paix et quil a un lien fonctionnel avec chacune des composantes du système de sécurité. Son mandat et celui de Loto-Québec, organisme public, est de réprimer le crime à lintérieur et dans le voisinage immédiat des casinos, ainsi qu'à assurer la sécurité des individus. [31] Il cite, à lappui de ses prétentions, les décisions de la Commission dans les affaires Alarme Mirage Inc. c. Communauté urbaine de Montréal 4 et Télé-Métropole Inc. c. La Corporation d'urgences-santé de la région de Montréal Métropolitain 5 . [32] Le procureur plaide que les services de sécurité des casinos enquêtent sur les situations de fait qui pourraient compromettre le fonctionnement de létablissement et la sécurité des individus qui sy trouvent, en donnant comme exemple le cas dune personne morte dans sa voiture. La réponse des services de sécurité est identique et la question à savoir si cest une mort naturelle, un homicide ou un suicide est seulement connue beaucoup plus tard. [33] Quant au document sur les services ambulanciers, le procureur plaide que les mêmes arguments sappliquent à ce type de document et que lart 28 de la Loi sétend aussi à ces documents dressés aussi par les services de sécurité. Il maintient qu'il sagit toujours, au début, denquêtes par des agents de sécurité. Il ajoute que lorganisme na pas besoin de sortir tous les documents sur les services ambulanciers pour que la Commission statue sur la nature de ces rapports, dont un exemple a été déposé sous pli confidentiel. 4 [1996] C.A.I. 338. 5 [1990] C.A.I. 250.
02 14 36 Page : 8 ii) du demandeur [34] Le demandeur souligne que larticle 28 de la Loi est une exception au principe daccès et doit être interprété restrictivement. Il cite en exemple de cette interprétation les arrêts Ville de Drummondville c. Ministère des Affaires municipales 6 , B. c. Québec (Ministère de la Main dœuvre, de la Sécurité du Revenu et de la Formation professionnelle) 7 , Claude Drouin c. Ville de Ste-Foy 8 , Procureur général du Québec c. Brigitta Beaulieu 9 , et Winters c. la Communauté urbaine de Montréal 10 , entre autres. Il affirme que le mandat spécifique de la personne impliquée doit être de réprimer le crime. Il ne comprend pas comment la divulgation va entraver le déroulement des enquêtes. LA DÉCISION [35] Lexamen par la Commission des différents rapports dincidents sur les suicides ou tentatives de suicides déposés en preuve ex-parte sous les cotes O-4 et O-5 révèle que ces documents sont, tout dabord, des narrations des agissements dindividus différents, tous faisant lobjet de suivi par le service de sécurité interne du casino. Parfois ces individus ont lancé des signes de détresse tels quils ont attiré lintervention des agents du casino en question. Parfois ce sont des membres de leur famille ou des tiers qui ont signalé le désarroi de ces individus et les conséquences possibles de leur état psychologique. [36] Les différents rapports relatent des circonstances exactes de lieu, de date, même de saison de lannée. Ils résument des conversations avec les individus eux-mêmes, avec les témoins, avec la police et, parfois, avec les membres de leur famille. Chacun de ces rapports dresse un portrait reconnaissable dune personne avec ses traits physiques, ses identifiants personnels tels son âge, la langue parlée, sa date de naissance et souvent sa vie personnelle emploi, famille, amis et lieu de résidence. [37] Il ny a aucun doute que la majorité des informations contenues dans ces rapports permettent didentifier les personnes, soit directement ou indirectement par le contexte dans lequel ces incidents se déroulent. Divulguer des grandes sections de ces rapports permettraient d'identifier les individus ainsi décrits. Or, l'article 53 de la Loi empêche la divulgation de renseignements nominatifs, tel que défini à l'article 54 : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 6 [1990] C.A.I. 60. 7 [1991] C.A.I. 183 confirmé en appel [1993] C.A.I. 315 (C.Q.). 8 [1986] C.A.I. 411 (C.P.). 9 [1993] C.A.I. 315. 10 [1985] C.A.I. 236.
02 14 36 Page : 9 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [38] La décision de la Commission dans laffaire Télé-Métropole précitée décrit bien les conséquences de circonstances troublantes tels des appels à la police. Dans ces circonstances, les documents qui décrivent le déroulement des évènements peuvent regorger de renseignements personnels permettant de reconstituer lidentité des individus impliqués : […] Dans le présent dossier, le soussigné est d'opinion que le fait d'apprendre qu'une personne a été blessée, de connaître la nature de sa blessure et de connaître les circonstances dans lesquelles elle a été blessée constituent des renseignements nominatifs tels que définis par la loi et la jurisprudence de la Commission. Du fait d'ailleurs que le nom des victimes soit connu du public, il serait d'autant plus facile, si la bande était rendue accessible, de recouper certaines informations contenues dans ladite bande avec le nom de certaines victimes, dévoilant de ce fait encore plus de renseignements nominatifs sur ces personnes. Qui plus est, le soussigné est d'avis que les renseignements de cette nature constituent la substance du document en litige rendant de ce fait impossible l'exécution d'une opération d'élagage telle que prévue à l'article 14 de la loi. […] [39] Toutefois, ils existent dans ce document des paragraphes ou des phases qui pris isolément, ne permettent pas didentifier des personnes. Ils donnent plutôt de linformation factuelle sur les interventions des agents du service de sécurité et leur rôle dans le déroulement de lintervention ou lenquête. [40] Afin de déterminer si ces extraits sont accessibles, il faut examiner si lorganisme peut bénéficier de lexception prévue à larticle 28 de la Loi : 28.Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible:
02 14 36 Page : 10 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Renseignement obtenu par un service de sécurité interne. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1° à 9° du premier alinéa. [41] Le test dintensité spécifique élaboré par la Commission et repris par les tribunaux permet dévaluer, dans un premier temps, quelles personnes peuvent bénéficier de lexception de larticle 28. Ce test exige que lenquête ou les enquêtes en question soient faites par une personne spécifiquement chargée en vertu de la loi et dans le but de détecter ou prévenir le crime. Une enquête de type administratif ne passera pas ce test. [42] La Commission note que le Règlement sur les organismes publics tenus de refuser de confirmer l'existence et de donner communication de certains renseignements prévoit que lexception de larticle 28 sapplique spécifiquement aux forces de sécurité interne pour des infractions commises par son personnel, les membres de son conseil dadministration ou ses membres. Mais il ne nous éclaire pas sur la qualification des services de sécurité interne du casino face aux membres du public qui le fréquentent.
02 14 36 Page : 11 [43] Par ailleurs, la Commission note que M. Gougeon, qui chapeaute toutes les forces de sécurité pour Loto-Québec, a été assermenté comme agent de la paix par un juge de la Cour supérieure. À ce titre, il pourrait être assimilé à un policier dont la jurisprudence reconnaît la spécificité des fonctions 11 . Un agent de la paix est défini dans le Code Criminel (LRC 1985 ch. C-46 et modifications) : « agent de la paix » a) […] b) […] c) tout officier de police, agent de police, huissier ou autre personne employée à la préservation et au maintien de la paix publique ou à la signification ou à l'exécution des actes judiciaires au civil. [44] Le « maintien de la paix public » décrit bien le mandat général de M. Gougeon et du service de sécurité oeuvrant pour Loto-Québec. [45] En tant que vice-président de la sécurité de Loto-Québec, il a témoigné quil a élaboré les systèmes de sécurité et approuvé personnellement les procédures et consignes pour le personnel quil a embauché. Lensemble du personnel se rapporte à lui, directement ou indirectement. [46] Il a témoigné sur les systèmes, humains et technologiques, dune grande sophistication, qui sont utilisé pour combattre les tentatives de fraude, dextorsion ou dautres menaces de type criminel qui sont présents dans lenvironnement du casino. Il a mentionné les risques que pourraient courir les employés de son service aux mains du crime organisé sils étaient repérés à partir de la description contenue dans le rapport dincident. [47] La preuve entendue par la Commission démontre que la lutte contre les infractions à la loi et la répression du crime est constante dans lexistence particulière dun casino dÉtat. Les membres des forces de sécurité interne sont sélectionnés et formés personnellement par un agent de la paix dans ce but précis. [48] Limplication du service de sécurité dans les suicides et les tentatives de suicides se fait parce ce que ces évènements, réels ou appréhendés, posent des menaces à lintégrité et à la sécurité de la clientèle des casinos. La preuve a démontré que les interventions, en cas dhomicide et de suicide, sont les mêmes. [49] De lensemble de ces faits, soit le type denquête véritablement mené, le rattachement fonctionnel à un agent de la paix et la menace de manœuvres criminelles présentes dans lenvironnement des casinos et du monde des loteries et des jeux en général, la Commission conclut que le personnel des casinos, travaillant au sein du service de sécurité sous la supervision de vice-président à 11 Québec( Ministère des affaires municipales ) c. Fiset, [1991] C.A.I. 308.
02 14 36 Page : 12 la sécurité corporative, sont de fait des personnes chargées de détecter ou réprimer le crime. [50] Ces éléments permettent à la Commission de distinguer le travail des services de sécurité des casinos du travail dautres types denquête ou dinspection purement administrative, discutées dans la jurisprudence citée par le demandeur, notamment laffaire B. c. Québec (Ministère de la Main dœuvre, de la Sécurité du Revenu et de la Formation professionnelle) 12 . [51] Ayant déterminé que les renseignements dont on cherche la divulgation sont véritablement obtenus par les personnes chargées de détecter ou de réprimer le crime, il faut maintenant cerner les implications de leur divulgation possible avant de pouvoir bénéficier de lexception de larticle 28. [52] La preuve entendue convainc la Commission de la sophistication et de la létanchéité des systèmes de communication utilisés à loccasion des enquêtes menées par le personnel des services de sécurité. Ces systèmes sont une partie essentielle du fonctionnement des casinos à cause des implications de leurs activités de jeux organisés dune part et la nécessité de prévenir et de réprimer tout acte illicite, dautre part. [53] Révéler les méthodes de communications utilisées par le service de sécurité de lorganisme mettrait en péril la mission de ce service, composé de personnes chargées de lobservation de la loi. De fait, une lecture des extraits isolés, élagués de renseignements nominatifs pour des raisons exposées ci-haut pourrait néanmoins permettre un aperçu direct dans les composantes du système de communication utilisé à lintérieur du service lors dinterventions impliquant la violence ou une appréhension de violence et avec des corps policiers 13 . [54] Ce raisonnement sapplique aux parties des documents O-4 et O-5 déposés sous pli confidentiel qui ne contiennent pas de renseignements nominatifs, ainsi que les documents O-2 et O-3.1. La Commission juge alors que ces documents ne sont pas accessibles. [55] Toutefois, en ce qui concerne le document 0-7, on y constate le récit dune intervention lorsquun client est pris dune malaise physique et est conduit à linfirmerie et finalement, est reconduit à lhôpital par les services ambulanciers. Bien quil sagisse des mêmes services de sécurité qui sont à loeuvre, ceux-ci suivent vraisemblablement le protocole en cas de premiers soins pour lequel ils ont reçu la formation appropriée. 12 Ibid., note 6. 13 Ibid., note 3.
02 14 36 Page : 13 [56] La jurisprudence reconnaît que des services policiers ne bénéficient pas de lexception à laccès de larticle 28 lorsquils saffairent à des activités essentiellement administratives 14 . La Commission accepte que le mandat principal des forces de sécurité du casino est de réprimer et détecter le crime. Toutefois, les mêmes agents peuvent poser des actions essentiellement administratives et dans cette situation, échapper à lapplication de larticle 28. Venir en assistance à un client pris dune malaise ne peut se ranger sous le concept denquête afin de réprimer ou détecter le crime. [57] Dans le cas du rapport 0-7, la Commission constate premièrement quil est possible délaguer du document des renseignements confidentiels se rapportant au système de sécurité (numéros de dossier, codes dutilisation du système etc.) ainsi que des renseignements nominatifs permettant didentifier le client du casino (notamment, nom, âge, origine, langue) sans perdre le sens du document. [58] En deuxième lieu il ne paraît pas, non plus, que le système de communication entre les membres du service de sécurité au sujet dune personne prise dune malaise revêt, à cette occasion, un aspect particulier qui le rattacherait à une composante dun système au sens de larticle 28(6). Bien que la Commission ait accepté que le système de communications en cas de violence ou violence appréhendée peut être de nature inaccessible sous ce même article, elle ne voit aucune caractéristique particulière dans les échanges dans le document 0-7 au sujet dune personne malade qui le ferait bénéficier de l'exception à la divulgation de larticle 28(6) de la Loi. [59] La Commission conclut que les rapports relatifs à lutilisation des services dambulance au Casino de Lac-Leamy sont accessibles, une fois les renseignements nominatifs et confidentiels élagués. [60] EN CONSÉQUENCE, LA COMMISSION : [61] ACCUEILLE partiellement la demande quant aux rapports portant sur les services ambulanciers au Casino du Lac-Leamy; 14 Ibid., note 8.
02 14 36 Page : 14 [62] ORDONNE à lorganisme de communiquer ces rapports après y avoir masqué les renseignements nominatifs tels que décrits ci-haut; [63] Et quant au reste, REJETTE la demande de révision. JENNIFER STODDART Commissaire M e William J. Atkinson Procureur de l'organisme
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