Dossier : 02 19 94 Date : 20030912 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. VILLE DE LAVAL Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le demandeur s’adresse à la Ville de Laval (la « Ville »), le 27 novembre 2002, pour obtenir, sur support informatique, « Les résolutions du comité exécutif de la Ville depuis le 1 er janvier 2002 » et « Les explications des dépenses au comité exécutif pour fournisseurs et déboursés depuis le 1 er janvier 2002, déposés chaque semaine au comité exécutif […] ». [2] La Ville lui répond, le 18 décembre 2002, ce qui suit : Pour faire suite à votre demande du 27 novembre 2002 relativement à l’obtention sur support électronique de l’ensemble des résolutions du Comité exécutif depuis le 1 er janvier 2002 et la liste des déboursés de l’année 2002, ces
02 19 94 Page : 2 documents sont déposés au Comité exécutif et au Conseil sur support papier au fur et à mesure des séances et ils ne sont pas disponibles sur support électronique tel que demandés. En conséquence, nous devons refuser votre demande en application de l’article 15 de la loi […]. Toutefois, tel que nous vous l’avons déjà mentionné nous pouvons vous rendre disponible l’ensemble des documents sous forme papier tels qu’ils existent à la gestion documentaire de Ville de Laval. De plus, nous pourrons sur demande et paiement des frais inhérents vous en fournir des photocopies. [3] Insatisfait, le demandeur réclame l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), le 19 décembre 2002, pour qu’elle révise cette décision de la Ville. [4] Une audience se tient à Montréal le 22 août 2003. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [5] Il est admis par les parties que le demandeur, journaliste au journal La Presse, peut obtenir copie des renseignements qu’il a demandés et détenus par la Ville sur support papier, cette dernière n’ayant aucune objection, sur paiement des frais de reproduction, de lui en fournir copie. [6] Le seul objet du litige consiste donc à décider si la Ville détient ou non une version sur support informatique des renseignements exigés par le demandeur et, le cas échéant, de l’accessibilité de ceux-ci. B) LA PREUVE i) De la Ville M. Marc Allard [7] M. Marc Allard, conseiller en système de gestion d’informations financières (le « système GIF ») pour la Ville, mentionne bien connaître le système GIF pour en assurer la sécurité et son entretien.
02 19 94 Page : 3 [8] M. Allard dépose l’extrait d’un relevé de dépenses et déboursés, intitulé « Explication de la dépense pour le Comité exécutif », réalisé à chaque semaine à partir d’un rapport informatique (pièce O-1). Il affirme que le relevé des dépenses et déboursés, étalé sur huit colonnes, est confectionné à partir de la base de données du système GIF, cette dernière étant elle-même liée informatiquement à 2 500 tables renfermant de nombreuses informations. Il assure que la pièce O-1 est le résultat d’un traitement des informations puisées aux divers endroits décrits précédemment. [9] M. Allard affirme qu’il lui est impossible de sortir la liste des dépenses et déboursés revendiqués par le demandeur pour une année complète, l’information n’étant conservée que pour une période maximale de 40 jours. Il ajoute que ce dernier délai respecte la capacité « mémoire » du système informatique. Il assure que la version papier est toutefois conservée par la Ville. [10] Interrogé par le demandeur, M. Allard mentionne qu’il lui est impossible d’extraire de la pièce O-1, pour une année complète, l’information concernant un fournisseur en particulier. Il explique qu’un déboursé réfère à la facture et que celle-ci se rapporte nécessairement à un fournisseur en particulier. [11] M. Allard affirme que la pièce O-1 compte de 80 à 100 pages à chaque semaine, représentant approximativement de 4 à 5 000 pages pour une année. [12] M. Allard avance que les millions d’enregistrements contenus au système GIF et les liens établis avec les 2 500 tables rendent les coûts de reproduction de ces informations prohibitifs. M. Guy Collard [13] M. Guy Collard, greffier et responsable de l’accès à la Ville, énumère les diverses étapes entourant la préparation des séances du Conseil exécutif au sujet des dépenses et des déboursés : • Il reçoit la pièce O-1 le mardi de chaque semaine sur support papier; • Il produit la pièce O-1 au Comité exécutif le mercredi suivant; • Il prend note de la décision du Comité exécutif; • Il conserve pendant six mois la version papier de la résolution du Comité exécutif approuvant ou non la dépense. [14] M. Collard décrit également le processus suivi pour l’adoption d’une résolution par le Comité exécutif de la Ville :
02 19 94 Page : 4 • Le service administratif concerné prépare un rapport pour décision à l’intention des membres du Comité exécutif; • Le rapport est imprimé et signé par le directeur du service visé et acheminé à la Direction générale; • La Direction générale produit aux membres du Comité exécutif « la pile de documents » pour décision; • Le Comité exécutif prend verbalement une décision sur la recommandation soumise par un service; • La décision du Comité exécutif est constatée par écrit; • Les membres du personnel de la Direction générale traitent les recommandations ayant été acceptées par le Comité exécutif; • La résolution est alors rédigée et corrigée par lui; • Le projet de résolution, initialé par lui, est déposé la semaine suivante au Comité exécutif pour approbation; • L’extrait du procès-verbal équivaut habituellement à une décision prise par le Comité exécutif. [15] M. Collard fait valoir que les procès-verbaux des séances du Comité exécutif sont conservés par la Ville et peuvent être consultés par toute personne intéressée. Il signale qu’il vérifie toujours la conformité de la copie d’un extrait de procès-verbal avant de la communiquer. [16] M. Collard affirme que la Ville ne détient pas, sur support informatique, les résolutions du Comité exécutif ayant été approuvées. Il ajoute que la version électronique de résolutions soumises au Comité exécutif ne comprend que des recommandations, non approuvées par celui-ci. Il précise qu’une personne consultant les procès-verbaux n’a accès qu’à la version adoptée par le Comité exécutif et non au projet de résolution. Cette façon de faire, dit-il, garantit le contenu de la résolution adoptée par le Comité exécutif de la Ville. [17] Interrogé par le demandeur, M. Collard réitère qu’une personne n’accède qu’à la version adoptée par les membres du Comité exécutif, soit celle détenue sur
02 19 94 Page : 5 support papier. Il certifie que les décisions du Comité exécutif ne sont pas détenues par la Ville sur support informatique. [18] M. Collard mentionne au demandeur que seule la version papier des résolutions du Comité exécutif assure l’intégrité de son contenu et que cette façon de procéder est une norme reconnue tant à la Loi sur les cités et villes 1 qu’à la Ville. ii) Du demandeur [19] Le demandeur fait valoir qu’il n’est pas ici dans le cadre d’un débat d’avocats et qu’il n’a pas à connaître tous les détails juridiques lorsqu’il soumet une demande d’accès à la Ville. Il prétend à la mauvaise foi de la Ville parce que celle-ci « s’enfarge » dans diverses interprétations juridiques, refusant ainsi l’accès aux procès-verbaux détenus sur support informatique. Il mentionne la nécessité pour lui d’obtenir sur support informatique les informations recherchées. D’abord, pour éviter qu’il défraie les coûts importants de reproduction et, d’autre part, pour faciliter ses travaux de recherches. [20] Le demandeur avance que plusieurs villes ontariennes et américaines diffusent actuellement sur Internet leurs résolutions. Il comprend difficilement, dans les circonstances, les objections soumises par la Ville. D) LES ARGUMENTS i) De la Ville [21] Le procureur de la Ville, M e Paul Adam, indique que la preuve a démontré que les renseignements recherchés par le demandeur sont détenus par la Ville sur support papier. Il réitère que la Ville n’a pas d’objection à ce que le demandeur consulte ou obtienne une copie des documents détenus par elle sur support papier, selon les termes de l’article 10 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (la « Loi ») : 10. Le droit d'accès à un document s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail ou à distance. Le requérant peut également obtenir copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à sa conservation ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses en raison de sa forme. A la demande du requérant, un document informatisé 1 L.R.Q., c. C-19. 2 L.R.Q., c. A-2.1.
02 19 94 Page : 6 doit être communiqué sous la forme d'une transcription écrite et intelligible. [22] M e Adam relate que la Ville a prouvé qu’il n’existe pas de version informatique des documents réclamés par le demandeur et, conséquemment, qu’elle n’a pas, selon l’article 15 de la Loi, à confectionner un nouveau document pour satisfaire le demandeur 3 : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. [23] M e Adam plaide que la décision du Comité exécutif, selon la preuve, ne se matérialise que par la résolution adoptée par ce dernier. Résolution, note-t-il, n’étant détenue par la Ville que sur support papier. Il soumet que le seul document validant un procès-verbal de la Ville est celui signé par ses président et secrétaire-trésorier. Il ne peut alors être que sous format papier 4 . [24] M e Adam souligne que la demande d’accès ne vise pas à obtenir copie des projets de procès-verbaux soumis au Comité exécutif, mais bien « l’ensemble des résolutions du Comité exécutif » pour une année complète. [25] Subsidiairement, M e Adam prétend que le demandeur ne peut exiger des documents qui n’existent actuellement pas à la Ville. Cette dernière ne peut transférer sur support électronique ce qu’elle détient sur support papier, la Loi ne prévoyant pas cette possibilité, selon l’article 10 de celle-ci. Le seul mode d’accès prévu à la Loi est celui énoncé à cet article 10, soit par l’obtention d’une copie ou la consultation sur place 5 . ii) Du demandeur [26] Le demandeur s’insurge contre l’incapacité de la Commission de donner suite à sa demande d’accès telle qu'elle a été formulée. Il prétend n’avoir plus d’intérêt à soumettre une demande de révision à la Commission, celle-ci accédant toujours aux 3 Municipalité régionale de comté d'Acton c. Corporation municipale de St-Valérien, [1984-86] 1 C.A.I. 579; Thomasset c. Régie du logement, [1991] C.A.I. 8; Lebel c. Communauté urbaine de Montréal, [1989] C.A.I. 190; Corporation Crédit-gestion c. Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, [2001] C.A.I. 399. 4 Gosselin c. Drouin, [1959] B.R. 201; Lajoie c. Ville de Bagotville, [1974] R.D.T. 576. 5 Mavridis c. Collège Vanier, [1984-86] 1 C.A.I. 404; Sirois c. Ville de Montréal, [1984-86] 1 C.A.I. 228.
02 19 94 Page : 7 restrictions et arguments soulevés par les organismes publics. La Commission, opine-t-il, n’a alors plus sa raison d’être. [27] Le demandeur est d’avis que la Ville possède les procès-verbaux du Comité exécutif sur support informatique et qu’il s’agit d’un document au sens de la Loi. Il maintient que sa demande ne vise que l’accès aux procès-verbaux détenus par la Ville sur support informatique et non d'obtenir une copie conforme ou signée de ceux-ci. DÉCISION [28] Le demandeur dépose une requête en vertu de l’article 135 de la Loi voulant que la Commission renverse la décision de la Ville lui refusant « […] l’accès à des documents publics sur support informatique. » : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. [29] Il importe de rappeler que la Commission n’a pas à considérer l’intérêt d’un demandeur d’accès, mais seulement à décider de l’existence ou non de documents et du caractère public de ceux-ci s’ils existent, selon les termes des articles 1 et 9 de la Loi 6 : 6 Corporation municipale de Sainte-Agnès c. Ministère de la Justice, [1988] C.A.I. 43; Laberge c. Hydro-Québec, [1989] C.A.I. 168; Syndicat des travailleurs et travailleuses du centre Émilie-Gamelin c. Centre Émilie-Gamelin, [1990] C.A.I. 286 (C.S.); Hudson’s Bay c. Communauté urbaine de Québec, [1994] C.A.I. 160.
02 19 94 Page : 8 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [30] La demande d’accès du demandeur vise l’obtention sur support informatique des « résolutions du comité exécutif de la Ville depuis le 1 er janvier 2002 » et « […] explications des dépenses […] » pour la même période. La Ville détient-elle ces derniers renseignements sur support informatique, selon les termes des articles 1 et 15 de la Loi? : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. [31] MM. Allard et Collard ont déclaré, sous serment, que les renseignements requis par le demandeur pour l’année 2002 lui sont accessibles, mais qu’ils n’existent, pour cette période de référence, que sur support papier. Les explications des dépenses au Comité exécutif [32] M. Allard a déclaré que la Ville ne conserve au système informatique que sur une base de 40 jours les renseignements fournis au Comité exécutif concernant les dépenses et déboursés. Cette preuve non contredite établit que les informations recherchées par le demandeur pour l’année 2002, bien qu’elles existent sous forme papier, ne sont pas détenues informatiquement et distinctement par la Ville. [33] Il faut souligner brièvement qu’en matière de renseignements informatisés, un organisme public n’a pas à confectionner ce qui n’existe pas ou qui n’est pas accessible à ses programmes déjà existants 7 . L’organisme n’a pas à déployer une 7 Directron Média inc. c. Ville de Laval, [1990] C.A.I. 107.
02 19 94 Page : 9 forme de repérage spécifique de ses fichiers informatiques pour répondre à une demande particulière 8 ni à analyser les données informatiques afin de confectionner un nouveau document 9 . Les résolutions du Comité exécutif de la Ville [34] En ce qui touche les résolutions du Comité exécutif, la Commission ne croit pas nécessaire de reprendre la preuve, partageant et faisant siens les arguments du procureur de la Ville sur le sujet. Elle en arrive à la conclusion que la Ville ne détient pas de documents constatant les renseignements exigés par le demandeur par l’actuelle demande sous la forme exigée par celui-ci. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [35] PREND ACTE que le demandeur peut accéder aux renseignements demandés, ceux-ci étant détenus par la Ville sur support papier; [36] REJETTE, quant au reste, la demande de révision du demandeur. MICHEL LAPORTE Commissaire Bélanger, Sauvé (M e Paul Adam) Procureurs de l'organisme 8 Thomasset c. Régie du logement, précitée, note 1. 9 Le Flem c. Ministère de l’Énergie et des Ressources, [1992] C.A.I. 272.
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