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Dossier : 02 17 67 Date : 20030828 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le 11 septembre 2002, le demandeur présente une demande à la Ville de Montréal pour obtenir les documents suivants : tout rapport denquête interne concernant des vols survenus et/ou des irrégularités dans la gestion des petites caisses à lintérieur des bureaux du Service de police au cours des 12 derniers mois; toute correspondance, mémo, note, courrier électronique entre des employés du SPVM (ou de lancien SPCUM, le cas échéant) traitant en totalité ou en partie de vols survenus et/ou des irrégularités dans la gestion des
02 17 67 Page : 2 petites caisses à lintérieur des bureaux du SPVM (ou de lancien SPCUM) au cours des 12 derniers mois; les comptes de dépenses de Me Denis Asselin, du 1er septembre 2001 jusquà son départ du SPVM, au début du mois de septembre 2002. [2] Le 1 er octobre 2002, la Ville informe le demandeur quun délai supplémentaire de dix jours lui est nécessaire pour répondre à sa demande. Le 11 octobre suivant, elle invoque les articles 28 et 53 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi ») pour lui refuser de « […] confirmer ou infirmer lexistence des documents que vous demandez. » [3] Le 28 novembre 2002, le demandeur sollicite lintervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée cette décision de la Ville. [4] Le 9 juin 2003, une audience se tient à Montréal. Les arguments supplémentaires des procureurs des parties sont acheminés à la Commission les 2 juillet et 14 août suivants. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [5] Le procureur du demandeur, M e Bernard Pageau, atteste que son client a obtenu copie des renseignements portant sur les comptes de dépenses de M e Denis Asselin (pièce O-1 en liasse). Il signale que cette partie de la demande daccès nest plus en litige. B) LA PREUVE i) De la Ville [6] Le procureur de la Ville, M e Philippe Berthelet, rappelle que sa cliente a avisé le demandeur de son refus de lui « confirmer lexistence » de renseignements tels qu'ils ont été demandés, selon les termes du premier alinéa de larticle 28 de la Loi et du cinquième paragraphe de ce dernier : 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 17 67 Page : 3 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; […] [7] M e Berthelet indique que seule une preuve de nature confidentielle peut être soumise à la Commission, selon larticle 20 des Règles de preuve de celle-ci 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [8] Après présentation des arguments des procureurs, la Commission accède à la requête de M e Berthelet et une preuve ex parte est soumise par la Ville. [9] Au retour, la Commission informe la partie demanderesse que M. Michel Beaudoin, adjoint au directeur du Service de police de la Ville, a témoigné ex parte sur les motifs au soutien de lapplication du premier alinéa de larticle 28 de la Loi. La Commission [10] Des interventions des procureurs, la Commission exige du procureur de la Ville, M e Berthelet, de lui faire parvenir, dici le 28 juin 2003, avec copie à la partie demanderesse, ses arguments et autorités supplémentaires portant sur le refus de confirmer lexistence de renseignements, selon les termes de larticle 28 de la Loi. [11] La Commission accorde un droit de réplique au procureur du demandeur, M e Pageau. Celui-ci devra faire parvenir ses notes dici le 15 juillet 2003. Cette dernière date est prolongée, par décision rendue le 15 juillet 2003, au 15 août suivant. 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, décret 2058-84.
02 17 67 Page : 4 C) LES ARGUMENTS i) De la Ville [12] M e Berthelet soumet que larticle 28 de la Loi forme un tout. Il plaide que lui refuser la présentation dune preuve ex parte équivaut à nier à lorganisme la possibilité que soit refusé de confirmer ou dinfirmer lexistence de renseignements en vertu de cet article 28. [13] M e Berthelet fait valoir par ses arguments supplémentaires que « […] le verbe « doit » ne confère aucune latitude à lorganisme sil estime quil rencontre les critères de larticle 28, […] ». La Ville, dit-il, « […] a alors lobligation de refuser de confirmer ou de donner communication dun renseignement. » [14] M e Berthelet cite un extrait de la décision rendue dans laffaire Bagnall c. Commission de protection de la jeunesse du Québec 3 à lappui de ses arguments : […] linformation suivant laquelle un document existe est elle-même un renseignement et sil savère que la confirmation de ce renseignement pourrait, à elle seule, entraîner lun ou lautre des effets prévus à larticle 28, cet article devient applicable. De lavis de la soussignée, donc, larticle 28 peut permettre de refuser de confirmer lexistence dun document, si les conditions tout juste évoquées sont remplies. ii) Du demandeur [15] M e Pageau fait valoir que larticle 28 de la Loi nexiste que pour des enquêtes répondant au test spécifique prévu à son premier alinéa et non pour une enquête de nature administrative. [16] M e Pageau relate que lenquête sous étude est celle réalisée par le Service de police de la Ville de Montréal sur son propre Service. Il soumet que ce type denquête ne peut se qualifier sous larticle 28 de la Loi parce que de nature administrative. Il est davis que la Ville doit dabord sacquitter de son fardeau de 3 [1990] C.A.I. 158, 159.
02 17 67 Page : 5 démontrer quil sagit dune enquête criminelle justifiant lapplication de larticle 28 de la Loi. Par la suite, une preuve ex parte peut, le cas échéant, être soumise à la Commission. [17] M e Pageau soumet, lors de ses arguments supplémentaires, que : […] la jurisprudence de la Commission nest pas si définie puisque la Commission a décidé que la Loi nempêche pas lorganisme de révéler lexistence dun document qui contiendrait un renseignement visé par larticle 28 dans Sereda c. C.U.M. (1984-86) 1 C.A.I. 531 et Larivière c. Comité de protection de la jeunesse [1988] C.A.I. 16. Dans la décision de la Commission Antonio Flamand c. Ministère de la justice et Ministère de la sécurité publique [1998] C.A.I. 185, la commissaire Diane Boissinot déclarait dans le contexte de lexamen de plusieurs demandes de documents ce qui suit : « De plus, et surtout, après examen du contenu de ces documents, il mapparaît que la divulgation de leur existence na pas pour effet de confirmer lexistence des renseignements qui sy trouvent. Confirmer lexistence de ces documents na donc pas pour effet de contrevenir au premier alinéa de larticle 28 de la loi puisque cet alinéa ne concerne que la confirmation de lexistence ou la communication dun renseignement et non dun document comme tel. » […] Par ailleurs, bien que dans Bagnall, la commissaire Thérèse Giroux déclare que linformation suivant laquelle un document existe est elle-même un renseignement, elle conclut cependant que le libellé de demande daccès nidentifie pas la ou les personnes qui auraient fait lobjet de lenquête. [18] M e Pageau indique quil faut distinguer, dans le cadre de lapplication de larticle 28 de la Loi, « […] entre les travaux qui relèvent de ladministration courante et ceux qui se rapportent spécifiquement à la prévention, la détection ou
02 17 67 Page : 6 la répression du crime ou les infractions aux lois. ». Il termine en soumettant que les documents demandés en termes généraux ne peuvent porter préjudice « à qui que ce soit », les données nominatives pouvant être élaguées. DÉCISION [19] Il importe de distinguer entre la présente demande devant être analysée selon le principe général daccès aux documents de nature publique prévu à larticle 9 de la Loi et les dossiers Flamand c. Ministère de la Justice 4 et Sereda c. Communauté urbaine de Montréal 5 pour lesquels les demandeurs exigeaient des organismes des rapports les concernant personnellement, selon les termes de larticle 83 de la Loi : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [20] En ce qui concerne le dossier Larivière c. Comité de protection de la jeunesse 6 , celui-ci visait laccès aux recommandations soumises en 1982 au ministère de la Justice par la Commission des droits de la personne au sujet des sectes religieuses. La Commission devait décider si lenquête menée répondait aux critères de larticle 28 de la Loi ou était simplement de nature administrative. [21] La Commission a alors décrit lenquête administrative comme celle : 4 [1998] C.A.I. 185. 5 (1984-86) 1 C.A.I. 531. 6 [1988] C.A.I. 16, 22.
02 17 67 Page : 7 […] de routine accomplies dans le cours normal de ladministration, de la surveillance ou de la vérification dun programme. […] le respect dune loi ou dune réglementation sous leur autorité. tandis quune enquête soumise à larticle 28 de la Loi vise : une situation particulière; impliquant des individus identifiables; et également susceptibles davoir commis des infractions identifiables. [22] La Commission a donc retenu lapplication de larticle 28 de la Loi dans laffaire Larivière c. Comité de protection de la jeunesse 7 . [23] Finalement, dans l'affaire Bagnall c. Commission de protection des droits de la jeunesse du Québec 8 , la Commission a décidé que les conditions de larticle 28 de la Loi ne sont pas satisfaites, le libellé de la demande daccès nidentifiant pas les personnes objets de lenquête. Il est toutefois mentionné que : […] linformation suivant laquelle un document existe est elle-même un renseignement et s'il s'avère que la confirmation de ce renseignement pourrait, à elle seule, entraîner l'un ou l'autre des effets prévus à l'article 28, cet article devient applicable. [24] Du cas sous étude, il a été établi que le demandeur a requis lintervention de la Commission, le 28 novembre 2002, parce que la Ville na pas accédé à sa demande pour obtenir les documents quil a demandés le 11 septembre précédent. La demande de révision du demandeur vise donc le refus de la Ville de ne pas lui donner les documents demandés. Dailleurs, la Commission comprend que le demandeur n'a obtenu le compte de dépenses de M e Asselin quaprès sa demande de révision. [25] De ce fait, la Commission peut difficilement retenir la prétention du procureur du demandeur selon laquelle la demande de révision ne vise que les deux premiers points de la demande daccès. La demande de révision du demandeur, aux termes de larticle 135 de la Loi, concerne tous et chacun des trois points identifiés lors de la demande daccès : 7 Id., 6. 8 Précitée, note 3, 159.
02 17 67 Page : 8 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. [26] La Commission en arrive à la conclusion, vu la preuve, que le refus de la Ville de confirmer lexistence ou de donner communication dun renseignement est justifié au présent dossier. Elle partage ainsi la décision rendue dans Bagnall c. Commission de protection des droits de la jeunesse du Québec 9 selon laquelle lexistence dun document est en soit un renseignement dont la confirmation pourrait entraîner lun ou lautre des effets prévus à larticle 28 de la Loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [27] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [28] PREND ACTE que le demandeur a reçu de la Ville copie des documents concernant « […] les comptes de dépenses de Me Denis Asselin, du 1 er septembre 2001 jusquà son départ du SPVM, au début du mois de septembre 2002. »; [29] REJETTE, quant au reste, la demande de révision du demandeur. 9 Précitée, note 3.
02 17 67 Page : 9 MICHEL LAPORTE Commissaire Saint-Arnaud, Pageau (M e Bernard Pageau) Procureurs du demandeur Jalbert, Séguin, Caron (M e Philippe Berthelet) Procureurs de l'organisme
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