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Dossier : 02 12 08 Date : 20030827 Commissaire : Christiane Constant M me X Demanderesse c. Centre hospitalier de lUniversité de Montréal Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 26 mai 2002, la demanderesse informe le « Département des archives médicales du Centre hospitalier Hôtel-Dieu de Montréal », partenaire de lorganisme, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (le « CHUM ) que, dans le cadre dune procédure judiciaire, elle souhaite obtenir des renseignements précis se trouvant au dossier médical de sa mère décédée et qui concernent : le diagnostic et les confirmations successives de celui-ci dans le dossier de la bénéficiaire; les dates de tous les rendez-vous pendant lesquels les médecins lont rencontrée; « Les périodes dhospitalisations relatives au diagnostic de schizophrénie de la bénéficiaire » et les contextes dans lesquels elles ont eu lieu;
02 12 08 Page : 2 les ordonnances de médicaments qui lui ont été prescrits par deux médecins identifiés dans la demande d'accès. [2] Le 11 juin suivant, lHôtel-Dieu de Montréal fait droit, en partie, à la demande. [3] Le 15 juin 2002, la demanderesse adresse une demande d'accès similaire à l'hôpital Notre-Dame, elle aussi partenaire du CHUM, pour laquelle la responsable des archives lui aurait « exprimé verbalement une fin de non-recevoir complète ». [4] Dans une lettre datée du 3 juillet 2002, la demanderesse fait appel à M. Robert Racicot, directeur des partenariats et des relations avec la communauté et responsable de laccès aux documents au CHUM, pour avoir accès à la totalité des informations contenues aux dossiers de sa mère. [5] Le 11 juillet 2002, M. Racicot accuse réception de sa demande et l'informe, entre autres, qu une enquête sera effectuée auprès du Service des archives », car il comprend difficilement que deux hôpitaux (Hôtel-Dieu et Notre-Dame), faisant partie du même établissement, à savoir le CHUM, aient pu émettre deux opinions différentes : lun donnant un accès partiel au dossier médical de sa mère (Hôtel-Dieu) tandis que lautre (Notre-Dame) lui en refusant complètement laccès. [6] De plus, M. Racicot indique que, concernant le délai légal prévu pour la réponse par un organisme à une demande daccès, ce sont les dispositions contenues à larticle 26 de la Loi sur les services de santé et des services sociaux 1 (la « L.s.s.s.s. ») qui s'appliquent; selon lesquelles létablissement doit donner à lusager accès à son dossier médical dans le meilleur délai. [7] Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse soumet, le 31 juillet suivant, à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande de révision. LAUDIENCE [8] Après avoir été remise une première fois à la demande du procureur de l'organisme, l'audience se tient, le 19 juin 2003, à Montréal, en présence des témoins du CHUM qui est représenté par M e Richard Boyczun, du cabinet davocats Monette Barakett Lévesque Bourque Pedneault. Pour sa part, la demanderesse participe à laudience par lien téléphonique. 1 L.R.Q., c. S-4.2.
02 12 08 Page : 3 LA PREUVE A) M ME SYLVIE LEGAULT, POUR L'HÔPITAL NOTRE-DAME [9] M me Sylvie Legault, après avoir été assermentée, déclare travailler au Service des archives médicales, Secteur information, à lhôpital Notre-Dame. Ses principales fonctions consistent à sassurer que les renseignements contenus au dossier dun usager demeurent confidentiels, et ce, en conformité avec la L.s.s.s.s. [10] Elle explique avoir eu un entretien avec la demanderesse, après avoir reçu un subpoena lordonnant à comparaître, le 2 décembre 2002, devant le Tribunal administratif du Québec (le « TAQ »), dans une procédure judiciaire impliquant la demanderesse et le bureau daide sociale. Elle signale que cette audience na pas eu lieu et a été remise à une date ultérieure. M me Legault précise ne pas avoir communiqué à la demanderesse copie des documents quelle recherche, tel quen fait foi la lettre datée du 29 octobre 2002 quelle lui avait transmise (pièce O-1). [11] M me Legault ajoute que la dernière visite médicale de la mère de la demanderesse à l'hôpital Notre-Dame remonte au 29 octobre 1982. Elle indique que cet état de fait lui permettait de déduire que lhôpital ne pourrait pas aider la demanderesse dans « sa requête à laide sociale pour les années 1993 à 1995 » et dans son recours devant le TAQ. Elle maintient donc la position de cet hôpital à ne pas lui fournir copie dudit dossier. B) M ME FRANCE CHABOT, POUR L'HÔTEL-DIEU DE MONTRÉAL [12] M me Chabot, qui témoigne sous serment, déclare être archiviste médicale à lhôpital Hôtel-Dieu de Montréal. Elle traite des dossiers relatifs à la divulgation dinformations médicales à cet hôpital. [13] Elle affirme avoir reçu une lettre de la demanderesse datée du 30 mai 2002, requérant les informations contenues au dossier médical de sa défunte mère. Elle estime que la demanderesse a démontré quelle était la fille de la bénéficiaire décédée, quelle laccompagnait lors de ses visites médicales à lhôpital et que son nom apparaissait au dossier médical; elle lui a donc communiqué, le 11 juin 2002, un document sur lequel est inscrit un sommaire des dates de rendez-vous et des hospitalisations de sa mère (pièce O-2). [14] Elle précise qu'elle naurait pas acquiescer, en partie, à la demanderesse (pièce O-2 précitée) car ce dossier ne lui appartient pas et que les renseignements quil contient sont confidentiels.
02 12 08 Page : 4 C) LA DEMANDERESSE [15] La demanderesse témoigne sous serment par lien téléphonique. Celle-ci déclare essentiellement avoir pris soin de sa mère chez elle pendant plusieurs années en raison de son état de santé, et ce, jusquà son décès survenu au mois de janvier 1998. Elle affirme, quen raison de cette situation, le ministère de lEmploi et de la Solidarité sociale (le « MESS »), communément connu sous lappellation de « lAide sociale », lui a accordé une prestation différente car elle devenait non-disponible pour la période comprise entre 1993 et le mois de mars 1995. À son avis, les informations recherchées lui sont nécessaires pour se défendre devant le TAQ contre le MESS, dautant plus que celui-ci, lors dun recours en révision, aurait « reconnu cette non-disponibilité du mois davril 1995 à janvier 1998 ». [16] Elle dit comprendre le contenu du témoignage de M me Legault qui, au nom de lhôpital Notre-Dame, lui refuse laccès au dossier de sa défunte mère. Elle signale cependant que, sur réception dun nouvel avis de convocation pour laudience devant le TAQ, elle fera le nécessaire pour faire émettre un subpoena à un représentant de lun et lautre des hôpitaux cités dans la présente cause pour qu'ils apportent avec eux le dossier en litige. Elle ne souhaite cependant pas se désister séance tenante de sa demande de révision devant la Commission. LES ARGUMENTS A) M E RICHARD BOYCZUN, POUR LE CHUM [17] M e Boyczun plaide que l'organisme ne peut pas communiquer à la demanderesse copie du dossier médical de sa mère décédée, parce quelle ne rencontre pas les critères législatifs pour y avoir accès au sens de larticle 19 de L.s.s.s.s. Cet article prévoit essentiellement le principe de la confidentialité du dossier dun usager en conformité avec la décision X. c. Hôpital du Saint-Sacrement 2 , la Commission, citant l'affaire B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 3 , a statué que le principe de la confidentialité des renseignements contenus au dossier dun usager demeure, malgré le décès de celui-ci. [18] Lavocat plaide que les héritiers et représentants légaux ont le droit davoir accès au dossier dun usager lorsque ceux-ci agissent à ce titre, en vertu de larticle 23 de la L.s.s.s.s. Il ajoute que le dossier dun usager, en loccurrence celui de la défunte mère de la demanderesse, doit demeurer confidentiel, car la 2 [1996] C.A.I. 33, 37. 3 [1993] C.A.I. 15.
02 12 08 Page : 5 demande vise lobtention de documents pour faire valoir un droit personnel devant le TAQ. [19] Lavocat fait remarquer lexception prévue à cet article, eu égard aux maladies génétiques, laquelle octroierait à un individu laccès à un dossier médical; ce qui nest pas le cas en lespèce. Il ajoute que toute exception à la règle de la confidentialité doit être interprétée de façon restrictive, tel qu'il est mentionné aux décisions Rodrigue c. Centre local des services communautaires des Etchemins et als. 4 et Hôpital St-Charles-Borromée c. Rumak et als 5 . [20] Dans le cas sous étude, M e Boyczun rappelle le témoignage de la demanderesse, selon lequel celle-ci souhaite avoir accès au dossier médical de sa défunte mère, non pas à titre dhéritière ou de représentante légale, mais plutôt afin de faire valoir un droit qui lui est propre devant le TAQ. Il précise quen conséquence, les motifs daccès invoqués par la demanderesse ne rencontrent pas les critères législatifs prévus au premier alinéa de larticle 23 de la L.s.s.s.s.; la demanderesse na pas non plus démontré que la communication de ces renseignements était nécessaire à lexercice dun droit qui lui serait dévolu notamment à titre dhéritière, tel quil est indiqué à la décision X. c. Institut Philippe-Pinel de Montréal 6 . [21] Lavocat tient à souligner que bien que l'Hôtel-Dieu de Montréal ait donné à la demanderesse accès à une partie du dossier médical de sa mère décédée, cela ne lui donne pas pour autant le droit dobtenir dautres documents, tel que la souligné la Commission à l'affaire B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 7 précitée. C) LA DEMANDERESSE [22] La demanderesse, pour sa part, rappelle que le seul motif à l'origine de sa demande auprès de la Commission, cest pour se défendre contre le MESS dans le recours judiciaire qui est pendant devant le TAQ. Elle réitère, pour l'essentiel, les mêmes commentaires que ceux qu'elle avait présentés dans son témoignage. DÉCISION [23] Lorganisme a communiqué à la soussignée, le 19 juin 2003, sous le sceau de la confidentialité, le dossier médical de la mère de la demanderesse. 4 [1999] C.A.I. 381. 5 [1997] C.A.I. 405 (C.Q.). 6 [1997] C.A.I. 304. 7 Précitée, note 3.
02 12 08 Page : 6 [24] La déposition de la demanderesse fait ressortir essentiellement les éléments suivants, lorsquelle prétend qu : Elle était prestataire daide sociale au moment elle prenait soin de sa mère, et ce, jusquau décès de celle-ci en 1998. Elle considère quelle nétait pas disponible durant la période comprise entre 1993 et 1995; En raison de cette situation, le MESS lui aurait versé une prestation mensuelle différente de ce qu'elle aurait pu recevoir; À son avis, puisque cet organisme a déjà reconnu quelle nétait pas disponible entre 1995 et 1998, elle considère que la situation demeurait inchangée entre 1993 et 1995 et qu'elle aurait donc droit à cette prestation, d le litige devant le TAQ; Sa cause devant le TAQ, qui était fixée au 2 décembre 2002, a été reportée à une date ultérieure. Pour laudition de cette cause, elle avait fait signifier un subpoena à M me Sylvie Legault, archiviste à lhôpital Notre-Dame, qui ne lui a pas fourni copie du dossier médical de sa défunte mère. Dispositions législatives [25] Les articles 19, 23 et 28 de la L.s.s.s.s. stipulent : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que
02 12 08 Page : 7 l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [26] La demanderesse souhaite obtenir des renseignements contenus au dossier médical dun usager, cest-à-dire sa défunte mère, lequel est régi par la L.s.s.s.s. À larticle 19 de cette loi précité, le législateur stipule clairement que le dossier médical dun usager est confidentiel; il ne fait pas de distinction entre un usager vivant ou un usager décédé. Les exceptions qui y sont indiquées doivent être interprétées de façon restrictive, et ce, tel qu'il est mentionné aux décisions Rodrigue 8 et Hôpital St-Charles-Borromée 9 précitées et dans laffaire St-Cyr c. Centre hospitalier Malartic 10 . Ce principe de la confidentialité est également retenu et commenté par les auteurs Doray et Charrette 11 . [27] De plus, le seul motif invoqué par la demanderesse pour avoir accès au dossier médical de sa défunte mère, en ce que les renseignements contenus à ce dossier pourraient laider dans sa cause qui sera entendue devant le TAQ, est non fondé en droit. Ce motif pour démontrer sa « non-disponibilité pour les périodes de 1993, 1994 jusquau mois de mars 1995 » na aucun lien avec les critères législatifs prévus à larticle 23 de la L.s.s.s.s. précité. Dailleurs, son témoignage a clairement démontré quelle nagit pas à titre dhéritière ou de représentante légale de sa défunte mère. [28] Les exigences relatives à lapplication de cet article doivent recevoir une interprétation stricte. Dans laffaire X c. Hôpital Saint-Sacrement 12 précitée, la Commission a statué que Les termes du premier alinéa de larticle 23 de la L.S.S.S.S. sont clairs : les renseignements sont accessibles dans la mesure cette communication est nécessaire à lexercice des droits de lhéritier qui les demande. 8 Précitée, note 4. 9 Précitée, note 5. 10 [2000] C.A.I. 22. 11 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l'information. Loi annotée. Volume 1, Éditions Yvon Blais, 2002. 12 Précitée, note 2 , p. 39.
02 12 08 Page : 8 (Italique mis par la commissaire Boissinot.) [29] Les auteurs Doray et Charrette 13 commentent le droit daccès des héritiers en ce que le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans le dossier de lusager décédé ne vise cependant que les renseignements dont la communication est nécessaire à lexercice de leurs droits en leur qualité dhéritiers, de représentants légaux ou de bénéficiaires. [30] Par ailleurs, larticle 28 de L.s.s.s.s. prévoit que les articles 17 à 27 de cette loi sappliquent, sans égard à la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 14 . Ces articles se retrouvent au chapitre II de ladite loi traitant, entre autres, de laccès du dossier de lusager, de la confidentialité entourant ce dossier et des restrictions qui sy rattachent. [31] Dans le cas sous étude, il incombait à la demanderesse de démontrer à la Commission que les renseignements recherchés au dossier médical de sa mère décédée lui étaient nécessaires pour exercer ses droits à titre dhéritière ou représentante légale à celle-ci. Or, elle na pas pu le faire. [32] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M me X contre le Centre hospitalier de lUniversité de Montréal; FERME le présent dossier n o 02 12 08. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 27 août 2003 M e Richard Boyczun M e Stéphanie Rainville 13 Supra, note 11, 168E/15, folio VIII / 168-37. 14 L.R.Q., c. A-2.1.
02 12 08 Page : 9 MONETTE BARAKETT LÉVESQUE BOURQUE & PEDNEAULT Procureurs du Centre hospitalier de l'Université de Montréal
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