Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 03 04 20 Date : 2003.08.22 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demanderesse c. VILLE DE FERMONT Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 27 janvier 2003, la demanderesse sadresse à lorganisme pour obtenir, entre autres documents, copie de lanalyse juridique des règlements 269, 190 et 231 rédigée par les avocats de lorganisme à la suite de la requête faite au conseil de lorganisme par le Comité de citoyens, sous la signature de la demanderesse, de rectifier lesdits règlements. [2] Le 16 mars 2003, nayant reçu aucune réponse de la Responsable de laccès (la Responsable), la demanderesse requiert la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser le refus réputé de communiquer les documents demandés. 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
03 04 20 Page : 2 [3] Le 25 mars 2003, la Responsable motive le refus de communiquer copie de lanalyse juridique demandée en ces termes : […] je vous informe que nous ne pouvons acquiesc[er] à votre demande, selon larticle 31, de la [Loi]. (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [4] Une audience se tient en la ville de Sept-Îles le 24 avril 2003. LAUDIENCE A. LE LITIGE [5] Selon laccord des parties, le litige à trancher est de savoir si une analyse juridique et la lettre denvoi qui laccompagne sont accessibles à la demanderesse. [6] Il sagit plus spécifiquement des documents suivants : a. Une lettre adressée au directeur général de lorganisme le 6 décembre 2001 par M e Raymond Nepveu concernant les allégations du Comité de citoyens fermontois inc. soulevant le non-respect de certaines formalités lors de ladoption du règlement 231 (pages 1 à 11) suivie de trois annexes et dune mise en garde (pages 12 à 17); et b. Une lettre adressée au directeur général de lorganisme le 7 décembre 2001 par laquelle M e Raymond Nepveu expédie le document précédent que M e Nepveu qualifie comme étant une « opinion finale ». [7] Ces deux documents sont déposés sous pli confidentiel par lorganisme à la Commission afin que celle-ci statue sur leur accessibilité. B. LA PREUVE i) de lorganisme Témoignage de la Responsable, madame Carolle Bourque [8] Après avoir déposé les documents en litige sous pli confidentiel, madame Bourque déclare que le document est inaccessible en application de larticle 9 de la
03 04 20 Page : 3 Charte des droits et libertés de la personne 2 garantissant à toute personne le droit au respect du secret professionnel. [9] Madame Bourque affirme que lorganisme a consulter ses conseillers juridiques, dont M e Nepveu fait partie, compte tenu des menaces de poursuites judiciaires contre lorganisme par le Comité des citoyens fermontois inc. à la suite du dépôt, à une assemblée publique du conseil de ville, de la requête demandant la rectification de certains règlements municipaux. [10] Ces menaces de poursuites judiciaires apparaissent à la lecture dun article de la journaliste Nadia Ben Khalifa paru dans lédition du 3 décembre 2001 du journal Trait dunion du Nord dont elle dépose copie, en liasse, avec la requête présentée au conseil de ville par le Comité des citoyens fermontois inc., sous la cote O-1. [11] La Responsable explique son retard à répondre à la demande daccès : un congé la empêché de répondre dans le délai imparti par la Loi. ii) de la demanderesse [12] La demanderesse dépose, en liasse sous la cote D-1, la requête présentée au conseil de ville par le Comité des citoyens fermontois inc. accompagnée dune lettre adressée au conseil municipal le 20 novembre 2001 contenant des informations supplémentaires afin « de mieux comprendre la requête adressée à votre attention, lors de lassemblée municipale du 12 novembre dernier, visant la modification des règlements municipaux 269, 190 et plus particulièrement, le règlement 231 sur la rémunération des élus municipaux. C. LES REPRÉSENTATIONS i) de lorganisme [13] Lavocat de lorganisme plaide que les conditions dapplication des articles 31 de la Loi et 9 de la Charte sont réunies en lespèce. En particulier, il prétend que la stratégie juridique étant au cœur de la relation client-avocat, les communications entre eux au sujet de la position à prendre et de largumentation à soutenir devant des poursuites annoncées doivent pouvoir bénéficier de la protection de ces deux dispositions de loi. 2 L.R.Q., c. C-12, ci après appelée « la Charte ».
03 04 20 Page : 4 [14] Il ajoute que lobjet de ces deux lettres constitue bien lapplication du droit à un cas particulier au sens de larticle 31. ii) de la demanderesse [15] La demanderesse demande à la Commission de vérifier si le texte des documents en litige contient des confidences quaurait faites lorganisme à leur avocat. Elle estime que seules ces confidences bénéficient de la protection de larticle 9 de la Charte. [16] Elle prétend également que la requête D-1 ne contient aucune menace de poursuites devant les tribunaux. LA DÉCISION [17] La Commission a examiné les documents en litige. [18] Les dispositions soulevées par la Responsable sont les articles 31 de la Loi et 9 de la Charte : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel.
03 04 20 Page : 5 [19] Les documents en litige constituent une opinion juridique expédiée et rédigée les 6 et 7 décembre 2001 par un avocat, M e Raymond Nepveu, relativement au bien-fondé des questions soulevées par le Comité des citoyens fermontois inc. dans sa requête (D-1) et une analyse juridique poussée des enjeux en cause. [20] La preuve établit que lorganisme, par prudence élémentaire, devait sinformer auprès de ses avocats et conseillers juridiques de létat du droit quant aux allégués contenus à la requête du Comité des citoyens fermontois inc. et quant aux conséquences juridiques possibles sil y avait poursuite devant les tribunaux. [21] La preuve convainc la Commission que des poursuites au sujet de la conformité ou non de la rémunération des élus municipaux était vraisemblable au moment la demande daccès est formulée à la Responsable et durant tout le délai statutaire prévu pour la réponse. [22] En effet, le texte présentant requête au conseil municipal avise le conseil de ce qui suit : […] En cas de refus du conseil dagir, larticle 14.1 de la Loi sur les Cités et Villes prévoit que le procureur général peut présenter une requête en cassation ou en annulation des dits[…] règlements le tout, aux frais des contribuables. De plus, en omettant dagir lorsquil est saisi dune situation, le conseil participe aux infractions reprochées et devient responsable des pertes subies par la municipalité. Contrairement à la croyance populaire, le membre du conseil nest pas protégé par limmunité parlementaire dont jouissent les députés provinciaux et fédéraux lorsquils siègent en chambre. En conséquence, le membre peut être poursuivi personnellement pour dommages quil cause à un tiers en vertu des règles relatives à la responsabilité civile que lon retrouve dans le Code civil du Québec (article 1457 et suivants) et peut sexposer à une action en déclaration dinhabilité que tout électeur de la municipalité peur intenter ainsi que le Procureur général du Québec. [23] Par la suite, la publication de larticle de journal déposé sous la liasse O-1 et dont le contenu na pas été contredit par la demanderesse, qui en a eu pourtant loccasion, laisse savoir ce qui suit, sous le sous-titre « Mesures judiciaires envisagées » :
03 04 20 Page : 6 La présidente du Comité de citoyens affirme quelle nen restera toutefois pas . La municipalité na pas respecté, selon elle, la Loi sur le Traitement des élus municipaux. (X) estime que les règlements municipaux 269, 190 et 160 nont pas été justement pris en considération. […] Des mesures judiciaires pourraient même être entreprises à ce propos. « […] Advenant que la municipalité ne veule pas effectuer les modifications, cest évident quon va sadresser aux tribunaux. Si le Comité de citoyens a raison dans sa démarche, ça sera aux frais de la municipalité au bout du compte », affirme (X). La présidente du Comité de citoyens avertit, de plus, les conseillers que des poursuites pourraient être envisagées. « La loi prévoit quun conseiller qui est au courant dune situation pouvant amener des pertes à la municipalité peut être poursuivi personnellement pour les dommages subis par la municipalité. À lheure actuelle, le conseil est au courant ». (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission.) [24] La Commission est davis que, dans les circonstances, lorganisme a obéi à la plus élémentaire prudence en obtenant une opinion juridique de ses avocats, et que les deux documents constituent, en substance, toute la stratégie juridique et judiciaire que peut adopter lorganisme face, entre autres, à une poursuite devant les tribunaux, ainsi que toute largumentation à déployer devant ces derniers. [25] La Commission est davis quen ces circonstances, de telles communications entre un avocat et son client, en prévision dune poursuite judiciaire annoncée, sont protégées de toute divulgation par larticle 9 de la Charte. [26] Madame la juge Michèle Pauzé de la Cour du Québec a rappelé ce qui suit dans son élaboré jugement dans laffaire Paul Revere 3 : Au sujet des documents en possession dun avocat et qui sont ou seraient couverts par le secret professionnel, « tout document établi en vue dêtre communiqué à lavocat pour obtenir son avis ou lui permettre de poursuivre ou défendre une action, y compris ceux provenant dun tiers 4 » est couvert par le secret professionnel. Ce principe a dailleurs été appliqué par la suite par les tribunaux 5 . 3 Paul Revere, Compagnie dassurance-vie c. Chaîné, [2002] CAI 394 (C.Q.) 400 et aussi à SOQUIJ AZ-00031300 page 10. 4 Rondeau c. Fafard, [1976] C.S. 1148 p. 1150. 5 Voir Al-Zand c. Select Security Inc., [1996] CAI 157 161; Côte-St-Luc (Cité de) c. Vecsei, [1989] CAI 85 (C.Q.) 87; Protection de la jeunesse 861, R.J.Q. 2815 (C.S.) 2821 ss..
03 04 20 Page : 7 [27] Cette jurisprudence sapplique a fortiori pour lopinion juridique préparée par lavocat à ces fins. [28] Vu la conclusion à laquelle en vient la Commission que les documents demandés tombent sous la protection de la Charte, il nest pas nécessaire que celle-ci se prononce sur le bien-fondé du motif de refus basé sur larticle 31 de la Loi. [29] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la présente demande de révision. Québec, le 22 août 2003. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de lorganisme : M e Raymond Nepveu
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.