Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 02 04 76 Date : 2003.08.20 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. MINISTÈRE DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE Organisme DÉCISION LOBJET [1] Il sagit dune demande de révision dune décision du responsable de laccès de lorganisme (le Responsable), demande faite en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[ 1 ] : [2] Le demandeur est insatisfait de la réponse à la demande daccès quil avait adressée à la Responsable de laccès (la Responsable) au printemps 2002. En effet, cette dernière a omis de lui remettre, avec son envoi du 28 mars 2002, le document quil lui demandait, savoir le recto (page 1) dûment rempli dun formulaire de demande de reconnaissance des contraintes sévères à lemploi. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci après appelée « la Loi » ou « la Loi sur l'accès ».
02 04 76 Page : 2 [3] Le 3 décembre 2002, à la demande de la Commission, la Responsable dépose sous pli confidentiel le document demandé et motive le refus de communiquer ce document en ces termes: Je vous confirme que trois pages recto-verso intitulées « Demande de reconnaissance des contraintes sévères à lemploi » nont pas été transmises à monsieur X lors de cet envoi afin de garantir à lauteur de ces documents le droit à la sécurité prévu aux articles 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[ 2 ] et 1 de la Charte des droits et libertés de la personne[ 3 ], ces dispositions ayant préséance sur les dispositions de la [Loi]. Jestime que la décision du 28 mars 2002 sinscrit dans lesprit de la récente modification apportée par lAssemblée nationale à la [Loi] afin dajouter une disposition, larticle 59.1, permettant de protéger la sécurité des personnes. Par ailleurs, en tant quemployeur, le Ministère doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et lintégrité physique de ses employés, et ce, en vertu de larticle 51 de la Loi sur la santé et sécurité du travail 4 . (les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [4] La Commission avise les parties, le 9 décembre 2002, compte tenu du contexte, quune audience doit être tenue ex parte et à huis clos, hors la présence du demandeur en vertu des articles 18 et 19 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation 5 et des pouvoirs généraux conférés à la Commission par larticle 141 de la Loi. 18. L'audition est publique. La Commission peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de l'ordre public. 19. Lorsque la demande de révision porte sur la protection des renseignements personnels, la Commission procède à huis 2 dans Loi de 1982 sur le Canada (L.R.C. 1985, app. II, n° 44, annexe B, partie I). 3 L.R.Q., c. C-12. 4 L.R.Q., c. S-2.1. 5 Décret 2058-84 du 19/09/84 (1984) 116 G.O. II 4648.
02 04 76 Page : 3 clos toutes les fois cela est nécessaire pour éviter que ne soient divulgués des renseignements susceptibles d'être protégés par la Loi. 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. [5] Une audience entièrement ex parte et à huis clos a lieu en la ville de Québec, le 11 avril 2003. La Commission estime avoir entendu pleinement lorganisme et le demandeur, ce dernier par la lecture de ses écrits, et commence son délibéré le 11 avril 2003. LAUDIENCE A. LA PREUVE [6] Lavocat de lorganisme demande à la Commission que quatre des cinq témoins quil entend interroger puisse livrer leur témoignage dans lanonymat, en plus de le faire ex parte et à huis clos. [7] La Commission ayant elle-même voulu que laudience soit tenue ex parte et à huis clos accorde cette requête sous réserve de réévaluer lopportunité de maintenir cette mesure après avoir entendu lensemble des témoignages. [8] Les témoins sont, en majorité, des personnes qui ont eu à rencontrer le demandeur dans lexécution de leurs fonctions.
02 04 76 Page : 4 [9] La preuve testimoniale et la preuve documentaire déposée tout au long de ces témoignages sous les cotes O-1 à 0-15 démontrent les difficultés de traitement du dossier du demandeur chez lorganisme en raison du caractère agressif et du comportement violent et imprévisible de ce dernier à légard des intervenants de lorganisme et ce, notamment depuis la décision de la Direction de lévaluation médicale et socioprofessionnelle (DEMS) de lorganisme rendue le 14 mars 2001 recommandant de lui reconnaître des contraintes sévères à lemploi. [10] La preuve tend aussi à démontrer que le demandeur profère facilement des menaces datteintes graves à la sécurité des personnes traitant son dossier ou travaillant à titre de personnel de soutien dans le traitement. [11] Parmi les documents déposés se trouvent trois rapports dévénements et des ordonnances de probation de la Cour, mettant en cause la Sûreté municipale de Québec, le demandeur et les employés de lorganisme. Un de ces documents tend à établir que le demandeur a fait lobjet, antérieurement aux événements entourant la recommandation du 14 mars 2001, dun rapport dévénement de la Direction des ressources humaines, Secteur santé et sécurité de lorganisme ayant servi de base à une plainte pour « menaces » au service de police de la Sûreté municipale de Québec. [12] Le 11 novembre 2002, une des ordonnances de la Cour interdit au demandeur de communiquer avec les employés du Centre local demploi qui gère son dossier. [13] Des témoins ont raconté que ce caractère et ce comportement violents et imprévisibles sont la cause dune crainte sérieuse quils ressentent à légard du demandeur ou en sa présence. Un témoin avoue se sentir toujours intimidé en sa présence. Deux autres témoins avouent être sur leurs gardes en sa présence. [14] Un témoignage vient ajouter que le demandeur recherche les noms des fonctionnaires qui ont travaillé dans son dossier et semble les cibler pour une action potentielle contre elles. [15] Un témoignage de la part dune personne exerçant des fonctions administratives au sein de lorganisme mais disposant dune bonne formation en psychologie tend à démontrer que le demandeur est une personne qui obéit à une logique qui diverge du sens commun et qui lamène à des comportements imprévisibles. Le raisonnement du demandeur est axé sur lidée dun complot qui serait dirigé contre lui. Le témoin ajoute que les gestes de violence posés par le demandeur ne le surprennent pas.
02 04 76 Page : 5 [16] La Responsable de laccès, madame Pierrette Brie, ne témoigne pas sous le sceau de lanonymat. Elle fait un résumé de lhistorique du dossier de la demande daccès en cause. Elle ajoute avoir senti le besoin de consulter un médecin qui connaît les faits en cause et produit, sous la cote O-14, la lettre que ce dernier a rédigée à son attention et signée le 19 février 2002. [17] Cette lettre confirme que le comportement et létat de santé du demandeur présentent un potentiel de dangerosité verbal et/ou physique pour les intervenants dans son dossier causant un risque pour leur sécurité. DÉCISION [18] La preuve entendue ex parte et à huis clos convainc la Commission que sa décision de procéder de cette façon pour entendre la preuve de lorganisme était celle qui simposait en lespèce. Il en est de même pour la décision de protéger lidentité de quatre des cinq témoins de lorganisme. [19] Il est de lintérêt de la bonne administration de la Justice que ces façons de procéder soient maintenues. [20] La preuve convainc la Commission que, depuis environ trois ans, le demandeur utilise la menace envers les employés de lorganisme comme moyen darriver à ses fins. [21] La preuve me convainc que plusieurs personnes au sein de lorganisme qui interviennent dans le dossier du demandeur ressentent des craintes vis-à-vis du demandeur et se tiennent sur leur garde. [22] La preuve établit que le demandeur tente de cibler certains de ces intervenants dans le but de diriger ses menaces contre ceux-ci qui participeraient à un complot contre lui. [23] La Commission a pris connaissance du texte en litige. Il sagit de la demande de reconnaissance des contraintes sévères à lemploi présenté le 2 mars 2001 au comité par lagent qui pilotait le dossier, agent dont le nom est indiqué à la Section 1 du formulaire, et plus particulièrement des trois pages de commentaires manuscrits et signés par lagent au point 2.2 du formulaire.
02 04 76 Page : 6 [24] La preuve établit que les commentaires en litige ont servi de base à la décision du comité démettre à lencontre du demandeur des restrictions sévères à lemploi. [25] Compte tenu du contexte, de la personnalité du demandeur qui associe vraisemblablement lauteur des commentaires comme un participant au complot ourdi contre lui et considérant le contenu du document en litige, la Commission est davis que le nom de lagent est un renseignement nominatif concernant uniquement ce dernier. Le comportement et la personnalité du demandeur ont pour effet denlever tout caractère public à ce renseignement. [26] Compte tenu du contexte exceptionnel révélé par la preuve et de la personnalité du demandeur, les commentaires ou lopinion de lagent pilotant le dossier du demandeur renferment des renseignements nominatifs concernant autant le demandeur que lauteur de ces commentaires ou opinion et leur divulgation risque de révéler au demandeur des renseignements nominatifs sur lauteur de ce texte, savoir son opinion : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [27] Il nest pas possible disoler les renseignements nominatifs concernant uniquement le demandeur sans enlever toute signification au texte en litige. En vertu de larticle 14 de la Loi, le texte entier doit être soustrait de laccès : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas,
02 04 76 Page : 7 l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [28] Dans les circonstances, la Responsable de laccès devait refuser la communication au demandeur du document demandé. [29] POUR CES MOTIFS, la Commission FRAPPE DUN INTERDIT de publication, divulgation et diffusion, par la Commission, des pièces O-1 à O-15, de lidentité des quatre témoins qui ont témoigné sous le couvert de lanonymat, du contenu de leur témoignage et de lidentité du demandeur. REJETTE la demande de révision. Québec, le 20 août 2003 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de lorganisme : M e Jean-Pierre Roy
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.