Date : 2003.08.08 Dossiers: 00 09 49, 00 10 22, 00 10 85, 00 18 31, 00 07 48, 00 02 06, 00 00 99, 00 20 50, 00 13 14, 00 18 90, 00 21 84, 01 07 66, 01 12 34. Commissaire : M e Diane Boissinot DÉCISION INTERLOCUTOIRE REQUÊTE DU TIERS POUR QU’IL SOIT ORDONNÉ À L’ORGANISME DE LUI REMETTRE LES DOCUMENTS DEMANDERESSES À LA SUITE DES DEMANDES D’ACCÈS EN CAUSERÉCUPÈRE SOL INC. Requérante (tiers) c. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT Intimé (organisme) et X et REGROUPEMENT RÉGIONAL DE CITOYENNES ET CITOYENS POUR LA SAUVEGARDE DE L’ENVIRONNEMENT Mises en cause (demanderesses) DÉJÀ COMMUNIQUÉS AUX
00 09 49 et autres Page 2 de 8 L’OBJET [1] Le 16 juillet 2003, dans le cadre de l’audition des treize demandes de révision, recours découlant de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 et dont les numéros sont mentionnés en rubrique, l’avocat du tiers formule sa requête et les motifs qui la sous-tendent en ces termes : Tel que convenu, je vous adresse par la présente une requête afin qu’il soit ordonné au ministère de l’Environnement de transmettre à ma cliente RÉCUPÈRE SOL INC., par l’entremise du soussigné, l’ensemble des documents écrits que le ministère a déjà acheminés, soit à madame […], soit au REGROUPEMENT RÉGIONAL DE CITOYENNES ET DE CITOYENS POUR LA SAUVEGARDE DE L’ENVIRONNEMENT et ce, suite aux différentes demandes d’accès adressées par ceux-ci, demandes d’accès plus amplement décrites au[x] dossier[s] au[x]quel[s] il est référé en rubrique. Les règles qui régissent la communication de la preuve devant les instances judiciaires, et partant devant la Commission d’accès à l’information, font en sorte que le ministère doit communiquer tous les documents dont il s’agit. Autrement, l’administration de la preuve s’en trouvera non seulement considérablement perturbée, mais au surplus, tant la [C]ommission que les parties, et plus particulièrement ma cliente […], se trouveront dans l’incapacité pratique d’agir et de pouvoir continuer l’audition. (Les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) [2] La requête est entendue, le 7 août 2003, par conférence téléphonique relayant les trois parties et la Commission. L’AUDIENCE LES REPRÉSENTATIONS DE LA REQUÉRANTE (TIERCE PARTIE SUR LE FOND DU LITIGE) [3] L’avocat de la requérante réitère les motifs déjà exprimés dans sa requête et désire ajouter ce sui suit. [4] L’organisme ne peut décider unilatéralement de remettre certains documents et de refuser d’en remettre d’autres sans risquer de manquer à son devoir de transparence. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
00 09 49 et autres Page 3 de 8 [5] L’organisme doit remettre à toutes les parties et à la Commission les documents qui ont fait l’objet d’une communication aux demandeurs d’accès afin que tous soient à même de savoir sur quelles bases le responsable de l’accès a fondé cette décision de communiquer et de comparer ces motifs à ceux qui fondent sa décision de refuser l’accès à d’autres documents. [6] Cet exercice permettrait à la requérante et à la Commission de comparer ce qui a été communiqué de ce qui ne l’a pas été, en quoi ces documents sont distincts les uns des autres et d’apprécier les raisons qui justifient la communication de certains d’entre eux. [7] L’avocat de la requérante estime que les documents remis aux demanderesses sont en litige puisque ces derniers ont fait l’objet d’une décision du Responsable de l’accès, celle de les communiquer. [8] Faisant partie du litige devant la Commission, cette dernière peut exercer les pouvoirs que lui confèrent les articles 141 et 142 de la Loi et ordonner que les documents communiqués soient produits à la requérante qui les requiert à titre de tierce partie aux demandes de révisions : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. 142. La Commission peut, en décidant d'une demande de révision, fixer les conditions qu'elle juge appropriées pour faciliter l'exercice d'un droit conféré par la présente loi.
00 09 49 et autres Page 4 de 8 [9] Les auteurs Doray et Charette 2 écrivent à ce propos : C. Ordonnance de communication des documents en litige Pour ce qui est du pouvoir de la Commission d’ordonner à un organisme qu’il produise les documents en litige ou même d’autres documents, il n’y a pas de doute que l’article 141 est le bon véhicule procédural. […] LES REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ (ORGANISME SUR LE FOND DU LITIGE) [10] L’avocat de l’intimé prétend d’abord que la requérante tente, par sa requête, de créer une procédure inexistante et non prévue à la Loi. [11] Voici ces représentations écrites à ce sujet : Comme le mentionne l’article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q. c. A-2.1), ci-après appelée Loi sur l’accès, toute personne qui en fait la demande a droit d’accès aux documents détenus par un organisme public. Cet article consacre donc le principe général de l’accessibilité à ces documents. Quant à eux, les articles 18 à 41 de la Loi sur l’accès contiennent des restrictions au droit d’accès permettant à l’organisme public interpellé de refuser l’accès aux renseignements visés à ces articles. Dans ce cadre, la Loi sur l’accès exige, à l’article 25, que l’organisme public donne avis au tiers avant de communiquer un renseignement industriel, financier, commercial scientifique, technique ou syndical fourni par ce tiers, afin de lui permettre de présenter ses observations. Les articles 49 et 136 de cette loi contiennent enfin les règles de procédure applicables à ce processus. Hors les cas visés par l’article 25, la Loi sur l’accès ne prévoit aucune obligation pour l’organisme public de consulter un tiers qui serait concerné par le document dont l’accessibilité est en cause. Les documents détenus par l’organisme public, en l’espèce le ministère de l’Environnement, le sont en fonction de sa mission institutionnelle. L’organisme, détenteur de ces documents, est seul responsable de son dossier. L’article 8 de la loi précise la personne qui, au sein de l’organisme, peut exercer les fonctions dévolues par la Loi sur l'accès. Enfin, les fonctions de 2 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à l’information, Loi annotée – Jurisprudence Analyse et commentaires. Vol. 1. Cowansville : Yvon Blais, 2001. V / 141-3.
00 09 49 et autres Page 5 de 8 cette personne sont clairement énumérées aux articles 42 à 52.1. Encore ici, aucune obligation de la nature de celle recherchée par le tiers n’est contenue dans ces dispositions. Nous sommes d’avis que si le législateur avait voulu créer une obligation de ce type aux organismes publics, il l’aurait exprimée clairement. En conclusion sur ce point, il n’est pas surprenant que le législateur ne soit pas allé dans cette voie, lorsque l’on songe à la charge de travail écrasante que représenterait le devoir, pour chaque responsable d’accès des différents organismes publics, d’examiner chacun des documents dont l’accès est requis (environ 6 000 demandes reçues annuellement au seul ministère de l’Environnement) afin d’aviser, le cas échéant, chacune des personnes concernées par ce document que celui-ci a été transmis et, par surcroît, leur en transmettre copie. Les limites retenues à l’article 25 prennent ici tout leur sens. [12] L’avocat de l’intimé soutient ensuite que les documents faisant l’objet de l’ordonnance souhaitée par la requérante ne sont pas en litige. [13] L’article 135 de la Loi délimite sur quoi porte le litige devant la Commission lorsque la demande est formulée par un demandeur à qui on a refusé des documents : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai.
00 09 49 et autres Page 6 de 8 [14] Les demanderesses ne font valoir aucune argumentation DÉCISION [15] D’une part, rien dans la Loi n’oblige le responsable de l’accès d’un organisme à remettre des documents autrement que par la voie d’une demande d’accès faite conformément à la procédure prévue aux articles 42 à 52.1 et 94 à 102.1 de la Loi. [16] Aucune de ces dispositions ne prévoit l’obligation pour le responsable de l’accès de communiquer à quiconque ou même à un tiers qui, comme la requérante, est visé par les articles 23, 24, 25 et 49 de la Loi, les documents qui font l’objet de la présente requête. [17] D’autre part, il est exact de dire que les documents remis aux demanderesses ont fait l’objet d’une décision du responsable de l’accès de l’organisme, savoir, celle de les communiquer aux demanderesses. [18] Mais ce n’est pas cette décision-là qui peut faire l’objet d’une demande de révision en matière d’accès formulée par un demandeur d’accès, comme c’est le cas pour les treize dossiers de révision en cause. [19] Les décisions du responsable susceptibles de révision par la Commission en vertu de l’article 135 de la Loi sont très précisément celles dont l’énumération suit : ! la décision de refuser l’accès; ! la décision sur le délai de traitement de la demande d’accès; ! la décision sur le mode d’accès; ! la décision sur l’application de l’article 9; ! la décision sur les frais exigibles. [20] La Commission est convaincue que la décision de communiquer des renseignements ou des documents à un demandeur d’accès n’est pas comprise dans les décisions révisables d’un responsable de l’accès. [21] En matière de révision formulée par un demandeur d’accès, la Commission est limitée à exercer sa compétence sur ces seules décisions du responsable. [22] La Commission ne peut se prononcer sur le bien-fondé d’une décision du responsable de communiquer des documents à un demandeur d’accès sans outrepasser les limites de la compétence qui lui est dévolue par la Loi.
00 09 49 et autres Page 7 de 8 [23] Les pouvoirs conférés par les articles 141 et 142 de la Loi doivent impérativement s’exercer à l’intérieur de cette compétence. [24] Le juge Michael Sheehan, confirmant une décision de la Commission dans Paquet c. Ministère de la Justice 3 , rappelait récemment ces règles que les tribunaux tirant leur compétence d’un statut doivent observer sous peine d’abus de compétence 4 : [14] Une jurisprudence abondante énonce qu'un tribunal statutaire telle la Commission d'accès à l'information, ne possède que les pouvoirs qui lui sont expressément accordés par la loi. Dans Supermarchés Jean Labrecque 5 , la Cour suprême du Canada rappelle qu'un tribunal administratif tire ses pouvoirs de la loi qui le crée; que ces pouvoirs sont limités par sa loi constitutive et qu'un tel tribunal doit se conformer strictement aux pouvoirs que confère cette loi sous peine d'excès de juridiction ou d'abus de compétence. Le même principe fut repris dans Douglas College 6 ainsi que par la Cour d'appel dans Barreau de Montréal 7 et par la Cour du Québec dans Winters 8 . [15] C'est sans doute en reconnaissant l'application de ce même principe que l'article 141 accorde à la Commission tous les pouvoirs nécessaires dans la mesure où ces pouvoirs s'inscrivent dans "l'exercice de sa compétence". En conséquence, bien que la rédaction de cet article puisse paraître large, il ne saurait autoriser la Commission à émettre une ordonnance qui n'est pas fondée sur une obligation prévue à la loi. Par ailleurs, la loi n'impose pas aux organismes publics ni à leurs responsables de l'accès, l'obligation de vérifier si des tiers consentent à la divulgation de renseignements nominatifs les concernant. […] [20] En résumé, dans le cadre de son pouvoir de révision d'une décision du responsable de l'accès, l'article 141 de la loi accorde à la Commission le pouvoir de rendre des ordonnances à l'encontre d'un organisme public. Par ailleurs, de telles ordonnances ne peuvent être rendues qu'en vue d'exiger qu'il se conforme aux dispositions de la loi. L'article 141 ne peut être interprété comme autorisant la Commission à imposer à un organisme, des obligations qui ne se retrouvent pas à la loi. 3 CAI 01 19 67, le 18 juillet 2002. 4 Paquet c. Québec (Ministère de la Justice), [2002] CAI 449 paragraphes 14, 15 et 20. 5 Supermarchés Jean Labrecque c. Flamand, [1987] 2 R.C.S. 219. 6 Barreau de Montréal c. Québec, [2001] R.J.Q. 2058. 7 Douglas/Kwantlen faculty assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570. 8 Ville de Montréal c. Winters et Commission d'accès à l'information, [1989] R.J.Q. 2251.
00 09 49 et autres Page 8 de 8 [25] Dans le cadre des présentes demandes de révision, la Commission ne peut ordonner à l’organisme de communiquer à la requérante les documents fournis aux demanderesses en réponse à leurs demandes d’accès sans outrepasser sa compétence. [26] POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la requête; et CONVOQUE les parties à la continuation de l’audience sur le fond à l’endroit, date et heure à être déterminés par la maître des rôles de la Commission. Québec, le 8 août 2003 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de la requérante (tiers) : Gauthier Bédard, avocats (M e Pierre Mazurette) Avocat des mises en cause (demanderesses) : M e Francis Letendre Avocat de l’intimé (organisme) : M e Jean-Sébastien Gobeil-Desmeules
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