Dossier : 02 07 58 Date : 2003.08.07 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 5 avril 2002, le demandeur s’adresse au responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) afin d’obtenir, entre autres, les documents suivants : 1) Le rapport d’enquête concernant les pratiques de l’Agence de placements Hélène Roy envers les caissières en formation dans les caisses populaires Desjardins du Québec préparé par l’enquêteur Denis Choquette du bureau régional de Laval de l’organisme entre les mois d’août 1999 et août 2000; 2) L’entente conclue entre l’organisme et l’Agence de placement Hélène Roy afin de mettre fin aux enquêtes effectuées et d’accorder un 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi » ou « la Loi sur l’accès ».
02 07 58 Page : 2 dédommagement aux caissières formées dans les caisses sans rémunération; et 3) Le ou les rapports d’enquête effectuée dans les caisses populaires Desjardins du Québec afin de vérifier l’implication de ces dernières en regard de la rémunération et de la situation des caissières en formation à cette agence de placement. [2] Le Responsable répond, en résumé, ce qui suit : • Le document 1) (le rapport d’enquête) n’est pas accessible en vertu des articles 9, 14, 53 et 54 de la Loi; • Le document 2) (l’entente) est confidentiel puisqu’il constitue une transaction entre les parties au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec 2 , qu’il contient une clause de confidentialité empêchant toute divulgation des termes de la transaction et qu’agissant pour le compte des salariés en vertu de l’article 39 de la Loi sur les normes du travail 3 , ses avocats sont tenus au respect du secret professionnel aux termes de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 4 et par les articles 131 et 161 de la Loi sur le barreau 5 . Ils ont également une obligation de discrétion découlant de l’article 1088 du Code civil; et • Le document 3) est inexistant. [3] Le 8 mai 2002, le demandeur requiert la Commission d’accès à l’information (la Commission) de réviser cette décision du Responsable, [4] Une audience se tient en la ville de Montréal le 26 mars 2003 et se termine par la réception, par la Commission, le 31 mars 2003, des explications de l’organisme données sur demande de la Commission. [5] Le délibéré débute le 1 er avril 2003. 2 L.Q., 1991, c. 64, ci-après appelé le « Code civil ». 3 L.R.Q., c. N-1.1, ci-après appelée la « LNT ». 4 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée « la Charte » 5 L.R.Q., c. B-1.
02 07 58 Page : 3 L’AUDIENCE A. LE LITIGE [6] De l’accord des parties, le litige se limite à déterminer l’accessibilité des trois documents énumérés au paragraphe [1] . B. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de Denis Choquette. [7] Monsieur Choquette est enquêteur chez l’organisme. Il est le responsable de l’enquête et l’auteur d’un des rapports d’enquête demandés. [8] Il déclare qu’il y a, en fait, deux rapports d’enquête qui puissent répondre, ensemble, à la demande d’accès aux documents 1) et 3) et il les dépose à la Commission sous le sceau de la confidentialité. [9] Il s’agit a) du rapport d’enquête qu’il a lui-même signé le 18 décembre 2000 dans le dossier 030011560 portant sur les activités de l’Agence de placement Hélène Roy ltée et 34 caisses populaires Desjardins concernant 239 salariés (2 pages) et b) du rapport d’enquête signé par Sarah Beaudry le 14 septembre 2000 dans le dossier 120003183 portant sur les activités de l’Agence de placement Hélène Roy ltée concernant une employée (4 pages). [10] Ce dépôt confidentiel contient des copies de ces mêmes documents desquelles ont été élagués les renseignements nominatifs visés par les articles 53 et 54 de la Loi. [11] Quant au document 2) en litige, il s’agit d’un projet d’entente entre l’Agence de placement Hélène Roy ltée et l’organisme (deux pages). Il dépose ce document sous le sceau de la confidentialité. [12] Le témoin dépose en preuve les documents constitutifs d’instance : la demande d’accès sous la cote O-1, la réponse du Responsable sous la cote O-2 et la demande de révision sous la cote O-3. [13] Il dépose également d’autres documents sous les cotes O-4 à O-9, retire les documents cotés O-10 et O-11 pour remettre ces derniers sous pli confidentiel à la Commission. Il s’agit des documents en litige décrits plus haut aux paragraphes [9], [10] et [11].
02 07 58 Page : 4 [14] L’entente est intervenue verbalement et ne sera signée par l’organisme que lorsque les 239 salarié(e)s auront signé leur quittance individuelle. Pour l’instant, le témoin affirme que 231 ou 232 salarié(e)s ont signé alors que 7 ou 8 ne l’ont pas encore fait. [15] Le témoin se dit convaincu que la divulgation de ce projet d’entente risque d’entraver la conclusion finale de l’entente. Il croit que la divulgation des rapports d’enquête risque d’avoir le même effet. C. LES REPRÉSENTATIONS i) de l’organisme [16] L’avocat de l’organisme plaide que la preuve a révélé que le projet d’entente, qui est un projet de transaction au sens du Code civil, n’est pas encore finalisé, que les deux parties à cette entente sont représentées et conseillées par des avocats et que révéler le contenu de ce document risque de violer le droit au secret professionnel des parties dans ce conflit en vertu des articles 9 de la Charte et 131 de la Loi sur le barreau. [17] L’avocat de l’organisme déclare que l’organisme peut remettre au demandeur les deux documents constituant le rapport d’enquête mais en autant que les renseignements nominatifs qu’ils contiennent soient masqués. ii) du demandeur [18] Le demandeur plaide que l’enquête est terminée et que rien ne peut maintenant en changer les conclusions. Les termes de l’entente sont acceptés verbalement par les deux parties. [19] Le demandeur laisse la Commission décider de l’accessibilité de l’entente ou du projet d’entente. LA DÉCISION [20] La Commission considère que les documents déposés sous les cotes O-4 à O-9 ne sont pas pertinents à la solution du présent litige. [21] La Commission a pris connaissance des trois documents en litige. LES DEUX RAPPORTS D’ENQUÊTE
02 07 58 Page : 5 [22] Outre les renseignements nominatifs qu’ils contiennent, et qu’il faut masquer, la Commission ne voit aucun motif d’en restreindre l’accès. [23] D’ailleurs, l’organisme s’est finalement dite prêt à remettre au demandeur des copies élaguées de ces documents. Copies intégrales de ces rapports d’enquête sont été déposées sous pli confidentiel à la Commission, accompagnées des copies de ces mêmes documents où on y a masqué tous les renseignements nominatifs. [24] Il convient de déposer sous la cote O-10 la copie élaguée de ces deux rapports et d’interdire à la Commission toute communication, diffusion ou divulgation de cette pièce à quiconque, sauf à la partie qui a produit ces documents, l’organisme. [25] La Commission est d’avis que le masquage effectué par l’organisme aux documents déposés sous la cote O-10 respecte les articles 53 et 54 de la Loi. [26] Les deux rapports d’enquête élagués déposées sous la cote O-10 doivent être remis au demandeur par l’organisme. L’ENTENTE ENTRE L’ORGANISME ET AGENCE DE PLACEMENT HÉLÈNE ROY LTÉE [27] La preuve et la lecture de ce document déposé sous pli confidentiel convainquent la Commission que ce document est un projet de transaction au sens du Code civil et qu’il a été préparé par les avocats des parties dans le but de régler le litige qui les oppose. [28] Ce document et les renseignements qu’il contient sont visés par le secret professionnel de l’avocat au sens des articles 9 de la Charte et 131 de la Loi sur le barreau : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces
02 07 58 Page : 6 confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. 131. 1. L'avocat doit conserver le secret absolu des confidences qu'il reçoit en raison de sa profession. Exception. 2. Cette obligation cède toutefois dans le cas où l'avocat en est relevé expressément ou implicitement par la personne qui lui a fait ces confidences ou lorsque la loi l'ordonne. 3. L'avocat peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu'il a un motif raisonnable de croire qu'un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Toutefois, l'avocat ne peut alors communiquer ce renseignement qu'à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. L'avocat ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication. [29] L’organisme est fondé de ne pas révéler le contenu de ce document en application de ces dispositions de la Charte et de la Loi sur le barreau, ne serait-ce que pour protéger de toute divulgation les renseignements protégés par le secret professionnel bénéficiant à l’autre partie, l’Agence de placement Hélène Roy ltée.
02 07 58 Page : 7 [30] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à l’organisme de remettre les copies élaguées des rapports d’enquête déposées sous la cote O-10; INTERDIT à la Commission toute communication, diffusion ou divulgation de cette pièce O-10 à quiconque, sauf à la partie qui a produit ces documents, l’organisme; et REJETTE la présente demande de révision quant au reste. Québec, le 7 août 2003. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e Robert Rivest
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