Dossier : 02 14 12 Date : 2003.08.07 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. SOCIÉTÉ DE LA VALLÉE DE L’ALUMINIUM Organisme ou Société DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 27 août 2002, le demandeur s’adresse au président de la société afin que lui soit remis, en vertu de la Loi sur l’accès, copie des documents suivants : copie du contrat d’embauche du directeur général de la Société qu’il identifie, incluant les renseignements sur le salaire, les avantages sociaux et les bénéfices marginaux et copie des comptes de dépenses et remboursements produits par le Directeur général depuis son entrée en fonction. [2] Le 5 septembre 2002, le président de la Société, monsieur Claude Munger, refuse de communiquer les documents demandés aux motifs, d’une part, que la 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi » ou « la Loi sur l’accès ».
02 14 12 Page : 2 Société n’est pas assujettie à la Loi sur l’accès et, d’autre part, que la Société se doit de protéger les renseignements demandés qui sont de nature privée et qu’elle détient sur ses employés, dont fait partie le Directeur général. [3] Le 10 septembre 2002, le demandeur demande à la Commission de réviser cette décision à la lumière du récent jugement de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Hydro-Québec International et compte tenu que l’adresse du siège de la Société est la même que celle du ministère des Régions, qu’elle est financée par le gouvernement et que sa création avait été annoncée par le Premier ministre. [4] Une audience se tient en la ville de Jonquière le 27 février 2003 et se poursuit par correspondance jusqu’au 2 avril suivant, selon un échéancier établi par la Commission aux fins de production de preuve et de représentations supplémentaires. [5] Le délibéré débute le 3 avril 2003. L’AUDIENCE A. LE LITIGE [6] Il s’agit de déterminer si la décision du 5 septembre 2002 de la Société est fondée, donc de savoir si la Société est assujettie à la Loi sur l’accès. B. LA PREUVE i) de la Société Témoignage de monsieur Claude Munger. [7] Monsieur Munger déclare qu’il est le premier président de la Société, nommé par son conseil d’administration (CA) et était en poste lors de la réception de la demande d’accès. Il est la personne qui a traité cette demande d’accès. [8] Il brosse un historique concis et complet des conditions économiques qui, depuis 1984, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ont influencé les décisions prises par les acteurs économiques du milieu pour favoriser son développement et aboutir finalement à un consensus axé notamment sur l’implantation et la croissance des entreprises œuvrant dans les secteurs de 2 e et 3 e transformation de l’aluminium.
02 14 12 Page : 3 [9] La Société est constituée par lettres patentes émises par l’Inspecteur général des institutions financières en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies 2 le 6 septembre 2001. Il dépose ces lettres patentes sous la cote O-1. [10] Il dépose aussi les règlements généraux de la société sous la cote O-2. [11] Les lettres patentes (O-1) font état des personnes en faveur desquelles elles sont accordées, les membres, et des objets pour lesquels la corporation est constituée le tout, sans intention de gain pécuniaire pour les membres. [12] Les règlements généraux de la Société (O-2) régissent, à l’article 2, les qualifications requises pour être membre, les catégories de membres, leurs conditions d’admissibilité etc, le droit de vote des membres à l’article 3.7 et, à l’article 4, la composition des 11 membres du conseil d’administration. [13] Il explique ce qui suit : le gouvernement du Québec, le seul membre de la catégorie B, est automatiquement titulaire d’un siège sur 11 au CA et ne bénéficie que d’un seul droit de vote, comme chacun des 10 autres membres, tous de la catégorie A, qui sont désignés par les membres de cette catégorie selon une répartition basée son appartenance à un des secteurs d’activités prédéterminés à l’article 4 des Règlements (O-2). [14] Monsieur Munger dépose sous la cote O-3, pendant le contre-interrogatoire, la convention de subvention signée à la fin de novembre 2001 entre la Société et monsieur Gilles Baril, le ministre d’État aux Régions, ministre des Régions, ministre de l’Industrie et du Commerce et ministre responsable du Loisir et du Sport. [15] Le témoin Munger déclare que la Société a toujours fonctionné et fonctionne entièrement grâce à ces subventions et, pour l’avenir, jusqu’à l’épuisement des derniers versements totalisant 500 000 $ pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2004. [16] Monsieur Munger affirme que la Société ne fait aucune reddition de compte au gouvernement, est totalement autonome et n’est obligée à aucune consultation du gouvernement avant d’agir. Il déclare que son CA est entièrement souverain dans ses décisions. [17] En contre-interrogatoire, le témoin Munger admet que le siège de la Société était, pour ses trois premières années de fonctionnement, situé à Jonquière dans les bureaux du ministère des Régions. 2 L.R.Q., c. C-38.
02 14 12 Page : 4 [18] Il ajoute que par erreur, l’Inspecteur général des institutions financières (IGIF) a été avisé, le 7 mars 2002, d’un changement d’adresse de correspondance (domicile élu) au lieu d’un changement de domicile (siège social) (voir pièces D-1 et D-2). [19] À ce sujet, en réinterrogatoire, monsieur Munger déclare que le CA avait adopté une résolution pour modifier le siège social pour une adresse à Alma le 20 février 2002 (voir pièce O-4) et que l’erreur mentionnée au paragraphe précédent a été postérieurement rectifiée par un avis enregistré chez l’IGIF le 25 mars 2003 (voir pièce O-5). [20] En contre-interrogatoire, le témoin admet que la « mise en place » dont fait mention le communiqué de presse D-3 émis par le bureau du Premier ministre Landry consiste en l’achat d’équipement et d’ordinateur, ce que la Société n’avait même pas pu se procurer avant l’arrivée de la subvention, faute de fonds. La subvention permet également à la Société de payer les salaires des 4 seuls employés de la Société, dont celui du Directeur général. [21] Monsieur Munger précise alors que ces employés ont été embauchés par la Société et celle-ci peut les congédier comme n’importe quelle entreprise privée peut le faire. Le salaire de ces quatre employés est payé par la Société. [22] Toujours en contre-interrogatoire, le témoin Munger admet que les avantages fiscaux découlant de l’installation de certaines entreprises dans la zone de la « Vallée de l’aluminium » de la région du Saguenay--Lac-Saint-Jean ont été institués par le Décret concernant le programme du Fonds pour l’accroissement de l’investissement privé et la relance de l’emploi 3 (voir D-4), lequel a été adopté en application de l’article 27 de la Loi sur Investissement-Québec et sur Garantie-Québec 4 . [23] Le témoin dit ne pas connaître les détails de mise en œuvre de ce programme. [24] En réinterrogatoire, le témoin explique la façon dont s’est déroulé le processus d’embauche du Directeur général : appel public d’offre de candidature, processus de sélection normal en entreprise privée pour ce genre d’emploi, recommandation au CA par le comité exécutif, choix du CA. 3 c. I-16.1, r. 2. 4 L.R.Q., c. I-16.1.
02 14 12 Page : 5 [25] En réponse aux questions de l’avocat de la Société, le témoin affirme que les comptes bancaires de la Société sont gérés de façon autonome par celle-ci, que les seules redditions de compte qu’elle doit faire au gouvernement sont celles prévues à l’entente de subvention déposée sous la cote O-3 (clauses 5.4, 5.6, 8, 10) et qu’à sa connaissance, chacune de celles-ci ont été exécutées par la Société. Témoignage de monsieur Arthur Gobeil. [26] Monsieur Gobeil est l’actuel président de la Société. Il occupe ce poste depuis octobre 2002 depuis le départ de monsieur Munger. [27] Il corrobore le témoignage de monsieur Munger pour ce qui est du financement de la Société. [28] En contre-interrogatoire, monsieur Gobeil dit qu’il est la personne qui a été interviewé par la journaliste Myriam Ségal le 11 novembre 2002 au sujet de l’ancien statut de fonctionnaire du Directeur général de la Société. [29] Un enregistrement sur cédérom de cette interview est déposé sous la cote D-5 après l’audience. L’avocat de la Société ne s’est pas prévalu du droit que la Commission lui avait réservé de faire des commentaires au sujet de cet élément de preuve. [30] En réponse aux questions de l’avocat du demandeur et en réinterrogatoire, le témoin explique que la sélection du candidat au poste de Directeur général s’est décidée après étude de 30 candidatures, dont 8 ont été proposées par le comité exécutif au CA. Ces candidatures provenaient de partout au Québec, de tous les milieux, gouvernementaux comme d’affaires. Les candidats avaient des bagages très différents, dit-il, mais tous œuvraient dans le domaine du développement économique. ii) du demandeur [31] Les documents D-1 à D-5 sont déposés à l’occasion des témoignages relatés ci-haut. C. LES REPRÉSENTATIONS i) du demandeur [32] L’avocat du demandeur plaide que la Société est un organisme public en raison de la source de son financement, qui est exclusivement de nature
02 14 12 Page : 6 gouvernementale, i.e. qui provient du ministère des Régions. Il ajoute que cette Société jouit, par ricochet, de l’effet du décret d’un statut fiscal privilégié pour d’autres sociétés privées qui s’établiraient dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean (Décret concernant le programme du Fonds pour l’accroissement de l’investissement privé et la relance de l’emploi 5 ), étant bien entendu que la Société ne jouit pas de ces avantages fiscaux. [33] Il plaide également qu’il n’a pas été contredit que la Société ait eu son siège aux bureaux du ministère des Régions depuis presque sa constitution jusqu’au 24 mars 2002, donc lors de la réponse sous examen. [34] Selon l’avocat du demandeur, l’endroit où est situé le siège d’une société est un critère important dans l’examen de l’autonomie d’une société par rapport à sa source de financement dans sa gestion quotidienne 6 . [35] L’avocat du demandeur soutient également que la jurisprudence récente de la Commission et de la Cour d’appel dans l’affaire Pouliot 7 consacre l’interprétation que l’énumération des organismes gouvernementaux à l’article 4 de la Loi sur l’accès n’est pas exhaustive et que rien ne s’opposerait à ce qu’elle puisse être étendue à des organismes dont la totalité du financement provient du gouvernement sous forme de subvention, comme c’est le cas ici, et comme c’était le cas pour Hydro-Québec International, mais sous forme de capital-actions propriété exclusive de l’État. [36] La preuve démontre que les subventions permettent d’acquérir tous les biens de la Société et de payer tous ses employés et que l’argent des subventions constitue le seul « bien » de la Société. [37] L’avocat du demandeur, suivant en cela l’exemple de la Cour d’appel dans Pouliot, est d’avis que la Commission doit, par analogie, étendre le contrôle du Vérificateur général sur les « autres biens publics » de l’article 1 de la Loi sur le vérificateur général 8 au contrôle de ceux d’une société qui sans être une société à fonds social au sens de l’article 5 de cette dernière loi, est toutefois entièrement financée par des subventions du gouvernement : 5 Op. Cit. supra, note 3 (D-4). 6 Vancouver General Hospital c, Jacob Zack et al, [1990] 3 RCS, 483; Syndicat canadien des fonctionnaires municipaux de Saint-Laurent inc. c. Centre d’initiative technologique de Montréal (CITEC), [1998] CAI 273 (AZ-98151040); Charlebois c. Centre local de développement de l’érable, [1990] CAI 90 (AZ-50071447). 7 Pouliot c. Hydro-Québec International, [1997] CAI 245; Pouliot c. Cour du Québec, [2002] CAI 463. 8 L.R.Q., c. V-5.01, ci-après appelée la « LVG ».
02 14 12 Page : 7 1. La présente loi a pour objet de favoriser, par la vérification, le contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics. 5. Est une entreprise du gouvernement, aux fins de la présente loi: 1° tout organisme, autre que ceux mentionnés aux articles 3 et 4, institué par une loi, ou en vertu d'une loi, ou par une décision du gouvernement, du Conseil du trésor, ou d'un ministre et dont au moins la moitié des membres ou administrateurs sont nommés par le gouvernement ou un ministre; 2° toute société à fonds social, autre qu'un organisme du gouvernement, dont plus de 50% des actions comportant le droit de vote font partie du domaine de l'État ou sont détenues en propriété par un organisme public, par un organisme du gouvernement ou par une entreprise du gouvernement. [38] Par le jeu de ces deux précédentes dispositions lu avec les articles 22 et 30 de cette même Loi sur le vérificateur général, précitée, les « autres biens publics » et les « autres biens transmis sous forme de subventions » assujettis au contrôle du vérificateur général devraient être assimilés, par analogie, au fonds social d’une société faisant partie du domaine public au sens de l’article 4 de la Loi sur l’accès : 22. Le vérificateur général a compétence en matière de vérification ou d'enquête se rapportant: 1° aux fonds et autres biens publics; 2° aux services, aux fonds et autres biens transmis sous forme de subventions accordées par un organisme public ou par un organisme du gouvernement. 30. Le vérificateur général peut procéder à la vérification, ou à tout complément de vérification, des registres, des dossiers, des documents et des comptes d'un établissement, institution, association ou entreprise relativement à l'utilisation de toute subvention qui lui est accordée par un organisme public ou un organisme du gouvernement.
02 14 12 Page : 8 [39] L’avocat du demandeur demande à la Commission d’assujettir à l’application de la Loi sur l’accès, par une interprétation extensive de son article 4 et de ses mots « fonds social faisant partie du domaine de l’État », une corporation sans but lucratif constituée sous la Partie III de la Loi sur les compagnies, précitée, dont le financement est entièrement assuré par des fonds provenant du ministère des Régions et dont l’utilisation est assujettie à la vérification du Ministre et à celle du Contrôleur des finances (voir O-3, articles 5.8 et 10). ii) de la Société [40] L’avocat de la Société plaide que les organismes publics assujettis à la Loi sur l’accès sont ceux énuméré à l’article 3. Ceux-ci sont, par la suite, plus spécifiquement définis à ses articles 4 à 7 9 : 3. Sont des organismes publics: le gouvernement, le Conseil exécutif, le Conseil du trésor, les ministères, les organismes gouvernementaux, les organismes municipaux, les organismes scolaires et les établissements de santé ou de services sociaux. Sont assimilés à des organismes publics, aux fins de la présente loi: le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale, un organisme dont celle-ci nomme les membres et une personne qu'elle désigne pour exercer une fonction en relevant, avec le personnel qu'elle dirige. Les organismes publics ne comprennent pas les tribunaux au sens de la Loi sur les tribunaux judiciaires (chapitre T-16). 4. Les organismes gouvernementaux comprennent les organismes non visés dans les articles 5 à 7, dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que le personnel soit nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) ou dont le fonds social fait partie du domaine de l'État. 9 Lire à ce sujet l’analyse du commissaire Pierre Cyr dans Boone c. Buanderie Montréal, [1996] CAI 180 (AZ-96151035).
02 14 12 Page : 9 Aux fins de la présente loi, le curateur public est assimilé à un organisme gouvernemental, dans la mesure où il détient des documents autres que ceux visés par l'article 2.2. Est assimilée à un organisme gouvernemental, aux fins de la présente loi, une personne nommée par le gouvernement ou par un ministre, avec le personnel qu'elle dirige, dans le cadre des fonctions qui lui sont attribuées par la loi, le gouvernement ou le ministre. 5. Les organismes municipaux comprennent: 1° une municipalité, ainsi que tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent d'une municipalité et tout organisme dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité, de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité municipale; 2° une communauté métropolitaine, une régie intermunicipale, une société intermunicipale de transport, un conseil intermunicipal de transport, l'Administration régionale Kativik et tout autre organisme dont le conseil d'administration est formé majoritairement d'élus municipaux, à l'exclusion d'un organisme privé; 3° une société d'économie mixte constituée conformément à la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal (chapitre S-25.01). 6. Les organismes scolaires comprennent les commissions scolaires, le Conseil scolaire de l'île de Montréal, les institutions dont le régime d'enseignement est l'objet d'une entente internationale au sens de la Loi sur le ministère des Relations internationales (chapitre M-25.1.1), les collèges d'enseignement général et professionnel, l'Université du Québec ainsi que ses universités constituantes, instituts de recherche et écoles supérieures. Ils comprennent également les établissements agréés aux fins de
02 14 12 Page : 10 subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé (chapitre E-9.1) et les établissements d'enseignement supérieur dont plus de la moitié des dépenses de fonctionnement sont payées sur les crédits apparaissant au budget de dépenses déposé à l'Assemblée nationale. 7. Les établissements de santé ou de services sociaux comprennent les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2), les établissements privés visés par cette loi qui fonctionnent en ayant recours à des sommes d'argent provenant du fonds consolidé du revenu, les régies régionales instituées en vertu de cette loi ainsi que la Corporation d'hébergement du Québec. Les établissements de santé ou de services sociaux comprennent également les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5), les établissements privés visés par cette loi qui fonctionnent en ayant recours à des sommes d'argent provenant du fonds consolidé du revenu et les conseils régionaux de santé et de services sociaux institués en vertu de cette loi. [41] Rien dans la preuve ne tend à démontrer que la Société est un établissement de santé et de services sociaux (art. 7), ni qu’elle est un organisme scolaire (art. 6), ni qu’elle est un organisme municipal ou relevant autrement d’un organisme municipal (art. 5). [42] Il estime d’ailleurs que la tentative de l’avocat du demandeur d’appliquer à l’article 4 le critère du contrôle effectif sur la gestion de la vie quotidienne développé par la Cour suprême dans l’affaire Hôpital général de Vancouver 10 et repris par la Commission 11 dans la détermination d’un « organisme relevant autrement d’un 10 Op. cit. supra note 6. 11 voir les affaires Syndicat canadien des fonctionnaires municipaux de Saint-Laurent inc. et Charlebois, op. cit. supra note 6.
02 14 12 Page : 11 organisme municipal » au sens de l’article 5 de la Loi sur l’accès ne peut réussir ici. En effet, nous ne sommes pas à étudier, au cas qui nous occupe ici, l’application de l’article 5 concernant les organismes municipaux mais bien celle de l’article 4. [43] Des organismes publics définis aux articles 4 à 7, ne restent plus que les organismes gouvernementaux visés par l’article 4 et l’avocat de la Société conteste la prétention du demandeur que cette dernière serait un organisme gouvernemental au sens de l’article 4 de la Loi sur l’accès. [44] En effet, rien dans la preuve ne tend à établir que le gouvernement nomme la majorité de ses membres. La preuve (O-2, articles 2.2, 3.7, 4.1 et 5.7) tend à démontrer plutôt qu’un seul des membres représente le gouvernement tant dans la catégorie de membres « B » qu’au sein du CA composé obligatoirement de 11 membres et que ce membre ne détient qu’un seul droit de vote tant aux assemblées des membres qu’à celles du CA. [45] Rien ne tend à démontrer que les quatre membres du personnel de la Société sont rémunérés selon la Loi sur la fonction publique. Par exemple, rien ne tend à démontrer qu’on a suivi la procédure très spécifique en vigueur dans la fonction publique pour l’octroi d’un poste de Directeur général, poste nécessairement réservé à un « cadre ». [46] L’avocat de la Société soutient que rien, dans l’argumentation de l’avocat du demandeur, entièrement fondée sur la notion de « fonds social faisant partie du domaine public », ne peut tenir. [47] En effet, dit-il, l’avocat du demandeur s’arrête longuement sur la provenance des fonds (subventions) nécessaires à la Société pour fonctionner, mais jamais il ne développe ni n’aborde l’argument du point de vue de la propriété de ces fonds. [48] Pour l’avocat de la Société, la jurisprudence 12 dominante, récente et déterminante en matière de « fonds social faisant partie du domaine de l’état » en plus de limiter cette matière appelée « fonds social » strictement au capital-actions d’une corporation (ce qui n’est pas le cas ici puisque la Société ne possède pas de capital-actions), réserve les termes « du domaine de l’état » à des biens (donc nécessairement des actions en l’occurrence) qui sont la propriété de l’état et non, comme le voudrait l’avocat du demandeur, à des biens qui proviennent de l’État. [49] Il convient de citer la Commission et la Cour d’appel dans l’affaire Pouliot afin que soit compris que le critère que l’on doit prendre en considération est la propriété des biens et non la provenance de ceux-ci. 12 Op. cit. supra, note 7.
02 14 12 Page : 12 [50] La commissaire Grenier écrit, aux pages 13 à 16 : La preuve établit qu'Hydro-Québec International est une société à fonds social dont toutes les actions comportant droit de vote font partie du domaine public en vertu de l'article 14 de la Loi sur Hydro-Québec. La preuve m'amène nécessairement à me demander si un organisme dont le capital-actions appartient à la Couronne et qui est entièrement contrôlé par un mandataire de la Couronne, est un organisme gouvernemental. Je suis d'avis qu'il est essentiel de considérer que les sociétés à fonds social, dont plus de 50% des actions comportant droit de vote font partie du domaine public ou sont détenues en propriété par un organisme gouvernemental, sont visées par la Loi sur le Vérificateur général (L.R.Q. V-5.01), loi qui a pour objet de favoriser, par la vérification, le contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics. […] Je suis d'avis que le contrôle prévu par la Loi sur le Vérificateur Général sur une personne morale telle qu'Hydro-Québec International découle du fait que le capital-actions de cette personne morale appartient à l'État. […] Je conviens qu'Hydro-Québec International est une personne de droit privé qui, tel que le prévoit l'article 300 du Code civil du Québec, est d'abord régie par les lois applicables à son espèce. Je comprends que la Loi sur le Vérificateur Général s'applique également aux personnes morales de droit privé à compter du moment où plus de 50% de leurs actions comportant droit de vote deviennent partie du domaine public. Le contrôle prévu par la Loi sur le Vérificateur général sur Hydro-Québec International s'explique aussi par certaines dispositions de la Loi sur Hydro-Québec (L.R.Q. c. H-5). Cette loi prévoit, par son article 13, que l'actionnaire unique d'Hydro-Québec International, à savoir Hydro-Québec, est, rappelons-le, un agent de la Couronne. L'article 14 qui suit prévoit que les biens possédés par cet agent ou mandataire de la Couronne sont la propriété de la Couronne. Je rappelle que le capital-actions d'Hydro-Québec International appartient, dans sa totalité, non pas à Hydro-Québec mais à l'État. […]
02 14 12 Page : 13 La preuve ainsi que les dispositions législatives précitées de la Loi sur le Vérificateur général et de la Loi sur Hydro-Québec me convainquent qu'Hydro-Québec International, personne morale contrôlée par un mandataire de la Couronne et dont le capital-actions fait partie du domaine public, est un organisme gouvernemental visé par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. [51] Et la Cour d’appel rétablit la décision de la Commissaire Grenier en statuant ce qui suit : [4] Or, quelle que soit la définition qu'on peut, à l'occasion et suivant les circonstances, donner aux mots « fonds social » , je suis d'avis que, pour les fins de la Loi, une société à fonds social dont toutes les actions sont détenues par l'État est un organisme dont le fonds social fait partie du domaine public. Et, en l'espèce, toutes les actions de Hydro-Québec International sont détenues par Hydro-Québec, et tous les biens de Hydro-Québec, y compris les actions de celle-ci dans Hydro-Québec International, sont la propriété de la province. [5] Bref, pour les fins qui nous intéressent, les mots « fonds social qui fait partie du domaine public » ne renvoient pas aux sommes versées à la société pour obtenir ses actions, ni aux autres biens de la société. Ils renvoient plutôt aux actions détenues par l'État. La Loi trouve application à l'égard des sociétés dont l'État détient les actions. [6] On peut par analogie lire l'article 5 de la Loi sur le vérificateur général, L.R.Q., c. V-5.01 qui dispose qu'est une entreprise du gouvernement pour les fins de cette loi « toute société à fonds social, ..., dont plus de 50% des actions ... font partie du domaine de l'État ... » [52] Quant aux arguments de l’avocat du demandeur que les biens de la Société sont soumis à la compétence du vérificateur général en vertu des articles 1, 22 et 30 de la LVG (précités) et que l’effet de cette sujétion est de faire de la Société un organisme public au sens de l’article 4 de la Loi sur l’accès, l’avocat de la Société estime que, sans exercer de compétence spécifique sur les bénéficiaires de subventions, il est normal que le vérificateur général vérifie comment sont utilisées les subventions accordées par les organismes publics et les organismes gouvernementaux qui, eux, sont assujettis à son contrôle, ne serait-ce que pour vérifier si ces organismes font eux-mêmes les vérifications prévues aux conventions de subventions, par exemple. [53] Il fait d’ailleurs remarquer qu’à la lecture du libellé de l’article 30 de la LVG, qu’il convient de citer à nouveau, le législateur distingue bien clairement les bénéficiaires des subventions, d’une part, et les organismes assujettis à la compétence du vérificateur général, d’autre part, ce qui, à son avis, exclut en
02 14 12 Page : 14 principe les bénéficiaires de subventions de sa compétence, donc exclut la Société de sa compétence : 30. Le vérificateur général peut procéder à la vérification, ou à tout complément de vérification, des registres, des dossiers, des documents et des comptes d'un établissement, institution, association ou entreprise relativement à l'utilisation de toute subvention qui lui est accordée par un organisme public ou un organisme du gouvernement. LA DÉCISION [54] La Commission prend à son compte l’argumentation de l’avocat de la Société sur le fait que la Société n’est pas assujettie à la Loi sur l’accès et souscrit entièrement à cette position. [55] La Commission ajoute aux arguments de l’avocat de la Société concernant la non-sujétion des bénéficiaires de subventions à la compétence du vérificateur général, ce qui suit : il faudrait d’abord, pour qu’il y ait assujettissement, que la Société soit comprise dans les définitions des « organismes publics », des « organismes du gouvernement » et des « entreprises du gouvernement » visés par les articles 3, 4 et 5 de la LVG, ce qui n’est absolument pas le cas, même si on interprète ces articles de façon très libérale : 3. Est un organisme public, aux fins de la présente loi, le gouvernement, le Conseil exécutif, le Conseil du trésor et un ministère. Sont assimilés à un organisme public, aux fins de la présente loi, le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale, le Protecteur du citoyen, toute personne que l'Assemblée nationale désigne pour exercer une fonction qui en relève lorsque la loi prévoit que son personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) et tout organisme dont l'Assemblée nationale ou l'une de ses commissions nomme la majorité des membres.
02 14 12 Page : 15 4. Est un organisme du gouvernement, aux fins de la présente loi, tout organisme, autre que ceux mentionnés à l'article 3, qui est institué par une loi, ou en vertu d'une loi, ou par une décision du gouvernement, du Conseil du trésor ou d'un ministre et qui satisfait à l'une des conditions suivantes: 1° tout ou partie de ses crédits de fonctionnement apparaissent sous ce titre, dans le budget de dépenses déposé devant l'Assemblée nationale; 2° la loi ordonne que son personnel soit nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1); 3° le gouvernement ou un ministre nomme au moins la moitié de ses membres ou administrateurs et au moins la moitié de ses frais de fonctionnement sont assumés directement ou indirectement par le fonds consolidé du revenu ou les autres fonds administrés par un organisme public, ou par les deux à la fois. Est assimilé à un organisme du gouvernement, pour l'application de la présente loi, le curateur public. 5. Est une entreprise du gouvernement, aux fins de la présente loi: 1° tout organisme, autre que ceux mentionnés aux articles 3 et 4, institué par une loi, ou en vertu d'une loi, ou par une décision du gouvernement, du Conseil du trésor, ou d'un ministre et dont au moins la moitié des membres ou administrateurs sont nommés par le gouvernement ou un ministre; 2° toute société à fonds social, autre qu'un organisme du gouvernement, dont plus de 50% des actions comportant le droit de vote font partie du domaine de l'État ou sont détenues en propriété par un organisme public, par un organisme du gouvernement ou par une entreprise du gouvernement. [56] Elle rejette, par conséquent, l’argumentation de l’avocat du demandeur à l’appui de la position contraire.
02 14 12 Page : 16 [57] La Commission est d’avis que la demande de révision formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès n’est pas recevable, la Société n’étant pas assujettie à cette loi. [58] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission DÉCLARE que la Société n’est pas assujettie à la Loi sur l’accès; DÉCLARE irrecevable la présente demande de révision; et REJETTE la présente demande de révision. Québec, le 7 août 2003. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de la Société : M e Jacques Villeneuve Avocat du demandeur : M e Claude Roy
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