Dossier : 02 06 20 Date : 2003.08.04 Commissaire : Diane Boissinot X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 31 octobre 2001, le demandeur écrit au Directeur de la Sûreté du Québec, corps de police agissant sous l’autorité de l’organisme. Le demandeur, officier retraité de ce corps de police depuis quelques années, a été soupçonné de vol de document à un quartier général de district de la Sûreté du Québec. Une enquête a été effectuée sur ce vol et il désire avoir accès au rapport d’enquête sur la plainte de vol. Il explique ce qui suit : […] Vous vous demandez sans doute, pourquoi je reviens avec cette histoire qui s’est déroulée au cours des années [….]. La raison c’est que je viens de 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
02 06 20 Page : 2 recevoir une lettre datée du […], dans laquelle, on m’informe que le dossier dans lequel j’étais suspect a été soumis au Bureau du Substitut du procureur général. Ce bureau a d’ailleurs considérer[é] qu’il n’y avait aucune preuve pour porter une plainte contre qui que ce soit. […] Dans un premier temps, j’aimerais prendre connaissance du rapport d’enquête dans le dossier du supposé vol de documents. Ce n’est que suite à cette lecture que je pourrai évaluer la pertinence de porter plainte contre les policiers enquêteurs. Si le procureur de la Couronne qui a étudié ce dossier n’a pas eu en main tous les faits pertinents dans ce dossier, il s’agira alors d’un manquement grave de la part de ces policiers. (les inscriptions entre crochets sont de l’auteur de la présente décision) [2] Après avoir reçu cette demande à ses bureaux le 11 décembre suivant, le responsable de l’accès de l’organisme répond ce qui suit le 27 décembre 2001 : […] Malheureusement, outre votre déclaration faite en marge de ces événements et certains renseignements joints à la présente, nous ne pouvons vous transmettre les rapports demandés. En effet, ils sont constitués essentiellement de renseignements nominatifs concernant des tiers et d’avis qui ne peuvent être divulgués conformément aux articles 28, 31, 53, 54, 59 et 88 de la loi sur l’accès. [3] Le 22 avril 2002, le demandeur formule une demande de révision à la Commission d’accès à l’information (la Commission) et requiert celle-ci de le relever de son défaut de présenter sa demande dans les 30 jours de la décision du Responsable tel que prévu par le troisième alinéa de l’article 135 de la Loi. [4] Le demandeur explique son insatisfaction et ce qu’il veut obtenir de l’organisme en ces termes : […] Pour ce qui est des motifs d’appel, je tiens à préciser que dans le dossier que je veux consulter, je n’ai pas besoin de lire aucune déclaration contenant des renseignements nominatifs. D’autre part, j’ai proposé à la Sûreté du Québec que ce soit un Officier n’appartenant pas […] qui prenne connaissance du document pour ensuite répondre à quelques questions. Ce compromis permet à la Sûreté du Québec de protéger les renseignements tel que prévu par la Loi.
02 06 20 Page : 3 Je vous rappelle que le but de mon intervention est de vérifier si les enquêteurs […] ont bien fait leur travail et si tous les renseignements pertinents ont été transmis au procureur de la Couronne. Étant moi-même un Officier à la retraite et considérant avoir été lésé par cette enquête, je réclame simplement le droit de connaître les conclusions de l’enquête. C’est la seule façon qui existe de m’en assurer. Je considère que le compromis que j’ai proposé à la Sûreté du Québec respecte l’esprit de la Loi d’accès aux documents tout en me permettant d’obtenir les réponses désirées. […] Pour ces raisons je demande à la Commission de r[é]viser [l]a décision et de permettre à la Sûreté du Québec de me fourni[r] les renseignements demandés, en utilisant le compromis déjà proposé : à savoir qu’un Officier désigné n’appartenant pas […], prenne connaissance du dossier et réponde à mes questions. (les inscriptions entre crochets sont de l’auteur de la présente décision) [5] Une audience a lieu le 11 mars 2003. L’AUDIENCE A. LA REQUÊTE DU DEMANDEUR POUR SE FAIRE RELEVER DU DÉFAUT DE FORMULER SA DEMANDE DE RÉVISION DANS LES DÉLAIS [6] Vu les explications données par le demandeur sur le temps consacré à tenter, sans succès, d’en arriver à une solution négociée relativement à sa demande d’accès, la Commission considère que des motifs raisonnables avaient retardé la présentation de sa demande de révision. [7] En conséquence, malgré l’opposition de l’organisme, la Commission a relevé le demandeur du défaut de respecter le délai prévu à l’article 135 de la Loi séance tenante. B. LE FOND DU LITIGE [8] Le Responsable dépose une copie du rapport d’enquête en litige, lequel, à lui seul, comprend 617 pages. Se trouvent annexés 126 documents dont certains comportent des dizaines de pages (A à Z, A2 à Z2, A3 à Z3, A4 à Z4, A5 à V5). Le
02 06 20 Page : 4 Responsable dépose, également sous pli confidentiel à la Commission, copie de quelques-unes des 126 annexes audit rapport, ces quelques annexes comprenant approximativement 3 000 à 4 000 pages. Il dépose enfin, sous ce même pli, la correspondance avec le bureau du substitut du procureur général et quatre cassettes d’enregistrement audio de certains interrogatoires. [9] La Commission constate, à la consultation du rapport, que quatre personnes, identifiées comme suspectes, 33 témoins civils et 57 témoins policiers, la plupart à l’emploi de la Sûreté du Québec à ce quartier général, ont été interrogés par les enquêteurs et, dans certains cas, ont fait l’objet de surveillance. [10] Tout au long de l’audience, à l’instar du contenu de ses écrits antérieurs, le demandeur a mentionné ne pas vouloir de documents, mais bien seulement de l’information afin de pouvoir s’assurer que l’enquête des policiers avait été bien faite et que le substitut du procureur général avait un dossier complet avant de décider de ne pas porter d’accusation criminelle. [11] Le demandeur n’a pas précisé quels documents répondraient à ses interrogations. [12] L’avocat de l’organisme plaide que le demandeur s’adonne à une « partie de pêche » et que l’objet principal de sa demande est d’obtenir des renseignements qui ne sont pas, en substance, constatés dans des documents. Il veut obtenir des « informations ». [13] L’avocat de l’organisme soutient que la demande de révision n’est pas recevable puisque la Loi n’a pas pour objet de satisfaire des demandes d’informations qui ne sont pas « matérialisées » dans un document. DÉCISION INTERDIT DE PUBLICATION [14] Compte tenu que la présente demande, les documents constitutifs d’instance et les éléments de preuve présentés révèlent des renseignements nominatifs concernant des tierces personnes physiques dûment identifiées par le demandeur, ainsi que des renseignements sensibles concernant le demandeur lui-même, il convient de frapper l’ensemble du dossier d’un interdit de publication, de diffusion et de divulgation, y compris l’identité du demandeur.
02 06 20 Page : 5 APPRÉCIATION [15] La Commission a pris connaissance des documents déposés par le Responsable de l’accès lors de l’audience. [16] En plus d’autres renseignements dont l’organisme peut ou doit refuser la divulgation, ces documents renferment une multitude de renseignements nominatifs concernant au moins 93 personnes (les suspects et les témoins) outre le demandeur. Ces renseignements sont contenus dans des milliers de pages. [17] La Commission est d’avis que, vu la nature de l’enquête, les documents qui composent le rapport qui en a résulté et les pièces qui y sont annexées, sont, en substance, composés de renseignements nominatifs ne concernant en rien le demandeur. [18] Or le demandeur a, à plusieurs reprises, fait savoir qu’il ne voulait pas avoir accès aux renseignements nominatifs concernant des tierces personnes physiques mais qu’il souhaitait plutôt avoir des réponses aux questions mentionnées au paragraphe [10] ou obtenir les renseignements pouvant l’aider à tirer ses propres conclusions sur ces questions et ce, par le moyen d’un intermédiaire qui aurait pris connaissance du dossier et qui répondrait verbalement à ses questions. [19] Il n’est pas possible d’isoler ou de repérer, parmi les documents en litige, lesquels seraient susceptibles de répondre aux questionnements du demandeur. [20] La Commission considère que la demande de révision n’est pas recevable, telle que formulée pour les raisons qui suivent. [21] Le droit d’accès porte nécessairement sur des documents au sens de l’article 1 de la Loi : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [22] Le demandeur souhaite obtenir les renseignements par la voie verbale. Le droit d’accès s’exercerait alors par un moyen qui n’est pas permis par la Loi. En effet, la Loi limite l’exercice du droit à l’information par l’accès à des documents.
02 06 20 Page : 6 [23] Le droit d’accès s’exerce par la consultation de documents ou l’obtention de copie ou de transcription de documents, le tout selon les modalités prévues à l’article 10, et non par l’interrogatoire d’un fonctionnaire ou, comme le suggère le demandeur ici, par l’interrogatoire, par lui-même, directement, d’un officier de police qui aurait pris connaissance du dossier aux fins de l’interrogatoire : 10. Le droit d'accès à un document s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail ou à distance. Le requérant peut également obtenir copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à sa conservation ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses en raison de sa forme. A la demande du requérant, un document informatisé doit être communiqué sous la forme d'une transcription écrite et intelligible. [24] Le cas échéant, la Commission s’interrogerait sans doute sur la légalité d’une telle procédure compte tenu que l’officier interrogé n’aurait vraisemblablement pas qualité, en vertu de l’article 62 de la Loi, pour prendre connaissance du dossier : 62. Un renseignement nominatif est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 o du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5 o du premier alinéa de l'article 81. [25] De plus, un organisme n’est pas tenu de composer un nouveau document pour répondre à une demande de renseignement sous forme de question : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements.
02 06 20 Page : 7 [26] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission FRAPPE l’ensemble du dossier, y compris l’identité du demandeur, d’un interdit de publication, de diffusion et de divulgation; et REJETTE la présente demande de révision. Québec, le 4 août 2003. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e François Marcoux
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