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Dossier : 03 00 63 Date : 20030731 Commissaire : Christiane Constant X Demandeur c. Clinique dorthopédie Saint-Urbain Entreprise DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE D'EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DE RECTIFICATION [1] Le demandeur sadresse, le 20 novembre 2002, au D r Nicholas Newman, de la Clinique dorthopédie Saint-Urbain (l’« entreprise »), afin dobtenir la rectification dune expertise médicale quil a effectuée à son égard, laquelle est datée du 12 juin 2001. Il précise quà défaut de voir les rectifications apportées, il a lintention dentreprendre des procédures judiciaires. [2] Le 22 novembre 2002, le D r Newman lui répond quil a référé sa demande de rectification à la Commission de la santé et de la sécurité au travail CSST »). [3] Insatisfait de cette réponse, le demandeur soumet, le 7 janvier 2003, à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande dexamen de mésentente à laquelle est annexée ladite expertise médicale.
03 00 63 Page : 2 L'AUDIENCE [4] Laudience se tient à Montréal, le 17 juin 2003, en présence du demandeur, de son témoin et de M e Jacques Rousse, du cabinet davocats McCarthy Tétrault, qui représente l'entreprise et D r Newman qui est absent. LA PREUVE A) DU DEMANDEUR [5] Le demandeur, qui témoigne sous serment, réfère à une expertise médicale datée du 12 juin 2001 que D r Newman a effectuée à son égard. Il déclare être en désaccord avec la majeure partie de ce rapport qui, à son avis, ne reflète pas la réalité de son état de santé. Il fournit en exemple le n o 3 de cette expertise, selon lequel le docteur aurait indiqué quil nexiste « aucune augmentation » d’« atteinte permanente à lintégrité physique et psychique » alors qu'il éprouverait des douleurs physiques à divers niveaux et quil y aurait, à son avis, une atteinte permanente à son « intégrité physique et psychique ». [6] Il prétend que deux autres médecins, dont son médecin traitant, se seraient déclarés en désaccord avec cette expertise. Le demandeur voudrait que des modifications y soient apportées. B) DU FRÈRE DU DEMANDEUR [7] Le frère du demandeur, qui témoigne sous serment, confirme lessentiel de la déposition de celui-ci et fournit quelques exemples, tels des difficultés quil éprouve dont « des douleurs à la tête, quand il se penche », le fait qu'il ne peut se relever avec aisance, etc. C) CONTRE-INTERROGATOIRE DU DEMANDEUR [8] En réponse à une question de M e Rousse, le demandeur admet quà la demande de la CSST, il a rencontré D r Newman pour subir une expertise, de laquelle sensuivit un rapport médical. Il admet aussi que, malgré les opinions divergentes entre les deux médecins quil aurait contactés et D r Newman, le Bureau de l'évaluation médicale (le « BEM ») na pas été appelé à trancher ce litige. [9] Il ajoute que relativement à cette affaire, il sera entendu en audience par la Commission des lésions professionnelles (la « CLP »), le 16 septembre 2003.
03 00 63 Page : 3 LES ARGUMENTS [10] M e Rousse résume la déposition du demandeur. Celui-ci est en désaccord avec lexpertise médicale du docteur Newman qui naurait pas inscrit correctement ce quil lui avait dit sur son état de santé. Il rappelle que le demandeur a admis que le BEM na pas été appelé à trancher le litige médical lopposant au D r Newman mais quil a été convoqué par la CLP à une audience fixée au 16 septembre prochain. [11] Lavocat plaide quil existe un mécanisme darbitrage, en loccurrence le BEM, établi par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles 1 (la « L.a.t.m.p. ») à son article 220 par lequel un membre de ce Bureau étudie le dossier qui lui est soumis et a le pouvoir de procéder à lévaluation médicale quil juge à propos. Larticle 221, pour sa part, traite de l'avis écrit du membre par lequel il infirme ou confirme le diagnostic médical. 220. Le membre du Bureau d'évaluation médicale étudie le dossier soumis. Il peut, s'il le juge à propos, examiner le travailleur ou requérir de la Commission tout renseignement ou document d'ordre médical qu'elle détient ou peut obtenir au sujet du travailleur. Il doit aussi examiner le travailleur si celui-ci le lui demande. 221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu. Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet. [12] Par ailleurs, lavocat commente le mécanisme de révision interne prévu à larticle 358 de ladite loi par lequel une personne insatisfaite dune décision de la CSST peut en demander la révision. 358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision. Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue 1 L.R.Q., c. A-3.001.
03 00 63 Page : 4 en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365. Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article [13] Lorsque cette personne est insatisfaite de cette dernière décision, elle peut la contester devant la CLP selon le délai prescrit à larticle 359 de la L.a.t.m.p. Donc, à son avis, le recours véritable du demandeur se trouve devant la CLP qui entendra sa cause en audience, le 16 septembre prochain, comme l'a indiqué le demandeur. 359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification. La rectification [14] M e Rousse argue que la Commission ne peut effectuer quune rectification de données factuelles; elle ne peut ni modifier une expertise médicale ni « remettre en cause une opinion, une interprétation, encore moins lappréciation subjective de lauteur du document au sujet dune personne ou dun événement », tel qu'il est stipulé à la décision Belleau c. Démo-Club Services inc. 2 . [15] De plus, il argue que, dans le cas en lespèce, le demandeur est en désaccord avec lévaluation faite par D r Newman. Il invoque à cet effet la décision X c. Services de réadaptation lIntégrale 3 qui rappelle que la Commission a déjà décidé que le droit à la rectification ne sapplique quaux faits et ne peut permettre de faire modifier des opinions contre le gré de leur auteur. [16] Dans le même ordre didées, lavocat a cru pertinent de commenter les affaires suivantes : Dupuis c. Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme 4 . Dans ce dossier, la demanderesse souhaitait voir masquer certaines observations inscrites par une infirmière à son dossier médical. Cette demande fut rejetée par la Commission au motif que « ces inscriptions sont 2 [1995] C.A.I. 75. 3 F. c. Hôpital général du Lakeshore cité dans [1997] C.A.I. 101, 103. 4 [1999] C.A.I. 346.
03 00 63 Page : 5 de nature subjective, car elles comportent une appréciation des faits par linfirmière » qui a refusé de les modifier. Forget c. Société de lassurance automobile du Québec 5 SAAQ ») le demandeur voulait que la SAAQ corrige lensemble des documents se trouvant à son dossier dindemnisation. Cette demande a été refusée par la Commission qui rappelle que le recours du droit à la rectification ne peut pas avoir pour effet de changer « lopinion dune personne contre son gré ». Dans Zincoski c. Centre hospitalier de St. Mary 6 , le demandeur désirait voir modifier un diagnostic dostéoporose le concernant. Cette demande est rejetée par la Commission pour les mêmes motifs que ceux indiqués à l'affaire Hôpital général du Lakeshore 7 . Dans Equifax Canada inc. c. Leblanc et al 8 , la Cour du Québec a statué qu'un renseignement basé sur une opinion ne doit pas être modifié. DÉCISION [15] La présente demande de rectification est soumise à la Commission conformément à larticle 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 9 qui stipule ce qui suit : 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25. [16] Larticle 53 de cette même loi prévoit que : 53. En cas de mésentente relative à une demande de rectification, la personne qui détient le dossier doit prouver qu'il n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec l'accord de celle-ci. 5 [1992] C.A.I. 104, 105. 6 [1993] C.A.I. 90. 7 Précitée, note 3. 8 [1997] C.A.I. 438 (C.Q.). 9 L.R.Q., c. P-39.1
03 00 63 Page : 6 [17] Le demandeur, lors de sa déposition à laudience, a manifesté son désaccord avec le diagnostic médical du D r Newman car il éprouverait notamment certaines difficultés dordre physique. Il a admis ne pas avoir exercé le recours disponible devant le BEM prévu aux articles 220 et 221 de la L.a.t.m.p. précités. Toutefois, il a admis avoir contesté ce diagnostic devant la CLP qui l'entendra en audience, le 16 septembre 2003. [18] La soussignée est davis, comme la argumenté le procureur de l'entreprise, quil existe un recours devant la CLP dont sest prévalu le demandeur conformément aux articles 358, 359 de la L.a.t.m.p. précités. [19] En ce qui concerne la demande de rectification à lexpertise médicale telle qu'elle est souhaitée par le demandeur, la soussignée considère quil est de jurisprudence constante que la Commission nest pas habilitée à modifier une opinion tel qu'il est stipulé aux décisions Ravinsky c. Services financiers Avco Canada ltée 10 et Ohayon c. Trans Union Canada inc. 11 . Dans le cas en l'espèce, l'expertise médicale est une opinion subjective émise par D r Newman sur létat de santé du demandeur. [20] La soussignée estime que lexercice du droit à la rectification na pas pour effet de modifier lopinion subjective émise par un médecin dans une expertise médicale et de la remplacer par celle du demandeur. [21] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande dexamen de mésentente du demandeur contre la Clinique dorthopédie Saint-Urbain; FERME le présent dossier n o 03 00 63. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 31 juillet 2003 10 [2000] C.A.I. 44. 11 C.A.I. Montréal n o 01 11 33, 18 juin 2002, c. Constant.
03 00 63 Page : 7 M e Jacques Rousse MCCARTHY TÉTRAULT Procureurs de la Clinique dorthopédie Saint-Urbain
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