Dossier : 01 17 25 Date : 20030730 Commissaire : M e Hélène Grenier DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demande d’accès, datée du 29 août 2001, vise l’obtention de copie de «Tous les rapports transmis par l’Association des hôpitaux du Québec (AHQ) au CHSLD Centre-Ville de Montréal (Hôpital St-Charles-Borromée) dans le dossier du recours collectif à partir de la requête en autorisation déposée par Handicap-Vie-Dignité et al le 6 janvier 1998 jusqu’à la date de réponse à cette demande.».M ME X M ME Y Demanderesses c. CHSLD CENTRE-VILLE DE MONTRÉAL Organisme et ASSOCIATION DES HÔPITAUX DU QUÉBEC Tiers
01 17 25 Page : 2 [2] Le refus de l’organisme s’appuie sur les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. [3] Dans sa décision, le responsable précise que le tiers considère que les documents demandés «contiennent des renseignements financiers confidentiels au sens de l’article 23 et dont la divulgation pourrait leur causer une perte selon l’article 24 de la Loi sur l’accès.». [4] La demande de révision de ce refus daté du 19 octobre 2001 est formulée le 12 novembre 2001. L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) de l'organisme [5] L’avocat de l’organisme dépose un document identifiant les renseignements visés par la demande et détenus (O-1); il est admis que ces renseignements ont été inscrits sur une liste de dossiers de réclamations établie
01 17 25 Page : 3 au 31 mars 2001 par la «Direction des programmes d’assurances et de la gestion des risques» du tiers concernant son client, l’organisme; en ce qui a trait au dossier du recours collectif visé par la demande d’accès, ces renseignements sont : • le numéro du dossier, le nom du client, l’identité des «victimes», la nature de l’incident et l’état du dossier (colonne 1); • les dates de «l’incident», de «l’avis» et de «l’ouverture» (colonne 2); • les montants inscrits aux chapitres de la «réclamation», des «frais» et du total des «réserves courantes» (colonne 3). [6] L’avocat dépose également une copie de l’avis (O-2) de la demande d’accès tel qu’il a été donné au tiers par le responsable le 17 septembre 2001; dans cet avis, le responsable identifie les renseignements qui sont demandés et que l’organisme détient et il sollicite les observations écrites du tiers. [7] L’avocat dépose enfin une copie des observations (O-3) par lesquelles le tiers s’oppose formellement à la divulgation des renseignements visés par la demande et détenus par l’organisme, ce, en vertu des articles 23 et 24 précités. Ces observations, adressées au responsable, sont datées du 9 octobre 2001. ii) du tiers Témoignage de Mme Martine Dufresne [8] L’avocate du tiers fait entendre Mme Martine Dufresne qui témoigne sous serment. Mme Dufresne est, depuis le 30 avril 2002, directrice des programmes d’assurances du tiers et elle agit particulièrement pour le Regroupement des programmes d’assurances du réseau de la santé et des services sociaux. Elle reconnaît les lettres patentes qui ont constitué, depuis janvier 1963, le tiers en personne morale (O-4). [9] Mme Dufresne explique que les hôpitaux se sont regroupés en 1985 afin de pouvoir s’assurer sur le marché; leur regroupement, effectué avec l’aide du tiers et celle du ministère de la Santé et des services sociaux, a donné lieu à la mise sur pied d’un fonds d’assurance dès 1986. En mars 1987, Mme Dufresne commençait à œuvrer, chez le tiers, dans la gestion du premier programme d’assurance en responsabilité civile offert aux hôpitaux regroupés, programme auquel d’autres programmes se sont par la suite ajoutés. Depuis 1996, tous les
01 17 25 Page : 4 établissements et organismes de santé et de services sociaux sont regroupés pour adhérer aux programmes d’assurances gérés par le tiers. [10] Mme Dufresne précise que le tiers fait affaire avec des assureurs privés : il gère, par l’entremise de sa direction des programmes d’assurances et de la gestion des risques, les programmes d’assurances auxquels les établissements et organismes du réseau adhèrent. Les assureurs privés avec lesquels les contrats sont conclus vérifient mensuellement certains rapports statistiques et autres renseignements détenus par le tiers gestionnaire. [11] À sa connaissance, les renseignements en litige «numéro de dossier, nom du client, identité des «victimes», nature de l’incident et état du dossier (colonne 1)» (O-1) sont un outil de gestion utilisé par le tiers pour retracer un dossier, pour identifier l’analyste au dossier, l’établissement ou organisme du réseau visé par une réclamation ainsi que le fonds auquel le dossier est relié à des fins statistiques. [12] À sa connaissance également, les renseignements en litige «dates de «l’incident», de «l’avis» et de «l’ouverture» (colonne 2)» (O-1) permettent de déterminer le fonds auquel le dossier est attribué, soit le fonds de l’assureur ou celui du tiers, la date à compter de laquelle ce fonds est engagé pour une année financière commençant le 1 er avril; l’assureur vérifie ces renseignements statistiques que consigne le tiers dans sa gestion des programmes d’assurances afin de savoir la mesure dans laquelle il est, le cas échéant, impliqué. [13] À sa connaissance enfin, les renseignements en litige «montants inscrits aux chapitres de la «réclamation», des «frais» et du total des «réserves courantes» (colonne 3)» expriment le montant de la réclamation tel qu’il est établi par chaque réclamant et dont l’analyste au dossier se sert comme outil de travail, les frais que le tiers évalue comme étant ceux qui ont été ou seront déboursés dans la défense du dossier (enquête et expertise médicale notamment) ainsi que la réserve financière que le tiers évalue comme devant être déboursée. [14] Les renseignements en litige sont confidentiels et gérés comme tels par le tiers, ce, tant dans le système informatique qu’à l’intérieur de la direction des programmes d’assurances du tiers; ils sont, chez le tiers, réservés aux personnes attitrées au traitement des dossiers. Le tiers communique annuellement à chaque établissement la liste des dossiers de réclamations qui le concernent et qui ont été traitées par le Regroupement des programmes d’assurances précité. Les établissements n’ont pas accès aux listes qui ne les concernent pas; ces listes pourraient donner lieu à des comparaisons litigieuses entre établissements et avec le tiers qui fixe leurs contributions.
01 17 25 Page : 5 [15] Les renseignements en litige sont, pour la plupart, financiers et stratégiques; ils ne doivent pas être accessibles aux réclamants, notamment. Ils concernent aussi l’assureur. Contre-interrogatoire de Mme Martine Dufresne [16] Mme Dufresne confirme être à l’emploi du tiers à titre de directrice des programmes d’assurance gérés par le tiers pour les établissements et organismes du réseau de la santé et des services sociaux. Elle ajoute que l’organisme n’est pas membre du tiers même s’il participe aux programmes d’assurances gérés par le tiers. Elle mentionne enfin que les primes payables par les participants sont renouvelées annuellement, pour tous les programmes d’assurances, et que des programmes autres que ceux d’assurances sont aussi offerts à l’organisme par le tiers. Témoignage de M. Denis Rochette [17] L’avocate du tiers fait également entendre M. Denis Rochette qui témoigne sous serment. M. Rochette, qui est expert en sinistre depuis 42 ans, est à l’emploi de l’entreprise Denis A. Rochette Intexpect Inc. dont les clients sont des assureurs; au cours de sa carrière, M. Rochette a travaillé pour une centaine d’assureurs différents. [18] À son avis, les renseignements en litige sont de nature confidentielle pour les assureurs. Il n’a jamais vu les renseignements du type de ceux qui sont classés dans les colonnes 2 et 3; ces renseignements ne sont pas communiqués aux experts en sinistre ou aux enquêteurs. À sa connaissance, les assureurs ne communiquent pas ces renseignements à des tiers. ii) des demanderesses Témoignage de M. Léon Lafleur [19] M. Léon Lafleur, directeur général et responsable de l’accès aux documents de l’organisme, témoigne sous serment. Il affirme, en ce qui concerne la demande d’accès, que l’organisme ne détient aucun renseignement autre que ceux identifiés en séance (O-1). Il précise que les renseignements qui lui sont communiqués (D-1) concernant le recours collectif visé par la demande d’accès proviennent des avocats de l’organisme. Il réitère que le seul document reçu du tiers est celui qui est en litige (O-1) et qui a été communiqué à l’organisme par le Regroupement précité qui fait partie du tiers.
01 17 25 Page : 6 B) LES ARGUMENTS i) de l'organisme [20] L’article 23 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s’applique, la preuve démontrant que les renseignements en litige sont financiers, qu’ils sont fournis par un tiers, qu’ils sont de nature confidentielle et qu’ils sont habituellement traités de façon confidentielle par un tiers. La substance des renseignements en litige est financière et se voit appliquer la restriction impérative prévue par l’article 23. [21] L’article 24 de la même loi s’applique également, la preuve établissant que la divulgation des renseignements en litige risquerait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable aux demandeurs pour lesquels l’exercice du recours collectif dirigé contre l’organisme a été autorisé. La divulgation du montant inscrit à titre de réserve prévue procurerait un avantage appréciable à ces demandeurs soit dans le contexte de la négociation d’un règlement hors cour du recours collectif visé par la demande d’accès, soit dans le cadre du procès résultant de l’exercice de ce recours. [22] Les renseignements en litige ne sont pas compris dans un contrat conclu entre l’organisme et le tiers. Ils sont transmis par le tiers à l’organisme. [23] La preuve démontre que l’organisme ne détient pas de renseignements qui soient visés par la demande d’accès en dehors de ceux qui sont identifiés comme étant en litige et qui sont remis à la Commission (O-1). ii) des demanderesses [24] Les renseignements en litige n’appartiennent pas à l’organisme et ils n’ont pas été fournis par le tiers mandaté par l’organisme à des fins d’assurance. Ces renseignements sont compris dans un contrat conclu entre l’organisme et le tiers pour constater leurs obligations mutuelles; le tiers n’a pas fourni ces renseignements à l’organisme qui ne peut, conséquemment, invoquer les articles 23 et 24 précités. [25] La pièce D-1 démontre que le conseil d’administration de l’organisme a, lors de sa séance du 3 mars 2003, été informé de l’évolution du recours collectif visé par la demande d’accès. Des documents doivent nécessairement exister concernant ces informations donnés au conseil.
01 17 25 Page : 7 [26] La demande d’accès vise tous les rapports transmis par le tiers à l’organisme dans le dossier du recours collectif, ce, pour une période débutant le 6 janvier 1998 et se terminant le 19 octobre 2001. [27] L’article 24 doit être interprété restrictivement. DÉCISION [28] La demande d’accès porte la date du 29 août 2001; le refus du tiers est daté du 9 octobre 2001 alors que celui du responsable, visé par la demande de révision, est daté du 19 octobre 2001. La pièce D-1, qui réfère à des renseignements communiqués au conseil d’administration de l’organisme le 3 mars 2003, n’est pas pertinente au litige. La Commission révise la décision du 19 octobre 2001. [29] La demande d’accès vise l’obtention de tous les rapports transmis par le tiers à l’organisme dans le dossier du recours collectif à partir de la requête en autorisation déposée par Handicap-Vie-Dignité et al le 6 janvier 1998 jusqu’à la date de réponse à cette demande.». [30] La preuve démontre que les renseignements en litige sont les seuls qui soient détenus parmi ceux visés par la demande d’accès précise. [31] J’ai pris connaissance des renseignements en litige. Comme le démontre la preuve, ces renseignements émanent annuellement du tiers et ils sont destinés à l’organisme en sa qualité de participant au regroupement des programmes d’assurances du réseau de la santé et des services sociaux; ces quelques renseignements expriment de façon très sommaire certains éléments du dossier de réclamation visé par la demande d’accès tel qu’il est traité par le tiers gestionnaire d’assurances. [32] Les renseignements «le numéro du dossier, le nom du client, l’identité des «victimes», la nature de l’incident et l’état du dossier (colonne 1) : • Exception faite du numéro du dossier de réclamation, les renseignements de cette colonne proviennent de la réclamation exprimée publiquement au moyen du recours collectif visé par la demande d’accès et du déroulement public de ce recours devant la Cour supérieure; ces renseignements non financiers étaient déjà publics à la date de la demande d’accès et ils sont
01 17 25 Page : 8 accessibles en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. • Le renseignement «numéro de dossier» compris dans «colonne 1» est, selon la preuve, un outil de gestion utilisé par le tiers pour retracer un dossier, pour identifier l’analyste au dossier ainsi que le fonds auquel le dossier est relié. La Commission comprend que ces renseignements, exception faite de ceux qui identifient un fonds en particulier, ne sont ni financiers ni visés par la preuve présentée relativement à l’application de l’article 24. Ils sont accessibles en vertu de l’article 9 précité, exception faite du renseignement financier identifiant le fonds sollicité et auquel l’article 23 s’applique : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [33] Les renseignements «dates de «l’incident», de «l’avis» et de «l’ouverture» (colonne 2) : • La preuve démontre que ces renseignements permettent de déterminer le fonds auquel le dossier est attribué, soit le fonds de l’assureur ou celui du tiers, la date à compter de laquelle ce fonds est engagé pour une année financière commençant le 1 er avril; • La preuve démontre que ces renseignements financiers sont de nature confidentielle, qu’ils sont fournis par le tiers qui les traite habituellement de façon confidentielle et que le tiers ne consent pas à leur communication; l’article 23 s’applique aux renseignements de la «colonne 2».
01 17 25 Page : 9 [34] Les renseignements «montants inscrits aux chapitres de la «réclamation», des «frais» et du total des «réserves courantes» (colonne 3)» : • La preuve démontre que ces renseignements expriment le montant de la réclamation tel qu’il est établi par chaque réclamant et dont l’analyste au dossier se sert comme outil de travail, les frais que le tiers évalue comme étant ceux qui ont été ou seront déboursés dans la défense du dossier (enquête et expertise médicale notamment) ainsi que la réserve financière que le tiers évalue comme devant être déboursée; • La preuve démontre que le montant de la réclamation est établi par les réclamants; à cet égard, ce montant, connu publiquement à cause du recours collectif, n’est pas fourni par le tiers; il est accessible en vertu de l’article 9 précité, les conditions d’application des articles 23 et 24 n’étant pas réunies; • La preuve démontre que les renseignements exprimant les frais ainsi que la réserve financière évalués par le tiers sont fournis par lui en ce qu’ils émanent de sa gestion en assurance; la preuve démontre que ces renseignements financiers sont de nature confidentielle et qu’ils sont habituellement traités de façon confidentielle par le tiers qui ne consent pas à leur communication; les conditions d’application de l’article 23, précité, sont réunies. [35] La décision du responsable est, quant aux renseignements financiers fournis par le tiers, fondée.
01 17 25 Page : 10 [36] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande; ORDONNE à l’organisme de donner aux demanderesses communication des renseignements dont l’accessibilité est déterminée plus haut; REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Laurent Lesage Avocat de l’organisme M e Marie-Josée Hogue Avocate du tiers
01 17 25 Page : 11 [36] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande; ORDONNE à l’organisme de donner aux demanderesses communication des renseignements dont l’accessibilité est déterminée plus haut; REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Laurent Lesage Avocat de l’organisme M e Marie-Josée Hogue Avocate du tiers COPIE CONFORME ______________________ Christyne Cantin Secrétaire par intérim
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