Dossier : 02 00 59 Date : 20030728 Commissaire : M e Hélène Grenier DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demande d’accès du 28 novembre 2001 vise l’obtention de copie des «rapports sur les incidents/accidents impliquant les usagers de la Résidence St-Charles-Borromée à partir de l’an 2000 jusqu’à ce jour.». [2] Le refus de l’organisme d’acquiescer à cette demande s’appuie sur l’article 32 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une divulgation risquerait d'avoir un effet sur une procédure judiciaire.M ME X M ME Y Demanderesses c. CHSLD CENTRE-VILLE DE MONTRÉAL Organisme analyse lorsque sa vraisemblablement
02 00 59 Page : 2 [3] Dans sa décision, le responsable précise que les documents demandés «comportent en substance des renseignements contenus dans une analyse dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire, en l’occurrence le recours collectif qui a été autorisé par la Cour supérieure le 24 novembre 1999.». [4] La demande de révision de ce refus daté du 18 décembre 2001 est formulée le 15 janvier 2002. L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) de l'organisme [5] L’avocat de l’organisme dépose une liste identifiant les documents visés par la demande et détenus (O-1), à savoir : • Une compilation des rapports d’incidents/accidents AH-223 à Saint-Charles- Borromée, blessures corporelles 1999-2000; • Un rapport accidents/incidents du 1 er janvier 2000 au 31 mars 2000 (cumulatif); • Une compilation des rapports d’incidents/accidents AH-223 à Saint-Charles- Borromée, erreurs de médicaments 2000-2001 (périodes 1 à 13); • Une compilation des rapports d’incidents/accidents AH-223 à Saint-Charles- Borromée, blessures corporelles 2000-2001; • Un rapport accidents/incidents du 1 er avril 2000 au 31 mars 2001 (cumulatif); • Une compilation des rapports d’incidents/accidents AH-223 à Saint-Charles- Borromée 2001-2002 (blessures corporelles); • Une compilation des rapports d’incidents/accidents AH-223 à Saint-Charles- Borromée, erreurs de médicaments 2001-2002 (périodes 1 à 6); • Un rapport accidents/incidents du 1 er avril 2001 au 22 septembre 2001 (cumulatif).
02 00 59 Page : 3 [6] L’avocat dépose également une copie de la déclaration amendée et précisée (O-2), datée du 8 mars 2001, modifiant la déclaration initiale introduite par les demanderesses «Handicap-Vie-Dignité et Madame Johanne Ravenda dans le cadre d’un recours collectif dont l’exercice, contre l’organisme, a été autorisé le 24 novembre 1999. Cette requête comprend notamment une description des fautes reprochées à l’organisme par les demanderesses en l’instance : 1. «Ne pas avoir respecté ses obligations légales et contractuelles quant aux soins et aux services qu’il devait dispenser aux membres du Groupe (350 à 400 personnes admises avant le 1 er janvier 1993 comme bénéficiaires et après cette date) entraînant de ce fait un préjudice moral et physique à ceux-ci de même qu’une atteinte à leurs droits fondamentaux; 2. …même si des correctifs de forme ont commencé à se mettre en place au printemps 1995 soit la rénovation physique des lieux, la présence de chambres privées ou semi-privées, la diminution d’encombrement dans les corridors et un nouveau système de chariots à médicaments permettant une meilleure identification des patients de même que des pilules bien enveloppées, la situation globale n ‘est toujours pas, à ce jour, totalement corrigée, et les bénéficiaires les plus vulnérables de l’établissement continuent encore à subir des préjudices pour un certain nombre de situations qui… perdurent; 3. les demanderesses sont en droit de demander, au nom des membres du Groupe, un certain nombre de mesures réparatrices pour éviter la répétition de tels préjudices dans le futur (évaluation régulière de la qualité des services fournis, diffusion publique du rapport de ces évaluations, remise de copie de ces documents sur requête des demanderesses, création d’un fonds pour assurer l’information et la formation des résidents sur les droits et les moyens pour les faire valoir) ». [7] L’avocat dépose une copie de la requête produite par l’organisme, dans le cadre de ce recours collectif, afin d’obtenir, entre autres, la radiation (O-3) des allégations précitées (2. et 3.) puisque, selon l’organisme, le recours collectif autorisé le 24 novembre 1999 ne viserait que les usagers qui ont résidé chez lui durant la période du 1 er janvier 1993 au 31 décembre 1997. [8] L’avocat dépose une copie du procès-verbal (O-4) de l’audience consacrée à cette requête (O-3) et du jugement afférent démontrant que la demande de radiation des allégations précitées est, en février 2003, «rejetée à ce stade-ci.»
02 00 59 Page : 4 [9] L’avocat produit enfin un extrait du plumitif civil (O-5) démontrant que la demande d’accès du 28 novembre 2001 a été adressée à l’organisme alors que le recours collectif autorisé contre l’organisme en 1999 était encore pendant. ii) des demanderesses [10] Les demanderesses déposent une copie du jugement du 24 novembre 1999 autorisant l’exercice d’un recours collectif contre l’organisme, attribuant à l’une d’elles le statut de représentante d’un groupe de personnes physiques aux fins de l’exercice de ce recours et décrivant ce groupe comme étant tous les bénéficiaires résidant chez l’organisme pendant quelque temps entre le 1 er janvier 1993 et le 31 décembre 1997 (D-1). [11] Elles déposent une copie d’une politique de l’organisme concernant la gestion des risques (D-2), politique entrée en vigueur le 20 juin 2002 et prévoyant que «tous les dossiers concernant les risques (rapports accidents, incidents, incendies, erreurs de médicaments, mesures prises et correctifs) sont dirigés au gestionnaire des risques qui fait rapport trimestriel au directeur général et au comité qualité du Conseil d’administration.». [12] Elles déposent une copie d’un extrait du compte rendu de la réunion du comité de direction de l’organisme tenue le 19 février 2003 (D-3) et au cours de laquelle ont été présentés : • le «rapport trimestriel du relevé des lésions de pression 2002-2003,pour les périodes 7-8-9; • le rapport trimestriel des accidents-incidents, pour les périodes 7-8-9; • le rapport trimestriel des erreurs de médicaments, pour les périodes 1 à 9». [13] Elles déposent enfin une copie d’un rapport sur les accidents/incidents 1996-1997 présenté au conseil d’administration de l’organisme le 25 juin 1997 (D-4) ainsi qu’une copie d’un extrait du rapport annuel 2001-2002 de l’organisme (D-5) dans lequel on peut lire, sous la rubrique «Rapport du président et du directeur général », les renseignements suivants :«La poursuite de l’implantation d’un programme continu d’amélioration de la qualité des services et le raffinement des différents indicateurs ont préoccupé, tout au cours de la dernière année, les membres du comité du Conseil sur la qualité des services et tout le personnel concerné. Les mesures de contrôle de la qualité et l’état de la situation des incidents et accidents ont fait l’objet de rapports réguliers et permis de
02 00 59 Page : 5 constater les mesures prises pour assurer une amélioration constante de la qualité des soins et des services aux personnes hébergées.». B) LES ARGUMENTS i) de l'organisme [14] La déclaration amendée et précisée du 8 mars 2001 (O-2) comprend des allégations concernant, d’une part, les préjudices causés aux usagers de l’organisme pour la période du 1 er janvier 1993 au 31 décembre 1997 et, d’autre part, les agissements fautifs qui sont encore reprochés à l’organisme et qui amènent les demanderesses à prétendre que «la situation globale n’est toujours pas, à ce jour, totalement corrigée, et les bénéficiaires les plus vulnérables de l’établissement continuent encore à subir les préjudices pour un certain nombre de situations qui perdurent;». De l’avis de l’avocat de l’organisme, les allégations qui concernent des préjudices subis en raison de «ces situations qui perdurent» établissent un lien avec le présent. Il rappelle à cet égard que le tribunal a rejeté la requête de l’organisme (O-3) visant la radiation des allégations relatives à ces préjudices et situations qui, selon les demanderesses en l’instance, «perdurent» (O-4), décision qui est encore applicable et qui concerne nécessairement les bénéficiaires actuels. [15] Selon l’avocat, les renseignements en litige sont de nature analytique en ce qu’ils décortiquent des situations concernant des accidents ou des incidents, ce, par rapport aux procédures judiciaires pendantes (O-2 à O-5). La Commission, signale-t-il, a déjà décidé 1 que ces renseignements étaient analytiques en ce qu’ils examinaient et décortiquaient des situations incidents/accidents concernant une période donnée et que leur divulgation risquait vraisemblablement d’avoir un effet sur le même recours collectif entrepris contre l’organisme. L’avocat souligne que les renseignements en litige font partie de la preuve dont l’organisme dispose dans le cadre de ce recours et qu’il appartient au juge du procès de décider de leur admissibilité. [16] La Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux (L.Q. 2002, c. 71), entrée en vigueur le 19 décembre 2002, n’a pas d’effet sur la décision du responsable qui est datée du 18 décembre 2001 et dont la révision a été soumise à la Commission le 15 janvier 2002. Cette loi, non rétroactive, ne comprend, par ailleurs, aucune disposition conférant un caractère public aux rapports sur les incidents/accidents qui, de ce fait, écarterait l’application de 1 Dossier CAI 00 04 82, 3 janvier 2002.
02 00 59 Page : 6 l’article 32 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels invoqué par l’organisme; elle confère à l’usager le droit personnel d’être informé de certains renseignements le concernant. [17] De plus, la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux : • prévoit que les dossiers et les procès-verbaux du comité de gestion des risques et de la qualité sont confidentiels malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels; • préconise la mise en place d’un système de surveillance incluant la constitution d’un registre local des incidents et des accidents pour fins d’analyse des causes de ces accidents et incidents. [18] Les documents en litige ne sont pas destinés au conseil d’administration de l’organisme; ils sont préparés pour l’un de ses comités. ii) des demanderesses [19] Les documents en litige sont constitués de statistiques, non pas de renseignements analytiques. [20] L’audience de la Commission est tenue le 13 juin 2003; la Cour supérieure a refusé (O-4) de radier les allégations visées par la requête de l’organisme (O-3); elle a ainsi décidé de ne pas fixer de terme à la période visée par l’exercice du recours collectif entrepris contre l’organisme. Les rapports en litige sont directement reliés à ce recours et c’est la raison pour laquelle ils sont demandés; ces rapports ne constituent cependant pas des analyses, mais bien des statistiques dont le caractère public est confirmé par la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux (L.Q. 2002, c. 71) entrée en vigueur le 19 décembre 2002. DÉCISION [21] La demande d’accès du 28 novembre 2001 vise l’obtention de renseignements qui constituent des rapports d’incidents/accidents concernant la
02 00 59 Page : 7 période du 1 er janvier 2000 au 28 novembre 2001. J’ai pris connaissance des renseignements détenus qui m’ont été remis par l’organisme (O-1) et qui sont présentés de la façon suivante: 1. rapports incidents/accidents pour les périodes du 1 er janvier 2000 au 31 mars 2000, du 1 er avril 2000 au 31 mars 2001 et du 1 er avril 2001 au 22 septembre 2001 (O-1): Il n’y a aucun renseignement de nature analytique qui soit inscrit dans ces rapports qui ont été vidés de toute substance analytique et qui sont essentiellement constitués de quelques renseignements numériques reliés à des faits simples; ces rapports étaient, en 2001, accessibles en vertu de l’article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 2. de compilations de rapports d’incidents/accidents impliquant des blessures corporelles, ce, pour des périodes déterminées (O-1) : Les renseignements inscrits dans ces compilations sont détaillés; ils décomposent la problématique des blessures corporelles en présentant, par périodes, les éléments constitutifs de cette problématique selon une grille d’analyse : sont donc exprimés, à partir de 16 causes déterminées de blessures corporelles, le nombre, s’il en est, de cas résultant d’une cause de blessure qui aura d’abord été identifiée de même que l’existence de conséquences qui ont résulté de ces blessures et dont l’importance est mesurée en fonction de 4 niveaux. Ces compilations statistiques illustrent, somme toute, l’analyse d’une situation à l’aide de renseignements qui ont été réfléchis pour y être inscrits. La situation analysée et illustrée par ces compilations est directement visée par le recours collectif qui a été autorisé contre l’organisme en 1999, recours qui attaque la qualité des soins et services offerts par l’organisme durant une période dont le terme n’est pas encore fixé par le tribunal O-4, O-5), recours qui est toujours pendant devant la Cour supérieure (O-2 à O-5).
02 00 59 Page : 8 3. de compilations de rapports d’incidents/accidents impliquant des erreurs de médicaments, ce, pour des périodes déterminées (O-1) : Les renseignements qui y sont inscrits sont détaillés; ils décomposent la problématique des erreurs de médicaments en présentant, par périodes, ses éléments constitutifs selon une grille d’analyse : sont exprimés, à partir de 15 causes d’erreurs déterminées, le nombre, s’il en est, de cas résultant d’une cause d’erreur qui aura d’abord été identifiée de même que l’existence de conséquences qui ont découlé de ces erreurs et dont l’importance a été mesurée en fonction de 4 niveaux. Ces compilations statistiques illustrent l’analyse d’une situation avec des renseignements qui ont fait l’objet d’une réflexion pour y être inscrits. La situation ainsi analysée est directement visée par le recours collectif qui a été autorisé contre l’organisme en 1999 et qui est toujours pendant devant la Cour supérieure, recours qui attaque la qualité des soins et services offerts par l’organisme durant une période dont le terme n’est pas encore fixé par le tribunal O-4, O-5). [22] La décision du responsable, appuyée sur l’article 32, est fondée, vu la preuve (O-2 à O-5), quant à ces compilations qui sont des analyses : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire.
02 00 59 Page : 9 [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande; ORDONNE à l’organisme de donner aux demanderesses communication des rapports dont l’accessibilité est déterminée plus haut; REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Laurent Lesage Avocat de l’organisme.
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