Dossier : 01 14 55 Date : 2003.07.28 Commissaire : Diane Boissinot X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 14 juin 2001, l’avocat du demandeur et le demandeur s’adressent conjointement à l’escouade des crimes majeurs de la Sûreté du Québec, corps de police agissant sous l’autorité de l’organisme, pour obtenir copie du dossier d’enquête concernant la plainte que le demandeur a logée le 13 avril 2000 et qui porte le numéro d’événement 161 000413002. La demande vise également le dossier du demandeur. [2] Le 23 août 2001, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) adresse au demandeur la réponse suivante : 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
01 14 55 Page : 2 Nous avons bien reçu, le 27 juillet 2001, votre demande adressée à la Sûreté du Québec pour obtenir le rapport d’enquête numéro 161-000413-002. Nous vous transmettons les extraits de ce rapport qui peuvent vous être communiqués en application des articles 28, 31, 32, 53, 54, 59 et 88 de la loi sur l’accès. Il s’agit essentiellement de la déclaration de votre client, ainsi que ce qui en est rapporté au niveau de l’enquête. [3] Le 20 septembre 2001, l’avocat du demandeur formule une demande de révision de cette décision. Il requiert ce qui suit : […] […] En effet, nous désirons obtenir le rapport de l’enquête complet et les pièces afférentes qui a été fait par l’agent Comeau […]. [4] Une audience se tient en la ville de Shawinigan le 11 mars 2003. L’AUDIENCE A. LE LITIGE [5] La lecture de la demande de révision limite celle-ci aux parties non divulguées du rapport d’enquête de l’agent Comeau, de la Sûreté du Québec, à la suite de son enquête sur la plainte du demandeur du 13 avril 2000 ainsi qu’aux pièces annexées audit rapport. [6] Selon la preuve résumée ci-après, les parties communiquées du rapport sont les feuillets 67 à 87 et 181 à 185. Le reste du rapport et des annexes forme le litige. B. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage du Responsable, monsieur André Marois. [7] Monsieur Marois explique les démarches suivies pour obtenir le dossier d’enquête demandé.
01 14 55 Page : 3 [8] Il remet, sous pli confidentiel à la Commission, le dossier complet d’enquête comprenant le rapport de l’agent Michel Comeau signé le 6 juillet 2000 et contresigné le même jour par le Sergent Serge Morin ainsi que les pièces annexées. Un rapport complémentaire rédigé et signé par l’agent Comeau le 18 octobre 2000 et contresigné le même jour par l’agent Michel Doyon est aussi déposé sous pli confidentiel. [9] Le rapport complémentaire et le rapport ainsi que leurs annexes comprennent 185 feuillets numérotés par un chiffre encerclé au coin inférieur droit de chacun de ceux-ci. [10] Les feuillets du rapport complémentaire et de ses annexes portent les numéros 1 à 22 et ceux du rapport principal et de ses annexes portent les numéros 23 à 185. La Commission les examine et les dénombre comme suit : 1 Rapport complémentaire 2 à 4 Décision du substitut du procureur général et correspondance 5 à 22 Demandes d’intenter des procédures, témoins à assigner et résumés des faits 23 à 66 Rapport d’enquête 23 à 26 : Page titre et table des matières 27 : Introduction 28 : Sommaire 28 à 32 Victime : déclaration (annexe 1 non en litige), dossier médical (annexe 2 non en litige), dossier judiciaire (annexe 3) 33 : Informations pour l’enquête : copie des rapports de l’incident et des déclarations des agents correctionnels (annexe 4) 33 à 40 :Témoins pertinents : identifications, déclarations (annexes 5 et 6) 41 à 64 : Suspects identifications et déclarations (annexes 7 à 12) 64 à 66 : Résumé 66 : Conclusion 67 à 69 Annexe 1 70 à 87 Annexe 2 88 à 92 Annexe 3 93 à 100 Annexe 4 101 à 110 Annexes 5 et 6 111 à 148 Annexes 7 à 12 149 à 156 Renseignements policiers concernant un tiers 157 à 180 Renseignements policiers concernant le demandeur et des tiers 181 à 185 Rapport d’événement 161-000113-002 (non en litige)
01 14 55 Page : 4 [11] Après avoir étudié le dossier, le Responsable remet au demandeur sa déclaration au policier du 13 avril 2000, les informations médicales le concernant et le rapport d’événement 161-000413-002 (les feuillets 67 à 69, 70 à 87 et 181 à 185). [12] Le Responsable ajoute que le reste des feuillets contient des renseignements visés par les paragraphes 3° et 6° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi. [13] En effet leur divulgation risquerait de dévoiler une méthode ou une technique d’enquête autre que les déclarations de témoins ou encore de révéler des composantes de système de communication destiné à l’usage des policiers (fichier du Centre de renseignements policiers du Québec ou CRPQ, photos, communications avec d’autres corps de police). En contre-interrogatoire, monsieur Marois ajoute que la divulgation de l’ensemble des feuillets en litige risquerait d’avoir pour effet de dévoiler les moyens et les techniques utilisés par le corps de police pour détecter les délits. [14] Le témoin ajoute qu’une grande partie des feuillets contient les déclarations de tierces personnes physiques et les résumés de celles-ci par l’auteur du rapport. Ces renseignements sont éminemment de nature nominative et sont visés par les articles 53, 54 et l’alinéa premier de l’article 59. Ces mêmes renseignements peuvent également être visés par le paragraphe 5° du premier alinéa de l’article 28 en ce que leur divulgation risque de causer préjudice à l’auteur de l’une ou l’autre de ces déclarations. [15] Enfin, le témoin Marois est d’avis que la décision du bureau du substitut du procureur général et la correspondance afférente constituent une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi. ii) du demandeur [16] Le demandeur ne présente pas d’élément de preuve. C. LES ARGUMENTS i) de l’organisme [17] L’avocat de l’organisme plaide que les raisons invoquées pour refuser, en partie, la communication du rapport de police en litige en vertu des articles 28, 31,
01 14 55 Page : 5 53, 54, 59 et 88 sont fondées. L’avocat de l’organisme ne fait aucune représentation concernant l’application de l’article 32 de la Loi. ii) du demandeur [18] L’avocat du demandeur plaide que les techniques d’enquêtes des policiers, dans un cas comme celui qui nous occupe ici, sont connues de tous et sont très usuelles puisque ce type d’enquêtes ne présente habituellement pas de difficultés particulières. [19] L’avocat du demandeur estime que l’identité des témoins est un élément connu du demandeur puisqu’il était là et a participé aux événements en qualité de victime. En application de l’article 88 de la Loi, il est d’avis que ces renseignements d’identité doivent lui être remis. [20] L’avocat du demandeur fait enfin connaître les raisons de la demande d’accès de son client : ce dernier veut savoir si une enquête sérieuse a été effectuée par les policiers à la suite de sa plainte et veut connaître les raisons qui ont fait qu’il n’y a pas eu de poursuite au criminel. DÉCISION [21] La Commission a examiné les feuillets du rapport et du rapport complémentaire restant en litige. [22] À l’exception des feuillets 2 à 4, la Commission est convaincue qu’ils sont en substance composés de renseignements qui sont visés par l’une ou l’autre des dispositions suivantes de la Loi, dispositions qui ont été invoquées par l’organisme à l’appui de son refus de les communiquer, savoir : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois;
01 14 55 Page : 6 4° […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7° […] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. […] 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
01 14 55 Page : 7 [23] L’article 31 invoqué par l’organisme à l’encontre de la divulgation de l’opinion juridique du substitut du procureur général (feuillets 2 à 4) est une restriction à l’accès qui peut être soulevée de façon facultative par l’organisme : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [24] Quant à l’article 32 de la Loi, qui est aussi un motif facultatif de refus de communiquer, aucun élément de preuve ni aucune représentation n’ont été présentés par l’organisme à l’appui de l’applicabilité de cette disposition : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. [25] Dans ces cas de restrictions à l’accès dont l’organisme peut se prévaloir ou non de façon discrétionnaire, la Commission et les tribunaux supérieurs ont très majoritairement 2 refusé d’accepter que ces motifs facultatifs de refus soit invoqués tardivement, c’est-à-dire après l’expiration du délai statutaire de 20 jours accordés au Responsable pour répondre à une demande d’accès si aucun élément de 2 Paul Revere, compagnie d’assurance-vie c. Chaîné, [2002] CAI 394 C.Q. (jugement rendu le 27 avril 2000), 401 à 404, confirmant la décision de la Commission dans Chaîné c. Paul Revere, compagnie d’assurance; [1998] CAI 139, 150; Compagnie d’assurance-vie Transamérica du Canada c. Handfield G., Huguette, C.Q. Montréal 500-02-072697-993, le 17 mars 1999; Milliard c. Axa Assurance inc., [1999] CAI 305, 308 à 311 (la Cour du Québec n’a pas renversé la position de la Commission sur ce point; lire le jugement accueillant la requête pour permission d’en appeler 1999-10-19, C.Q.Q. 200-02-022679-999 et le jugement sur le fond rendu sur procès-verbal et renvoyant devant la Commission, 2001-02-05, C.Q.Q. 200-02-022679-999); Société de développement industriel du Québec c. Construction du St-Laurent ltée [1998] CAI 495 (C.Q.) 499; Conseil des assurances de personnes c. Dubord, [1997] CAI 434 (C.Q.) 436; Demers c. Club des Archers de Beaurivage, [1994] CAI 202, 204; Roberge c. Ministère de la Justice du Québec, C.A.I. Québec 93 08 22, le 30 mars 1994; Giroux c. Centre d'accueil La Cité des prairies inc. [1993] C.A.I. 53; Hains c. Ville de Beauport, [1993] C.A.I. 59; B. c. Centre de services sociaux Ville-Marie, C.A.I. Montréal 93 01 58, le 15 juin 1993; Morelli c. Corp. de la paroisse Notre-Dame-des-Prairies, [1991] C.A.I.92; Procureur général du Québec c. Bernier [1991] C.A.I. 378 (C.Q.); English c. Centre hospitalier de l’Hôtel-Dieu de Gaspé, [1991] CAI 385 (C.Q.) 386; Office du crédit agricole du Québec c. Butt, [1988] C.A.I. 104 (C.P.); Office du crédit agricole du Québec c. Talbot, [1989] C.A.I. 157 (C.Q.); Collège Dawson c. Beaudin, [1989] C.A.I. 94 (C.Q.).
01 14 55 Page : 8 preuve n’est venu établir l’existence de circonstances exceptionnelles ayant empêché l’organisme de répondre à l’intérieur de ce délai. [26] Or, selon les pièces constitutives du dossier, le Responsable a reçu la demande d’accès le vendredi 27 juillet 2001 et a formulé sa réponse le 23 août alors qu’il devait le faire, au plus tard, le jeudi 16 août 2001. [27] Aucun élément de preuve n’est venu établir que des circonstances exceptionnelles sont survenues et ont eu pour effet d’empêcher l’organisme de répondre à la demande d’accès dans le délai requis. [28] La Commission ne peut recevoir et considérer ces deux motifs facultatifs de refus ayant pour but de restreindre l’accès à ces feuillets et ce, en raison de leur invocation tardive. [29] Cependant, compte tenu que le demandeur n’a porté plainte que contre une seule personne, la Commission est d’avis que les feuillets 2 à 4, constituant effectivement une opinion juridique au sens de l’article 32, contiennent, en substance, des renseignements nominatifs concernent des tierces personnes physiques et que ces renseignements sont confidentiels en vertu des articles 28, 53, 54, 59 alinéa premier et 88 de la Loi. [30] La Commission est d’avis qu’en application de la partie ci-après soulignée de l’article 14, l’ensemble des feuillets 2 à 4 ne peut être révélé : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé.
01 14 55 Page : 9 [31] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la présente demande de révision. Québec, le 28 juillet 2003. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e François Marcoux Avocat du demandeur : M e Carl McCourt
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