Dossier : PP 01 07 87 Date : 20030717 Commissaires : M es Christiane Constant, Hélène Grenier et Michel Laporte M me X Plaignante c. Communauté urbaine de Montréal (Ville de Montréal) Intimée _________________________________________________________________ DÉCISION _________________________________________________________________ LA PLAINTE [1] Dans une plainte datée du 14 mai 2001 et reçue le 24 mai suivant par la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), la plaignante reproche à l'ex-Communauté urbaine de Montréal (« C.U.M. ») intégrée depuis le 1 er janvier 2002 à la Ville de Montréal (l'« intimée ») d’exercer : des moyens de pressions afin d’obtenir une déclaration d’intérêts des employés qui demeurent sur le territoire de la C.U.M. Je persiste à croire que la demande de mon employeur est abusive et qu’elle m’attaque dans le plus privé de ma vie, puisqu’elle me demande les propriétés que je possède, que mon conjoint possède, que des parents possèdent liens de sang & affiliation y compris C’est un étalement sans équivoque de ma vie privée; sans compter que c’est la direction du service de la C.U.M. qui va gérer elle même ses informations (pas une firme extérieure qui m’aurait assuré plus de confidentialité). En plus elle nous
PP 01 07 87 Page : 2 prévient qu’elle (la C.U.M.) pourra jumeler ses données fournies à d’autres banques de données qu’elle possède. LE CONTEXTE [2] La plaignante, qui est évaluateur agréé à l’emploi de l’intimée, refuse de remplir un formulaire de « Déclaration d’intérêts » (la « Déclaration ») que celle-ci lui demande de faire, afin de déclarer ses intérêts directs et indirects sur des immeubles. Elle considère que la divulgation de ces renseignements nominatifs par l'intimée constitue une atteinte à sa vie privée, à celle de son conjoint et à celles d’autres personnes avec lesquelles elle possède ce type de liens. Elle considère également que, par la divulgation de ces renseignements, l’intimée risque de connaître son orientation sexuelle. [3] Elle trouve inacceptable que l’intimée ait exigé de ses évaluateurs résidant sur son territoire qu'ils dévoilent leurs intérêts directs et indirects dans des immeubles se trouvant sur ce territoire, alors que, par exemple, ses collègues de travail qui habitent à l’extérieur de ce même territoire ne sont pas tenus de le faire. L'AUDIENCE [4] L’audience de cette cause est tenue, le 28 octobre 2002, au bureau de la Commission, à Montréal, en présence de la plaignante représentée par M e Christian Dufourd. L’intimée, pour sa part, est représentée par M e Hélène Simoneau. Le formulaire de « Déclaration d’intérêt » [5] M e Simoneau indique à la Commission que, préalablement à l’audience, elle a remis à M e Dufourd une copie de la Déclaration faisant l’objet de la présente plainte. Cette déclaration aurait été constituée conformément à l’article 76 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès ») traitant de l'obligation pour un organisme de déclarer à la Commission l'établissement d'un fichier de renseignements personnels. Elle demande à la Commission d’entendre en premier lieu le témoignage de M e Mario Gerbeau, ce à quoi celle-ci consent. [6] M e Dufourd, pour sa part, souligne que son argumentaire eu égard à cette Déclaration traitera du non-respect de l’article 76 de la Loi sur l’accès par l’intimée qui aurait opéré, dans l'illégalité, un « Fichier des déclarations d'intérêts des employés du Service de l'évaluation dans des immeubles situés sur le territoire de la Ville » (le « Fichier »). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
PP 01 07 87 Page : 3 LA PREUVE A) M E MARIO GERBEAU, RESPONSABLE SUBSTITUT À L'ACCÈS [7] M e Simoneau fait entendre M e Gerbeau qui témoigne sous son serment d’office. Celui-ci déclare que M e Jacqueline Leduc est greffière, responsable d’accès aux documents chez l’intimée. Pour sa part, il est greffier adjoint et responsable substitut de l’accès aux documents (pièce I-1). Il ajoute qu’il est entré en fonction au mois de janvier 2002 et dépose un exemplaire de la déclaration du Fichier à la Commission (pièce I-2). [8] M e Gerbeau précise que la plaignante a déposé sa plainte chez l’intimée au mois de mai 2001, soit avant les fusions municipales. Il ajoute que l’examen de la demande de la plaignante l’a amené à prendre connaissance de ce Fichier qui, à son avis, a été préparé en respectant le guide administratif 2 de la Commission. La déclaration du fichier, signée par M e Leduc et datée du 25 octobre 2002, a été préparée en collaboration avec le Service de l’évaluation du rôle foncier (le « Service »), dans les semaines précédant l’audition de cette plainte. [9] M e Gerbeau dépose un extrait de la Charte de la Ville de Montréal 3 (la « Charte ») (pièce I-3.1), et précise que l'intimée succède notamment aux droits et obligations de l’ancienne CUM ainsi qu’à ceux des municipalités fusionnées dont les noms sont indiqués à l’article 5 de ladite Charte. [10] À cette étape de la déposition, M e Simoneau signale que l’intimée reconnaît le dépôt tardif de la déclaration du Fichier à la Commission. Elle souligne que, malgré ce dépôt tardif, l’intimée a agi de bonne foi à l’endroit de la plaignante. Contre-interrogatoire de M e Gerbeau [11] M e Dufourd demande à M e Gerbeau si d’autres services exigent de leurs employés qu'ils remplissent un fichier, tel qu'il est requis auprès de la plaignante. Celui-ci répond qu’il existe plus d’une trentaine de services chez l’intimée et qu'il ignore si ces derniers détiennent chacun un tel fichier. [12] Par ailleurs, il reconnaît une lettre datée du 27 juin 2002, émanant de la Direction du greffe et portant sa signature, en réponse à une demande d'accès transmise par M e Dufourd le 17 avril 2002, à laquelle est annexée une « Directive administrative en matière de conflits d'intérêt potentiels » du Service ainsi que le 2 Guide en matière de protection des renseignements personnels dans le développement des systèmes d'information. À l'intention des ministères et organismes publics. Version 1.0. Décembre 2002. 3 L.R.Q., c. C-11.4.
PP 01 07 87 Page : 4 formulaire de Déclaration, ces deux documents identifiés au logo de la C.U.M. (pièce P-1). [13] M e Gerbeau reconnaît également la réponse qu'il a transmise le 2 mai 2002 suite à une nouvelle demande datée du 2 avril 2002, ainsi que l'annexe traitant de la déclaration de fichier prévue à l'article 76 de la Loi sur l'accès (pièce P-2). [14] Il confirme aussi avoir fait parvenir à M e Dufourd, le 12 juillet 2002, une lettre (pièce P-3), l'informant de l’impossibilité pour l’intimée de trouver les documents demandés, le 21 mai 2002. M e Gerbeau réitère qu’il occupe ses nouvelles fonctions depuis le mois de janvier 2002, époque de la création de la nouvelle Ville qui regroupe 27 arrondissements et plus de 29 000 employés. Il n’a donc pas eu le temps nécessaire pour effectuer une recherche approfondie eu égard aux documents recherchés par M e Dufourd, tel qu’il l'a indiqué à sa lettre (pièce P-3 précitée). [15] Concernant l'argument de ce dernier selon lequel, au moment du dépôt de la plainte, soit en mai 2001, l'intimée opérait illégalement un fichier de renseignements personnels, M e Simoneau formule une objection et plaide qu'à cette époque, l'article 108.1 de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal 4 , traitant du conflit d'intérêt, était en vigueur (pièce I-3.2). Elle ajoute que la demanderesse n’a pas, préalablement à l’audience, avisé le Procureur général du Québec, de son intention de contester la légalité de cet article, conformément à l’article 95 du Code de procédure civile 5 (le « C.p.c. »). [16] M e Dufourd, pour sa part, maintient cette partie de son argumentaire. [17] La Commission prend cette objection sous réserve. Elle en disposera lorsque les avocats auront complété leurs argumentations respectives. [18] M e Gerbeau continue sa déposition et déclare que 228 personnes travaillent au Service de l’évaluation, incluant la plaignante. De ce nombre, 227 employés, dont le personnel cadre, de soutien et les techniciens, ont rempli le fichier, à l’exception de la plaignante. B) LA PLAIGNANTE [19] La plaignante témoigne sous serment. Elle déclare occuper le poste d’évaluateur agréé à la division commerciale du Service depuis plus de douze ans et être membre de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (l'« Ordre »). Elle 4 L.R.Q., c. C-37.2 (abrogée le 1 er janvier 2002). 5 L.R.Q., c. C-25.
PP 01 07 87 Page : 5 précise qu’en matière d’évaluation foncière, elle est tenue d’observer un protocole de travail et un code d’éthique, lequel relève du Code des professions 6 . [20] L'avocate de l'intimée intervient alors pour déposer, en preuve, le Code de déontologie des membres 7 de l'Ordre (pièce I-3.3). [21] La plaignante ajoute que, dans le cadre de ses fonctions, elle procède, entre autres, à l’évaluation foncière et locative des propriétés industrielles dans les banlieues Est de la Ville. Elle attribue une valeur à un immeuble après avoir analysé les données relatives au marché. Toutes les données sur lesquelles travaille un évaluateur, incluant elle-même, sont conservées en mémoire sur support informatique et répertoriées sur support papier; ces données portent les initiales de l'évaluateur et sont validées par son supérieur immédiat. [22] La plaignante souligne qu’elle n’a pas accès au système informatique de l’intimée et n’a pas le pouvoir d’émettre un « certificat de valeur », lequel est émis notamment à la suite d’une modification effectuée à la valeur d’une propriété. Elle ajoute que, dans le cadre d’une demande de révision du rôle foncier, elle peut être appelée à témoigner devant le Tribunal administratif du Québec (le « TAQ ») et à fournir des explications, entre autres, sur les modifications apportées à la valeur locative d’un immeuble. Elle déclare avoir refusé une seule fois de procéder à l’évaluation d’un immeuble parce qu’elle en connaissait le propriétaire. [23] De plus, la plaignante indique qu’en 1999, le directeur du Service informa, pour la première fois, les évaluateurs de l’intention de l’intimée de constituer le Fichier. Considérant que les renseignements qu'elle était appelée à fournir à son employeur étaient confidentiels, elle a communiqué avec M. Armand Savoie, alors responsable de l’accès aux documents, pour lui faire part de ses inquiétudes, mais en vain. Elle prétend que ces renseignements, une fois divulgués, permettront à son employeur de connaître, entre autres, son orientation sexuelle, des renseignements personnels sur un nouveau conjoint, la situation économique de celui-ci, etc. [24] La plaignante commente la lettre du 12 juillet 2002 (pièce P-3 précitée) que l’intimée a fait parvenir à son avocat pour indiquer qu'il était impossible de trouver le fichier concernant les propriétés immobilières des employés du Service. La plaignante indique que la constitution du Fichier permet que soient dévoilés, entre autres, les adresses des immeubles sur lesquels elle a un intérêt. [25] À son avis, une recherche effectuée avec l’adresse d’un immeuble permet de dévoiler tous les renseignements concernant ce dernier, incluant le numéro de 6 L.R.Q., c. C-26. 7 Idem, article 87.
PP 01 07 87 Page : 6 compte foncier, le nom du propriétaire ainsi que l’adresse de résidence de celui-ci. Dans le cas d’une compagnie, seule l’adresse du lieu d'affaire apparaît. [26] De l’avis de la plaignante, la divulgation des renseignements personnels la concernant constitue une intrusion dans sa vie privée, alors que son collègue travaillant sur le même territoire mais résidant à l’extérieur des limites de la Ville, n’est pas tenu de remplir cette Déclaration; ni elle ni ses collègues de travail ne sont obligés de déclarer à l’intimée leurs intérêts immobiliers se trouvant à l’extérieur de ce territoire. [27] Elle estime, par exemple, que son supérieur immédiat n’a pas besoin de connaître ses intérêts directs sur un ou des immeuble(s) et déplore ainsi « le caractère de voyeurisme de cette Déclaration ». Afin d’éviter toute ingérence, elle aurait suggéré, sans succès, à son employeur de transférer les formulaires signés à un service indépendant, par exemple au Service des ressources humaines. Elle ajoute qu’elle serait disposée à remplir la Déclaration, dans la mesure où un service indépendant conserverait, sous pli confidentiel, les renseignements recueillis par son employeur. [28] La plaignante dépose une série de correspondance avec l'intimée au sujet du Fichier en litige (pièce P-4 en liasse). Contre-interrogatoire de la plaignante [29] À une question de M e Simoneau, la plaignante reconnaît que des indications contenues aux différentes notes explicatives ont été modifiées mais maintient que le contenu de la Déclaration est demeuré inchangé. Malgré ces modifications, celle-ci se déclare insatisfaite et tient au respect de sa vie privée. [30] Elle ajoute que pour les fins d’évaluation, la notion d’intérêt peut bien viser tant les relations familiales, personnelles que les relations d’affaires, etc. Elle confirme cependant que les renseignements requis à ce formulaire ne cherchent pas les motifs d’intérêt, mais plutôt l’adresse du propriétaire d’un immeuble sur lequel celui-ci aurait un intérêt direct ou indirect. [31] Par ailleurs, la plaignante affirme que le rôle d’évaluation revêt un caractère public et que l'adresse de l'immeuble et le nom du propriétaire y sont indiqués. Elle indique toutefois que l’accès au compte foncier permet à tout individu de connaître l’adresse de résidence du propriétaire, celle des immeubles qu'il possède ainsi que son adresse postale. À son avis, la divulgation de son adresse résidentielle permettrait à l’intimée de procéder au couplage des renseignements personnels la concernant et qui permettraient de l’identifier. Elle ajoute que le Service « peut attacher un cadenas » aux renseignements relatifs à une adresse et que certains employés peuvent en prendre connaissance.
PP 01 07 87 Page : 7 [32] Par ailleurs, la plaignante dit ne pas comprendre les motifs pour lesquels l’intimée souhaite connaître son orientation sexuelle et l’intérêt que son conjoint pourrait avoir sur une ou des propriété(s) sur son territoire. À son avis, la divulgation de ces renseignements risquerait de lui causer préjudice, notamment dans le cadre où elle serait candidate à une promotion. C) M. SYLVAIN L’ÉCUYER, POUR LA PLAIGNANTE [33] M e Dufourd interroge M. L’Écuyer. Celui-ci déclare sous serment qu’il a travaillé plusieurs années à la C.U.M. et qu'il est actuellement administrateur des systèmes informatiques à la direction du Service. [34] M. L’Écuyer précise connaître la Déclaration pour l’avoir lui-même remplie. Il indique que pour accéder à l'inscription d'une propriété au rôle d’évaluation, on effectue une recherche en se servant de l’adresse civique de l'immeuble. L’accès à cette adresse permet de prendre connaissance du numéro du compte foncier contenant des données relatives à ladite propriété. Il souligne que le rôle d’évaluation est un document public auquel les citoyens ont accès et qui contient les renseignements suivants : • L’adresse de l'immeuble évalué • Le numéro de cadastre • La valeur totale de la propriété incluant la valeur du terrain et la valeur du bâtiment • La codification des régimes de taxation s’appliquant à l’unité d’évaluation • Les nom et prénom de propriétaire, ainsi que l’adresse postale ou de résidence; les deux adresses apparaissent à cette inscription. [35] M. L’Écuyer souligne que le rôle d’évaluation sur support papier contient lesdits renseignements en excluant l’adresse de résidence du propriétaire. Le rôle est également affiché sur le site internet sans que les noms et prénoms des propriétaires y soient inscrits. [36] Il signale que quatre employés, dont lui-même, détiennent ce qu’il définit comme étant « des droits de sécurité sur des cadenas ». Il précise que le « cadenas » apposé à une unité d’évaluation empêche toute modification cadastrale. Toutefois, une modification peut être effectuée lorsque l’intimée procède, par exemple, à la démolition d’un immeuble ou à la délivrance d’un permis de construction. [37] Selon M. L’Écuyer, à partir d’un numéro d’identification composé de sept chiffres, il est en mesure de mettre un cadenas à une adresse; il fournit en preuve
PP 01 07 87 Page : 8 un Sommaire de l’inscription foncière (pièce I-4) et décrit, en exemple, un formulaire de « Déclaration d’intérêts – Cadenas à indiquer » (pièce I-5). Ce document qui contient des numéros d'identification auxquels correspondent des adresses, constitue la liste des propriétés sur lesquelles des employés du Service ont divulgué leurs intérêts. Il indique qu’à partir de cette liste, il applique des « cadenas », portant une mention d’aviser M. Gilles Ségala, contrôleur à la qualité à la Ville. Le compte foncier devient alors inaccessible à l’ensemble des employés du Service incluant son directeur. [38] Par ailleurs, il souligne que le terme « Référence à l'agenda » est relié à un numéro. Cette référence présente les indicateurs qui permettent à une personne autorisée par le Service de suivre le cheminement d’un dossier. À son avis, nul ne peut effectuer de modification cadastrale en raison de cette référence, à moins d’avoir obtenu, au préalable, une autorisation à cet effet. Contre-interrogatoire de M. L'Écuyer par M e Simoneau [39] En contre-interrogatoire, M. L’Écuyer réitère l’essentiel de sa déposition et ajoute que le nom, l’adresse personnelle d’un propriétaire ou l’inscription au rôle d’évaluation ne lui sont pas nécessaires pour apposer une mesure de sécurité à une propriété et lorsqu’il applique un « cadenas », l’identifiant numérique composé de sept chiffres n’y apparaît pas. Il explique qu’il effectue son travail à partir de la liste d’adresses que lui remet M. Ségala, actuellement assistant directeur du Service. À son avis, cette liste a été confectionnée par M me Danielle Tortera, adjointe administrative au directeur, M. Jean Bélanger, à partir des Déclarations dûment remplies par les employés du Service. Ré-interrogatoire de M. L'Écuyer par M e Dufourd [40] M. L’Écuyer indique que le numéro d'un compte foncier est accessible aux employés du Service (I-4 précitée), ce numéro ne lui est pas nécessaire pour appliquer un cadenas. Il peut seulement le faire à partir de l’unité d’évaluation (I-5 précitée). Il affirme qu’il existe près de 137 cadenas et 425 références à l’agenda de la Ville auxquels seul un nombre restreint d’employés a accès. Les 137 cadenas correspondent aux adresses pour lesquelles certains employés du Service ont déclaré posséder des intérêts immobiliers. D) M ME FRANCINE GODIN, POUR LE SERVICE [41] M me Godin déclare sous serment être évaluateur signataire des rôles d’évaluation et directrice adjointe du Service. [42] Elle explique les circonstances selon lesquelles la direction a cru nécessaire, en 1999, de procéder à l’élaboration d’un formulaire de Déclaration
PP 01 07 87 Page : 9 qui devait être rempli par les employés du Service, et ce, dans le but de protéger le Service contre toute possibilité de conflits d’intérêts. [43] Elle précise que le principe de la création de ce document a été adopté par le comité exécutif de la C.U.M., le 20 avril 2000, conformément à l’article 108.1 de la L.C.u.M. alors en vigueur. Elle souligne qu’à la suite de cette résolution, M. Bélanger, directeur du Service, a informé tous ses employés de la nécessité de remplir ledit document; ce qu’ils ont fait à diverses étapes, à l’exception de la plaignante. M me Godin affirme qu’une nouvelle version fut transmise à tous les employés du Service le 8 juin 2000 (pièce I-7). Elle ajoute qu’en l’absence de M. Bélanger, elle gère ce dossier depuis le mois de novembre 2000. La direction a acheminé, le 28 novembre 2000, une lettre aux employés retardataires leur demandant de remplir le document (pièce I-8); le rappel le plus récent remonte au 25 janvier 2001 (pièce I-9). [44] Selon M me Godin, lorsque les employés remplissent la Déclaration, ce document est transmis, sous pli cacheté, au bureau du directeur du Service. M me Totera est chargée de préparer une liste des adresses de ceux ayant déclaré leur intérêt sur un ou des immeuble(s). De cette liste, elle extrait les noms, avant de la remettre pour traitement au service informatique (pièce I-5 précitée). Elle affirme que seule M me Totera est autorisée à identifier les employés ayant déclaré avoir un intérêt sur une propriété. Selon M me Godin, toute tentative de modification à la valeur d’une propriété lui est soumise au préalable; le motif pour ce changement y est indiqué. Un certificat sera émis, le cas échéant. [45] M me Godin indique qu’elle a rempli la Déclaration et qu'elle y a inscrit sa propriété et celle de sa famille immédiate, bien qu’à son avis, elle n’était pas tenue de dévoiler toutes ces informations. Elle souligne qu’un « cadenas » est indiqué à ces propriétés. [46] De plus, elle confirme l’essentiel de la déposition de M. L’Écuyer et ajoute que le Service ne procède pas au couplage ou à l’arrimage des renseignements divulgués par ses employés. Elle souligne que le Fichier ne peut être utilisé à aucune évaluation de rendement ou de demande de promotion chez l’intimée. [47] M me Godin souligne qu’après avoir été informée du dépôt de la plainte devant la Commission, elle a rencontré la plaignante, en compagnie de M. Ségala, afin de tenter de connaître ses préoccupations. Cette dernière aurait, entre autres, indiqué qu’elle remplirait le Fichier, dans la mesure où un service indépendant, tel celui des Ressources humaines, en soit le gardien. M me Godin souligne avoir rejeté cette suggestion, car cette façon de faire permettrait à d’autres employés de prendre connaissance des renseignements que la plaignante elle-même refuse de fournir au Service. M me Godin signale de plus l’existence d’un litige opposant la plaignante à l’intimée, lequel devrait être entendu par un arbitre de griefs.
PP 01 07 87 Page : 10 Contre-interrogatoire de M me Godin par M e Dufourd [48] En contre-interrogatoire, M me Godin réitère que seule M me Tortera connaît les noms des employés dont les adresses sont mentionnées à leur fichier. En ce qui concerne les avocats qui travaillent en cabinet privé et qui détiennent des mandats pour défendre les intérêts de l’intimée auprès de diverses instances judiciaires, ils ne sont pas tenus de remplir ladite Déclaration puisqu'ils ne sont pas des employés de l’intimée. LES ARGUMENTS A) M E CHRISTIAN DUFOURD, POUR LA PLAIGNANTE [49] M e Dufourd plaide, qu'en 2002, soit à l'époque où M e Gerbeau a répondu aux demandes d'accès qu'il avait adressées au nom de la plaignante, l'intimée opérait illégalement le Fichier en se référant encore à l’article 108.1 de la L.C.u.M. qui n’était alors plus en vigueur (pièce P-1 précitée et la case n o 5 de la déclaration dudit fichier, pièce I-2 précitée). [50] Il ajoute que la Déclaration et le Fichier confectionnés par l’intimée doivent contenir les indications législatives prévues à l’article 76 de la Loi sur l’accès et qu'ils doivent être mis à jour conformément à l’article 77 de cette loi. Il souligne qu’il a fallu l’intervention de la Commission pour forcer l’intimée à produire une déclaration du Fichier. À son avis, cette manière d’agir de l’intimée nécessiterait, pour la Commission, de lui ordonner de corriger, de retrancher ou de détruire ledit Fichier. Il ajoute que la Commission peut ordonner à l’intimée de lui soumettre un nouveau fichier conformément à l’article 128.1 de la Loi sur l’accès. [51] Il plaide également que la preuve a révélé que la divulgation des renseignements exigés par l’intimée n'est pas nécessaire à l’exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion, au sens de l’article 64 de la Loi sur l’accès (pièce P-1 précitée). Il rappelle que seuls les employés du Service sont tenus de remplir ledit fichier, et sont donc obligés de divulguer cet aspect de leur vie privée alors que, par exemple, les pompiers et les policiers en sont exemptés. [52] M e Dufourd signale que sa cliente est déjà astreinte au Code de déontologie 8 des évaluateurs agréés. En aucun cas, elle n’aurait procédé à une évaluation d’une propriété sur laquelle elle pourrait être en conflit d’intérêt. À son avis, il n’existe aucune raison d’obliger la plaignante à dévoiler cet aspect de sa vie privée. Il indique qu’« obliger uniquement les employés du Service de dévoiler 8 Précité, note 5.
PP 01 07 87 Page : 11 a priori tout intérêt éventuel, revient à postuler à leur malhonnêteté » tandis que le Code civil du Québec 9 établit que la bonne foi se présume. [53] L'avocat ajoute que l’intimée autorise une invasion de l’informatique en ce que la preuve a révélé que huit fonctionnaires investis de responsabilités diverses ont accès au fichier, et que ceux-ci y laissent des traces. M e Dufourd ajoute que la plaignante tient au maintien de sa vie privée, tel qu'il est garanti par les articles 5 et 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne 10 (la « Charte des droits ») et par la Loi sur l’accès. La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice. 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. 9.1. Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. [54] L’abandon de ce droit devrait démontrer que les informations recherchées sont nécessaires à l’application d’une loi ou d’un programme dont l’intimée a la gestion au sens de l’article 64 de la Loi sur l’accès. Il souligne que le critère de nécessité n’a donc pas été démontré dans le cas en l’espèce et que le principe interdisant à quiconque, au nom d’un organisme public, de recueillir un renseignement nominatif devrait être respecté. [55] Il rappelle la volonté de la plaignante à remplir ledit document dans la mesure où les renseignements colligés sont transférés à un tiers, afin de permettre une absolue étanchéité et d’éviter toute ingérence non-autorisée. [56] Par ailleurs, en ce qui concerne la possibilité de couplage et d’appariement des informations inscrites à ce fichier, M e Dufourd signale que, puisque les témoins de l’intimée affirment que celle-ci ne procède ni au couplage ni à l'appariement, il ne voit pas l’intérêt à maintenir cet énoncé dans la Déclaration. À son avis, la Commission devrait donc ordonner à l’intimée d'extraire ou de retrancher cette phrase du texte. B) M E HÉLÈNE SIMONEAU, POUR L’INTIMÉE [57] M e Simoneau plaide que l’intimée succède aux droits et obligations de la C.U.M., en vertu de sa loi constituante 11 (pièce I-3 précitée). Elle rappelle l’importance d’analyser la présente plainte au 14 mai 2001, date à laquelle cette loi était alors en vigueur. 9 L.Q. 1991, c. 64. 10 L.R.Q., c. C-12. 11 Précitée, note 3.
PP 01 07 87 Page : 12 [58] En ce qui concerne la Déclaration d'intérêt qui fut déposée à l’audience, M e Simoneau reconnaît que ce document a été constitué pour donner suite à la résolution adoptée par les membres du comité exécutif le 20 avril 2000 (pièce I-6 précitée). Elle souligne que cette résolution prend sa source dans une loi alors en vigueur, et que la Loi sur l’accès autorise la communication d’un renseignement nominatif ou d’un fichier de renseignements personnels, sans le consentement de la personne concernée, si cette communication est nécessaire à l’application d’une loi au Québec, tel qu'il est mentionné à la décision Régie du bâtiment du Québec c. Ville de Beauport 12 . M e Simoneau mentionne que le dépôt tardif de ce document « n’est pas fatal, au point d’en exiger son retrait ». [59] Par ailleurs, M e Simoneau plaide que l’article 5 alinéa 2 de la Charte de la nouvelle Ville 13 devrait s’appliquer au cas en l’espèce. Elle ajoute qu’à l’époque, les membres de ce comité ont considéré l’intérêt public pour la création de ce Fichier, et ce, en vertu de l’article 6 de cette Charte. [60] M e Simoneau formule une demande pour amender la Déclaration afin de pouvoir citer les articles 6 et 116 de la Loi sur les cités et villes 14 (la « L.c.v. »), lesquels à son avis, représentent l’équivalent de l’article 108.1 de l’ancienne L.C.u.M. [61] Par ailleurs, elle réitère son opposition à la présentation d’arguments par le procureur de la plaignante qui invoquait les dispositions de la Charte des droits eu égard à la protection de la vie privée de la plaignante; la Commission n’étant pas le forum approprié pour débattre de ces dispositions législatives. [62] Elle rappelle que 227 des 228 employés ont rempli la Déclaration. Des intérêts ont été déclarés pour 137 immeubles sur lesquels des cadenas ont été appliqués. [63] Elle rappelle la déposition des témoins de l’intimée qui ont indiqué que le rôle d’évaluation contenant notamment les nom, prénom et adresse du propriétaire d’un immeuble est accessible au public. Cependant, les nom et prénom des propriétaires ne sont pas dévoilés sur le site internet. Elle rappelle également la déposition de M e Gerbeau ainsi celles de M. L’Écuyer et de M me Godin qui ont, entre autres, décrit les mesures de sécurité maximales existant chez l’intimée pour s'assurer que seul un nombre restreint de personnes puisse avoir accès au Fichier établi à partir des Déclarations des employés du Service. [64] Elle signale de plus l’absence de couplage par l’intimée des renseignements nominatifs qui lui sont communiqués. Cet énoncé est indiqué au 12 [1995] C.A.I. 448 (C.Q.). 13 Précitée, note 2. 14 L.R.Q., c. C-19.
PP 01 07 87 Page : 13 formulaire de Déclaration pour respecter les dispositions prévues à l’article 76 de la Loi sur l’accès. C) RÉPLIQUE DE M E CHRISTIAN DUFOURD [65] Sur l’ensemble des arguments énoncés par l’avocate de l’intimée, M e Dufourd réplique qu’il importe de savoir si la résolution du comité exécutif est conforme aux critères de nécessité définis à l’article 64 de la Loi sur l’accès, lesquels doivent être envisagés sur tous les angles, dont celui de la vie privée. Il réitère donc les préoccupations de la plaignante qui refuse de divulguer tout renseignement confidentiel la concernant. DÉCISION [66] La Commission effectue cette enquête dans le cadre des pouvoirs que lui confère l’article 127 de la Loi sur l’accès : 127. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête sur: 1° un fichier confidentiel pour déterminer si les renseignements nominatifs qui s'y trouvent ont été versés et utilisés conformément au décret; 2° le respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne et détenu par un organisme public; 3° le respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que détient le curateur public sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. L'enquête est secrète. Seul un membre de la Commission ou un membre de son personnel de direction désigné par écrit à cette fin par la Commission peut prendre connaissance des renseignements nominatifs versés au fichier ou des renseignements personnels contenus dans un dossier visé au paragraphe 2° et 3° du premier alinéa. Toutefois, un membre du personnel de la Commission peut, si la Commission l'autorise par écrit, prendre connaissance des renseignements personnels contenus dans un dossier visé au paragraphe 2° et 3° du premier alinéa. Assise légale [67] La Commission considère que les dispositions législatives pertinentes à la présente cause sont les articles 53, 54, 64, 68.1, 76, 77, 128 et 128.1 de la Loi sur l’accès :
PP 01 07 87 Page : 14 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. 68.1 Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un fichier de renseignements personnels aux fins de le comparer, le coupler ou l'apparier avec un fichier détenu par une personne ou un organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. Ces opérations s'effectuent dans le cadre d'une entente écrite. 76. L'établissement d'un fichier doit faire l'objet d'une déclaration à la Commission. La déclaration doit contenir les indications suivantes: 1° la désignation du fichier, les types de renseignements qu'il contient, l'usage projeté de ces renseignements et le mode de gestion du fichier; 2° la provenance des renseignements versés au fichier; 3° les catégories de personnes concernées par les renseignements versés au fichier; 4° les catégories de personnes qui auront accès au fichier dans l'exercice de leurs fonctions; 5° les mesures de sécurité prises au sein de l'organisme pour assurer le caractère confidentiel des renseignements nominatifs et leur utilisation suivant les fins pour lesquelles ils ont été recueillis; 6° le titre, l'adresse et le numéro de téléphone de la personne responsable de la protection des renseignements personnels; 7° les modalités d'accès offertes à la personne concernée;
PP 01 07 87 Page : 15 8° toute autre indication prescrite par règlement du gouvernement. Elle doit être faite conformément aux règles établies par la Commission. 77. Un organisme public doit aviser la Commission de tout changement rendant inexacte ou incomplète la déclaration prévue à l'article 76. 128. La Commission peut, au terme d'une enquête sur un fichier de renseignements personnels ou sur un fichier confidentiel et après avoir fourni à l'organisme public dont relève le fichier l'occasion de présenter des observations écrites: 1 o ordonner de corriger ou de retrancher du fichier un renseignement nominatif, ou de cesser d'utiliser le fichier contrairement à la présente loi, au décret ou aux prescriptions de la Commission, suivant le cas; 2 o ordonner à l'organisme public de prendre les mesures qu'elle juge appropriées pour satisfaire aux conditions prévues par la présente loi ou par les prescriptions de la Commission; 3 o ordonner la destruction d'un fichier de renseignements personnels établi ou utilisé contrairement à la présente loi; 4 o recommander au gouvernement de modifier ou d'abroger le décret autorisant l'établissement d'un fichier confidentiel. 128.1 La Commission peut au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 2 o du premier alinéa de l'article 127 et après avoir fourni à l'organisme public qui détient le dossier visé à ce paragraphe l'occasion de présenter des observations écrites: 1° ordonner à un organisme public de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne; 2° indiquer les mesures nécessaires à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels contenus dans un tel dossier; 3° indiquer les conditions particulières auxquelles la gestion d'un tel dossier peut être assujettie. La Commission exerce les mêmes pouvoirs à l'égard du curateur public au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 3 o du premier alinéa de l'article 127. [68] La preuve non contredite a démontré que le principe de créer une « Déclaration d’intérêt » a été adopté par le comité exécutif de la C.U.M., le 20 avril 2000, et qu’à ce moment, l’article 108.1 de la L.C.u.M. était en vigueur, et ce, dans le but d’éviter toute apparence de conflits d’intérêt des fonctionnaires ou
PP 01 07 87 Page : 16 employés du Service. Cet article, qui était encore en vigueur le 14 mai 2001, date du dépôt de la plainte, est mentionné à la case 5 du formulaire de Déclaration et à la note explicative qui y est annexée (pièces I-2 et I-7 précitées). De plus, les faits non contredits relatés à l’audience par les témoins de l’intimée confirment le but recherché par celle-ci. [69] Quant à la validité ou non de cet article, la Commission prend acte que, lors de sa plaidoirie, l’avocat de la plaignante a reconnu avoir voulu faire remarquer qu'en continuant d'évoquer l'article 108.1, en 2002, l’intimée opérait un Fichier dans l’illégalité. Il a reconnu également qu’il n’avait pas l’intention d’aviser, préalablement à l’audience, le Procureur général du Québec, conformément à l’article 95 du C.p.c. [70] Quant à l’objection de l’avocate de l’intimée relative à l’utilisation illégale du Fichier soulevée par l’avocat de la plaignante, il faut se situer au 14 mai 2001, à savoir à la date du dépôt de la plainte aux bureaux de la Commission. En effet, à cette date, il a été établi que l’article 108.1 de la L.C.u.M. était alors en vigueur. L’objection est donc accordée. [71] Par ailleurs, la Commission trouve paradoxal que la déclaration du fichier à la Commission, dûment remplie par une fonctionnaire et signée le 25 octobre 2002 (pièce I-2 précitée), réfère toujours à sa case n o 5, à l’article 108.1 de l’ancienne Loi de la C.U.M. qui est abrogée depuis le 1 er janvier 2002. Il importe que l’intimée apporte les modifications qui s’imposent afin que sa Déclaration d’intérêt puisse référer aux dispositions législatives actuellement en vigueur. La nécessité [72] Il s’agit de déterminer, d’une part : a) Si l’intimée peut recueillir auprès de la plaignante, qui réside sur son territoire, des renseignements nominatifs visés par la plainte et si ceux-ci sont nécessaires à la mise en œuvre d’un programme dont elle a la gestion. [73] Considérant que la Déclaration vise tous les employés ayant déclaré ou déclarant des intérêts sur un immeuble situé sur le territoire de l'intimée, la Commission note d'ailleurs que tous les employés, y compris la plaignante, ne sont pas obligés de déclarer des intérêts sur d'autres propriétés que celles concernées par le Fichier. [74] Considérant également les fonctions occupées par la plaignante qui procède à l’évaluation de propriétés immobilières, telles qu'elle les a décrites lors de sa déposition, la Commission considère que les renseignements nominatifs exigés par l’intimée auprès de celle-ci sont nécessaires à la mise en œuvre d’un
PP 01 07 87 Page : 17 programme dont elle a gestion, et ce, conformément à l’article 64 de la Loi sur l’accès. [75] Considérant que la Déclaration vise tous les employés ayant déclaré ou déclarant des intérêts sur un immeuble situé sur le territoire de l'intimée, la Commission note d'ailleurs que tous les employés, y compris la plaignante, ne sont pas obligés de déclarer des intérêts sur d'autres propriétés que celles concernées par le Fichier. La Commission comprend qu’en complétant la Déclaration, la plaignante dévoile des renseignements nominatifs la concernant et que cette divulgation peut constituer une intrusion dans sa vie privée. Cependant, il importe de préciser que cette intrusion est nécessaire pour l’intimée qui veut s’assurer que ses 228 employés, y inclus la plaignante, soient exempts de toute apparence de conflits d’intérêts. Les motifs invoqués par M me Godin, témoin de l’intimée, ont convaincu la Commission d’en arriver à cette conclusion. [76] Il s’agit également de savoir : b) Si les mesures de sécurité prises par l’intimée sont suffisantes pour garantir la confidentialité à laquelle s’attend une personne raisonnable, en l’occurrence, la plaignante. [77] La Commission considère que la crainte de la plaignante voulant que les renseignements nominatifs la concernant fassent l’objet de consultation non-autorisée est non-fondée. Les témoignages de M. L’Écuyer et de M me Godin ont plutôt démontré que l’intimée a établi des mesures de sécurité assez précises, particulièrement au système informatique, de manière à éviter toute forme d’ingérence non-souhaitée tant par des membres de l’administration que par ses employés. Seules les personnes autorisées ont accès à ce système et selon des conditions bien définies, tel qu’en font foi notamment les exemples fournis par les témoins de l’intimée (pièces I-4 et I-5 précitées). De plus, pour apporter des modifications à l’un ou l’autre de ces renseignements, l’intimée a établi un processus très strict, incluant une autorisation consentie par M me Godin, le cas échéant. [78] La plaignante craint aussi qu’en remplissant la Déclaration, l’intimée connaisse, par exemple, son adresse personnelle, les nom, prénom de son conjoint ainsi que la liste des immeubles dans lesquels celui-ci a un intérêt direct ou indirect sur le territoire de l’intimée. Elle estime que la consultation de ces renseignements peut avoir un impact négatif dans le cadre d’une promotion par exemple. [79] La preuve a plutôt démontré qu’il n’existe aucun lien entre la volonté de l'intimée de se protéger et de protéger ses employés contre toute apparence de conflits d’intérêt, et un éventuel projet d'utiliser l'information recueillie pour évaluer le rendement des membres du Service ou traiter leurs demandes de promotion.
PP 01 07 87 Page : 18 [80] Il a été établi que divers renseignements nominatifs, incluant les nom, prénom et adresse du propriétaire d'un immeuble sont inscrits au rôle d’évaluation foncière; ils revêtent un caractère public au sens de l’article 55 de la Loi sur l’accès ci-après mentionné et à l’article 73 de la Loi sur la fiscalité municipale 15 : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 73. Dans les quinze jours du dépôt du rôle, le greffier de la municipalité locale donne avis que le rôle est déposé à son bureau et que toute personne peut en prendre connaissance à cet endroit. [81] Par ailleurs, la Commission retient du témoignage respectif des témoins de l’intimée qu’il est impossible de déterminer si l’adresse fournie par le propriétaire et indiquée au rôle d’évaluation, est celle ou non de sa résidence. La Commission retient également que le rôle d’évaluation se trouve sur l’internet en élaguant les noms et prénoms des propriétaires qui demeurent confidentiels. [82] Quant à la crainte de la plaignante selon laquelle l’intimée pourrait procéder au couplage de renseignements nominatifs, la Commission retient des explications fournies par celle-ci qu'elle n’a pas l’intention de le faire. L’expression « couplage » demeure dans la Déclaration afin de se conformer aux dispositions contenues à l’article 68.1 de la Loi sur l'accès. La déclaration de fichier eu égard aux articles 76 et 77 de la Loi sur l’accès [83] En ce qui concerne l’article 76 de la Loi sur l’accès, le législateur stipule expressément l'obligation pour un organisme de déclarer l'établissement d'un fichier de renseignements personnels à la Commission en respectant des indications législatives bien définies. [84] Toutefois, la Commission constate que, malgré cette obligation légale, le législateur n'a établi aucune disposition quant au délai pour la production de la déclaration et aucune sanction quant à un dépôt tardif n’y est prévu. Dans la présente affaire, l'intimée a signé et déposé, le 28 octobre 2002, soit le jour même de l'audience, ladite déclaration alors que le Fichier a été constitué et était opéré par le Service depuis l’an 2000. [85] La Commission ne partage pas l'avis de la plaignante voulant la destruction du Fichier, et ce, pour les motifs ci-dessus mentionnés. [86] Compte tenu que la première déclaration du Fichier par l'intimée a été déposée à la Commission le jour même de l'audience, l'article 77 de la Loi sur l'accès traitant des modifications au Fichier ne s'applique pas à la présente affaire. 15 L.R.Q., c. F-2.1.
PP 01 07 87 Page : 19 [87] En ce qui concerne les demandes d’accès formulées par M e Dufourd auprès de l’intimée (pièces P-1 et P-3 précitées), la Commission rappelle qu'elle n’est pas appelée à statuer sur une demande de révision mais qu'elle est plutôt saisie de la présente plainte sur laquelle elle doit statuer. [88] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que l'intimée détient un Fichier au sens de l'article 76 de la Loi sur l'accès et que la Commission a été informée tardivement de l'existence de ce dernier; DÉCLARE toutefois sur le fond la plainte non fondée; PREND ACTE des mesures de sécurité adoptées par l'intimée pour l'utilisation du Fichier, mais se réserve le droit d'en faire la vérification; PREND ACTE également que l'intimée ne peut utiliser le Fichier à d'autres fins que celles pour lesquelles il a été constitué; RECOMMANDE à l’intimée d’extraire de sa Déclaration d’intérêt, toute référence à l’article 108.1 de l’ancienne Loi sur la C.U.M., et ce, pour les motifs ci-dessus mentionnés. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire HÉLÈNE GRENIER Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 17 juillet 2003
PP 01 07 87 Page : 20 M e Christian Dufourd DUFOURD DION Procureurs pour la plaignante M e Hélène Simoneau JALBERT SÉGUIN CARON Procureurs pour la Ville de Montréal
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