Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 13 33 Date : 24 février 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier X et Y Demandeurs c. ASSURANCES GÉNÉRALES DES CAISSES DESJARDINS Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 9 juin 2003, les demandeurs s’adressent à l’entreprise pour obtenir les « résultats du polygraphe en date du 4 juin 2003 ». [2] Le 14 juillet suivant, ils requièrent l’examen de la mésentente résultant du défaut de l’entreprise de donner suite à leur demande d’accès. [3] Le 11 août 2003, l’entreprise refuse explicitement de leur donner communication des résultats du test polygraphique visés par leur demande
03 13 33 Page : 2 d’accès; elle appuie sa décision sur le 2 ième paragraphe de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8); 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [4] Dans sa décision, l’entreprise ajoute que le test polygraphique fait partie du rapport de l’expert, rapport dont la confidentialité est déterminée par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne. PREUVE [5] Les demandeurs, qui sont époux, ont formulé ensemble la demande d’accès du 9 juin 2003 ainsi que la demande d’examen de mésentente du 14 juillet 2003. La demanderesse se présente seule à l’audience; elle produit l’autorisation que le demandeur lui a donnée d’agir également en son nom, celui-ci étant le seul à avoir subi le test du polygraphe. i) de l’entreprise [6] L’avocate de l’entreprise dépose copie de la procédure (E-1) déposée le 14 octobre 2003 par les demandeurs devant la Cour du Québec, division des petites créances, pour réclamer une somme à l’entreprise. Ce document établit que les demandeurs ont conclu avec l’entreprise un contrat pour assurer leur 1 L.R.Q., c. P-39.1.
03 13 33 Page : 3 véhicule ainsi que leurs biens; ils y déclarent que le camion dont le demandeur est le locataire a été volé dans la nuit du 8 au 9 avril 2003, avec les biens qui y étaient rangés, et que, depuis, l’entreprise refuse de les indemniser tant pour les biens contenus dans le camion que pour les dommages résultant du vol du camion. Ce document (E-1) est complété par la contestation motivée de l’entreprise qui précise, à l’encontre de la réclamation des demandeurs, que : • « Les éléments dans le dossier font en sorte qu’on ne peut donner suite à la réclamation »; • l’article 2472 du Code civil du Québec, relatif à la déchéance du droit à l’indemnisation à l’égard du risque auquel se rattache une déclaration mensongère, est invoqué; • l’enquêteur au dossier est appelé à prendre part au litige. [7] L’avocate dépose la mise en demeure formelle (E-2) que l’avocat des demandeurs a adressée à l’entreprise le 16 juillet 2003 pour lui réclamer le coût des biens volés et non remboursés et pour l’aviser que des procédures seront intentées pour obtenir satisfaction à défaut, pour l’entreprise, d’obtempérer. [8] L’avocate dépose un extrait (E-3) du dossier informatique des demandeurs faisant état de la conversation téléphonique intervenue, le 20 juin 2003, entre la demanderesse et l’experte en sinistre au dossier; cet extrait indique que : • l’experte en sinistre a mentionné à la demanderesse que les demandeurs seraient indemnisés pour le vol du véhicule (21 000,00 $) mais que le contenu du camion était visé par l’article 2472 du Code civil du Québec compte tenu des « controverses dans le dossier et le polygraphe. »; • la demanderesse a alors manifesté son mécontentement, prévenu qu’elle irait plus loin et réclamé une copie du polygraphe qui, selon l’experte en sinistre, devait faire l’objet d’une demande d’accès écrite. [9] L’avocate dépose copie de la réponse que l’experte en sinistre a adressée à l’avocat des demandeurs le 1 er août 2003 (E-4), lettre par laquelle le refus d’indemniser est maintenu en ce qui concerne les biens rangés dans le camion volé, ce, en vertu de l’article 2472 du Code civil du Québec.
03 13 33 Page : 4 [10] L’avocate dépose enfin copie de : • l’avis (E-5) que la Commission a fait parvenir à sa cliente le 29 juillet 2003 concernant la réception d’une demande d’examen de mésentente émanant des demandeurs et datée du 14 juillet 2003; • la décision motivée de l’entreprise, datée du 11 août 2003, décision que l’entreprise a rendue après avoir pris connaissance des documents produits par les demandeurs au soutien leur demande d’examen de mésentente (E-6). ii) de la demanderesse [11] La demanderesse témoigne sous serment. Elle affirme que les demandeurs se sont limités à déclarer le vol du camion aux policiers et qu’ils ont omis de faire état des biens qui y avaient été rangés, notamment par elle. Elle ajoute qu’un enquêteur a rencontré le demandeur qui a par la suite subi un test polygraphique; elle indique qu’à sa connaissance, les résultats de ce test sont favorables sauf en ce qui concerne sa caméra vidéo qu’elle avait placée dans le camion à l’insu du demandeur et au sujet de laquelle le demandeur aurait eu quelque hésitation. Elle aimerait savoir si l’enquêteur et le polygraphe sont de connivence et si l’enquêteur a dirigé la personne qui a procédé au test polygraphique en lui suggérant des questions. [12] Contre-interrogée, la demanderesse affirme que : • l’entreprise les a indemnisés pour la valeur du camion; • le recours introduit devant la Cour du Québec vise l’obtention d’une somme les indemnisant pour le vol des biens qui étaient rangés dans ce camion; • le 20 juin 2003, l’experte en sinistre lui a indiqué que l’entreprise invoquait l’article 2472 du Code civil du Québec concernant le contenu du véhicule, ce renseignement ayant été suivi du mécontentement exprimé par la demanderesse ainsi que de sa demande d’accès verbale au test polygraphique. ARGUMENTS i) de l'entreprise [13] Le 2 ième paragraphe de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé s’applique parce qu’il y avait
03 13 33 Page : 5 imminence de procédures judiciaires et parce que ces procédures judiciaires, qui ont été intentées (E-1), sont pendantes devant la Cour du Québec. [14] La preuve démontre que l’entreprise a accepté d’indemniser les demandeurs pour le vol du camion; la preuve démontre également que l’entreprise a, le 20 juin 2003, refusé d’indemniser les demandeurs en ce qui concerne le contenu de ce camion parce qu’elle considère que la déclaration des demandeurs faite à cet égard est mensongère. [15] La preuve démontre que le 20 juin 2003, l’entreprise n’avait pas connaissance de la demande d’accès du 9 juin 2003. La preuve démontre que la mise en demeure a été adressée le 16 juillet 2003. DÉCISION [16] La preuve démontre que les demandeurs ont informé l’entreprise que leur camion a été volé dans la nuit du 8 au 9 avril 2003. La preuve démontre que les demandeurs ont aussi déclaré que ce camion a été volé avec certains biens qu’ils y avaient rangés. [17] La preuve démontre qu’après enquête comprenant entre autres un test polygraphique subi par le demandeur le 4 juin 2003, l’entreprise a communiqué avec les demandeurs le 20 juin 2003 pour leur indiquer : • qu’elle acceptait de les indemniser pour le vol du camion seulement; • qu’elle refusait de les indemniser au sujet des biens qu’ils ont déclaré avoir rangés dans ce camion, ce, compte tenu des « controverses dans le dossier et le polygraphe. ». [18] La preuve démontre que lorsque l’entreprise lui a communiqué cette décision le 20 juin 2003, la demanderesse a exprimé son insatisfaction ainsi que son intention d’aller plus loin et elle a exigé, à cet effet, le test polygraphique dont les résultats avaient été requis le 9 juin 2003. [19] La preuve démontre que la demanderesse a exprimé son intention de contester la décision de l’entreprise dès le 20 juin 2003. Les demandeurs ont confirmé cette intention par une mise en demeure qu’ils ont adressée à l’entreprise, par l’intermédiaire de leur avocat, le 16 juillet 2003.
03 13 33 Page : 6 [20] La preuve démontre que des procédures judiciaires ont par la suite été intentées et qu’elles sont pendantes. [21] La preuve démontre enfin que le test polygraphique, de même que le reste du dossier des demandeurs, seront utilisés par l’entreprise devant la Cour du Québec, division des petites créances, pour contester la réclamation des demandeurs (E-1). [22] Le 2 ième paragraphe de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé habilitait donc l’entreprise, dès le 20 juin 2003, à ne pas donner aux demandeurs communication des résultats du test polygraphique, la divulgation de ces renseignements personnels risquant d’avoir un effet sur les procédures qui étaient alors imminentes et qui ont été intentées par les demandeurs contre l’entreprise. Il appartient au juge du procès, non pas à la Commission, d’ordonner la production de documents au moment opportun et selon les règles applicables. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Paule Émond Avocate de l’entreprise
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