Dossier : 02 09 14 Date : 20030716 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. MINISTÈRE DU REVENU Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le demandeur conteste la décision rendue par le ministère du Revenu de lui refuser l’accès, selon les termes des articles 32, 53, 54, 59 et 88 de Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), à une copie intégrale « […] du rapport du comité ad hoc concernant la plainte de harcèlement sexuel déposée par madame […] le 13 mars 2001. » [2] Une audience a lieu à Montréal le 27 juin 2003. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 09 14 Page : 2 L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) Du Ministère [3] M. Marcel Carbonneau, adjoint au responsable de l’accès et coordonnateur ministériel des demandes d’accès, s’occupant des demandes d’accès dites sensibles, souligne avoir traité la demande du demandeur, employé du Ministère. [4] M. Carbonneau affirme avoir reçu les deux seuls documents en lien avec la demande : le rapport lui-même réalisé par le Comité ad hoc, dont une copie intégrale est remise sous pli confidentiel, et une lettre consécutive à celui-ci adressée au demandeur (pièce O-1). [5] M. Carbonneau indique avoir déterminé de l’accès au rapport exigé par le demandeur en fonction des dispositions de la convention collective de travail et de la Loi. Il mentionne avoir transmis au demandeur une copie du rapport du Comité ad hoc, masquée des renseignements confidentiels. Il spécifie avoir identifié, à l’aide d’un trait au marqueur jaune, les parties masquées et ajouté une numérotation à chaque ligne du rapport pour en faciliter le repérage. [6] M. Carbonneau attire l’attention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») sur l’article 1-4.16 de la convention collective régissant les parties, prévoyant le caractère confidentiel des renseignements communiqués dans le cadre d’une plainte pour harcèlement sexuel (pièce O-2) :
02 09 14 Page : 3 1-4.16 Lorsque le sous-ministre reçoit une plainte de harcèlement sexuel d'un employé, il doit procéder à une enquête au cours de laquelle il rencontre le plaignant. Ce dernier, s'il le désire, peut se faire accompagner d'un représentant désigné par le syndicat et libéré, à cette fin, sans perte de traitement. Toutefois, lorsque le présumé harceleur est également un employé, les parties forment un comité ad hoc composé d'un (1) représentant désigné par le sous-ministre et d'un (1) représentant désigné par le syndicat libéré sans perte de traitement pour participer aux rencontres du comité. Ce comité a pour fonction de s'enquérir des plaintes portées et, au plus tard vingt et un (21) jours après sa formation, de soumettre un rapport écrit, unanime ou non, au sous-ministre. Par la suite, le sous-ministre prend, le cas échéant, les mesures appropriées afin que cesse le harcèlement sexuel. L'employé reçoit une réponse du sous-ministre dans les quatorze (14) jours suivant le dépôt du rapport du comité. Les plaintes soumises en vertu du présent article sont traitées le plus confidentiellement possible. [7] M. Carbonneau passe en revue les parties ayant été masquées au rapport de la façon ci-après décrite : • Les lignes 8, 41 et la signature apposée à la fin de la page 5 sont refusées parce qu’elles permettent de donner un renseignement au sujet d’une autre personne physique que le demandeur; • Les lignes 29, 32 à 35, 57, 59 à 68 et 72 à 79 contiennent des renseignements nominatifs protégés par les articles 53 et 54 de la Loi; • Les lignes 43 à 46, 48, 49, 53, 54, 83, 85 et 86 renferment le témoignage de la plaignante ou des renseignements la concernant; • Les lignes 90 à 98 comprennent un résumé des divers témoignages et dévoileraient donc des renseignements au sujet de ces personnes.
02 09 14 Page : 4 [8] M. Carbonneau soutient que le dépôt d’une plainte de nature criminelle et le grief soumis par le demandeur justifient de refuser l’accès aux parties masquées du rapport, selon les termes des articles 32 et 54 de la Loi : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. ii) Du demandeur [7] Le demandeur confirme avoir reçu copie de la lettre du 20 mars 2002, laquelle renferme des conclusions auxquelles en sont arrivés les membres du Comité ad hoc (pièce O-1). Il confirme également l’existence d’un grief et d’une procédure de nature criminelle. [8] Le demandeur fait valoir que le Ministère a masqué de façon trop aléatoire les divers renseignements, notamment le nom de la représentante syndicale qui lui est connu. Il exprime son droit d’obtenir une copie intégrale du rapport le concernant pour qu’il puisse connaître les agissements qu’on lui reproche. [9] Interrogé par la Commission, le demandeur atteste avoir été interrogé par les membres du Comité ad hoc, mais en l’absence de la plaignante. B) LES ARGUMENTS
02 09 14 Page : 5 i) Du Ministère [10] M e Meunier prétend que la décision du Ministère de refuser l’accès au résumé des déclarations 2 et aux renseignements nominatifs contenus au rapport du Comité ad hoc était justifiée, celle-ci s’inscrivant dans la même lignée que les décisions déjà rendues par la Commission sur ce sujet 3 . [11] M e Meunier argue qu’une personne peut porter plainte contre une autre personne sans être obligée de dévoiler toute une série de renseignements nominatifs la concernant. Il est d’avis que rien ne permet la communication de renseignements au sujet de la plaignante ou d'autres personnes, même si le demandeur connaît certains renseignements ou l’identité de la plaignante. Il soumet l’existence d’un arbitrage législatif en faveur de la préservation du caractère confidentiel des renseignements nominatifs imposé par l’article 88 de la Loi : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. ii) Du demandeur [12] Le demandeur affirme connaître la plaignante qui, d’ailleurs, est nommée au rapport du Comité ad hoc. Pourquoi le Ministère retire-t-il alors les renseignements permettant d’identifier la plaignante? [13] Le demandeur signale qu’il ne veut pas obtenir les renseignements au sujet de tierces parties, mais bien ceux le concernant et, par ricochet, également la plaignante. Il soumet que les circonstances et les événements décrits à l’enquête ne peuvent être nominatifs et lui sont accessibles. [14] Le demandeur prétend que le rapport du Comité ad hoc exprime l’opinion de ses membres et non les mots de la plaignante, n’ayant pas ainsi un caractère 2 Waltzing c. Ministère de la Sécurité publique, [2001] C.A.I. 213. 3 Pratte c. Université de Montréal, [2000] C.A.I. 287; Moreau c. Ville de Val-Bélair, [1999] C.A.I. 214; Leroux c. Ministère de la Sécurité publique, [1993] C.A.I. 299.
02 09 14 Page : 6 nominatif. Il ajoute que le rapport intégral lui est accessible parce qu’il ne contient pas de liste de témoins. [15] Le demandeur conclut vouloir une copie intégrale du rapport pour lui permettre soit de s’amender, soit de le corriger. DÉCISION [16] J’ai examiné les parties masquées en litige. Ces dernières sont inscrites au rapport du Comité ad hoc de cinq pages, intitulé « Plainte de harcèlement sexuel – – Rapport du comité ad hoc formé en conformité avec l’article 1-4.16 de la convention collective des fonctionnaires – Présenté à la Sous-ministre – Ministère du Revenu du Québec. » [17] D’entrée de jeu, vu la preuve, je considère qu’aucun renseignement en litige ne répond à la définition d’analyse énoncée à l’article 32 de la Loi. [18] Il n’est pas contesté que le nom de la personne désignée à titre de représentante de la partie syndicale au Comité ad hoc est un renseignement connu du demandeur. Le demandeur pourra donc obtenir les renseignements se trouvant aux lignes 8 (à la page frontispice) et 41 et à la fin de la page 5 du rapport. [19] Il est également reconnu que le demandeur connaît le nom de la plaignante. De cette dernière constatation, du témoignage de M. Carbonneau, de la preuve documentaire, particulièrement la pièce O-1, et de la vérification des renseignements en litige, j’en arrive à la conclusion que les parties masquées se trouvant aux lignes 32, 48 à 50 et 60 n’apprendraient rien au demandeur qu’il ne sache déjà et, conséquemment, ne lui divulgueraient vraisemblablement pas un renseignement nominatif au sujet d’une autre personne physique. [20] Le demandeur pourra aussi avoir accès aux renseignements de nature factuelle ou neutre et aux avis des membres du Comité ad hoc ayant déjà pris leur décision, selon les termes de l’article 86.1 de la Loi, qui ne révéleraient vraisemblablement pas un renseignement nominatif concernant une autre personne physique : • la phrase débutant à la ligne 44 et se terminant à la ligne 46; • la ligne 72;
02 09 14 Page : 7 • la ligne 86 qui, dans ce cas-ci, a en lien avec les lignes 110 à 112 déjà communiquées au demandeur; • la dernière phrase débutant à la ligne 96 et se terminant à la ligne 98; 86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, lorsque ce renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de cet avis ou de cette recommandation. [21] Les autres renseignements en litige ne sont pas accessibles au demandeur, satisfaisant ainsi aux conditions prévues à l’article 88 de la Loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [22] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [23] PREND ACTE que le demandeur a reçu une copie du rapport demandé, à l’exception des renseignements masqués; [24] ORDONNE au Ministère de communiquer au demandeur les renseignements en litige suivants se trouvant à : • les lignes 8 (à la page frontispice), 32, 41, 48 à 50, 60, 72 et 86; • la phrase débutant à la ligne 44 et se terminant à la ligne 46; • la dernière phrase du paragraphe débutant à la ligne 96 et se terminant à la ligne 98; • la fin de la page 5. [25] REJETTE, quant au reste, la demande de révision du demandeur.
02 09 14 Page : 8 MICHEL LAPORTE Commissaire Veillette & Associés (M e Alain-François Meunier) Procureurs de l'organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.