Dossier : 02 07 54 Date : 2003.07.10 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. MELOCHE MONNEX Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DE COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS PERSONNELS (art. 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 ). [1] Le 15 mars 2002, le demandeur s'adresse par télécopieur à l'entreprise afin qu'elle lui remette copie de son dossier de réclamation en vertu du contrat d’assurance numéro 82319609 émis par celle-ci. [2] Le 2 avril suivant, l'entreprise refuse l’accès au dossier de sinistre du demandeur au motif que les renseignements qu’il contient sont visés par les articles 39 et 40 de la Loi. 1 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée « la Loi ».
02 07 54 Page : 2 [3] Le 1 er mai 2002, le demandeur s’adresse à la Commission afin qu’elle examine la mésentente résultant de ce refus. [4] Une audience se tient en la ville de Montréal le 14 janvier 2003 et se complète le vendredi 24 janvier suivant par la production de certains documents par l’entreprise à la demande de la Commission. Le délibéré débute le 27 janvier 2003. L’AUDIENCE A) LE LITIGE [5] Les documents portant une date postérieure à la date de la demande d’accès, soit le 15 mars 2002, ne sont pas en litige. [6] L’entreprise présente, sous pli confidentiel, quatre séries de documents issus du dossier de la réclamation du 23 janvier 2002 entre cette date et la date de la demande d’accès du 15 mars 2002 : A. L’enquête « Bloc-Note » sur fiches informatiques internes à partir du 23 janvier 2002, jour de la déclaration du sinistre par le demandeur jusqu’à la date de la demande d’accès; certaines parties de ces fiches sont accessibles au demandeur et lui sont remises par courrier du 23 janvier 2002. B. Il est admis à l’audience que les factures, les pièces fournies par le demandeur et copie de la correspondance en provenance de ce dernier ou qui lui est destinée lui sont accessibles. Ces documents ne sont plus en litige. C. Sont en litige tous les documents de l’enquête de Daniel Cartier, enquêteur pour Boomerang investigations inc., savoir : 1) Copie (en double exemplaire dont l’un est parvenu à l’entreprise par télécopieur) du rapport du 7 février 2002 (8 pages) et de ses 3 annexes en liasse; 2) Copie de la facture amendée du 6 février 2002 et de la lettre d’envoi du 11 février 2002;
02 07 54 Page : 3 3) Copie (en double exemplaire dont l’un est parvenu à l’entreprise par télécopieur) du rapport du 15 février 2002 (4 pages) et de ses trois annexes en liasse et de la note d’honoraires afférente; 4) Copie du rapport du 27 février 2002 (6 pages) et de ses 5 annexes en liasse et de la note d’honoraires afférente; D. Enfin, sont également en litige, la correspondance et divers documents du dossier de réclamation risquant d’avoir une incidence sur le litige appréhendé entre le demandeur et l’assureur Sécurité Nationale compagnie d’assurance : 1) Télécopie de madame Ziani à madame Corbeil relative à l’estimé des dommages; 2) Lettre de la S.A.A.Q. du 21 février 2002; 3) Télécopie de madame Corbeil à la S.A.A.Q. du 4 mars 2002; 4) Télécopie de la S.A.A.Q. du 5 mars 2002; 5) Rapport d’évaluation du 11 novembre 1998; 6) Diverses pages de télécopie échangées le 1 er mars 2002; et 7) Facture du 8 mars 2002. B) LA PREUVE i) de l’entreprise Madame Francine Danis Chabot, témoigne [7] Madame Chabot est impliquée à l’interne dans l’étude du dossier de la demande d’accès et vient expliquer le lien entre les renseignements retenus et les procédures judiciaires éminentes dans ce dossier de réclamation. [8] Une partie de son témoignage devra se dérouler en l’absence du demandeur (ex parte) et à huis clos puisqu’elle abordera directement le contenu des documents en litige à cet égard, ce à quoi ne s’oppose pas le demandeur, et ce qu’elle fait. [9] Elle dépose publiquement, sous la cote E-1, copie de la mise en demeure datée du 19 mars 2002 adressée à l’entreprise par l’avocat du demandeur, M e Normand Perreault, et à elle signifiée par huissier le 21 mars suivant.
02 07 54 Page : 4 [10] Cette mise en demeure réclame notamment le paiement immédiat de la somme de 21 000 $ et prévient qu’à défaut de l’entreprise de se conformer à cette réclamation, le demandeur n’aura d’autre choix que d’instituer des procédures judiciaires contre celle-ci. [11] Également, madame Chabot dépose publiquement, sous la cote E-2, copie d’une lettre adressée par l’entreprise à l’avocat du demandeur le 27 mars 2002 par laquelle ce dernier est informé de la décision de l’entreprise de ne pas payer la réclamation pour le vol du véhicule du demandeur. [12] Son témoignage continue ex parte et à huis clos comme susdit. [13] Madame Chabot dépose, au cours de cette partie de son témoignage, sous les cotes E-3 et E-4, deux lettres respectivement datées des 7 novembre 2002, et 7 janvier 2003 adressée à l’entreprise par la Syndic de la Chambre de l’assurance de dommages. [14] Elle déclare que l’enquête de la Syndic n’est pas encore terminée. [15] Ces deux pièces, E-3 et E-4, sont immédiatement frappées d’un interdit de publication, de diffusion et de divulgation à quiconque par la Commission. [16] Il convient de déposer, sous la cote E-5, la copie élaguée des documents en litige de la série A, qui a été posté au demandeur, après l’audition formelle, le 23 janvier 2003. Il s’agit de la copie élaguée des pages numérotées 1 à 83 des fiches informatiques internes appelées « enquête Bloc-Note » à partir du 23 janvier 2002, jour de la déclaration du sinistre par le demandeur jusqu’à la date de la demande d’accès. [17] Il convient également de déposer, sous la cote E-6, copie de la lettre du 23 janvier 2003 constatant l’envoi de ces fiches au demandeur. ii) du demandeur [18] Le demandeur ne présente aucun élément de preuve si ce n’est son affirmation que les allégations de déclaration mensongère de sa part ont motivé son désir de connaître les faits étayant ces allégations et qui seraient contenus à son dossier de réclamation.
02 07 54 Page : 5 C) LES ARGUMENTS i) de l’entreprise [19] L’avocate de l’entreprise soutient que la preuve (la mise en demeure E-1) établit que l’entreprise avait d’excellentes raisons de croire, le 2 avril 2002, date de l’élaboration de sa réponse à la demande d’accès où l’article 39 de la Loi est invoqué, que le demandeur avait l’intention de poursuivre l’entreprise relativement à la réclamation en cause ici [20] L’avocate de l’entreprise plaide que plusieurs des parties soutirées de l’accès contiennent des renseignements visés par l’article 40 de la Loi en ce qu’il permettent d’identifier une personne physique qui fait des déclarations ou émet des opinions sur le demandeur et les faits entourant sa réclamation. ii) du demandeur [21] Le demandeur ne présente pas de plaidoirie particulière. DÉCISION Motif de refus fondé sur l’article 39, 2° de la Loi [22] L’article 39 de la Loi se lit comme suit : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8);
02 07 54 Page : 6 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [23] La preuve entendue ex parte et à huis clos ainsi que l’examen des documents en litige convainquent la Commission que la totalité des parties retranchées de ces documents ou la totalité de ces documents, le cas échéant, contient en substance, des renseignements visés par le paragraphe 2° de l’article 39 de la Loi. [24] La Commission est convaincue que la mise en demeure (E-1) et l’état du dossier révélant l’éventuel et prochain refus d’indemniser le demandeur constituent, ensemble, un indice suffisant pour avoir déjà éveillé chez l’entreprise, au moment où l’entreprise formule son refus de donner accès au dossier de réclamation, une crainte raisonnable et sérieuse que des procédures judiciaires seront incessamment intentées par le demandeur en relation à sa réclamation pour vol de son véhicule. [25] De plus, la preuve (E-1 et E-2) et l’examen des documents en litige démontrent que la divulgation de ces renseignements risquerait d’avoir un effet sur une procédure judiciaire impliquant le demandeur et l’entreprise ou l’assureur relativement à la réclamation en cause puisque, selon la déclaration de la témoin Danis Chabot, ces renseignements constituent la base de la stratégie de la défense de l’entreprise ou de l’assureur dans l’éventualité d’une poursuite judiciaire par le demandeur pour paiement de l’indemnité. Inaccessibilité des renseignements personnels visés par l’article 40 de la Loi [26] Vu la conclusion qui précède sur l’applicabilité du paragraphe 2° de l’article 39 à la totalité des renseignements en litige, il est inutile que la Commission se prononce sur cet aspect du refus de l’entreprise. Documents postérieurs à la demande d’accès du 15 mars 2002 [27] La Commission rappelle que ces documents ne peuvent être en litige puisque la réponse à la source de la mésentente ne pouvait chronologiquement et juridiquement viser ces documents. [28] POUR CES MOTIFS, la Commission
02 07 54 Page : 7 ACCUEILLE EN PARTIE la demande d’examen de mésentente pour ce qui est des documents ou des parties de documents dont la communication avait d’abord été refusée et qui ont été remis au demandeur à l’audience ou après l’audience; et REJETTE cette demande pour le reste, c’est-à-dire pour les renseignements contenus dans les documents ou dans les parties de documents restant en litige. Québec, le 10 juillet 2003 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de l’entreprise : M e Lyne Beauchamp
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