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Dossier : 01 11 50 Date : 20030709 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES CULTURELLES Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le 30 mai 2001, le demandeur écrit à la Société de développement des entreprises culturelles (la « Société ») pour « […] obtenir les commentaires sous forme écrite de chacun des trois (3) juges formant les comités dévaluation de chacun des projets que jai soumis à la SODEC. Jaimerais aussi connaître par écrit lidentité des auteurs des commentaires (nom, profession ou titre, salaire, adresse et téléphone au travail) ». Il précise que ses trois projets sont : Chair maîtresse Aide à la scénarisation Volet 1 (A-1949); Amoureux qui se bécotent sur la place publique, les Volet 1 Aide à la scénarisation (A-2321);
01 11 50 Page : 2 Les amoureux qui se bécotent sur la place publique (A-2538) Volet 1 Aide à la scénarisation. [2] Le 14 juin 2001, la Société achemine au demandeur « […] le nom des personnes qui ont constitué les comités de consultants chargés de transmettre une recommandation à la Sodec en regard des projets […] ». Il ajoute que « Les honoraires versés sous forme dun montant forfaitaire aux membres du comité du 23 août 2000 ont été de 970 $ chacun; ceux du 20 février 2001, 1 075 $ chacun et finalement les membres du comité du 25 avril 2001, 1 250 $ chacun. » Il précise que « Les personnes constituant ces comités détiennent des compétences en scénarisation, réalisation ou production. » [3] La Société invoque larticle 37 et le 3 e paragraphe de larticle 57 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi ») pour lui refuser les adresses et numéros de téléphone ainsi que les commentaires des membres de ces comités. [4] Le 12 juillet 2001, le demandeur conteste le refus de la Société de ne pas lui remettre les commentaires formulés par les membres des comités. Il veut donc que la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») révise la décision rendue par la Société. [5] Le 26 juin 2003, une audience se tient à Montréal. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [6] Les parties conviennent que le seul objet du litige consiste à décider de laccessibilité des commentaires formulés par les membres des comités sur les projets soumis par le demandeur. Les documents me sont remis sous pli confidentiel. B) LA PREUVE i) De la Société [7] M. Jean Valois, conseiller juridique pour la Société, invoque larticle 37 de la Loi pour refuser au demandeur la communication des documents en litige : 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 11 50 Page : 3 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. [8] M. Valois expose que les documents en litige sont des avis et des recommandations soumis par les membres des comités à la Société pour aider celle-ci à prendre une décision. Il spécifie que la Société demeure toujours libre de suivre ou non les recommandations des membres des comités. [9] M. Valois soumet que les membres des comités, à laide dune grille danalyse, portent un jugement de valeur sur les projets du demandeur et se prononcent sur la pertinence de ceux-ci. Il spécifie que les membres des comités sont des gens provenant de sphères spécialisées en lien avec le type de projet à évaluer. [10] M. Valois affirme que la décision de la Société a été communiquée au demandeur. Il fait valoir que la décision de la Société ne concerne pas le demandeur, mais bien les projets soumis par celui-ci. [11] M. Valois est davis que les commentaires en litige ne peuvent être communiqués au demandeur aux fins de préserver lintégrité du processus décisionnel. Il ajoute que les membres doivent bénéficier dune liberté de décider, sans subir dinfluence extérieure. ii) Du demandeur [12] Le demandeur fait valoir que le dépôt dun projet à la Société nécessite beaucoup de temps et defforts. Il ne comprend pas pourquoi la preuve est publique dans les procès de nature criminelle, alors quil ne peut obtenir, en toute transparence, les commentaires de gens ayant évalué ses projets. [13] Le demandeur affirme que la Société lui a communiqué au téléphone les commentaires des membres des comités. Il sétonne même que lun des membres d'un comité n'ait rédigé ses commentaires quen anglais.
01 11 50 Page : 4 [14] M. Valois réplique que certains membres de comités écrivent plus facilement en anglais. [15] Le demandeur remet à la Commission la lettre de refus reçue de la Société, le 21 février 2001, et les commentaires quil a notés à la suite de la discussion téléphonique avec la chargée de projets, M me Potvin (pièce D-1 en liasse). DÉCISION [16] L'article 37 de la Loi permet que soient refusés les avis ou recommandations faits par un organisme public. Il est mentionné, dans l'affaire Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 2 , que : Le sens du mot «recommandation» de l'article 37 de la Loi d'accès «ne semble poser aucune difficulté puisqu'il a été défini dans de nombreuses décisions comme étant un énoncé proposant une ligne de conduite». […] Dans cette optique, il importe non pas de se référer précisément à une notion ou définition du dictionnaire, ni de tenter d'enchâsser le concept «avis» dans une définition quelconque, mais de qualifier ce concept dans le contexte qui est le sien en rapport avec les principes générateurs qui ont façonné la Loi d'accès. Il faut rechercher le sens contextuel. À cet égard, au risque de se répéter, il ne faut pas perdre de vue que l'article 37 est une restriction au droit général d'accès à des documents d'organismes publics et que la section à laquelle il appartient en témoigne indubitablement. Par surcroît, la sous-section d' il provient en dit long quant à l'objet de cette exception: […]. Voilà le véritable contexte de nature à qualifier le sens du mot «avis». […] Dans ce contexte, les mots «avis» et «recommandation» expriment à des degrés divers une même chose, c'est-à-dire l'énoncé d'un jugement de valeur conditionnant l'exercice d'un choix entre diverses alternatives. […] 2 Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] C.A.I. 311, 320-321.
01 11 50 Page : 5 […] Par contre, pour déterminer sil sagit dun avis, létude du document convoité nécessite un exercice intellectuel plus rigoureux, pour percevoir si certaines parties sont articulées de façon à avoir des «incidences sur les décisions administratives ou politiques». […] » (soulignements ajoutés) [17] En outre, M. le juge Aubin 3 signale que : À partir du moment lorganisme, ou quelquun pour lui, procède à une évaluation des faits, ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à lorganisme de garder le secret. [18] Jai examiné les documents en litige. Il sagit de neuf documents. Nous trouvons la grille danalyse complétée par chacun des trois membres des comités en lien avec les trois projets soumis par le demandeur. La grille danalyse identifie, à la première page, le titre du projet, la date dévaluation et les six critères généraux dappréciation. La deuxième page comprend : la recommandation du membre à la Société après que celui-ci eu tenu compte des critères généraux; la recommandation du membre après discussions; les commentaires du membre inscrits à la section intitulée « Pourquoi? » [19] Il importe de noter que ce ne sont pas tous les membres des comités qui ont écrit des commentaires à la section « Pourquoi? » prévue à cet effet. [20] La preuve non contredite démontre que la Société a communiqué sa décision au demandeur concernant ses trois projets. Il na pas été contesté également que le demandeur a obtenu des précisons de M me Potvin sur la nature des décisions prises par la Société. [21] Je suis davis que les six critères généraux dappréciation et les recommandations de chaque membre de comités apparaissant aux documents en 3 Id., 321.
01 11 50 Page : 6 litige sont des avis et des recommandations répondant à la définition élaborée dans laffaire Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 4 . La Société ayant exercé sa discrétion pour en refuser la communication et les conditions de larticle 37 étant satisfaites, le demandeur ne pourra en obtenir copie. [22] En ce qui concerne la section « Pourquoi? » complétée par un membre, jen arrive à la conclusion que ces textes ne constituent pas des avis ou recommandations au sens de larticle 37 de la Loi. [23] En outre, du cas sous étude, la lecture attentive des notes prises par le demandeur (pièce D-1) confirme la teneur des commentaires de membres des comités inscrits à la section « Pourquoi? » aux documents en litige. Larticle 10 de la Loi prévoit dailleurs quun demandeur peut avoir un accès à distance comme cela semble avoir été notre situation : 10. Le droit d'accès à un document s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail ou à distance. Le requérant peut également obtenir copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à sa conservation ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses en raison de sa forme. A la demande du requérant, un document informatisé doit être communiqué sous la forme d'une transcription écrite et intelligible. (soulignement ajouté) POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [24] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [25] ORDONNE à la Société de communiquer au demandeur les commentaires inscrits à la section « Pourquoi? » et détenus par elle aux documents en litige. [26] REJETTE, quant au reste, la demande de révision. 4 Id.
01 11 50 Page : 7 MICHEL LAPORTE Commissaire
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