Dossier :
PP 99 12 93
Date :
2003.07.07
Commissaires :
M
e
Diane Boissinot
DÉCISION
[1]
À la suite d’une plainte, la Commission enquête en vertu des articles 123
et 128 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels (L.R.Q., c. A-2.1) (la Loi).
LA PLAINTE
[2]
Le 22 juillet 1999, s’adressant à la Commission d’accès à l’information (la
Commission), l’avocat du plaignant, M
X
Plaignant
c.
MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ
PUBLIQUE
Organisme intimé ou MSP
et
MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC
Organisme participant ou MRQ
e
Yves André LeBoutiller, allègue que le
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Page : 2
ministère de la sécurité publique (MSP) a communiqué, sans le consentement de
son client, un document contenant des renseignements nominatifs concernant ce
dernier, au ministère du Revenu du Québec (MRQ).
[3]
Une enquête administrative est d’abord menée par l’analyste-enquêteur
de la Commission, M. Laurent Bilodeau. Au cours de celle-ci, il lui apparaît
préférable qu’une étude plus approfondie du bien-fondé de cette plainte soit faite
par les Commissaires.
[4]
Le 5 octobre 2001, la Commission débute une enquête publique,
présidée par la commissaire Boissinot.
[5]
Afin de préserver son droit à la vie privée, il convient d’interdire à la
Commission de publier, diffuser et divulguer l’identité du plaignant, telle
interdiction ne valant pas à l’égard des parties et du participant à la présente
audience.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
[6]
Au cours de cette séance, les commissaires constatent qu’aucune des
parties ne les autorise à prendre connaissance des pièces se trouvant au dossier
de l’analyste-enquêteur, M. Laurent Bilodeau.
[7]
Les commissaires constatent, en outre, qu’aucun fait n’est admis de
consentement entre les parties et le participant, que le plaignant ne propose
aucun témoin pour tenter d’établir les faits qu’il allègue dans sa plainte et que
l’organisme visé par la plainte, le MSP, reste, pour l’instant, muet sur ses
positions préférant attendre de connaître la preuve réunie contre lui.
[8]
Les Commissaires estiment, par ailleurs, que les faits allégués soulèvent
des questions d’intérêt.
[9]
Devant cette impasse, la Commission se constitue un procureur aux fins
de l’assister dans ses fonctions d’enquête.
L’OBJET DE LA PLAINTE
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[10]
En réponse à une demande de la commissaire Hélène Grenier de préciser
l’objet de la plainte, l’avocat du plaignant déclare qu’elle a pour objet la
communication illégale, par la Sûreté du Québec au MRQ, du contenu de la
déclaration statutaire que son client avait faite aux policiers le 13 mars 1999.
L’AUDIENCE
[11]
Une audience se tient en la ville de Québec les 5 octobre 2001, 19 juin et
3 décembre 2002.
REQUÊTES POUR L’AUDITION DE TÉMOIGNAGES EX PARTE ET À HUIS
CLOS
[12]
Au cours des séances des 19 juin et 3 décembre 2002, les avocats du
MSP et du MRQ, estimant que leur témoin respectif, Sylvain Chabot et Alain
Dufour, devaient rendre, ex parte et à huis clos, leur témoignage concernant la
mise en œuvre et le fonctionnement de certaines opérations précises du Groupe
régional d’intervention contre le crime organisé (GRICO) à l’époque des
événements qui font l’objet de la plainte, formulent à la Commission une requête
afin que soit autorisée la présentation de cette preuve dans ces conditions.
[13]
Les requêtes avaient notamment pour objet d’exclure autant le plaignant
lui-même que son avocat.
[14]
Ce dernier ne s’oppose pas à ce que cette preuve soit entendue en son
absence et en celle de son client en autant que la substance de ces
témoignages concerne bel et bien des renseignements visés par le paragraphe
3° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi. À défaut de répondre à cette
condition, l’avocat du plaignant requiert de la Commission que les témoignages
soient réentendus en sa présence.
[15]
La disposition précitée de la Loi se lit :
28. Un organisme public doit refuser de
confirmer
l'existence
ou
de
donner
communication d'un renseignement obtenu
par une personne qui, en vertu de la loi, est
chargée de prévenir, détecter ou réprimer le
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crime ou les infractions aux lois, lorsque sa
divulgation serait susceptible:
[...]
3° de révéler une méthode d'enquête, une
source
confidentielle
d'information,
un
programme ou un plan d'action destiné à
prévenir, détecter ou réprimer le crime ou
les infractions aux lois;
4
o
[...]
[16]
La Commission autorise que ces témoignages soient ainsi rendus, sous
réserve du respect de la condition énoncée par l’avocat du plaignant.
[17]
La Commission estime que les témoignages de messieurs Sylvain
Chabot, membre du corps de police de la Sûreté du Québec en poste au sein du
GRICO à l’époque des faits sous examen, et Alain Dufour, directeur principal des
enquêtes au sein du MRQ à la même époque, ainsi entendus en l’absence du
plaignant et de son avocat, M
e
Leduc, renseignent en substance et
essentiellement sur un plan d’action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le
crime ou les infractions aux lois et, plus spécifiquement, sur les objectifs, la mise
en œuvre et le fonctionnement de certaines opérations du Groupe régional
d’intervention contre le crime organisé (GRICO) à l’époque des événements qui
font l’objet de la plainte. Un document (protocole d’entente entre la Sûreté du
Québec et le MRQ signé en septembre 1997), déposé sous pli confidentiel par le
témoin Chabot sous la cote SQ-1 au cours de son témoignage, renseigne de
plus et en substance sur des méthodes d’enquête.
[18]
Dans les circonstances, ces témoignages ainsi entendus ex parte et à
huis clos et le document SQ-1 ne peuvent être communiqués, en application de
la disposition précitée.
[19]
La Commission frappe d’un interdit de publication, de diffusion et de
divulgation le protocole et ses annexes déposés en preuve sous la cote SQ-1.
[20]
Considérant en particulier le contenu des échanges entre les avocats des
parties et de la Commission durant la conférence à huis clos tenue entre ces
derniers devant la Commission juste avant le témoignage ex parte et à huis clos
de monsieur Chabot, la Commission est convaincue que M
e
Leduc est
suffisamment informé de l’existence, du fonctionnement, des objectifs généraux,
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des activités générales du GRICO et de l’identité de ses partenaires pour
représenter adéquatement et efficacement son client, le plaignant.
ADMISSIONS
[21]
Au cours de la séance du 3 décembre 2002, le MSP fait des admissions,
confirmées ultérieurement comme suit dans la lettre de son avocat, M
e
Claude
Gagnon, expédiée par télécopieur le jour même, à la Commission et aux autres
parties :
Au printemps 1997, compte tenu du mode de fonctionnement de GRICO,
monsieur Luc Lachance, vérificateur du ministère du Revenu a eu accès
à la déclaration statutaire de X, déclaration obtenue par les
enquêteurs Michel Marcotte et Robert Garnier de la Sûreté du Québec le
13 mars 1997. Peu de temps après, à la demande du service des
enquêtes du ministère du Revenu, une copie de la déclaration statutaire
de X leur fut transmise par télécopieur par monsieur Allan
Richard de la Sûreté du Québec.
[22]
De surcroît, les témoignages de messieurs Sylvain Chabot et Alain Dufour
confirment, en substance, l’essentiel de ces admissions.
[23]
Est également admis par le MSP que la communication en cause ici n’a
pas fait l’objet d’une inscription dans un registre tenu conformément à l’article
67.3 de la Loi.
LA PREUVE
[24]
Le plaignant dépose sa plainte et les documents qui y étaient annexés
sous les cotes suivantes :
P-1
La plainte que son avocat, à l’époque M
e
Y. André LeBoutillier,
adresse en son nom à la Commission, le 22 juillet 1999;
P-2
Copie de la déclaration statutaire que le plaignant a faite aux
policiers de la Sûreté du Québec le 13 mars 1997 et qu’il a
signée le même jour; à sa face même, cette déclaration contient
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des renseignements nominatifs concernant le plaignant et
d’autres personnes physiques;
P-3
Copie de la dénonciation de la communication faite le 20 avril
1999 par l’avocat du plaignant, M
e
Y. André LeBoutillier, à la
responsable de l’accès du MSP et à laquelle était jointe copie
de la déclaration statutaire P-2;
P-4
Copie de l’accusé de réception de la Responsable de l’accès du
MSP datée du 28 avril 1999;
P-5
Copie de la lettre adressée le 8 juin 1999 par M
e
LeBoutillier à la
Responsable de l’accès de MSP;
P-6
Réponse de la Responsable de l’accès du MSP datée du 21
juin 1999 adressée à M
e
LeBoutillier relativement à la
dénonciation P-3.
[25]
L’essentiel de la preuve testimoniale et documentaire présentée ex parte
et à huis clos concerne, nous l’avons vu, le fonctionnement du GRICO.
[26]
Messieurs Chabot et Dufour établissent, dans le détail, les objectifs de
GRICO ainsi que son fonctionnement quotidien à l’époque où les événements
sous enquête se déroulent.
[27]
Monsieur Chabot mentionne que certaines activités de GRICO ont fait
l’objet d’un protocole d’entente entre la Sûreté du Québec et le MRQ signé le 10
septembre 1997. Il affirme qu’aucune entente formelle n’avait été signée à ce
sujet entre ces parties antérieurement et que le Protocole n’a aucun effet
rétroactif. Ce Protocole et ses annexes sont déposés en preuve par le témoin
sous la cote SQ-1, et ce, sous le sceau de la confidentialité, compte tenu que la
divulgation de ce document est susceptible de révéler un plan d’action destiné à
prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois et des
méthodes d’enquête.
[28]
Monsieur Chabot admet cependant que la communication qui fait l’objet
de la présente plainte et qui a été admise plus haut, s’est faite avant la signature
de ce protocole. Cette communication est survenue après le dépôt des
accusations criminelles contre le plaignant, donc en avril ou mai 1997 dans un
premier temps et le document lui-même a été transmis un peu plus tard, mais
avant septembre 1997.
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[29]
Ces deux témoignages révèlent que les informations transmises par la
Sûreté du Québec au MRQ sont utilisées par le MRQ dans l’application des lois
fiscales qu’il a à administrer.
[30]
En particulier, il appert de ces témoignages que l’accès aux
renseignements détenus par la Sûreté du Québec concernant le plaignant et qui
est accordé par la Sûreté du Québec au MRQ, dans le cadre des activités du
GRICO, permet au MRQ, dans un premier temps, de vérifier et de mesurer
préliminairement, en tenant compte des données dont il dispose déjà au dossier
fiscal du plaignant, la possibilité d’une évasion ou d’une fraude fiscale.
[31]
Monsieur Dufour ajoute que dès que le MRQ constate l’intérêt fiscal de
cette information, c’est-à-dire la possibilité sérieuse de fraude ou d’évasion
fiscale par le plaignant, le MRQ demande à la Sûreté du Québec de lui
communiquer le document contenant l’information à laquelle il a eu accès dans
un premier temps.
[32]
Le témoin Dufour ajoute que le Projet de loi n
o
14, adopté par l’Assemblée
nationale le 7 mai 2002 et sanctionné le 15 mai 2002, est venu postérieurement
officialiser ce type de communications bilatérales entre la Sûreté du Québec et le
MRQ par l’ajout des articles 69.0.0.12 et 69.0.0.14 à la Loi sur le ministère du
Revenu :
69.0.0.12. Un fonctionnaire ou un employé
du ministère du Revenu autorisé par
règlement peut, sans le consentement de la
personne concernée, communiquer à un
membre
d’un
corps
de
police
un
renseignement contenu dans un dossier
fiscal avec l’autorisation d’un juge de la
Cour du Québec qui, sur la foi d’une
déclaration faite par écrit et sous serment,
est convaincu qu’il existe des motifs
raisonnables
de
croire
que
ce
renseignement peut servir à prévenir ou à
réprimer une infraction grave commise ou
sur le point d’être commise par une
personne qui fait partie d’une organisation
criminelle ou qui participe, ou a participé,
aux activités d’une organisation criminelle,
qu’elle ait ou non fait l’objet d’une
condamnation liée à cette participation.
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Une demande d’autorisation présentée en
vertu du présent article est confidentielle
ainsi que le dossier ayant trait à l’audience.
Le greffier de la Cour du Québec prend les
mesures nécessaires pour assurer la
confidentialité du dossier relatif à cette
demande d’autorisation ainsi que des
renseignements qui y sont relatifs.
Le juge saisi de la demande d’autorisation
entend le fonctionnaire ou l’employé ex
parte et à huis clos. Il peut rendre toute
ordonnance qu’il estime indiquée pour
assurer la confidentialité de la demande et
des renseignements sur lesquels porte
l’audience. Le dossier est ensuite placé
sous scellé et gardé dans un lieu interdit au
public.
Dans le présent article, l’expression:
«infraction grave»;
«infraction grave» désigne tout acte
criminel passible d’un emprisonnement
maximal de cinq ans ou plus ou toute autre
infraction désignée par règlement;
«organisation criminelle.»;
«organisation
criminelle»
désigne
un
groupe d'au moins trois personnes, quel
qu'en soit le mode d'organisation, dont un
des objets principaux ou une des activités
principales est de commettre ou de faciliter
une ou plusieurs infractions graves qui, si
elles étaient commises, pourraient lui
procurer, ou procurer à une personne qui en
fait partie, directement ou indirectement, un
avantage matériel, notamment financier;
toutefois, une telle organisation criminelle
ne comprend pas un groupe d'individus
formé au hasard pour la perpétration
immédiate d'une seule infraction.
69.0.0.14. Outre les situations prévues à
l’article 59 de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels
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Page : 9
(chapitre A-2.1), un corps de police peut
communiquer, sans le consentement de la
personne concernée si elle fait partie d’une
organisation criminelle, au sens de l'article
69.0.0.12, ou si elle participe ou a participé
aux
activités
d’une
telle
organisation
criminelle, qu'elle ait ou non fait l’objet d’une
condamnation liée à cette participation, à un
fonctionnaire ou à un employé autorisé
conformément au premier alinéa de l’article
69.0.0.12
tout
renseignement
pour
l'application ou l'exécution d'une loi fiscale.
PLAIDOIRIES
[33]
Les avocats du MSP et du MRQ plaident que cette communication,
d’abord de renseignements nominatifs, puis du document contenant ces mêmes
renseignements nominatifs concernant le plaignant et d’autres personnes
physiques sans le consentement de ces derniers, entre avril et septembre 1997,
par la Sûreté du Québec au MRQ, est autorisée de toute façon par l’article 67 de
la Loi, puisque la preuve a démontré qu’elle est nécessaire à l’application des
lois fiscales par le MRQ :
67.
Un organisme public peut, sans le
consentement de la personne concernée,
communiquer un renseignement nominatif à
toute personne ou organisme si cette
communication est nécessaire à l'application
d'une loi au Québec.
[34]
L’avocat du plaignant maintient que la communication au MRQ est illégale
et demande que la Commission ordonne au MRQ de cesser d’utiliser, puis, de
détruire la déclaration statutaire P-2 ainsi que les informations en découlant se
trouvant consignées dans l’ensemble des dossiers de son client, conformément
aux pouvoirs que lui confèrent les paragraphes 1° et 3° de l’article 128 de la Loi.
[35]
À ce sujet, l’avocate du MRQ estime que la Commission ne peut ordonner
au MRQ de détruire le document communiqué ou de retirer les renseignements
qu’il contient des dossiers du plaignant puisque les renseignements
communiqués sont nécessaires à l’application d’une loi qu’il a à administrer.
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Page : 10
[36]
Elle ajoute que la Cour suprême du Canada, dans la très récente affaire
Laroche
1
, semble trouver très normal que des organismes publics s’échangent
des renseignements dont ils ont besoin dans l’application des lois :
84 Il n'est pas nécessaire de s'arrêter longuement à l'interprétation de
l'arrêt Colarusso. Il suffit de noter que le fonctionnaire de la S.A.A.Q.
vérifiait des dossiers de reconstruction de véhicules, soumis par les
intimés pour obtenir des certificats de conformité technique. Les
informations obtenues à cette occasion avaient été fournies à l'origine par
les intimés en exécution d'obligations imposées par la législation et les
règlements applicables en vertu de cette dernière. Laroche et le Garage
Côté Laroche Inc. devaient savoir que ces renseignements seraient
nécessairement examinés et vérifiés par la S.A.A.Q. et n'avaient pas, à
proprement parler, de caractère privé à l'égard de l'administration
publique. En effectuant et en amplifiant son enquête, le fonctionnaire ne
faisait que remplir les devoirs de ses fonctions. La transmission de
renseignements à la police pour ouvrir une enquête sur les irrégularités
constatées se rattachait à l'exécution de ses fonctions. Ces
renseignements constituaient une base raisonnable et probable pour
l'obtention des mandats de perquisition sous-jacents au stade de
l'émission et de la révision de l'ordonnance de blocage et des mandats de
saisie; ils constituaient une source d'information importante sur les
activités criminelles des intimés. L'erreur du juge sur l'arrêt Colarusso
paraît l'avoir conduit à n'y accorder ni attention ni valeur, puisque les
saisies et le blocage ont été annulés même à l'égard des Toyota Tacoma
et des véhicules supposément reconstruits.
[37]
L’avocat du plaignant souligne que le MSP n’a pas inscrit la
communication en cause ici dans un registre en contravention aux prescriptions
de l’article 67.3 de la Loi.
[38]
À ce dernier sujet, l’avocate du MRQ souligne que le fait pour le MSP de
ne pas se conformer à l’inscription au registre prévue à l’article 67.3 de la Loi n’a
pas pour effet d’invalider la communication. S’il en était ainsi, la Loi aurait prévu
telle invalidation. Elle ajoute que la Loi a prescrit cette inscription au registre afin
que la personne concernée par le renseignement communiqué soit avisée
qu’une communication de renseignements nominatifs la concernant a eu lieu
sans son consentement. Elle souligne que le plaignant n’a subi aucun préjudice
du défaut d’inscription puisqu’il ressort de la lettre déposée sous la cote P-3 que,
1
Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, paragraphe 84, rendue le 21
novembre 2002 à la majorité.
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le 10 juillet 1997, il était déjà informé par le MRQ que celui-ci était en possession
de la déclaration statutaire P-2.
[39]
De son côté, l’avocat du MSP plaide que le plaignant, en signant la
déclaration statutaire faite aux policiers (P-2), devait s’attendre à ce qu’elle soit
utilisée contre lui et éventuellement produite contre lui dans un procès. Le
plaignant n’avait donc, au départ, aucune raison de s’attendre à ce que les
renseignements contenus dans sa déclaration statutaire soient considérés
comme relevant de sa vie privée ou méritent la protection généralement
accordée à des renseignements de cette nature.
[40]
L’avocat du MSP ajoute que le contenu de cette déclaration s’est trouvé
revêtu d’un caractère confidentiel et nominatif à partir du moment où les
procédures criminelles se sont terminées sans que la déclaration statutaire P-2
n’y ait été produite, ce qui est le cas ici, souligne-t-il.
[41]
Dès lors, soutient l’avocat du MSP, il suffit d’appliquer l’article 67 de la Loi
qui vise la communication de renseignements nominatifs. L’effet de cette
disposition est de procurer au MSP l’autorisation d’agir légalement
2
en exerçant
sa discrétion de communiquer les renseignements en cause au MRQ, ce qu’il a
fait.
[42]
L’avocat du plaignant souscrit à l’énoncé que dès qu’une personne est
inculpée ou fait l’objet d’un acte d’accusation, l’accusation est revêtue d’un
caractère public puisque les tribunaux en sont saisis. Il convient aussi qu’il est
possible que la Couronne se serve de la déclaration statutaire en sa possession
(P-2) et la dépose en preuve, ce qui la revêtirait dès lors d’un caractère public. Il
rappelle que tant que la déclaration n’est pas déposée en preuve elle conserve
son caractère nominatif, ce qui est le cas ici.
DÉCISION
2
Syndicat des travailleurs et travailleuses du Centre d’accueil Émilie Gamelin et de la
Résidence Armand Lavergne (C.S.N.) c. Centre d’accueil Émilie Gamelin, [1990] CAI
286 (C.S.) 294.
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[43]
En vertu de l’article 50 de la Loi sur la police
3
, la Sûreté du Québec est un
corps de police agissant sous l’autorité du ministre de la Sécurité publique :
50. La Sûreté du Québec, corps de police
national, agit sous l'autorité du ministre de
la Sécurité publique et a compétence pour
prévenir et réprimer les infractions aux lois
sur l'ensemble du territoire du Québec.
La Sûreté a également compétence pour
prévenir et réprimer les infractions aux
règlements municipaux applicables sur le
territoire des municipalités sur lequel elle
assure des services policiers.
[44]
Le MSP est l’organisme détenteur des renseignements communiqués
contre qui est formulée la plainte.
[45]
La preuve établit que le MSP a obtenu et détient les renseignements
contenus dans la déclaration statutaire P-2 en raison des activités policières des
membres de la Sûreté du Québec dans l’exercice de leur compétence prévue à
l’article 50 de la Loi sur la police, soit celle de prévenir, détecter ou réprimer le
crime ou les infractions aux lois.
[46]
La preuve démontre que les renseignements contenus dans la déclaration
statutaire (P-2) ont d’abord fait l’objet d’un accès consenti par la Sûreté du
Québec au MRQ via le GRICO.
[47]
Il est établi qu’après vérification de l’intérêt fiscal de ces renseignements,
le MRQ requiert de la Sûreté du Québec que copie du document contenant ces
renseignements lui soit communiquée, ce qui fut fait par télécopieur.
[48]
Les renseignements contenus dans la déclaration statutaire P-2 sont donc
des renseignements de nature nominative visés par les articles 53 et 59 de la Loi
concernant le plaignant et d’autres personnes physiques qui ont été obtenus par
une personne visée par le premier alinéa de l’article 28 de la Loi.
3
L.R.Q., c. P-13.1. Cet article remplace l’article 39 de la Loi de police, L.R.Q., c. P-13
en vigueur au moment des événements sous examen et abrogé le 16 juin 2000.
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Page : 13
[49]
Rien dans la preuve présentée ne vient contredire l’allégation du plaignant
que ces communications se sont faites sans son consentement.
[50]
Rien dans la preuve n’est venu établir que les autres personnes qui sont
concernées par ces renseignements ont autorisé leur communication au MRQ.
[51]
Rien dans la preuve ne vient établir que les renseignements contenus
dans la déclaration statutaire P-2 sont, au moment de leurs communications au
MRQ, revêtus d’un caractère public ou ont fait l’objet d’un dépôt en preuve dans
une procédure judiciaire ou quasi judiciaire.
[52]
Les articles 59 et 28 de la Loi prévoient de quelle façon un organisme qui
les détient doit traiter ces renseignements.
[53]
À cet égard, les faits de l’affaire Laroche, qui ont fait l’objet d’une étude
par la Cour suprême du Canada, n’ont pas été évalués par cette dernière à la
lumière des dispositions de la présente Loi, en particulier à la lumière de ses
articles 59 et 28. De plus, il n’est pas possible de déceler de façon certaine, à la
lecture de cet arrêt, si les renseignements transmis par l’agent enquêteur de la
S.A.A.Q. étaient de la nature de ceux visés par les articles 59 et 28. Tout au plus
peut-on comprendre que ces renseignements n’étaient pas de nature à soulever
d'attente raisonnable en matière de vie privée et qu’ils avaient été obtenus en
vertu d'une loi ou d'un règlement qui les exigeait, ce qui n’est manifestement pas
le cas des renseignements communiqués en l’espèce par la Sûreté du Québec.
LES ARTICLES 53 et 59 DE LA LOI ( renseignements nominatifs)
[54]
Ces articles se lisent :
53.
Les renseignements nominatifs sont
confidentiels sauf dans les cas suivants:
1° leur divulgation est autorisée par la
personne qu'ils concernent; si cette personne
est mineure, l'autorisation peut également
être donnée par le titulaire de l'autorité
parentale;
2° ils portent sur un renseignement
obtenu
dans
l'exercice
d'une
fonction
d'adjudication par un organisme public
exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils
demeurent
cependant
confidentiels
si
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l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait
à huis-clos ou s'ils sont visés par une
ordonnance de non-divulgation, de non-
publication ou de non-diffusion.
59.
Un
organisme
public
ne
peut
communiquer un renseignement nominatif
sans le consentement de la personne
concernée.
Toutefois, il peut communiquer un tel
renseignement sans le consentement de
cette personne, dans les cas et aux strictes
conditions qui suivent:
1°
au
procureur
de
cet
organisme si le renseignement est requis aux
fins d'une poursuite pour infraction à une loi
que cet organisme est chargé d'appliquer, ou
au Procureur général si le renseignement est
requis aux fins d'une poursuite pour infraction
à une loi applicable au Québec;
2°
au
procureur
de
cet
organisme, ou au Procureur général lorsqu'il
agit comme procureur de cet organisme, si le
renseignement est requis aux fins d'une
procédure judiciaire autre qu'une procédure
visée dans le paragraphe 1
o
;
3°
à une personne qui, en vertu
de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou
réprimer le crime ou les infractions aux lois, si
le renseignement est requis aux fins d'une
poursuite pour infraction à une loi applicable
au Québec;
4°
à une personne à qui cette
communication doit être faite en raison d'une
situation d'urgence mettant en danger la vie,
la santé ou la sécurité de la personne
concernée;
5°
à une personne qui est
autorisée par la Commission d'accès à
l'information, conformément à l'article 125, à
utiliser ce renseignement à des fins d'étude,
de recherche ou de statistique;
6°
[Disposition abrogée.]
7°
[Disposition abrogée.]
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8°
à une personne ou à un
organisme, conformément aux articles 61,
67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1;
9°
à une personne impliquée
dans un événement ayant fait l'objet d'un
rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit
d'un renseignement sur l'identité de toute
autre personne qui a été impliquée dans cet
événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un
dénonciateur ou d'une personne dont la
santé ou la sécurité serait susceptible d'être
mise en péril par la communication d'un tel
renseignement.
[55]
En vertu du premier alinéa de l’article 59, un organisme ne peut, en
principe, communiquer des renseignements nominatifs sans le consentement de
la personne concernée. Il s’agit d’une prohibition expresse et formelle
4
.
[56]
Cependant, à certaines conditions et dans certains cas très stricts,
l’organisme peut communiquer certains renseignements. Les paragraphes 1°à 9°
du deuxième alinéa de l’article 59 spécifient quels sont ces cas et conditions,
quels renseignements peuvent faire l’objet de la communication et qui peut les
recevoir.
[57]
Le paragraphe 8° du deuxième alinéa de l’article 59 prévoit qu’un
organisme qui détient un renseignement nominatif peut, conformément à l’article
67 (précité), communiquer ce renseignement à un organisme si ce
renseignement est nécessaire à l’application d’une loi au Québec.
[58]
Même s’il était prouvé que la communication est nécessaire à l’application
par le MRQ des lois fiscales qu’il a à administrer, situation prévue au paragraphe
8° de l’article 59 de la Loi, il n’en reste pas moins que la décision du MSP de
communiquer est purement discrétionnaire, qu’il peut toujours refuser de le faire
et que le principe est la protection de ce renseignement nominatif par le MSP.
[59]
Est-ce que de son propre chef le MSP peut communiquer un
renseignement nominatif qu’il détient à un autre organisme, sans le
consentement de la personne concernée, s’il s’aperçoit que ce renseignement
nominatif est nécessaire à l’application d’une loi que cet autre organisme est
chargé d’administrer?
4
Op. cit, supra, note 2, p. 294.
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Page : 16
[60]
L’économie de la Loi et la logique qui la sous-tend portent à conclure par
la négative.
[61]
En effet, compte tenu du principe de confidentialité consacré par le
premier paragraphe de l’article 59 et auquel est assujetti l’organisme détenteur et
compte tenu que la capacité de déterminer si un renseignement est nécessaire à
l’application d’une loi est généralement reconnue à l’organisme qui est
responsable de son application et de sa mise en œuvre, il est difficile d’admettre
que l’organisme détenteur du renseignement puisse légitimement exercer, de
son propre chef, la discrétion de communiquer ce renseignement après avoir fait
la détermination de nécessité habituellement réservée à l’organisme receveur.
[62]
Cette conclusion négative est compatible avec l’obligation d’interpréter, de
façon restrictive, les dispositions d’exception au principe de confidentialité du
premier alinéa de l’article 59.
[63]
L’organisme détenteur, ici le MSP, ne pourra communiquer le
renseignement nominatif visé par l’article 67 que sur demande de l’organisme
receveur, le MRQ, qui aura justifié le bien-fondé de sa demande.
[64]
Enfin, les auteurs Doray et Charette, se penchant sur l’application de
l’article 67 de la Loi, écrivent ce qui suit
5
:
67/1 Application facultative. Il faut constater que même si la
communication en était une nécessaire à l’application d’une loi, la
présence du mot « peut » à l’article 67 indique que cette disposition est
d’application facultative. L’organisme a donc le choix d’y donner effet ou
pas et la Commission ne peut en ordonner la communication : Syndicat
des professeurs de la région de Jonquière c. CÉGEP de Jonquière,
[1986] CAI 347.
67/2. Autorisation d’agir légalement. L’article 59 qui édicte qu’un
organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans
le consentement de la personne concernée se trouve dans le chapitre III
de la Loi qui traite de la protection des renseignements personnels. Le
principe est donc toujours le même : les renseignements nominatifs sont
confidentiels et ne peuvent être dévoilés sans l’autorisation de la
personne concernée. Le « peut » de l’article 59 signifie donc que, dans
5
Doray, Raymond et Charette, François. Accès à l’information : loi annotée,
jurisprudence, analyse et commentaires, Volume 1, Ed. Yvon Blais, p. III/67-4, mise
à jour 5 déc. 2001.
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Page : 17
les cas énumérés, un organisme peut, sans contrevenir à l’article 53,
communiquer un renseignement nominatif. Le même raisonnement vaut
pour les articles 67 et 67.1. Ces dispositions ne comportent pas un droit
mais bien une autorisation d’agir légalement : Syndicat des travailleurs et
travailleuses du Centre d’accueil Émilie Gamelin et de la Résidence
Armand Lavergne (C.S.N.) c. Centre d’accueil Émilie Gamelin, [1990] CAI
286 (C.S.). appel rejeté, jugement non rapporté, C.A.M., n° 500-09-
001378-900, 25 novembre 1994.
[65]
Dans le cas qui nous occupe ici, il peut sembler évident qu’une
déclaration où une personne reconnaît que certaines opérations lui ont
approximativement rapporté tel revenu soit nécessaire à l’application d’une loi
fiscale que le MRQ a pour mission d’appliquer, mais la conclusion de nécessité
n’est pas toujours aussi facile ou évidente à établir.
[66]
D’ailleurs, cette conclusion de nécessité n’est certes pas évidente pour les
renseignements qui concernent les tierces personnes physiques nommées à la
déclaration P-2, renseignements qui ne laissent pas nécessairement supposer
des revenus pour ces personnes et dont on peut douter qu’ils représentent un
intérêt fiscal pour le MRQ.
[67]
Ainsi, pour illustrer les dangers de cette interprétation libérale des
exceptions prévues aux paragraphes 1° à 9° du deuxième alinéa de l’article 59
ainsi que de l’article 67, interprétation proposée par le MSP et le MRQ, il suffit de
rappeler qu’elle pourrait être la cause de l’inexécution flagrante de l’obligation
faite au MSP par l’article 69 de la Loi d’assurer le caractère confidentiel des
renseignements qu’il détient sur les tierces personnes physiques touchées par la
déclaration P-2 :
69.
La communication de renseigne-
ments nominatifs visée par les articles 67,
67.1, 67.2, 68 et 68.1 doit être faite de
manière à assurer le caractère confidentiel
des renseignements nominatifs. Dans les
cas où une entente écrite doit être conclue,
cette entente doit mentionner les moyens mis
en œuvre pour assurer cette confidentialité.
[68]
Il est contraire à l’économie de la Loi qu’un organisme détenteur
communique de son propre chef des renseignements nominatifs dont il a la
garde et dont il doit assurer la confidentialité, et ce, sur la foi de son appréciation
de la nécessité de la communication prévue à l’article 67.
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[69]
L’autre organisme devra plutôt le convaincre de cette nécessité. Ainsi
convaincu,
l’organisme
détenteur
se
sentira
légalement
autorisé
de
communiquer sans contrevenir à la Loi et pourra exercer sereinement la
discrétion que lui octroi l’article 59, alinéa 2
e
de communiquer ou non le
renseignement demandé.
[70]
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, muni de cette garantie de nécessité
provenant du MRQ, le MSP aurait pu limiter sa communication aux seuls
renseignements concernant le plaignant en masquant les renseignements
concernant les tierces personnes physiques.
[71]
La preuve démontre que le MSP a, dans un premier temps et de son
propre chef, donné au MRQ accès au contenu de la déclaration statutaire P-2
sans que le MRQ ne lui en demande la communication, le tout contrairement aux
strictes conditions d’application du 2
e
alinéa de l’article 59 et de son paragraphe
8°.
[72]
Ce faisant, la Commission est d’avis que le MSP a transgressé la
prohibition de communication énoncée à l’article 59 de la Loi.
L’ARTICLE 28 DE LA LOI (renseignements obtenus par un policier)
[73]
En vertu de l’article 28 de la Loi, il est interdit à un organisme de donner
communication et même de confirmer l’existence d’un renseignement, que ce
renseignement soit de nature nominative ou non, obtenu par une personne
chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, et
ce, dans certaines circonstances précises, dont celle prévue au paragraphe 5° :
28. Un organisme public doit refuser de
confirmer
l'existence
ou
de
donner
communication d'un renseignement obtenu
par une personne qui, en vertu de la loi, est
chargée de prévenir, détecter ou réprimer le
crime ou les infractions aux lois, lorsque sa
divulgation serait susceptible:
[…]
5°
de causer un préjudice à une
personne qui est l'auteur du renseignement
ou qui en est l'objet;
[…]
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[74]
Il appert, à la face même de la lecture de la déclaration statutaire P-2, que
ce document contient des renseignements dont la divulgation était susceptible,
au moment où elle a été faite, de causer préjudice au plaignant qui est l’auteur
du renseignement en même temps qu’il en est l’objet.
[75]
À ce dernier sujet, les auteurs Doray et Charrette écrivent
6
, soutenus par
la jurisprudence
7
, ce qui suit :
[…] si une même personne est à la fois l’auteur d’une déclaration et
l’objet de cette déclaration en regard d’un événement qui a donné lieu à
une intervention policière, il est vraisemblable que cette déclaration, qui
constitue souvent un aveu extrajudiciaire, puisse porter préjudice à cette
personne. […]
[…]
D’une manière générale, la Commission a considéré que l’association
entre le nom d’une personne et un manquement à une obligation ou à
une loi était susceptible de causer un préjudice à cette personne
physique ou morale et enclenchait l’application du paragraphe 5° du
premier alinéa de l’article 28.
[76]
Cette interprétation est raisonnable compte tenu que toute personne qui
fait l’objet d’une enquête policière au sens du premier alinéa de l’article 28,
comme c’est le cas ici, est présumée innocente du crime qu’on la soupçonne
d’avoir commis.
[77]
À
sa
face
même,
cette
déclaration
contient
également
des
renseignements dont la divulgation était susceptible, au moment où elle a été
faite, de causer préjudice à des personnes autres que le plaignant et qui sont
l’objet, en partie, de cette déclaration. Ces personnes se trouvent associées aux
actes répréhensibles avoués par le plaignant. De ce seul fait, la divulgation de
ces renseignements nominatifs les concernant risque vraisemblablement de leur
causer préjudice.
6
Ib. id., p. II/28-20 et II/28-21.
7
Belisle c. Centre de services sociaux Laurentides-Lanaudière, [1986] CAI 105;
Francoeur c. Commission de police du Québec, [1986] CAI 133; Dupont c. Québec
(ministère de la Justice), (1984-86) 1 CAI 317; Cloutier c. Alma (Ville de) (1984-86)
1 CAI 448.
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Page : 20
[78]
Lors de leur communication au MRQ, les renseignements en cause sont
détenus par le MSP au sens de la Loi et sont visés par le paragraphe 5° du
premier alinéa de l’article 28.
[79]
Cette communication par le MSP au MRQ, objet de la plainte, était
prohibée alors et a été faite en contravention à cette disposition de la Loi.
PROTOCOLE D’ENTENTE ENTRE LA SÛRETÉ DU QUÉBEC ET LE MRQ
[80]
Ce protocole déposé sous pli confidentiel sous la cote SQ-1 est intervenu
après la communication des renseignements qui fait l’objet de la plainte.
[81]
Le considérer ne serait pas pertinent à l’étude de la présente plainte si ce
n’était que les organismes, en l’invoquant aujourd’hui, semblent croire que la
signature de ce protocole a régularisé une situation autrefois délinquante.
[82]
Puisque l’existence de cette entente d’échange de renseignements a été
soulevée, il doit être ajouté qu’elle n’a pas été approuvée par la Commission
alors qu’il est loin d’être clair, à sa lecture, que les organismes impliqués soient
dispensés de cette approbation.
[83]
Même si ce protocole avait été en vigueur à l’époque de la communication
visée par la plainte, il n’aurait pu la permettre. En effet, la Loi sur l’accès étant
une Loi prépondérante et ses dispositions 28 et 59 étant d’ordre public, nulle
entente contractuelle ne peut y déroger, à moins que la loi ne l’y autorise, ce qui
n’a pas été démontré ici.
MODIFICATIONS À LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU REVENU
8
[84]
Un des témoins a fait état que l’ajout à cette loi de l’article 69.0.0.14,
sanctionné en mai 2001 et qu’il convient de citer une seconde fois, a
ultérieurement officialisé la légalité de la communication qui fait l’objet de la
plainte :
69.0.0.14. Outre les situations prévues à
l’article 59 de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la
8
L.R.Q., c. M-31, article 69.0.0.14
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Page : 21
protection des renseignements personnels
(chapitre A-2.1), un corps de police peut
communiquer, sans le consentement de la
personne concernée si elle fait partie d’une
organisation criminelle, au sens de l'article
69.0.0.12, ou si elle participe ou a participé
aux
activités
d’une
telle
organisation
criminelle, qu'elle ait ou non fait l’objet d’une
condamnation liée à cette participation, à un
fonctionnaire ou à un employé autorisé
conformément au premier alinéa de l’article
69.0.0.12
tout
renseignement
pour
l'application ou l'exécution d'une loi fiscale.
[85]
Cet énoncé n’est pas fondé en droit. Il fait de surcroît forcément sous-
entendre que ces échanges de renseignements n’étaient pas autorisés par la Loi
auparavant.
[86]
L’article 69.0.0.14 de la Loi sur le ministère du revenu ne vient nullement
légaliser l’échange du type de renseignements visé par la plainte. L’article 168
de la Loi exige qu’une disposition législative contraire aux dispositions de la Loi,
adoptée postérieurement à cette dernière, indique expressément que cette
nouvelle disposition législative s’applique malgré les dispositions de la Loi pour
prévaloir sur ces dernières :
168.
Les dispositions de la présente loi
prévalent sur celles d'une loi générale ou
spéciale
postérieure
qui
leur
seraient
contraires, à moins que cette dernière loi
n'énonce expressément s'appliquer malgré la
présente loi.
[87]
Rien dans le libellé de l’article 69.0.0.14 n’indique que cet article
s’applique malgré les articles 28 et 59 de la Loi.
[88]
Il faut CONCLURE que le MSP a contrevenu aux articles 59 et 28 de la
Loi en communiquant, à l’époque où il l’a fait, les renseignements contenus dans
la déclaration statutaire P-2 au MRQ.
[89]
Il faut CONCLURE que cette communication est, par conséquent, illégale.
PP 99 12 93
Page : 22
[90]
Il faut CONCLURE que cette communication n’est pas autorisée par la
Loi au sens de l’article 89 de la Loi :
89.
Toute
personne
qui
reçoit
confirmation de l'existence dans un fichier
d'un renseignement nominatif la concernant
peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque,
ou si sa collecte, sa communication ou sa
conservation ne sont pas autorisées par la
loi, exiger que le fichier soit rectifié.
[91]
Il faut CONCLURE également que, conformément à cette dernière
disposition, la communication au MRQ étant illégale ou non-autorisée par la Loi,
ce dernier ne peut conserver, dans le dossier du plaignant ou, le cas échéant, de
toute autre personne concernée par les renseignements en cause ici, les
renseignements ainsi communiqués illégalement ou toute référence à ceux-ci.
[92]
EN CONSÉQUENCE, LA PLAINTE EST FONDÉE; et
Le protocole et ses annexes déposés en preuve sous la cote SQ-1 sont
FRAPPÉS D’UN INTERDIT TOTAL de publication, de diffusion et de
divulgation par la Commission;
La déclaration statutaire P-2 est FRAPPÉE D’UN INTERDIT de
publication, de diffusion et de divulgation par la Commission, telle
interdiction ne valant pas à l’égard des parties et du participant à
l’audience;
Afin de préserver son droit à la vie privée, il est INTERDIT À LA
COMMISSION de publier, diffuser et divulguer l’identité du plaignant, telle
interdiction ne valant pas à l’égard des parties et du participant à la
présente audience;
La communication par le MSP au MRQ des renseignements contenus
dans la déclaration statutaire P-2 s’est faite en contravention aux articles
59 et 28 de la Loi;
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Page : 23
La communication par le MSP au MRQ des renseignements contenus
dans la déclaration statutaire P-2 est ILLÉGALE, au moment où cette
communication s’est opérée;
Conformément aux paragraphes 1° et 3° de l’article 128 de la Loi, IL EST
ORDONNÉ au MRQ d’immédiatement détruire ou retirer la déclaration
statutaire P-2 ou de cesser d’utiliser cette dernière et de masquer toute
référence aux renseignements nominatifs qu’elle contient de l’ensemble
des dossiers qu’il détient sur le plaignant;
Conformément aux paragraphes 1° et 3° de l’article 128 de la Loi, IL EST
ORDONNÉ au MRQ d’immédiatement détruire ou retirer la déclaration
statutaire P-2 ou de cesser d’utiliser cette dernière et de masquer toute
référence aux renseignements nominatifs qu’elle contient de l’ensemble
des dossiers qu’il détient sur toute autre personne concernée par ces
renseignements;
IL EST ORDONNÉ au MRQ de délivrer au plaignant, dans les trois (3)
mois de la signification de copie des présentes ordonnances, une
attestation de tels destruction, retrait et/ou masquage effectués dans son
dossier et une attestation de telle cessation d’utilisation de cette
déclaration;
IL EST ORDONNÉ au Responsable de l’accès du MRQ de faire rapport à
la Commission, dans les trois (3) mois de la signification de copie des
présentes ordonnances, sur la façon dont ces dernières ont été exécutées
et de lui confirmer leur exécution complète.
Québec, le 7 juillet 2003
M
e
DIANE BOISSINOT
commissaire
Avocat de la Commission :
M
e
Jean Laurent
Avocat du plaignant :
M
e
François Leduc
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Avocat du MSP :
M
e
Claude Gagnon
Avocate du MRQ :
M
e
Nancy Morency
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