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Dossier : 02 09 18 Date : 20030527 Commissaire : Christiane Constant SS Demandeur c. Commissaire à la déontologie policière Organisme public DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] M. S S (le « demandeur ») formule, le 30 mai 2002, auprès du Commissaire à la déontologie policière (le « CDP ») une demande pour avoir une copie dun rapport denquête faisant suite à une plainte, dont il fournit le numéro, quil aurait déposée au mois de juin 2001 contre un policier. [2] Le CDP qui refuse dacquiescer à cette demande, le 31 mai suivant, invoque les articles 139 de la Loi sur la police 1 ; 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 (la « Charte québécoise ») ; 28, 32, 37, 39, 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 (la « Loi sur laccès »). 1 L.R.Q., c. P-13.1. 2 L.R.Q., c. C-12. 3 L.R.Q., c. A-2.1
02 09 18 Page : 2 [3] Insatisfait de cette réponse, le demandeur sollicite, le 12 juin 2002, lintervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour réviser cette décision. L'AUDIENCE [4] Une audience se tient à Montréal le 22 avril 2003 en présence du demandeur et du procureur du CDP. LA PREUVE [5] L'avocat du CDP, M e Yves-Albert Paquette, na pas de témoin à faire entendre et dépose, sous le sceau de la confidentialité, le rapport denquête dans son intégralité ainsi que les annexes. [6] Le demandeur, pour sa part, déclare sous serment quil souhaite apporter une modification à sa demande et désire obtenir uniquement « lidentité de la personne la plus jeune » qui aurait été témoin dune altercation survenue entre un policier et lui. [7] Faisant suite à une intervention de M e Paquette eu égard à un subpoena que le demandeur pourrait faire signifier à ce témoin éventuel à son lieu de travail afin de sassurer de la présence de ce dernier à la cour, le demandeur refuse cette suggestion. Celui-ci considère quil a besoin du témoin pour témoigner en sa faveur lors de son procès dans le cadre dune accusation pour voies de faits sur un policier du Service de la police de la Communauté urbaine de Montréal (le « SPCUM »). Ce procès devrait se tenir le 21 octobre 2003. Lémission dun subpoena, à son avis, ne constitue pas la meilleure façon de procéder. Pour que justice soit faite, il souhaite utiliser une voie non contraignante; lidentité de ce témoin éventuel est donc nécessaire à sa cause pour les motifs énoncés. LES ARGUMENTS [8] M e Paquette explique que ses représentations porteront uniquement sur lamendement aux demandes daccès et de révision porté par le demandeur, à laudience. Celui-ci souhaite maintenant connaître seulement « lidentité de la personne la plus jeune » ayant été témoin de lincident impliquant le demandeur et un policier au mois de juin 2001. Il ajoute que son argumentaire vise lapplication de larticle 53 de la Loi sur laccès à la présente cause car, à son avis, les renseignements que souhaite obtenir le demandeur, sont des renseignements nominatifs pour lesquels le témoin éventuel na pas consenti à leur divulgation. [9] M e Paquette résume le contexte ayant conduit le demandeur à sadresser au CDP afin dobtenir une copie dun rapport denquête le concernant. Il indique
02 09 18 Page : 3 que la lecture de ce rapport par la soussignée va révéler que lenquêteur du CDP, assigné à ce dossier, a rencontré plusieurs témoins dont la déclaration respective est annexée à ce rapport denquête. [10] Il ajoute que, suite à une interception, le demandeur est lobjet dune poursuite de nature criminelle car il est accusé de voies de faits sur un policier. [11] Après cet incident, le demandeur a sollicité lintervention du CDP pour procéder à une enquête administrative dont sensuivit un rapport. M e Paquette argue que le CDP ne peut pas révéler au demandeur lidentité de « la personne la plus jeune » dont la déclaration se trouve à lannexe 11 de ce rapport denquête. [12] Lavocat plaide que cette annexe contient des renseignements nominatifs (art. 53 de la Loi sur laccès), notamment les nom, prénom et date de naissance de ce témoin éventuel; celui-ci nayant pas autorisé le CDP à révéler son identité au demandeur (art. 54 de cette même loi). [13] Le demandeur, pour sa part, réitère que lidentité de cette personne lui est nécessaire car il a lintention de lui demander de témoigner en sa faveur à l'audition de la cause de nature criminelle déposée contre lui. DÉCISION Assise légale [14] Les articles 1, 53, 54 et 88 de la Loi sur l'accès stipulent : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.
02 09 18 Page : 4 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [15] Pour sa part, l'article 5 de la Charte québécoise précise que : 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. [16] Le demandeur, ayant amendé, à laudience, sa demande de révision, requiert maintenant du CDP la divulgation de lidentité de « la personne la plus jeune » contenue à l'annexe 11 du rapport denquête. [17] Lexamen de la présente cause portera uniquement sur laccessibilité ou non de la déclaration faite par « la personne la plus jeune », telle qu'elle est désignée par le demandeur, car celui-ci souhaite lui demander de témoigner en sa faveur à son procès qui se tiendra le 21 octobre 2003 dans le cadre dune accusation de voies de faits sur un policier portée contre lui. [18] La lecture de ce document indique que lincident dont parle le demandeur réfère à un policier du SPCUM. Ce document contient effectivement les nom, prénom et la date de naissance de la personne en question. Ceux-ci sont des renseignements nominatifs contenus à un document, en loccurrence la déclaration faite par cette personne, conformément aux articles 1 et 53 de la Loi sur laccès précités. Ils bénéficient donc dune protection absolue car ils constituent un aspect du droit à la vie privée, tel qu'il est reconnu à larticle 5 de la Charte québécoise et confirmé à la décision Pinsonnault c. Ville de Trois-Rivières 4 . [19] La divulgation de ces renseignements nominatifs risque didentifier cette personne physique que le demandeur désire connaître au sens de larticle 54 de la Loi sur laccès. [20] Dans le cas en lespèce, il faut préciser que les articles 53 et 54 prévoient que la protection absolue eu égard à ce témoin éventuel doit demeurer, peu importe les intentions même avouées de celui qui demande laccès à un 4 [1995] C.A.I. 341.
02 09 18 Page : 5 document. Cest ce qui ressort à la décision Balmet Canada inc. c. Hôpital du Haut-Richelieu 5 . [21] De plus, la preuve na pas démontré que ce témoin éventuel ait autorisé le CDP à la divulgation de son identité au sens de larticle 88 de la Loi sur l'accès précité. [22] Une jurisprudence établie par la Commission indique que le droit daccès dune personne aux renseignements qui la concernent est limité par le droit dune autre personne à la confidentialité des renseignements qui la regardent, tel qu'il est mentionné aux décisions X c. Ministère de la Main-dœuvre et de la Sécurité du revenu 6 et Bélisle c. Centre de services sociaux de Laurentides-Lanaudière 7 . [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE de lamendement apporté séance tenante par le demandeur à ses demandes daccès et de révision; DÉCLARE que le demandeur ne peut pas connaître lidentité de la personne quil souhaite obtenir; REJETTE la demande de révision de M. S S... contre le Commissaire à la déontologie policière. FERME le présent dossier n o 02 09 18. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 27 mai 2003 M e Yves-Albert Paquette Commissaire-adjoint Commissaire à la déontologie policière 5 [1991] CAI 230. 6 [1988] CAI 180. 7 [1986] CAI 105.
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