Dossier : 01 14 95 Date : 20030515 Commissaire : Christiane Constant Dorianne CHAMPAGNE Demanderesse c. Centre de réadaptation La Maison Organisme public DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 10 août 2001, M me Dorianne Champagne (la « demanderesse ») demande à son employeur, le Centre de réadaptation La Maison (le « Centre »), de lui faire parvenir un exemplaire de son dossier d’employée. [2] Le 23 août 2001, le Centre acquiesce à sa demande moyennant le paiement de frais de reproduction. [3] Arguant n'avoir eu accès qu'à son dossier administratif et qu'elle souhaite obtenir une copie du dossier « parallèle » que son employeur aurait fourni à la Commission de santé et de sécurité au travail (« CSST »), la demanderesse soumet, le 26 septembre suivant, une demande de révision à la Commission d'accès à l'information (la « Commission »).
01 14 95 Page : 2 [4] Le 30 octobre 2001, M. Jacque-Gilles Laberge, alors responsable de l'accès à l'information et directeur des services professionnels à l'organisme, fait parvenir à la Commission une lettre où il fait part du motif invoqué pour refuser de donner à la demanderesse accès au dossier que le Centre avait préparé pour la CSST : [...] Ce dossier contient des renseignements nominatifs et même si certains concernent madame Champagne, d’autres personnes y sont également mentionnées, notamment des clients de l’établissement, ce qui nous interdit de divulguer ces informations. De plus, le dossier que nous avons présenté est dans le cadre de l’exercice de nos droits conférés à titre d’employeur par la Loi des accidents de travail et des maladies professionnelles. Lorsque madame Campagne nous a demandé accès à son dossier, nous nous sommes exécutés. DÉCISION [5] Le 23 janvier 2003, conformément à l'article 140 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès ») et à l’article 22 de ses règlements 2 , la soussignée demande à M. Laberge de lui faire connaître les commentaires du Centre eu égard à la demande de révision, en lui communiquant préalablement une série de questions. La soussignée l'informe que la demanderesse a fait parvenir à la Commission copie du dossier que le Centre aurait préparé pour la CSST. 140. Lorsqu’elle est saisie d’une demande de révision, la Commission doit donner aux parties l’occasion de présenter leurs observations. 22. La Commission peut accepter tout mode de preuve qu’elle croit le mieux servir les fins de la justice. Elle peut requérir la production de tout document qu’elle estime nécessaire. A) RÉPONSES DU CENTRE [6] Le 3 février suivant, M. Laberge informe la soussignée qu'il n'est plus à l'emploi du Centre et que M. Gratien Morin agit désormais comme responsable de l'accès de l'information. Toutefois, compte tenu qu'il a traité la demande en litige, il s'engage à envoyer sa déclaration solennelle dans le délai fixé par la Commission. 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, L.R.Q., A-2.1, r.2.
01 14 95 Page : 3 [7] Dans une lettre, sous forme de déclaration solennelle, datée du 11 février 2003 et signée conjointement, MM. Laberge et Morin déclarent pour l’essentiel : • qu’il n’existe qu’« un seul dossier par employé, lequel est constitué de trois parties : administrative, santé et formation. Il n’y a aucun autre dossier ». Ils ajoutent cependant, que « la section santé est composée des rapports d’évaluation médicale ». Cette partie, ayant été retirée temporairement au dossier de la demanderesse, est retournée audit dossier. • qu’il n’existe aucune partie manquante au dossier de la demanderesse. Des déclarations solennelles à cet effet viennent appuyer cette allégation. • que le Centre n’a jamais refusé à la demanderesse l’accès à son dossier, à l’exception de la partie constituée pour la CSST, pour les motifs ci-dessus mentionnés. [8] Ils ajoutent que la demanderesse travaille pour le Centre depuis le 13 avril 1989 et qu’au moment de sa demande d’accès, elle était en congé de maladie de son poste d’éducatrice au Jardin l’Éveil de Rouyn-Noranda (le « Jardin »). [9] À la déclaration conjointe de MM. Laberge et Morin, sont annexées trois autres déclarations, en date des 5 et 6 février 2003, respectivement signées par M. Serge Côté, directeur des Services de réadaptation au Centre; M me Line St-Amour, directrice générale par intérim et M me Sylvie Del Col, technicienne en administration. Tous trois déclarent « ne posséder ni avoir eu en ma possession de dossier parallèle d'employé de quelque nature que ce soit concernant » la demanderesse. [10] La directrice générale par intérim ajoute, pour sa part, que le seul dossier administratif constitué par le Centre fut celui « présenté à la CSST pour le tribunal administratif de cet organisme ». B) M me DORIANNE CHAMPAGNE, DEMANDERESSE [11] Le 14 février 2003, la soussignée fait parvenir, pour commentaires, à la demanderesse une copie des quatre déclarations solennelles des représentants du Centre. Ces commentaires ont été reçus à la Commission, le 3 mars suivant, date à laquelle a commencé le délibéré.
01 14 95 Page : 4 [12] La demanderesse y fait état de renseignements la concernant qu’elle aurait découverts lorsqu’elle a reçu, en septembre 2001, son « dossier intégral » transmis par le Centre à la CSST, sans préciser la manière par laquelle elle a pu obtenir ledit dossier. Elle transmet, en annexe, à la soussignée copie de documents truffés de renseignements nominatifs, remis à la CSST, dont : • Un extrait d’un document indiquant le nom de M. Côté et daté du 10 avril 2001 (une page); • Une « Note au directeur des services professionnels concernant une intervenante du Jardin L’Éveil » (trois pages) portant le nom de M. Côté intitulée « Résumé de rencontre avec un parent ». Ce document contient des informations confidentielles dont les noms d’une enfant fréquentant le Jardin et de sa mère ainsi qu'un résumé d’allégations sur le comportement de la demanderesse à leur égard; • Un document intitulé « Notes du comité conjoint tenu le 15 mai 2001 au Centre de réadaptation La Maison » (trois pages) qui contient des renseignements nominatifs relatifs à la demanderesse et à d'autres personnes; • Un document non daté et non signé, débutant par le « 1 er novembre 2000 » (une page) contenant des renseignements nominatifs concernant la demanderesse et des tiers; • Un document manuscrit daté du 6 novembre 2000 et portant le nom de son auteur, indique le titre « Rapport » (une page). Les renseignements nominatifs qui y sont inscrits sont évidents. • Une lettre datée du 5 novembre 2000 et adressée à M. Côté par une éducatrice (deux pages), contient des noms d’enfants qui fréquentent le Jardin et des commentaires personnels sur le comportement de la demanderesse au travail; • Un autre document non signé commençant par « - La stagiaire » pour se terminer par « Je dois rencontrer Dorianne. » (trois pages) est daté du 10 avril 2001. Ce document renferme, sans équivoque, des renseignements nominatifs ainsi que les dates et les résumés d’interventions impliquant la demanderesse. • Un document daté du 28 juin 2001 (une page) commençant par «- la personne » pour se terminer par « Voir Annexe 21 », rédigé par M me St-Amour, contient le résumé d'interventions qu'elle a faites ainsi que les initiales des personnes impliquées.
01 14 95 Page : 5 • Une lettre datée du 8 mai 2001 (deux pages) adressée à M. Côté par une ergothérapeute qui notamment évalue le comportement de la demanderesse dans le contexte de son travail avec un groupe d'enfants. [13] La preuve soumise, par écrit, par chacune des parties a démontré que le Centre détient un seul dossier concernant la demanderesse, lequel dossier comporte trois volets : administratif, santé et formation. Le Centre a fourni à celle-ci l’accès à son dossier d'employée à l’exception de l’extrait communiqué à la CSST. La lecture des documents transmis par la demanderesse illustre, de façon non équivoque, qu’ils contiennent des renseignements nominatifs pour lesquels le Centre avait raison de lui en refuser l'accès conformément aux article 53 et 54 de la Loi sur l'accès : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [14] La majeure partie de ces documents contient des renseignements nominatifs concernant des tiers. Ceux-ci sont notamment des parents d’enfants qui fréquentent le Jardin où travaille la demanderesse. La communication de ces renseignements nominatifs lui a permis d’identifier des personnes physiques au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur l'accès précités. [15] Traitant notamment de ces articles, dans la décision de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal c. Université de Montréal 3 , il est indiqué que : [...] les renseignements nominatifs contenus dans un document bénéficient d’une protection absolue puisqu’ils sont décrétés confidentiels par l’article 53 de la Loi sur l’accès et qu’ils constituent 3 [1994] C.A.I. 68, 71.
01 14 95 Page : 6 un aspect du droit au respect de la vie privée enchâssé dans les chartes des droits, tant canadienne que québécoise. [16] Les dispositions législatives prévues à ces articles sont impératives et ont un caractère d’ordre public; elles peuvent être soulevées en tout temps tel que le prévoit le jugement Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 4 . [17] De plus, l’article 83 de la Loi sur l'accès prévoit que toute personne a le droit d’être informée d’un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit d’obtenir communication de tout renseignement nominatif qui le concerne. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [18] Cependant, un organisme a le droit de refuser à une personne, comme dans le cas en l’espèce, la demanderesse, la communication d’un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation risque de révéler un renseignement nominatif sur une autre personne physique sauf si ce tiers donne, au préalable, une autorisation écrite au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révèlerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [19] Dans le cas sous étude, la preuve n’a pas démontré que les personnes mentionnées dans les documents ci-dessus décrits transmis par la demanderesse à la Commission, le 26 février 2003, aient préalablement consenti à la communication des renseignements nominatifs qui y sont inscrits, bien que ces documents traitent de la demanderesse. 4 [1999] C.A.I. 311 (C.Q.).
01 14 95 Page : 7 [20] La soussignée considère toutefois que le Centre, pour sa part, n’a commis aucune erreur en refusant de lui donner accès au dossier qu’il avait préparé pour la CSST, et ce, pour les motifs ci-dessus mentionnés. [21] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M me Dorianne Champagne contre le Centre de réadaptation La Maison; FERME le présent dossier n o 01 14 95. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 15 mai 2003
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