02 06 84 Service d’assistance aux usagers des services sociaux et de santé de l’Estrie inc., demandeur, c. Ministère de la Santé et des Services sociaux, organisme public. L'OBJET DU LITIGE Le Service d’assistance aux usagers des services sociaux et de santé de l’Estrie inc. (le « S.A.U.S.S.S.E. »), formule, le 18 mars 2002, auprès du Ministère de la Santé et des Services sociaux (le « Ministère ») une demande afin d’obtenir : accès au rapport de M. J.-C. Deschênes concernant le S.A.U.S.S.S.E., remis à M. R. Trudel au mois de déc. 2001 et présenté en février 2002 à Mme Rosette Côté et M. Rémi Trudel. Ce rapport a donné suite à une lettre que nous a adressé M. R. Trudel daté du 25 janv. 2002. (sic) Invoquant les articles 14, 20, 34, 37 et 39 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »), le Ministère refuse au S.A.U.S.S.S.E. l’accès audit rapport, le 15 avril 2002. Insatisfait de cette réponse, le S.A.U.S.S.S.E. requiert, le 3 mai 2002, l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») pour réviser cette décision. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 06 84 - 2 L'AUDIENCE Les parties, accompagnées de leurs témoins respectifs, sont entendues en audience, à Montréal, le 24 octobre 2002. LA PREUVE ET LES ARGUMENTS M. Claude Lamarre, responsable de l'accès au Ministère M e Reyna St-Pierre, avocate du Ministère, fait témoigner sous serment, M. Claude Lamarre, chef du Service des ressources documentaires et responsable de l’accès à l'information. Celui-ci dépose, sous le sceau de la confidentialité, le rapport faisant l’objet du présent litige (le « rapport Deschênes »). Il lit de façon intégrale les trois premiers paragraphes du rapport décrivant le mandat confié par le ministre de la Santé et des Services sociaux (le « Ministre »), à M. Jean-Claude Deschênes, conseiller en administration, eu égard à la décision, en 1999, de la ministre de l'époque, de retirer le mandat d'assistance et d'accompagnement du S.A.U.S.S.S.E. sur recommandation de la Régie régionale de l'Estrie (la « Régie régionale »). CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. LAMARRE M. Lamarre est contre-interrogé par M e Hélène Guay, avocate du S.A.U.S.S.S.E. Il explique les démarches qu’il a d’abord entreprises au bureau de M. Pierre Michaud, sous-ministre adjoint à la Direction à la population, pour ensuite repérer le rapport Deschênes au cabinet du Ministre. Il dit ignorer si une copie de ce rapport a été distribuée à des tiers. En réponse à une question de M e Guay, M. Lamarre explique que le rapport contient vingt pages, dix-neuf sections ou titres, une annexe. Il remet à l'avocate, à l'audience, une copie de la lettre de transmission du rapport, datée du 17 décembre 2001 et adressée par M. Deschênes à la directrice du cabinet du Ministre, M me Rosette Côté (pièce O-2). M e Guay questionne également
02 06 84 - 3 M. Lamarre sur l’existence ou non de « Table de matières, d’avis et recommandations » inclus à ce rapport duquel elle souhaite connaître le titre principal. M e St-Pierre s’oppose à ce que M. Lamarre continue de décrire ledit document, particulièrement en raison des articles 20 et 34 de la Loi sur l’accès. L'avocate indique que le Ministère souhaite conserver son pouvoir discrétionnaire de refuser l’accès du document au S.A.U.S.S.S.E. Elle s’interroge sur la manière de procéder de M e Guay qui tente de décortiquer le contenu du rapport. De plus, elle souligne que le titre de ce dernier « donne l’impression d’être neutre, son auteur ayant réussi à y mettre un élément très personnel ». M e St-Pierre fait une mise en garde de ne pas présumer de l’intention de l’auteur simplement en prenant connaissance du titre de ce rapport. M e Guay réplique, entre autres, que les titres ou sous-sections auxquels réfère M. Lamarre constituent des faits et les motifs de refus invoqués par le Ministère ne devraient pas s’appliquer dans le cas en l’espèce. Elle ajoute que l’esprit de la loi est l’accès aux documents, sauf exception. Elle ajoute également que le Ministère ne pouvait pas présumer de l’intention de l’auteur au moment où celui-ci a choisi le titre de son rapport. La soussignée décide de se prononcer au sujet de ces oppositions sous réserve de l’ensemble de la preuve présentée à l’audience. Dans la poursuite de son contre-interrogatoire, M. Lamarre indique ne pas avoir cherché à savoir, au préalable, si le Ministère détenait déjà un dossier sur le S.A.U.S.S.S.E. Il répond que son mandat était de trouver le rapport Deschênes, c’est ce qu’il a fait. Il produit copie d’une lettre datée du 25 janvier 2002 (pièce O-1) adressée à M me Ginette Poulin, du S.A.U.S.S.S.E., selon laquelle
02 06 84 - 4 -le Ministre, M. Rémy Trudel, indique qu’il donnerait suite positivement au rapport présenté par M. Deschênes. M me Lise Denis, témoin pour le Ministère M me Denis est interrogée, sous serment, par l'avocate du Ministère, M e St-Pierre. M me Denis déclare que, depuis le mois de janvier 2002, elle occupe le poste de protectrice des usagers en matière de santé et de services sociaux, et ce, conformément à la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux 2 (la « Loi sur le Protecteur des usagers »). Elle déclare posséder le statut de présidente de cet organisme et détenir un mandat provenant du Ministre. Elle déclare avoir été informée du retrait du mandat du S.A.U.S.S.S.E. par le Ministère en 1999. Ce mandat consistait, entre autres, « à l’assistance et l’accompagnement des patients ». Depuis cette date, un autre organisme sans but lucratif (« OSBL ») remplace le S.A.U.S.S.S.E. dans les mêmes fonctions. Peu de temps après sa nomination, soit le 25 janvier 2002, le Ministre lui avait transmis le rapport Deschênes en lui confiant le mandat de procéder à l'élaboration et à la conclusion d'un protocole à partir des recommandations de ce rapport dont celle de réintégrer le S.A.U.S.S.S.E. dans ses fonctions antérieures (pièce O-3). M me Denis ajoute que, pour mener à terme son mandat, elle s’est assurée d’un partenariat de collaboration notamment avec le Ministère et la Régie régionale. Ainsi, dans le but d’élaborer le protocole d’entente, M me Denis explique avoir rencontré, le 10 avril 2002, les représentants du S.A.U.S.S.S.E., en présence 2 L.R.Q., c. P-31.1.
02 06 84 - 5 -de M me Renée Lamontagne, sous-ministre adjointe. Elle ajoute avoir consulté des professionnels du domaine de la santé et le directeur général par intérim de la Régie régionale de l’époque, M. Robert Courchesne. Elle explique qu’elle devait assurer l’accessibilité des services aux usagers, et ce, en collaboration avec le Ministère et la Régie régionale (pièce O-4). Elle signale : • que la préoccupation du Protecteur des usagers est de s'assurer que le service d’assistance et d’accompagnement des usagers soit adéquat et accessible; • qu'il est nécessaire pour le Protecteur des usagers, pour le Ministère et pour la Régie régionale de constituer des partenaires indéfectibles; • que le Protecteur désire travailler pour l’avenir afin de trouver une formule gagnante, avec le S.A.U.S.S.S.E. et l'organisme qui le remplace, et ce, dans l’intérêt des usagers. M e St-Pierre lui demande quel est le nom de l'organisme ayant remplacé le S.A.U.S.S.S.E. dans ses fonctions. M e Guay s’objecte et indique que, d'une part, cet organisme est absent de l’audience, et que, d'autre part, le S.A.U.S.S.S.E. n’a pas formulé une telle demande auprès du Protecteur des usagers. Elle ajoute que M me Denis ne devrait pas dévoiler le contenu des discussions tenues avec des représentants du S.A.U.S.S.S.E., lesquelles n’ont pas connu de dénouement. M e St-Pierre réplique et invoque l’article 20 de la Loi sur l’accès, car le Ministère est en négociation avec le Protecteur des usagers pour finaliser et conclure le protocole d’entente mentionné à la lettre du Ministre (pièce O-1 précitée). Elle indique, qu’actuellement, trois organismes publics négocient avec le Protecteur des usagers pour donner suite à la décision du Ministre. La soussignée retient l’objection sous réserve de l’ensemble de la preuve qui lui sera soumise. Par ailleurs, M me Denis souligne avoir communiqué, par écrit, avec M. Serge Arel, directeur du Centre d’action bénévole de la région Sherbrooke
02 06 84 - 6 -(le « C.A.B.R.S. »), qui remplace le S.A.U.S.S.S.E., et de lui avoir fait part, de son mandat et de ses attentes, eu égard au protocole d’entente, tout en s’inspirant de l’ensemble des recommandations formulées dans le rapport Deschênes (pièce O-4 précitée). Elle déclare avoir contacté le président du conseil d’administration du S.A.U.S.S.S.E. et lui avoir rappelé son souhait que les deux OSBL soient capables d’en arriver à une entente qui pourrait être validée par le cabinet du Ministre. De plus, M me Denis souligne avoir fait parvenir, le 22 mars 2002, à M me Poulin une lettre faisant suite au mandat que lui confiait le nouveau Ministre, M. François Legault, et par laquelle elle invitait le S.A.U.S.S.S.E. à participer à une rencontre exploratoire (pièce O-5). Elle transmet à la même date une lettre explicative au Ministre (pièce O-6) relatant notamment l’historique des évènements impliquant le S.A.U.S.S.S.E. Elle précise avoir eu d’autres échanges avec des représentants de cet OSBL et de la Régie régionale (pièce O-7). M me Denis dépose en preuve une lettre adressée au S.A.U.S.S.S.E., le 23 mai 2002, par laquelle elle fait un résumé de la position exprimée par cet organisme ainsi qu'un rappel de son mandat et de ses attentes (pièce O-8). Dans un échange de correspondance avec les présidents respectifs des deux OSBL, la protectrice fait état de ses préoccupations à ne pas pouvoir finaliser le protocole d’entente (pièce O-9). De plus, M me Denis commente une lettre, datée du 30 septembre 2002, adressée par le ministre Legault au président du conseil d’administration du S.A.U.S.S.S.E. (pièce O-10) selon laquelle le statu quo serait maintenu et ce, du moins jusqu’à ce que la proposition conjointe à laquelle fait référence la protectrice des usagers dans sa lettre du 27 juin m’ait été dûment transmise, accompagnée des recommandations des trois partenaires concernés, soit le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Régie régionale de l’Estrie et la Protectrice des usagers. Je pourrai alors considérer les recommandations qui me seront adressées à la lumière du dossier tel qu’il se présentera alors.
02 06 84 - 7 -CONTRE-INTERROGATOIRE DE M ME DENIS M me Denis réitère l’essentiel de son témoignage et ajoute que, dans le cadre de son mandat, elle maintient une relation statutaire avec le Ministre et fait un compte rendu régulier sur l’ensemble de ce dossier à son chef de cabinet. En réponse à une question de M e Guay, M me Denis précise que les éléments du protocole d’entente concernent, entre autres, le conseil d’administration du S.A.U.S.S.S.E., la reddition de comptes ainsi que le rapprochement souhaité entre celui-ci et le C.A.B.R.S. M me Denis signale avoir préparé et soumis, il y a plus de deux ans, un rapport d’évaluation au Ministre à qui il appartient de redonner ou non au S.A.U.S.S.S.E. le mandat qu’il détenait auparavant. De plus, M me Denis indique que depuis le mois de juin 2002, elle attend les propositions des OSBL eu égard au projet du protocole d’entente qu’elle leur avait soumis, elle ne les a toujours pas reçues. M e Guay questionne M me Denis sur une enquête que l’ancien Protecteur du citoyen, M e Daniel Jacoby, aurait effectuée à la demande du S.A.U.S.S.S.E. et dont le rapport aurait été transmis à la ministre de l'époque, M me Pauline Marois. M e Guay veut savoir si le rapport Deschênes réfère au rapport du Protecteur du citoyen. L'avocate du Ministère s’oppose à ce type de questions car l’objet du présent litige réfère au rapport Deschênes et non à celui du Protecteur du citoyen (pièce D-1). Après représentations des avocates des parties, cette opposition est prise sous réserve.
02 06 84 - 8 M me Ginette Poulin, pour le S.A.U.S.S.S.E. M me Poulin témoigne sous serment. Elle déclare que, depuis 1993, elle est la directrice générale du S.A.U.S.S.S.E. auquel le mandat d’assistance et d’accompagnement et de réintégration des usagers avait été confié par le Ministre de l’époque. Elle affirme que M. Deschênes l’a rencontrée ainsi que le comité des usagers du S.A.U.S.S.S.E. et les représentants de 176 OSBL de l’Estrie. Elle confirme avoir eu des entretiens avec M me Denis qui l’aurait informée de son mandat dont l’objectif est de rétrocéder au S.A.U.S.S.S.E. ses fonctions antérieures. Pour des raisons qu’elle décrit, M me Poulin déclare que le S.A.U.S.S.S.E. a porté plainte auprès du Protecteur du citoyen qui, par la suite, a fait état de ses constats et commentaires à la Ministre de l’époque (pièce D-1 précitée). Elle affirme que lorsque M me Denis lui a soumis un projet d'un protocole d’entente, il n’était pas question que le Ministère et la Régie régionale y soient partie intégrante. Elle ajoute que M me Côté, directrice de cabinet de l’ex-ministre Trudel, l’aurait informée que le Ministère rétrocèderait le mandat au S.A.U.S.S.S.E. PLAIDOIRIE M e Reyna St-Pierre, procureure pour le Ministère M e St-Pierre plaide que l’article 76.6 de la Loi sur les Services de santé et les Services sociaux 3 prévoit que : 76.6. Le ministre doit, après consultation de la régie régionale, confier à un organisme communautaire de la région le mandat d'assister et d'accompagner, sur demande, les usagers qui y résident et qui désirent porter plainte auprès d'un établissement de cette région, de la régie régionale ou du Protecteur des usagers. Lorsque la plainte de l'usager porte sur des services d'un établissement ou d'une régie d'une autre région que celle où il réside, l'organisme communautaire de la région de résidence de l'usager assure l'assistance et 3 L.R.Q., c. S-4.2.
02 06 84 - 9 l'accompagnement demandés, à moins que l'usager ne demande d'être assisté et accompagné de l'organisme communautaire de la même région que celui de l'établissement ou de la régie concerné. Dans tous les cas, les organismes communautaires impliqués doivent collaborer entre eux à l'assistance et à l'accompagnement demandés par l'usager. Les fonctions ainsi que les règles à respecter tant par un OSBL que par l’usager sont définies à l’article 76.7 de cette loi : 76.7. Un organisme communautaire mandaté en vertu de l'article 76.6 a pour fonctions, sur demande, d'assister l'usager dans toute démarche qu'il entreprend en vue de porter plainte auprès d'un établissement, d'une régie régionale ou du Protecteur des usagers et de l'accompagner pendant la durée du recours. Il informe l'usager sur le fonctionnement du régime de plaintes, l'aide à clarifier l'objet de la plainte, la rédige au besoin, l'assiste et l'accompagne, sur demande, à chaque étape du recours, facilite la conciliation avec toute instance concernée et contribue, par le soutien qu'il assure à l'usager, au respect de ses droits ainsi qu'à l'amélioration de la qualité des services. En raison de circonstances particulières qui semblaient exister au S.A.U.S.S.S.E., le Ministère lui a retiré son mandat et l’a confié à un autre OSBL. L’ARTICLE 20 DE LA LOI SUR L’ACCÈS Selon M e St-Pierre, la preuve démontre que M me Denis, à titre de Protectrice des usagers, détient un mandat ministériel; elle travaillait notamment en collaboration avec la Régie régionale, le S.A.U.S.S.S.E. et le C.A.B.R.S afin d’arriver à un protocole d’entente lequel aurait été signé par le Ministre et ces deux OSBL. Elle ajoute que le Ministère a eu raison de refuser au S.A.U.S.S.S.E. l’accès au rapport car les négociations impliquant les divers intervenants ne sont pas terminées, et ce, conformément à la décision Bourque c. Ministère des Affaires municipales 4 . Elle rappelle d’ailleurs l’objection formulée par M e Guay à l'effet que M me Denis ne doive pas dévoiler des éléments faisant partie d’une négociation en cours. 4 [2000] C.A.I. 25.
02 06 84 - 10 L’ARTICLE 34 DE LA LOI SUR L’ACCÈS M e St-Pierre argue qu’au moment de la demande d’accès, la protectrice des usagers avait reçu un mandat du Ministre, en sa qualité de membre de l’Assemblée nationale, afin d’orienter la prise de certaines décisions à caractère « politique » tel qu'il en est ressorti à la décision Marchand c. Ville de Québec 5 . Ce mandat fait suite au rapport Deschênes dont le S.A.U.S.S.S.E. souhaite obtenir une copie. De plus, M e St-Pierre plaide que ce document a été préparé pour le compte d’un membre de l’Assemblée nationale, il ne peut donc pas être dévoilé car il revêt un caractère confidentiel tel qu'en a décidé la Cour d’appel du Québec dans l'affaire Procureur général du Québec et Assemblée nationale c. MacDonell et als 6 , qui, au moment de l’audience, avait été portée en appel par M. MacDonell devant la Cour suprême du Canada 7 . M e St-Pierre commente également la décision Procureur général du Québec c. Bayle et Commission d’accès à l'information 8 selon laquelle la Cour du Québec, en vertu de l’article 34 de la Loi sur l’accès, a refusé à M. Bayle l’accès à des documents préparés pour le bénéfice du Président de l’Assemblée nationale. Elle commente, au même titre, le jugement Bourbeau c. Ville de Val-Bélair 9 lequel réfère à l'affaire MacDonell 10 précitée. L’ARTICLE 37 DE LA LOI SUR L’ACCÈS Par ailleurs, M e St-Pierre plaide l’application de l’article 37 de la Loi sur l’accès. Elle indique que le rapport préparé par M. Deschênes, pour le bénéfice du 5 [1993] C.A.I. 168. 6 [2000] C.A.I. 467 (C.A.). 7 Macdonell c. Québec (Commission d'accès à l'information) 2002 CSC 71, jugement rendu le 1 er novembre 2002. 8 [1991] C.A.I. 306 (C.Q.). 9 [2001] C.A.I. 48. 10 Précitée, notes 6 et 7.
02 06 84 - 11 -Ministre, contient des avis, des commentaires, deux pages de recommandations et une annexe. De plus, M e St-Pierre argue qu’une analyse de la jurisprudence et de la doctrine eu égard à cet article a été effectuée dans l'affaire Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 11 . La Cour du Québec a statué, entre autres : [...] un avis est une opinion en vue d’agir sur une prise de décision. La recommandation se distingue pour sa part de l’avis par son degré d’insistance et de fermeté. L’article 37 étant une restriction au principe général du droit d’accès à des documents d’ordre public, [...] Par ailleurs, M e St-Pierre précise que le Ministère a eu également raison de refuser au S.A.U.S.S.S.E. l’accès au rapport provenant du cabinet du Ministre, lequel a été préparé dans des circonstances bien définies. Elle plaide que la divulgation de ce document risque d’entraver les négociations en cours tel qu'il est mentionné à la décision Samson c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu 12 . Quant à l’article 39 de la Loi sur l'accès, M e St-Pierre renonce à invoquer cet article. M e Hélène Guay, pour le S.A.U.S.S.S.E. M e Guay plaide que les motifs invoqués par le Ministère sont non fondés. À son avis, la décision de rétrocéder au S.A.U.S.S.S.E. son mandat initial a été prise par le Ministre depuis le 25 janvier 2002 (pièce O-1 précitée), date à partir de laquelle le Protecteur des usagers devait convenir d'un protocole d’entente entre les parties concernées. Elle signale que le Ministère n’a présenté aucun témoin pouvant démontrer ou affirmer qu’il était en négociation avec le S.A.U.S.S.S.E. et un autre OSBL, alors que, M me Denis a témoigné en ce sens. L'avocate insiste sur 11 [1999] C.A.I. 311, p. 315-316 (C.Q.). 12 [1987] C.A.I. 246.
02 06 84 - 12 -le fait que le mandat ministériel confié à celle-ci devait aboutir à un protocole d’entente auquel le Ministère ne serait pas signataire mais plutôt le S.A.U.S.S.S.E., le Protecteur des usagers et le C.A.B.R.S. Selon M e Guay, le processus de négociation étant terminé, l’article 20 de la Loi sur l’accès est donc inapplicable dans le cas sous étude. Elle rappelle que le Ministère n’a émis aucune preuve selon laquelle la communication du rapport Deschênes entraverait les négociations en cours. Elle souligne le témoignage de M me Denis indiquant que des éléments de ce rapport font partie du projet de protocole d’entente qui a été soumis, entre autres au S.A.U.S.S.S.E., pour commentaires. L’ARTICLE 34 DE LA LOI SUR L’ACCÈS M e Guay plaide que le rapport Deschênes, provenant du cabinet du Ministère, a déjà fait l’objet de diffusion et de discussion au bureau du Protecteur des usagers. Par exemple, les recommandations qui y sont inscrites ont, à son avis, longuement fait l’objet de diffusion en des termes assez précis pour que M me Denis puisse s’en inspirer dans la préparation de son projet de protocole et en faire part aux différents intervenants et aux OSBL. Les entretiens de M me Denis avec ces intervenants laissent présumer que ceux-ci ont pu être au courant du contenu du rapport Deschênes. De ce qui est mentionné, M e Guay estime que l’article 34 de la Loi sur l’accès est inapplicable. L’ARTICLE 37 DE LA LOI SUR L’ACCÈS De plus, M e Guay argue que l’article 37 est inapplicable au cas en l’espèce car le Ministère n’a pas pu démontrer que les recommandations du rapport auraient des incidences sur une décision administrative ou politique. Or, le Ministre a déjà pris sa décision le 25 janvier 2002 (pièce O-1 précitée), tel qu'il est
02 06 84 - 13 -présenté dans la cause Association des cadres de la Sécurité publique du Québec c. Ville de Montmagny 13 . En ce qui concerne l'ensemble du rapport, M e Guay estime que le S.A.U.S.S.S.E. devrait, à tout le moins, pouvoir en obtenir une copie élaguée ou des extraits. Réplique de M e St-Pierre M e St-Pierre réplique qu’eu égard à l’article 20 de la Loi sur l’accès, M me Denis ne devrait pas dévoiler une négociation en cours. Elle ajoute qu’il n’existe aucune preuve que le rapport Deschênes ait fait l’objet de diffusion à l’exception du témoignage de M me Denis qui réfère aux recommandations qu’il contient. L'avocate du Ministère souligne de plus que ce rapport contient des avis et des recommandations au sens de l’article 37 sur la Loi sur l'accès dont les termes sont définis à l’affaire Deslauriers 14 précitée. DÉCISION Décision sur les objections La soussignée disposera ci-dessous de toutes les objections soulevées au cours de l’audience par l’une ou l’autre des parties. Premièrement, sur l’objection de M e St-Pierre concernant la divulgation du titre principal du rapport, la soussignée est d’avis que ce dernier ne peut pas être dévoilé. En effet, il comporte des éléments ne relatant pas nécessairement des faits et risque plutôt de dévoiler l'essence même de ce rapport. L’objection est accordée. 13 [1996] C.A.I. 76. 14 Précitée, note 11.
02 06 84 - 14 -Deuxièmement, en ce qui a trait à l’existence ou non d’une « Table de matières et de recommandations », tel qu'il est requis par M e Guay, la soussignée permet cette question objective car elle ne touche pas le contenu dudit rapport. Troisièmement, eu égard à la divulgation du nom de l’OSBL en remplacement du S.A.U.S.S.S.E., à laquelle s’est objectée M e Guay, cette objection est rejetée. En effet, cet OSBL est connu du S.A.U.S.S.S.E. (pièce O-4 précitée) et son identification ne revêt aucun caractère confidentiel. Quatrièmement, quant à la référence au rapport du Protecteur du citoyen déposé en preuve (pièce D-1 précitée), l’objection de M e St-Pierre sur ce point est rejetée. En effet, le témoin du Ministère, M me Denis, avait déjà émis des commentaires au sujet de ce document (pièce O-4 précitée) lorsqu'elle a indiqué que : Le 17 décembre 2002, le rapport Deschênes concluait dans le même sens que celui du Protecteur du citoyen et formulait un ensemble de recommandations dont la première consistait à mandater à nouveau le S.A.U.S.S.S.E. pour un mandat de trois ans [...]. Assise légale La soussignée prend acte de la décision du Ministère de ne pas soumettre de preuve eu égard à l’article 39 de la Loi sur l’accès. ARTICLE 20 DE LA LOI SUR L'ACCÈS L’article 20 de cette loi stipule que : 20. Un organisme public peut refuser de communiquer un renseignement lorsque sa divulgation entraverait vraisemblablement une négociation en cours avec un autre organisme public dans un domaine de leur compétence. La preuve non contredite a démontré ce qui suit : • Que M me Lise Denis est Protectrice des usagers en vertu de la Loi sur le Protecteur des usagers; • Que le Ministre lui a communiqué une copie du rapport Deschênes, lequel fait l’objet du présent litige;
02 06 84 - 15 -• Que M me Denis est mandatée par le Ministre pour préparer un protocole d’entente de réintégration du S.A.U.S.S.S.E., selon les modalités et conditions déterminées notamment à la lettre datée du 25 janvier 2002 (pièce O-1 précitée); • Que, dans le cadre de son mandat, elle a consulté divers intervenants ou partenaires afin de mener à terme son travail; • Que, depuis le mois de juin 2002, M me Denis a remis notamment au S.A.U.S.S.S.E. et au C.A.B.R.S. un exemplaire du projet du protocole d’entente et, qu'au moment de l’audience, elle n’a toujours pas reçu les commentaires de tous les intervenants à ce dossier. Il reste à déterminer si, le 25 janvier 2002 (pièces O-1 et O-3 précitées), le Ministre avait déjà pris sa décision de rétrocéder le mandat au S.A.U.S.S.S.E. et si toutes les conditions qui s’y rattachent ont été respectées. La preuve tant documentaire que testimoniale a démontré qu’afin de rétrocéder le mandat initial au S.A.U.S.S.S.E., le Ministre a émis une condition spécifiée à la lettre qu'il a adressée à M me Poulin (pièce O-1 précitée) : J’ai le plaisir de vous annoncer que je donnerai suite positivement à la recommandation de vous redonner le mandat d’organisme d’assistance et d’accompagnement prévu à la Loi sur les services de santé et les services sociaux 15 ainsi que d’autres recommandations comme celle de supporter l’organisme actuel, le temps requis pour l’ajustement. Cependant, avant que ne soit formellement exécutée cette décision au 1 er avril 2002, et d’autres, je demanderai à M me Lise Denis, protectrice des usagers en matière de santé et de services sociaux, de convenir d’un protocole d’entente et d’intégration formelle qui considère les recommandations du rapport de M. Deschênes et ce, dans un délai de 45 jours. Je lui confie aussi le soin de faire le nécessaire auprès de l’organisme actuel. Elle devra aussi discuter avec le sous-ministre, M. Pierre Gabrièle, pour s’assurer des suites concrètes. [...]. Le Ministre informe également M me Denis (pièce O-3 précitée) qu’il donnera : suite à la recommandation principale de redonner le mandat après que vous aurez convenu d’un protocole d’entente et de réintégration inspiré des recommandations du rapport de M. Deschênes. [...] (La soussignée a souligné.) 15 Précitée, note 4.
02 06 84 - 16 La preuve a démontré que les négociations ne sont pas terminées. De plus, à l’audience, M me Denis a clairement indiqué que, depuis le mois de juin 2002, elle attend toujours les commentaires des parties, eu égard au projet de protocole d’entente qu’elle leur avait soumis. La soussignée ne peut pas retenir la position du S.A.U.S.S.S.E. voulant que le Ministre ait déjà pris sa décision (pièce O-1 précitée) sans considérer l’exigence essentielle préalablement établie par celui-ci à savoir un protocole conclu entre les parties, dont le C.A.B.R.S., pour pouvoir rétrocéder ledit mandat au S.A.U.S.S.S.E. Par ailleurs, la soussignée fait siens les commentaires de la Commission dans la décision Bourque 16 notamment en ce qui a trait à l'article 20 : Cet article constituait un des motifs de refus de l’organisme. Pour qu’il reçoive application, l’organisme n’a pas à faire la preuve que la divulgation entraverait certainement la marche des négociations. Il suffit que l’entrave soit plausible ou probable. L’ARTICLE 34 DE LA LOI SUR L’ACCÈS 34. Un document du bureau d'un membre de l'Assemblée nationale ou un document produit pour le compte de ce membre par les services de l'Assemblée n'est pas accessible à moins que le membre ne le juge opportun. Il en est de même d'un document du cabinet du président de l'Assemblée, d'un membre de celle-ci visé dans le premier alinéa de l'article 124.1 de la Loi sur l'Assemblée nationale (chapitre A-23.1) ou d'un ministre visé dans l'article 11.5 de la Loi sur l'exécutif (chapitre E-18), ainsi que d'un document du cabinet ou du bureau d'un membre d'un organisme municipal ou scolaire. La preuve non contredite a démontré que le rapport Deschênes provient du cabinet du Ministre et que celui-ci en est le détenteur au sens de l’article 1 de la Loi sur l'accès. Par contre, la preuve a clairement démontré que le Ministère refuse de donner au S.A.U.S.S.S.E. l’accès à ce document pour les motifs ci-dessus mentionnés. 16 Précitée, note 2.
02 06 84 - 17 -Eu égard à l’article 34, peut-on conclure que, pour pouvoir discuter du rapport Deschênes, M me Denis, protectrice des usagers, devait nécessairement procéder à la diffusion de ce document auprès des parties impliquées (par exemple : la Régie régionale, le S.A.U.S.S.S.E., le C.A.B.R.S., etc. ) ? Bien sûr que non. La preuve a plutôt démontré que M me Denis est en communication avec les parties et souhaite que les deux OSBL ci-dessus cités puissent être en mesure de travailler « en partenariat » dans l’intérêt des usagers. Elle rend continuellement compte au cabinet du Ministre des développements survenus dans ce dossier; celui-ci ne juge toujours pas opportun de fournir au S.A.U.S.S.S.E. une copie dudit rapport lequel est visé par cet article, et ce, conformément à l'affaire Marchand 17 précitée. L’ARTICLE 37 DE LA LOI SUR L’ACCÈS L'article 37 stipule : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. En regard de cet article, la soussignée a examiné le rapport Deschênes composé de vingt pages dont deux de recommandations. Il contient également une annexe (six pages) qui fait l’historique d’une série d’évènements eu égard au S.A.U.S.S.S.E. Ce document en litige contient-il des avis ou recommandations pouvant être soustraits à l’accès au sens de l’article 37? 17 Précitée, note 5.
02 06 84 - 18 Pour répondre à cette question, il importe de se demander si les informations contenues dans ce document risquent d’avoir des incidences sur une décision administrative ou politique, ces critères ayant été examinés à la lumière de la décision Deslauriers 18 . La soussignée considère que l’ensemble du rapport Deschênes contient effectivement soit des avis, des commentaires ou l’opinion de celui-ci, en regard d’une situation impliquant le S.A.U.S.S.E. En raison de ce qui précède, la soussignée est donc convaincue que le rapport Deschênes, dans son intégralité, rencontre les critères contenus à l’article 37 de la Loi sur l'accès précité; le Ministère a donc utilisé son pouvoir discrétionnaire pour refuser l’accès à ce document. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du Service d’assistance aux usagers des services sociaux et de santé de l’Estrie inc. contre le Ministère de la Santé et des Services sociaux; FERME le présent dossier n o 02 06 84. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 15 mai 2003 M e Reyna St-Pierre 18 Précitée, note 11.
02 06 84 - 19 -Procureurs du ministère de la Santé et des Services sociaux M e Hélène Guay Procureure du Service d’assistance aux usagers des services sociaux et de santé de l’Estrie inc.
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