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Dossier : 02 11 78 Date : 8 mai 2003 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. PROMUTUEL BEAUCE Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 28 juin 2002, le demandeur sest adressé à lentreprise lassureur ») pour obtenir une copie de son dossier personnel et de « tout ce qui me concerne, me vise ou me met en cause. ». [2] Mandaté pour donner suite à cette demande daccès, lavocat de lassureur lui a communiqué certains documents, refusant par ailleurs de lui transmettre le reste des documents détenus « pour lensemble des motifs suivants, notamment mais non limitativement : Il ne sagit pas de renseignements personnels au sens de la Loi; Larticle 39 de la Loi justifie notre cliente de ne pas transmettre ces documents; Larticle 9 de la Charte québécoise des droits et libertés garantit la confidentialité de ces documents;
02 11 78 Page : 2 Larticle 13 de la Loi fait également en sorte que ces documents ne peuvent être transmis dans la mesure ils concernent des tiers. ». [3] Le 25 juillet 2002, le demandeur requiert lexamen de la mésentente résultant de ce refus. L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) de l'assureur [4] Lavocat de lassureur identifie les documents qui nont pas été communiqués au demandeur et qui ne lui sont pas communiqués lors de laudience : rapports denquête sur le demandeur, préparés par deux entreprises; déclarations obtenues de tiers dans le cadre de lenquête faite par lassureur; rapport dévaluation préparé par un expert en évaluation; renseignements obtenus auprès dun service dincendie. Témoignage de M. André Roy [5] Lavocat de lassureur fait entendre M. André Roy qui témoigne sous serment en qualité de directeur des sinistres de lassureur depuis 1983. [6] M. Roy connaît le dossier du demandeur; ce dernier a intenté contre lassureur des procédures qui sont, à la date de laudience devant la Commission, pendantes devant la Cour supérieure. La déclaration introductive dinstance du 17 septembre 2002 (E-1) de même que la défense et demande reconventionnelle du 14 février 2003 (E-2) sont produites séance tenante. [7] Le litige qui oppose les parties fait suite à un incendie qui a endommagé un immeuble appartenant au demandeur le 28 avril 2002 et qui est couvert par le contrat conclu avec lassureur. M. Roy sest présenté chez le demandeur le 29 avril 2002 pour enquêter sur les circonstances du sinistre (E-1); depuis, le demandeur réclame les sommes de 280,867 $ et de 70,216.75 $ (E-1). [8] Lassureur a produit sa défense et demande reconventionnelle (E-2); il conteste la déclaration du demandeur compte tenu des faits qui ont été
02 11 78 Page : 3 découverts au cours de lenquête, faits qui auraient amené lassureur à refuser la conclusion du contrat sil les avait connus. Lassureur conteste notamment le caractère accidentel du sinistre et il prétend être en mesure de prouver ce quil avance (E-2). Lassureur conteste subsidiairement le caractère abusif de la réclamation du demandeur (E-2). [9] Le 29 avril 2002, M. Roy sest présenté chez le demandeur pour linterroger. Il a noté les réponses du demandeur qui les a vues et qui a requis quelles soient dactylographiées; le document manuscrit ainsi que le document dactylographié nont été transmis à lavocat du demandeur que la veille de laudience tenue devant la Commission. [10] M. Roy a aussi communiqué avec certaines entreprises pour obtenir des renseignements sur le demandeur; les renseignements ainsi obtenus lont amené à sinterroger sur la cause de lincendie et sur létendue des dommages et à poursuivre son enquête auprès des pompiers et des policiers concernés. M. Roy a obtenu de tiers des renseignements sur les circonstances du sinistre, sur le délai dintervention, ce, afin de constituer un dossier denquête sur la réclamation du demandeur. [11] En vertu des autorisations (D-1) données par le demandeur, M. Roy a obtenu, par lintermédiaire de Services Keyfacts, des renseignements sur le demandeur, renseignements dont il a discuté avec lavocat de lassureur qui le conseillait déjà dans ce dossier. Tous les renseignements ainsi obtenus sont à la base de la défense de lassureur et ils ont été communiqués à lavocat de lassureur (E-2). [12] M. Roy a aussi obtenu des conseils dun enquêteur du Bureau dassurance du Canada afin détoffer son dossier et de le préparer à des fins judiciaires; ces conseils lui ont permis dobtenir des renseignements confidentiels en mai 2002, renseignements à remettre à lavocat de lassureur. [13] À la date de la demande daccès, soit le 28 juin 2002, M. Roy savait déjà, compte tenu des renseignements alors détenus sur le demandeur, que lassureur refuserait de lindemniser et que lannulation de la police serait requise. [14] M. Roy a obtenu des renseignements par lintermédiaire du Bureau dassurance du Canada; la divulgation de ces renseignements aurait un effet direct sur les procédures judiciaires intentées par le demandeur contre lassureur.
02 11 78 Page : 4 [15] M. Roy a obtenu des rapports dexpertise préparés à sa demande par Journeault, Tremblay & associés; ces rapports, qui concernent la valeur de limmeuble endommagé par lincendie, ne sont pas complétés à la date de laudience. La valeur de cet immeuble est, entre autres, visée par la déclaration déposée devant la Cour supérieure (E-1) que conteste lassureur. [16] M. Roy a obtenu 6 déclarations de tiers dans le cadre de son enquête. Ces personnes sont susceptibles dêtre citées à comparaître lors du procès civil opposant les parties; lassureur ne souhaite pas communiquer ces déclarations au demandeur puisquelles portent sur les circonstances du sinistre et sur la légitimité de la réclamation du demandeur. [17] M. Roy a enfin obtenu des renseignements administratifs sur le service dincendie; ces renseignements, non personnels, ne sont pas visés par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [18] Selon M. Roy, il y a un lien direct entre les renseignements personnels qui nont pas été communiqués au demandeur et le litige qui oppose celui-ci à lassureur devant la Cour supérieure. À son avis, la divulgation de ces renseignements aurait un effet sur les procédures qui sont pendantes et sur la position de lassureur dans ces procédures. [19] À la connaissance de M. Roy, aucun rapport denquête na été fait sur le demandeur aux fins de la proposition dassurance de juin 2001 ou de la modification de celle-ci en mars 2002. ii) du demandeur [20] Le demandeur témoigne sous serment. Il a, le 29 avril 2002, alors quil était interrogé par M. Roy, autorisé lassureur à recueillir des renseignements le concernant auprès de tiers; il dépose copie de cette « Autorisation de recueillir et de transmettre des renseignements personnels » consentie en rapport avec le sinistre de la veille (D-1). Le demandeur veut savoir ce qui a été dit à son sujet et ce qui est détenu sur lui puisquil est resté sans réponse malgré ses requêtes adressées à lassureur, à compter du 30 avril 2002 (D-2, en liasse), concernant lexécution du contrat. B) LES ARGUMENTS 1 L.R.Q., c. P-39.1.
02 11 78 Page : 5 i) de lassureur [21] Le demandeur a entrepris des procédures contre lassureur (E-1); la demande daccès « touche le cœur de ces procédures ». [22] Lassureur a recueilli des renseignements concernant le demandeur et il a remis le tout à son avocat afin que le demandeur soit débouté en Cour supérieure. De lavis de lassureur, lincendie qui est à lorigine de la réclamation du demandeur nest pas accidentel, contrairement à ce que le demandeur prétend; les circonstances du sinistre, telles quelles seront démontrées par lassureur, seront parmi les éléments permettant à la Cour de décider en faveur du demandeur ou de lassureur. [23] Le demandeur sest adressé à la Commission pour les fins de son recours en Cour supérieure. Le deuxième paragraphe de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé sapplique aux renseignements en litige, de même que larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne justifient le refus de communiquer les documents en litige. [24] La preuve démontre que la déclaration introductive dinstance (E-1) réfère directement au refus de lassureur de donner au demandeur accès à certains documents, au refus de lassureur dindemniser le demandeur ainsi quà létat acrimonieux de leur relation depuis linterrogatoire du 29 avril 2002. À la date de la demande daccès, le litige était appréhendé. [25] Lassureur refuse de communiquer les documents qui sont en litige afin de protéger la position quil entend adopter devant le tribunal. La communication de ces renseignements équivaudrait, pour lassureur, « à se tirer dans le pied ». ii) du demandeur [26] Lassureur na pas donné suite aux requêtes que lui a adressées le demandeur à compter de la date du sinistre (E-1); ce défaut a amené le demandeur à lui adresser la demande daccès du 28 juin 2002 pour savoir ce qui en était de lexécution du contrat dassurance. DÉCISION
02 11 78 Page : 6 [27] La preuve de lassureur démontre, à même la déclaration du demandeur déposée devant la Cour supérieure le 17 septembre 2002 (E-1), létat de la relation existant entre les parties à la date de la demande daccès du 28 juin 2002 : le demandeur, propriétaire dun immeuble endommagé par le feu le 28 avril 2002, sest soumis dès le 29 avril 2002 à un interrogatoire conduit par M. André Roy, expert en sinistre de lassureur, et il a signé, le même jour, une autorisation permettant à lassureur denquêter sur lui; lassureur na pas donné suite à la lettre du 30 avril 2002 requérant, au nom du demandeur, une avance de 10,000 $ aux fins de le reloger et de lhabiller; lassureur na pas donné suite à la lettre du 1 er mai 2002 requérant, au nom du demandeur, une copie de sa déclaration de sinistre telle que faite le 29 avril 2002; lassureur na pas donné suite à la lettre du 29 mai 2002, préparée au nom du demandeur, à laquelle était jointe lévaluation de limmeuble endommagé par le feu; lassureur na pas donné suite à la lettre du 17 juin 2002 réitérant, au nom du demandeur, la requête pour lobtention dune avance pour frais de subsistance faite le 30 avril 2002; le 20 juin 2002, lassureur a requis du demandeur quil se soumette à un interrogatoire devant le procureur de lassureur; lassureur na pas versé lindemnité que le demandeur considérait due au plus tard le 28 juin 2002, date de la demande daccès. [28] La preuve (E-2) de lassureur démontre également que : lassureur conteste laffirmation du demandeur voulant que celui-ci ait, en tout temps, respecté ses obligations financières envers son créancier hypothécaire; lassureur souligne le caractère vicié de son consentement lors de la conclusion du contrat dassurance avec le demandeur; lassureur conteste la recevabilité ou le fondement des dommages réclamés de même que le quantum établi par le demandeur; lassureur prétend détenir tous les renseignements nécessaires pour constater quil na aucune obligation dindemniser le demandeur; lenquête menée par lassureur lui a permis de prendre connaissance de circonstances connues du demandeur qui sont de nature telle que lassureur aurait jugé quil ne pouvait assurer le demandeur ou émettre la police dassurance sil les avait connues;
02 11 78 Page : 7 lassureur prétend que la police dassurance est nulle ab initio et réitère son offre de rembourser la prime payée par le demandeur; lassureur prétend que lincendie du 28 avril 2002 nest pas accidentel. [29] Le témoignage de M. André Roy confirme que lassureur na pas donné suite à la réclamation du demandeur depuis lenquête sur les circonstances du sinistre commencée le 29 avril 2002. [30] Le témoignage de M. Roy démontre que les faits qui ont été découverts au cours de lenquête amènent lassureur à contester le caractère accidentel du sinistre et à requérir lannulation du contrat conclu avec le demandeur. Le témoignage de M. Roy démontre particulièrement quà la date de la demande daccès, soit le 28 juin 2002, M. Roy savait déjà, compte tenu des renseignements alors détenus, que lassureur refuserait dindemniser le demandeur et que lannulation de la police serait requise. [31] Le témoignage du demandeur confirme quil est resté sans réponse malgré les demandes adressées à lassureur à compter du 30 avril 2002 relativement à lexécution, en sa faveur, du contrat dassurance (D-2, en liasse). [32] Jai pris connaissance des documents auxquels laccès a été refusé. Ces documents sont constitués de renseignements obtenus dans le cadre de lenquête menée par lassureur ou pour son compte à la suite du sinistre du 28 avril 2002 qui a donné lieu à la réclamation présentée par le demandeur. Ces renseignements, qui sont pour la plupart personnels et dont la collecte a été autorisée (D-1), sont essentiellement des éléments de preuve à partir desquels lassureur tentera de convaincre la Cour supérieure du bien-fondé de ses prétentions (E-2); la divulgation de ces renseignements aurait donc, de toute évidence, un effet sur les procédures pendantes, procédures que le contexte préexistant à la demande daccès annonçait et dans le cadre desquelles aucune preuve na encore été présentée. Lévaluation de ladmissibilité et de la force probante de ces éléments de preuve nest par ailleurs pas de la compétence de la Commission; elle est du ressort du juge du procès. [33] Jai accordé une attention particulière à la date des renseignements personnels qui concernent le demandeur et qui sont en litige. Ceux-ci ont été obtenus en mai et en juin 2002, avant la demande daccès; ils sont à lorigine du refus de lassureur dindemniser le demandeur et ils servent dappui aux prétentions de lassureur, telles quelles ont été démontrées (E-2). [34] Le demandeur conteste le refus de lassureur de lui donner communication des renseignements personnels qui sont en litige. À mon avis, le
02 11 78 Page : 8 2 ième paragraphe de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé sapplique ici, vu la preuve; cette disposition autorise lassureur à ne pas communiquer les renseignements personnels en litige parce que la divulgation de ces renseignements risquait vraisemblablement, dès le 28 juin 2002, davoir un effet sur la procédure judiciaire à laquelle lassureur pouvait sattendre et dans laquelle les deux parties ont un intérêt direct: 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8); 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [35] La décision de lassureur est fondée; larticle 39 précité lhabilite à protéger sa preuve jusquau procès devant la Cour supérieure. [36] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE LA DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE. HÉLÈNE GRENIER Commissaire
02 11 78 Page : 9 M e Étienne Parent
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