Dossier : 02 11 98 Date : 20030506 Commissaire : M e Diane Boissinot MICHAËLLA LESSARD Demanderesse c. MULTI-RESSOURCES Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D’ACCÈS (art. 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 ). [1] Le 17 juin 2002, la demanderesse s’adresse à l’entreprise afin que celle-ci lui remette copie de son dossier en relation avec le concours de direction à la Commission scolaire des Navigateurs, incluant : • le résultat de tous les tests : profil de personnalité, test d’aptitude, d’intelligence, etc; • la copie de la correction de son test de gestion accompagnée de la grille d’évaluation qui a servi à cette correction; et • la copie de la recommandation faite à la Commission scolaire ainsi que les éléments qui ont servi de base à cette recommandation avec justification de ceux-ci. 1 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée « la Loi ».
02 11 98 Page : 2 [2] L’entreprise ne formule pas de réponse à cette demande. [3] Le 2 août 2002, la demanderesse requiert la Commission d’examiner la mésentente qui résulte du refus réputé de communiquer les documents demandés. [4] Une audience se tient en la ville de Québec, le 8 novembre 2002. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [5] Au tout début de l’audience, certains documents sont remis séance tenante à la demanderesse. [6] Durant l’audience, la demanderesse n’exige plus qu’on lui communique les grilles du test « Bordeleau » ni son calendrier et ses réponses à la mise en situation « panier de gestion ». [7] Elle reconnaît également avoir reçu de la Commission scolaire le document de deux pages contenant la recommandation de l’entreprise sur la candidature de la demanderesse intitulé « Sommaire des profils ». [8] Les parties reconnaissent donc que restent en litige les documents suivants dont les originaux sont confiés par l’entreprise à la Commission sous pli confidentiel : i. le test « Jackson Personality Inventory – Revised » (Profile sheet : female » (trois pages) comprenant l’histogramme représentant le profil de résultat (1 page), Answer Sheet (grille d’une page) et Scoring Sheet (grille d’une page); ii. le livret de réponse du test appelé « Épreuve individuelle d’habileté mentale de l’IRP (EIMH) » comprenant sept pages, (la page couverture et les pages couvrant les parties II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X), la huitième, intitulée « sommaire » et comprenant les cotes totales (brutes et pondérées des pages précédentes) ayant été remise séance tenante; iii. le test dit « Bordeleau » intitulé : Profil questionnaire Style de gestion du personnel (seul l’histogramme du profil de résultat est en litige);
02 11 98 Page : 3 iv. le canevas d’entrevue pour un poste de directeur d’établissement d’enseignement (5 pages) comprenant les questions, les critères visés par ces questions et les observations manuscrites de l’intervenant; v. Mise en situation « Panier de gestion » : les notes personnelles manuscrites de l’examinatrice de chez l’entreprise, madame Denise Bournival (1 page). B) LA PREUVE i) de l'entreprise Témoignage de madame Denise Bournival [9] Madame Denise Bournival est psychologue, conseillère en orientation associée chez l’entreprise. L’entreprise avait à évaluer une vingtaine de candidatures pour sa cliente, la Commission scolaire des Navigateurs, dans le cadre d’un plan de relève. [10] Madame Bournival affirme que les résultats de profils (8 i et 8 iii) sont des outils de travail pour l’entreprise. Ces outils servent à évaluer les candidats. [11] Madame Bournival est d’avis que ces résultats de profils révèlent nécessairement les éléments sur lesquels est basée l’analyse. En révélant les éléments des profils, l’entreprise révèle sur quoi les candidats sont évalués. [12] La circulation de ces résultats de profils risque vraisemblablement de permettre aux candidats d’apprendre d’avance sur quoi ils seront évalués. [13] Cette circulation met donc en péril la validité de l’outil et son utilisation future. [14] Le but de madame Bournival n’est pas de cacher les résultats des tests qu’elle a fait subir à la demanderesse. Elle insiste, par ailleurs, sur le fait que ces derniers font ressortir des éléments ou des critères d’évaluation qui coûtent cher à dégager, pour l’entreprise qui les conçoivent. [15] Ces entreprises ne voient donc pas d’un bon œil la diffusion de ces éléments ou critères d’évaluation dans le public. Témoignage de monsieur Richard Locas,
02 11 98 Page : 4 [16] Monsieur Locas est psychologue et conseiller en orientation. Il déclare œuvrer à l’Ordre des conseillers et conseillères en orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. [17] Il déclare que les différents tests en litige font l’objet d’une utilisation générale dans le milieu professionnel dans lequel il évolue. [18] Il explique le contenu des sept pages, mentionnées plus haut, du livret de réponses du test appelé « Épreuve individuelle d’habileté mentale de l’IRP (EIMH) » ainsi que le profil graphique de résultat du test « Bordeleau » (documents en litige 8 ii et 8 iii). [19] Il rappelle que le questionnaire du test EIMH est précis et implique la prise en compte du temps de réponse ou de réaction. Si l’élément de surprise disparaît en raison d’une diffusion préalable à celui qui le subit, le résultat du test est nécessairement faussé. [20] Le EIMH, en plus de révéler les réponses attendues, contient également un volet faisant appel à la capacité de mémorisation du candidat. La circulation préalable de ce test parmi les personnes qui le subissent ne permet plus de mesurer sérieusement les capacités réelles. [21] Il explique que la page du profil de résultat du test « Bordeleau » (8 iii) contient à sa face même les caractéristiques que l’on veut mesurer en matière de style de gestion du personnel, comme par exemple, le jugement ou le leadership. [22] Le témoin répète essentiellement le témoignage de madame Bournival sur les profils de résultats 8 i et iii. ii de la demanderesse [23] La demanderesse ne présente aucun élément de preuve pour contredire les témoins de l’entreprise. C. LES ARGUMENTS i. de l’entreprise
02 11 98 Page : 5 [24] L’entreprise plaide que les profils de résultats 8 i et iii sont, en substance, des outils de travail pour les conseillers en orientation et les psychologues et que leur diffusion risque de leur enlever toute crédibilité et validité future. ii de la demanderesse [25] À propos des profils de résultat (8 i et iii), la demanderesse est d’avis que les caractéristiques que l’on veut mesurer chez l’individu, pour telle ou telle catégorie d’emploi, comme par exemple, les capacités de jugement ou de leadership pour une candidature à un poste de direction, sont généralement connues de tous les candidats. [26] Elle plaide que le fait qu’un candidat sache d’avance qu’on mesurera ses qualités de jugement ou de leadership n’a aucune incidence sur la qualité des réponses qu’il fournira. [27] Les résultats apparaissant aux documents 8 i et iii sont la mesure de sa performance, la concernent personnellement et doivent lui être entièrement accessibles. [28] Elle est d’avis que le canevas d’entrevue pour un directeur d’établissement (8 iv) contient toujours les mêmes critères. Les critères pour ce type d’emplois et les questions posées varient très peu. La connaissance préalable de chaque question ou critère, sans indication de la pondération ou de l’importance qu’on lui accordera par rapport aux autres, n’influe en rien sur la qualité de la performance du candidat. [29] Elle soutient que tous les documents retenus par l’entreprise la concernent personnellement en ce qu’ils mesurent ses compétences sans révéler rien de particulier sur l’outil de mesure utilisé et sans affecter l’utilisation future de cet outil. [30] Les notes personnelles de l’évaluatrice Bournival prises sur le canevas d’entrevue (8 iv) et celles analysant la mise en situation (8 v) sont des renseignements personnels d’appréciation qui ne concernent que sa performance. Elle a droit d’accès à ces notes d’appréciation. DÉCISION
02 11 98 Page : 6 [31] La Commission est d’avis qu’un document qui illustre en substance, l’appréciation et le résultat de la performance d’un candidat à la passation d’un test contient indéniablement, en substance, des renseignements personnels concernant ce candidat. [32] La Commission comprend que le document constatant l’appréciation et le résultat de la performance d’un candidat ne contient aucune information utile à quiconque sans que n’y apparaissent également les critères sur lesquels se base l’évaluation. [33] En effet, à quoi sert de connaître la note accordée si on ignore quel critère elle veut mesurer. [34] À l’inverse, les questions posées uniformément à tous les candidats pour mesurer leur performance ne concernent pas personnellement chacun des candidats. [35] Ces questions constituent un outil de travail pour l’administrateur du test. [36] Il en est de même pour tout élément du test qui révèle directement ou indirectement les questions posées. Ainsi, indirectement, il peut arriver que la formulation d’une réponse donnée révèle la question posée. [37] Le fait brut que telle réponse est attendue et que telle autre ne l’est pas n’est pas un renseignement personnel concernant un candidat. [38] Il en est de même pour tout élément du test qui révèle directement ou indirectement ce fait. [39] Ce fait brut est, pour l’administrateur du test, un outil de travail. [40] Les questions posées et les réponses attendues ne peuvent donc pas constituer des renseignements personnels concernant le candidat qui subit un test. [41] L’appréciation et le résultat de la performance d’un candidat par rapport à certains critères sont des renseignements personnels assujettis à la Loi. [42] À ce dernier sujet, la Commission est d’avis que la divulgation à un candidat de la seule appréciation et du seul résultat de sa performance par rapport à des critères objectifs sur lesquels est basée son évaluation ne
02 11 98 Page : 7 compromet pas la validité de ce test pour le futur ou son utilisation répétée dans l’avenir. [43] Seule la divulgation des questions et des réponses attendues peuvent compromettre l’utilisation future de ces tests. [44] En effet, tant que ne sont pas divulguées ou décelables les questions posées et les réponses attendues, la divulgation de l’appréciation et du résultat de la performance d’un candidat eu égard à ce test, sur lesquels apparaissent par ailleurs les critères d’évaluation, ne peut être refusée à un candidat qui les demande. [45] Pour chacun des documents, leur examen et la preuve ont établi les faits et mené aux conclusions qui suivent. LE DOCUMENT 8 i (JACKSON PERSONNALITY INVENTORY – REVISED) [46] Le document 8 i, le test « Jackson Personality Inventory – Revised », contient trois feuillets. [47] Le premier feuillet est un histogramme représentant le profil de résultat pour chacun des cinq critères à partir du total des notes obtenues par sous-critère. Cet histogramme illustre, en substance, l’appréciation et le résultat de la performance de la demanderesse pour chacun des cinq critères visés par le test. Ce document contient en totalité des renseignements personnels concernant la demanderesse. [48] Le deuxième feuillet, le « JPI-R Answer Sheet », est une grille où apparaissent 300 choix de réponses objectives (vrai ou faux) par une marque. Outre le nom et le sexe de la demanderesse ainsi que la date où le test fut administré, ce feuillet ne contient aucun renseignement personnel. La demanderesse n’a donc droit qu’à la partie supérieure du feuillet où apparaissent lesdits renseignements personnels (nom, sexe et date). [49] Le troisième feuillet, le « JPR-R Scoring Sheet », est une grille où apparaissent les 300 choix de réponses attendues. Outre le nom et le sexe de la demanderesse, la date du test et, tout en bas de la page, les totaux de la première approximation de notes (Raw Scores), ce feuillet ne contient aucun renseignement personnel. La demanderesse n’a donc droit qu’à la partie supérieure et l’extrême partie inférieure du feuillet où apparaissent lesdits
02 11 98 Page : 8 renseignements personnels (nom, sexe, date et les totaux de la première approximation de notes (Raw Scores). LE DOCUMENT 8 ii (ÉPREUVE INDIVIDUELLE D’HABILETÉ MENTALE DE L’IRP) [50] Ce document contient 7 pages. [51] La page couverture ne contient aucun renseignement personnel si ce n’est du nom et de la date de naissance de la demanderesse apparaissant sous le titre du test. Seuls ces renseignements sont accessibles. Le reste de la page devra être masqué. [52] les pages 2 à 7 comprenant les parties II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX et X indiquent, en substance, les questions posées et/ou les réponses attendues. Ces pages ne sont pas accessibles à la demanderesse. LE DOCUMENT 8 iii : L’HISTOGRAMME (profil graphique de résultat) DU TEST « BORDELEAU ». [53] Pour les même motifs que le premier feuillet du document 8 i, l’histogramme du test « Jackson Personality Inventory – Revised », ce document est totalement accessible à la demanderesse. LE DOCUMENT 8 iv : LE CANEVAS D’ENTREVUE [54] Le canevas d’entrevue pour un poste de directeur d’établissement d’enseignement contient 5 pages qui comprennent les questions, les critères visés par ces questions et les observations manuscrites de l’intervenant. [55] Les questions posées (1 à 12) ne sont pas accessibles car elles ne révèlent rien de personnel à propos de la demanderesse. [56] Les observations de la personne dirigeant l’entrevue ainsi que les critères inscrits sous chacune des questions sont accessibles à la demanderesse parce
02 11 98 Page : 9 que ces renseignements révèlent, en substance, l’appréciation et le résultat de la performance de la demanderesse pour chacun des critères sous-jacents aux questions. Ces informations sont, en substance, des renseignements personnels concernant la demanderesse. [57] Seules les questions 1 à 12 devront être masquées. Le reste devra être remis à la demanderesse. LE DOCUMENT 8 v : LES NOTES PERSONNELLES DE L’ÉVALUATRICE pour la mise en situation « Panier de gestion ». [58] Ce document contient une page manuscrite. [59] Il constitue l’appréciation de la performance de la demanderesse dans cette mise en situation sans que ne soit dévoilé aucun des éléments de la question c’est-à-dire sans que ne soit révélée aucune composante de la mise en situation. [60] Cette appréciation constitue une information personnelle concernant la demanderesse. [61] Ce document est totalement accessible à cette dernière. [62] POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande d’examen de mésentente; et ORDONNE à l’entreprise de remettre à la demanderesse les documents ou parties de documents qui suivent : • le premier feuillet du document 8 i (Jackson Personnality Inventory – Revised), savoir, l’histogramme (profil de résultat) et les parties des deuxième et troisième feuillets décrites aux paragraphes 48 et 49; • le titre du test et les nom et date de naissance de la demanderesse sur la page couverture du document 8 ii (Épreuve individuelle d’habileté mentale de l’IRP);
02 11 98 Page : 10 • le document 8 iii : l’histogramme (profil de résultat) du test « Bordeleau »; • le document 8 iv : le canevas d’entrevue, à l’exception des 12 questions; et • le document 8 v : les notes personnelles manuscrites de l’évaluatrice pour la mise en situation « panier de gestion » Québec, le 6 mai 2003 DIANE BOISSINOT Commissaire
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