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Dossier : 02 10 82 Date : 20030521 Commissaire : M e Jennifer Stoddart X Partie demanderesse c. L'INTERNATIONALE, COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE Entreprise DECISION LA DEMANDE [1] La demanderesse détient un contrat dassurance avec lentreprise. Elle demande accès à son dossier le 21 juin 2002. Le 28 juin, l'entreprise le lui refuse en expliquant que : […] un assureur peut refuser de communiquer à un client des renseignements contenus dans un dossier qui le concernent lorsque cela risquerait d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'assureur ou le client a un intérêt. […] [2] La demanderesse fait une demande de révision de ce refus à la Commission daccès à linformation du Québec ( « la Commission » ) le 5 juillet 2002. [3] Laudience a lieu a Montréal, le 25 avril 2003. La demanderesse participe par conférence téléphonique.
Page: 2 LAUDIENCE A) Le litige [4] Il sagit de déterminer si la demanderesse peut avoir accès à tout son dossier chez lassureur ou si lentreprise peut le lui refuser parce cela pourrait avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre des parties a un intérêt. LA PREUVE i) de la demanderesse [5] La demanderesse explique quelle est en arrêt de travail depuis août 2001 pour des raisons médicales. Lentreprise refuse de lui verser une assurance-invalidité. En avril 2002, en soutien à sa demande, la demanderesse envoie à lentreprise le rapport du Docteur Marie Quintal. [6] Le même mois, elle est examinée par le Docteur Jean-Paul Bouchard à la demande de lentreprise. Par la suite, l'entreprise lui refuse toujours des prestations dassurance-invalidité. La demanderesse souhaite avoir accès à tout son dossier pour comprendre quelle information a été fournie au Docteur Bouchard. ii) de lentreprise [7] Madame Susan Yacyk témoigne quelle est chef de service au département de réclamations d'invalidité de l'entreprise Elle fait référence au dossier de la demanderesse, envoyé à la Commission sous pli confidentiel. [8] Le 17 mai 2002, lentreprise a informer la demanderesse que même avec de nouvelles expertises, on lui refusait les indemnités auxquelles elle pensait avoir droit. Lentreprise la confirmé par lettre, envoyée le même jour. [9] Le 23 mai 2002, lentreprise a reçu une lettre de la demanderesse, datée du 17 mai 2002. Cette lettre se lit en partie comme suit : « Suite à une discussion téléphonique avec Marie-France Noël, le 17 mai 2002, m'informant que ma demande avait encore été refusée. Et ce, malgré les rapports de trois professionnels de la santé. […] Je tiens donc à contester votre décision et demande à ce que mon dossier soit réévalué par des professionnels compétents.
Page: 3 Bien vouloir m'informer si d'autres renseignements n'ayant pas rapport avec mon état de santé auraient pu influencer votre décision. Sachez que si votre réponse n'est pas plus favorable à mon endroit, des procédures légales suivront [10] Le 21 juin, la demanderesse écrit de nouveau, demandant quon lui fasse parvenir son dossier au complet. Le 28 juin, lentreprise lui répond, citant la possibilité de poursuite invoquée dans sa lettre du 17 mai. [11] Madame Stacyk a témoigné que bien quà cette date il ny avait pas de poursuites judiciaires déjà entamées ou même pas dautres conversations téléphoniques, leur conseiller juridique leur a suggéré quétant donné la menace de litige, de ne pas lui donner accès à son dossier. LA RÉPLIQUE [12] En réplique, la demanderesse témoigne avoir déposé une plainte contre son employeur à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Elle sinterroge quant à savoir si la compagnie dassurance na pas fait pression sur lemployeur. B) LES ARGUMENTS [13] Dans une plaidoirie écrite, envoyée à la Commission le 1er mai 2002, le conseiller juridique plaide : « En vertu de l'article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (Chapitre P-39.1), notre cliente est bien fondée à refuser de communiquer à madame X un renseignement personnel qui la concerne, compte tenu que la divulgation de ce renseignement risquerait vraisemblablement d'avoir un effet non pas sur une mais sur deux (2) procédures judiciaires dans lesquelles madame X a un intérêt. En effet, vu les informations à l'effet que madame X est actuellement en litige avec son employeur, et que c'est vraisemblablement dans le but d'utiliser certaines informations détenues par l'Internationale dans la procédure contre son employeur qu'elle désire obtenir certains renseignements, nous sommes d'opinion que l'exception prévue à l'article 39 de la loi s'appliquent. »
Page: 4 LA DÉCISION [14] 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: […] 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [15] Le refus initial de lentreprise fut basé sur la menace de poursuite de la demanderesse, exprimée dans sa lettre du 17 mai 2002. À laudience, lentreprise apprend lexistence de procédures pouvant se terminer éventuellement par des poursuites légales, soit le dépôt dune plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. [16] La Commission, dans sa décision Nadeau c. SSQ Vie 1 a statué que : […] Pour que la restriction au droit d'accès du deuxième paragraphe de l'article 39 de la loi s'applique, […] quatre conditions doivent être réunies : 1 o Il doit s'agir de renseignements personnels qui concernent la demanderesse ; 2 o Le refus est en lien avec une procédure judiciaire en cours ou qui sera intentée; 3 o Il faut que la divulgation des renseignements risque vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire; et 4 o L'effet de la divulgation des renseignements doit être évalué au moment a été rendue la décision de l'entreprise d'en refuser l'accès [17] Dans le présent cas, la Commission a examiné le dossier de la demanderesse. On y rencontre, dans l'ensemble, les quatre conditions de lapplication de larticle 39 (2) à savoir (1) il sagit de renseignements personnels qui concernent la demanderesse, (2) le refus est en lien avec une menace, mise par écrit, de procédure judiciaire, (3) la divulgation des renseignements personnels révélerait des constats de faits et des opinions professionnelles qui pourraient être au cœur dun litige éventuel, et (4) cet effet peut être évalué au moment du refus initial de lentreprise. [18] Le fait que celle-ci apprenne, au moment de laudience, que la demanderesse a déposé une plainte contre une autre partie, nest pas pertinent pour lapplication de ce critère. 1 [l999] CAI 376, 380.
Page: 5 [19] Toutefois, il faut rappeler que la demanderesse a accès à toute la correspondance qu'elle a déjà reçue de l'entreprise et qu'elle-même lui a déjà envoyée. Ces documents ne sont pas affectés par l'application de l'article 39 (2) de la loi. Toutefois, l'opinion de la demanderesse, exprimée à l'audience, est d'avoir accès aux informations dont elle n'a pas déjà pris connaissance. [20] EN CONSÉQUENCE, la Commission : [21] ACCUEILLE partiellement la demande d'examen de mésentente; [22] ORDONNE à l'entreprise de faire parvenir à la demanderesse copie des documents que celle-ci a envoyés ou déjà reçus; [23] REJETTE la demande quant aux autres documents; et, [24] FERME le dossier. JENNIFER STODDART Commissaire
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