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Dossier : 99 08 13 Date : 20030423 Commissaire : M e Jennifer Stoddart URA GREENBAUM Demandeur c. CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L'OBJET [1] Le 3 mai 1999, M. Ura Greenbaum le demandeur ») s'adresse au responsable de l'accès à l'information du Curateur public l'organisme ), afin d'obtenir les documents suivants : […] Par lettre en date du 25 mars 1998 ci-annexée M me Lucie Bélisle m'a autorisé plusieurs documents relatifs au sondage réalisé par la firme Léger & Léger pour le compte du Curateur public en décembre 1996. J'en ai obtenus la plupart à l'exclusion de l'appel d'offres. Pourriez-vous me fournir les documents d'appel d'offres (datés du 14 novembre 1996, 38 pages). (sic) […]
99 08 13 Page : 2 [2] Le lendemain, l'organisme lui répond que les documents sont accessibles dès réception du paiement des frais de reproduction : La présente fait suite à votre demande d'obtenir «une copie de l'appel d'offres du sondage réalisé par la firme Léger & Léger». Conformément à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics (L.R.Q., chapitre A-2.1), une copie de ces documents peut vous être transmise moyennant les frais de reproduction. Les frais sont calculés de la façon suivante : 38 pages x 0,26 $ par copie= 9,88 $ - 5,20 $ (frais non exigibles) = 4,68 $ Dès réception de votre paiement de 4,68 $, nous vous ferons parvenir les copies demandées. […] [3] Le 10 mai 1999, M. Greenbaum s'adresse de nouveau à l'organisme, demandant les vingt premières pages gratuitement : À la suite de ma demande en date du 3 mai d'une copie de l'appel d'offres du sondage réalisé par la firme Léger & Léger, vous m'avez informé que les 38 pages me coûteraient 4.68$. L'idée de subventionner le fonctionnement du Curateur public me répugne encore. En conséquence, pourriez-vous me fournir les premières 20 pages. […] [4] Le lendemain, l'organisme répond en refusant cette demande et en précisant : […] Votre nouvelle demande est faite dans le but stratégique d'éviter de payer les frais de reproduction prévus à la Loi sur l'accès. Par respect de la loi et par souci d'équité envers tous les autres requérants qui doivent acquitter les frais demandés, nous refusons de vous faire parvenir les documents demandés par tranche de vingt (20) pages. […] [5] Le 20 mai 1999, M. Greenbaum demande à la Commission d'accès à l'information ( « la Commission ») de réviser cette réponse de l'organisme.
99 08 13 Page : 3 L'AUDIENCE [6] L'audience est tenue à Montréal les 28 et 29 novembre 2002. A) LA PREUVE i) de l'organisme [7] L'organisme fait déposer, sous la cote O-1, sa lettre du 3 mai 1999, sous la cote O-2, sa lettre du 11 mai 1999, et sous la cote O-3, sa lettre du 10 août 1999. Dans cette dernière communication, l'organisme avise le demandeur de la fermeture possible de son dossier de demande : La présente donne suite à votre demande dans laquelle vous demandiez «une copie de l'appel d'offres du sondage réalisé par la firme Léger & Léger». Nous vous avons alors informé, dans nos lettres datées respectivement du 4 et du 11 mai 1999, que vous deviez acquitter des frais de 4,68 $ afin d'obtenir les documents demandés. Nous n'avons toujours pas reçu votre paiement. Nous fermerons donc ce dossier le 10 septembre prochain, si nous n'avons pas de vos nouvelles d'ici cette date. [8] M e Drapeau, responsable de l'accès à l'organisme, affirme que l'organisme attend toujours les frais avant de faire parvenir les documents. Elle témoigne de sa connaissance personnelle de l'application du Règlement sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents et de renseignements nominatifs, depuis juillet 2001. Elle ne peut commenter sur l'application de ce règlement auparavant et ne peut offrir d'explication pour éclaircir l'affirmation du demandeur que l'organisme mettait parfois des demandes d'accès séparées ensemble pour le traitement. Elle témoigne que la façon correcte de calculer les frais exigibles pour une demande se trouve dans ce Règlement. ii) du demandeur [9] Le demandeur fait déposer, sous la cote D-1, deux lettres: une de l'organisme au demandeur en date du 23 septembre 1999 et une lettre de l'organisme à M. Kenneth Randon, en date du 12 mai 2000, répondant à la
99 08 13 Page : 4 demande d'extraits du Guide de travail et exigeant les frais de reproduction au montant de 109,98$. [10] M. Greenbaum se plaint d'un changement de politique de la part de l'organisme. Il affirme que précédemment, il a pu obtenir des documents par tranches de 20 pages. Il affirme, de plus, que cette politique oblige le citoyen à payer pour tout le document, lorsqu'il veut le voir, afin de déterminer si une partie l'intéresse. Il affirme avoir de la difficulté à consulter sur place et devoir prendre des rendez-vous. Lorsqu'il consulte des documents, un employé reste avec lui. Il se plaint qu'il faut tout faire par écrit maintenant. Il dit que tout le monde a droit à l'information. D'après son expérience, des fois l'organisme donne des documents et des fois il ne les donne pas. Il trouve ces agissements arbitraires. LES ARGUMENTS i) de l'organisme [11] Le procureur fait valoir que le demandeur veut avoir des documents par tranches de 20 pages pour contourner les effets du Règlement et obtenir l'information recherchée gratuitement. Il dit qu'il se peut que le Curateur ait donné les documents à M. Greenbaum par tranches de 20 pages dans le passé pour éviter des procédures en révision devant la Commission, mais il affirme la volonté actuelle de l'organisme de traiter ce demandeur comme tous les autres. Il cite la décision de la Cour du Québec dans l'affaire Curateur public c. Cécile Boeck 1 . Il s'appuie, entre autres, sur le passage suivant : […] On ne peut, répétons-le, tabler sur l'absence de dispositions légales et réglementaires, comme elle le fait, visant d'ailleurs précisément la concertation des demandes "par leur nombre et par un système établi entre personnes liées". Les paragraphes 2 et 3 de l'article 11 de la Loi sur l'accès posent justement des bornes qu'on ne saurait ignorer. […] [12] Il plaide que le fractionnement d'une demande pour éviter d'encourir des frais n'est pas permis selon cette décision. [13] Le procureur de l'organisme soumet qu'il n'a pas besoin de faire la preuve d'un système organisé pour appliquer le principe que le fractionnement d'une demande n'est pas permis, afin de contourner l'application de l'article 11 de la Loi. 1 J.E. 2002-1687.
99 08 13 Page : 5 ii) du demandeur [14] Le demandeur fait valoir que son affirmation à l'effet que la politique de l'organisme auparavant était de donner des documents par tranche de 20 pages n'est pas contredite. C'est arbitraire, selon lui. Il affirme, de plus, que le jugement dans l'affaire Boeck ne s'applique pas à la présente affaire qui ne concerne qu'un seul demandeur. Ce jugement ne peut s'appliquer à la présente demande, car on n'a pas fait la preuve d'un système monté pour obtenir ainsi des documents au complet. [15] Le demandeur exprime son opinion sur les faits mis en preuve par l'organisme. Il trouve que l'attitude du Curateur est discriminatoire à son égard en comparant les réponses données à M. Randon, pour ce qu'il allègue être le même document. [16] À la suite de l'audience, le demandeur fait parvenir trois arrêts de jurisprudence en appui à son affirmation d'être l'objet de discrimination par l'organisme à cause de ses qualités personnelles, ses activités et ses liens. Dans l'affaire François Lapare c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal 2 , le demandeur trouve un appui pour ses prétentions à l'effet que les vingt premières pages doivent être transmises gratuitement. Il souligne le passage suivant : […] La franchise de 5 $ prévue à l'article 3 du règlement correspond à 20 pages pour une demande d'accès à un document. Procédant à l'application de ce régime, le responsable de l'accès a transmis gratuitement les 20 premières pages et exigé du demandeur les frais correspondant aux pages restantes. […) [17] Dans l'affaire Jean-Marc Fournier c. Ministère des finances et Caisse de dépôt et placement du Québec 3 , il cite le paragraphe suivant de la décision : […] tous les demandeurs sont égaux dans l'exercice de ce droit d'accès aux documents « administratifs » et qu'ils ne doivent aucunement démonter leur intérêt. Le corollaire de cet énoncé est que la Commission ne doit pas s'inventer des critères spéciaux d'accès pour certaines catégories de demandeurs […]. 2 [1989] C.A.I. 193. 3 [1998] C.A.I. 341.
99 08 13 Page : 6 [18] Finalement, il attire l'attention sur le passage suivant de la conclusion dans l'affaire Association des Locateurs des salons de jeux c. Régie des alcools, des courses et des jeux 4 . […] Le droit d'accès est le même pour tout individu quel que soit son titre, son intérêt ou son occupation. […] La réponse de l'organisme [19] Commentant les arrêts cités par le demandeur, la procureure fait valoir qu'ils n'apportent aucun argument additionnel à l'encontre des positions de l'organisme. Elle considère que la preuve de la discrimination à l'encontre du demandeur n'est pas faite. [20] Quant à la décision dans l'affaire François Lapare c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal 5 , elle fait valoir que cet arrêt est cité dans le jugement de la Cour du Québec dans Curateur Public c. Cécile Boeck 6 et que rien dans cette décision n'appuie la position du demandeur. [21] L'affirmation que tous les demandeurs sont égaux dans l'exercice de leur droit d'accès qui se trouve dans la décision de la Commission dans l'affaire Jean-Marc Fournier c. Ministère des finances et Caisse de dépôt et placement du Québec 7 n'est pas pertinente dans la présente cause, soutient-elle. Cet énoncé est fait pour rejeter un argument que la Commission devrait considérer les motifs pour lesquels une demande d'accès est faite. [22] Elle dit souscrire entièrement au principe que le droit d'accès est le même pour tout individu, articulé dans la décision Association des locateurs de salons de jeux du Québec c, Régie des alcools 8 , mais elle soutient que ce principe n'est pas mis en cause dans le présent dossier : […] Après la lecture de ces documents, nous vous soumettons qu'ils n'apportent aucun argument additionnel à l'encontre de l'argumentation que nous avons portée à votre attention à l'audience du 29 novembre dernier. 4 [1999] C.A.I. 250. 5 Supra, note 2. 6 Supra, note 1. 7 Supra, note 3. 8 Supra, note 4.
99 08 13 Page : 7 En effet, le demandeur n'a pas du tout démontré que le Curateur public l'a discriminé. Au contraire, nous considérons que la pièce produite par le demandeur qui consiste en une lettre de réponse du responsable d'accès datée du 12 mai 2000, adressée à un certain Kenneth Randon démontre justement que le Curateur public a répondu à ce citoyen de la même manière qu'il a répondu au demandeur à demande d'accès à un document par tranche de 20 pages ou moins. (sic) […] DÉCISION [23] La Commission conclut qu'il y a lieu de rejeter la demande de révision pour les raisons suivantes : [24] Toute pratique qui a pu exister de donner, de temps en temps, des documents par tranches de 20 pages n'a pas été prouvée. Même si une telle pratique existait, elle ne peut servir de précédent pour créer un droit d'obtenir un document gratuitement par tranches de 20 pages. La Commission, dans l'affaire François Lapare c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal 9 , a distingué entre l'envoi d'un nombre maximal de 20 pages gratuitement, ce que la Loi et le Règlement permettent, et la nature illicite de demandes successives des parties d'un document pour éviter ainsi l'application de la politique tarifaire établie par règlement. La Commission rejette donc, pour absence de preuve, les allégations que l'organisme a agi de façon arbitraire face aux demandes successives du demandeur. Des allégations à l'effet que le demandeur a déjà eu des documents par tranches de 20 pages, allégations qui ne sont appuyées par aucune preuve écrite, malgré ses nombreuses demandes d'accès à l'information, ne modifient pas cette conclusion. [25] Il est vrai que dans les décisions de la Cour du Québec Curateur public c. Harold Boeck 10 et Curateur public c. Cécile Boeck 11 , décisions quasi-identiques, il s'agit d'actions concertées par des époux. Toutefois, un seul individu peut fractionner aussi ses demandes. C'est ce que faisait chacun des époux Boeck. La Commission rejette donc la prétention que les décisions Boeck ne peuvent pas s'appliquer à un seul demandeur et qu'il faut faire la preuve d'un système échafaudé par plusieurs personnes. La Commission conclut que la demande initiale du demandeur, en date du 3 mai 1999, laquelle a été remplacée par une demande faite en date du 10 mai 1999 pour les 20 premières pages du même document constitue la preuve de la tentative d'utiliser un tel système, soit une approche par fractionnement, pour ne pas dépasser le seuil des 20 pages gratuites. 9 Supra, note 2. 10 Curateur public du Québec c. Boeck, C.Q. Montréal, n o 500-02-091524-012, 3 mai 2002, j. Dansereau. 11 Supra, note 1.
99 08 13 Page : 8 [26] La Commission comprend que les décisions dans les affaires Boeck précitées réaffirment le principe général que la consultation sur place est gratuite mais qu'autrement le tarif réglementaire s'applique et ne permet pas le fractionnement, soit par le biais de demande de groupes ou de demande d'individus. [27] Les allégations vagues quant aux changements de pratique de consultation sur place ou d'accès aux documents par le Curateur ne justifient non plus la Commission de conclure autrement par rapport aux dispositions claires de la Loi, du Règlement, et de la jurisprudence sur les normes de calcul de la tarification. [28] La demande initiale de M. Greenbaum était pour un document de quelques 38 pages. La réponse de l'organisme est d'offrir de lui remettre le document, dès la réception des frais calculés en vertu du Règlement sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents et de renseignements nominatifs précités. [29] Lors de l'audience, la position du demandeur à l'effet qu'il a droit à vingt pages gratuitement, provoque un débat à ce sujet. La Commission note que la franchise qui correspond à vingt pages gratuites a été soustraite du calcul effectué par le responsable. Le demandeur fut informé de ce calcul dans la réponse de l'organisme. [30] Le demandeur soulève, par ailleurs, la possibilité qu'il fut l'objet de traitement discriminatoire et inégal de la part de l'organisme. Le demandeur allègue être victime de discrimination à cause de ses liens, ses activités et ses associations, sans plus élaborer sur cette question. [31] L'article 74 de la Charte prévoit que la procédure appropriée dans des cas d'allégation de discrimination dans des services offerts au public est de déposer une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. En conséquence, la Commission ne tire pas de conclusion quant aux allégations de discrimination dans le présent dossier. Même si la preuve d'un traitement inégal du demandeur par le Curateur public était faite, elle ne pourrait pas faire naître un droit en vertu de la Loi si ce droit n'existait pas déjà. C'est le cas ici.
99 08 13 Page : 9 [32] Finalement, la Commission réfère à nouveau à la décision de la Cour du Québec dans l'affaire Curateur public c. Cécile Boeck 12 précitée : […] Le tamis d'une grille tarifaire applicable aux demandes ne peut être mis de côté. […] Si ces tarifs sont, comme le règlement le prévoit, modérés, équitables et universel, sauf certaines exemptions spécifiques, ils ne stérilisent aucun droit à l'accès, mais en modulent l'exercice. [33] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [34] REJETTE la demande de révision. JENNIFER STODDART Commissaire M e Claire-Élaine Audet Procureure de l'organisme 12 Supra, note 1.
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