Dossier : 02 05 99 Date : 22 avril 2003 Commissaire : M e Hélène Grenier P.A. RIOUX SANITAIRE INC. Demanderesse c. MRC DE LA HAUTE-GASPÉSIE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 27 mars 2002, la demanderesse s’est adressée à l’organisme pour obtenir « l’avis juridique formulé dans le deuxième «ATTENDU QUE» et ayant mené à l’adoption de la résolution 3800-11-99 ». [2] Le responsable de l’accès aux documents de l’organisme a refusé de lui communiquer l’avis juridique en question, soit « l’Opinion juridique de la gestion et de l’exploitation du site d’enfouissement sanitaire »; sa décision s’appuie sur l’article 31 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 : 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 05 99 Page : 2 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [3] La demanderesse requiert la révision de cette décision. Elle prétend que cette opinion juridique constitue la prémisse de la résolution #3800-11-99, qu’elle fait partie des archives de l’organisme et que celui-ci a renoncé à la discrétion qui lui est attribuée en vertu de l’article 31 précité. Elle avance également que le document en litige n’est ni une opinion juridique ni un cas particulier. L'AUDIENCE du 17 avril 2003 A) LA PREUVE i) de la demanderesse [4] Au soutien de sa demande de révision du 25 avril 2002, la demanderesse avait déjà produit, par l’entremise de son avocat : • sa demande d’accès du 27 mars 2002, par laquelle elle demande précisément à l’organisme de lui fournir « l’avis juridique formulé dans le deuxième «ATTENDU QUE» et ayant mené à l’adoption de la résolution 3800-11-99 »; • l’avis du responsable de l’accès, daté du 16 avril 2002, concernant la prolongation du délai de traitement de la demande du 27 mars; • la décision du responsable, datée du 24 avril 2002, refusant de fournir l’opinion juridique de la gestion et de l’exploitation du site d’enfouissement sanitaire »; • copie de la résolution #3800-11-99 par laquelle le conseil de l’organisme décide, attendu l’opinion juridique visée par la demande d’accès, de résilier le contrat de collecte de déchets solides conclu avec la demanderesse. [5] La résolution #3800-11-99, ainsi produite, a été adoptée lors d’une séance ordinaire du Conseil des maires de la municipalité régionale de comté de Denis Riverin (ancienne désignation de l’organisme) tenue le 24 novembre 1999. Les
02 05 99 Page : 3 deux éléments suivants constituent le préambule de cette résolution par laquelle cette MRC décide de résilier, le 31 mai 2000, son contrat de collecte de déchets solides conclu avec P.A. Rioux Sanitaire: • « ATTENDU QUE le contrat de collecte des déchets solides entre la MRC de Denis Riverin et P.A. Rioux Sanitaire inc. comporte une clause de résiliation dans l’éventualité où la MRC s’engage dans la collecte sélective des ordures ménagères; • ATTENDU QUE la MRC de Denis Riverin a reçu un avis juridique sur cette clause de résiliation afin d’en connaître les conséquences; » [6] L’avocat de la demanderesse refuse par ailleurs, séance tenante, de produire quelque témoin et de contre-interroger le témoin de l’organisme. Il s’objecte à la présentation de toute preuve parce qu’à son avis, la règle audi alteram partem ne peut recevoir application dans le cadre d’une audience qui est tenue par conférence téléphonique et qui, de ce fait, sépare la Commission, la demanderesse, l’organisme et son témoin qui y participent en étant présents dans trois endroits distincts, soit Québec, Matane et Sainte-Anne-des-Monts. L’objection de la demanderesse est prise sous réserve. ii) de l’organisme [7] L’avocat de l’organisme avait déjà produit, dans le cadre de ses observations écrites requises par la Commission et communiquées à la demanderesse, copie de la déclaration précisée que la demanderesse a déposée devant la Cour supérieure contre l’organisme et qui est datée du 15 juin 2001. Cette déclaration, qui parle d’elle-même et qui est antérieure à la demande d’accès, porte directement sur les conséquences dites préjudiciables de la résiliation du contrat de collecte de déchets solides décidée par la résolution #3800-11-99, résiliation que la demanderesse attaque vigoureusement. [8] L’avocat de l’organisme fait entendre M. Michel Thibault qui témoigne sous serment; M. Thibault est directeur général et secrétaire-trésorier de l’organisme depuis 1985; il est également responsable de la tenue des archives de l’organisme. [9] M. Thibault témoigne essentiellement du contexte de confidentialité dans lequel l’opinion juridique en litige, demandée dans le dossier des déchets et préparée en 1999, a été détenue, traitée, utilisée et conservée par l’organisme. Cette opinion, qu’il est le seul à détenir matériellement, n’a été déposée, en tout ou en partie, ni au conseil de l’organisme ni aux archives de celui-ci. Aucun
02 05 99 Page : 4 extrait de cette opinion n’a été lu au cours d’une séance du conseil de l’organisme; aucune référence au contenu de cette opinion n’y a été faite non plus. Cette opinion juridique avait été portée à la connaissance du comité consultatif responsable du dossier des déchets chez l’organisme, ce, avant que le conseil de l’organisme adopte la résolution #3800-11-99; M. Thibault avait repris possession des copies confidentielles de cette opinion à la fin de la réunion du comité consultatif. [10] L’avocat de l’organisme demande le rejet de l’objection présentée par son confrère. LES ARGUMENTS i) de la demanderesse [11] L’avocat de la demanderesse prétend que seule une enquête lui permettra d’interroger et de contre-interroger pour constater si les critères de l’article 31 de la Loi sur l’accès sont atteints et pour constater si l’opinion juridique en litige a été traitée de façon confidentielle ou si l’organisme a renoncé à la confidentialité de celle-ci. [12] À son avis, les articles 199, 201, 208 et 209 du Code municipal s’appliquent et prévalent sur l’article 31 invoqué par l’organisme; ils confèrent un droit d’accès plus généreux que la Loi sur l’accès aux documents qui sont déposés aux archives ou auxquels référence est faite dans une résolution à caractère public déposée aux archives. Le responsable doit donc donner copie des documents déposés aux archives dont il a la garde. [13] L’opinion juridique en litige constitue, de façon explicite, la prémisse d’une résolution à caractère public. L’utilisation de cette opinion comme prémisse de la résolution #3800-11-99 équivaut à son dépôt aux archives. Cette opinion a le caractère public de la résolution dont elle constitue la prémisse. [14] L’article 9 de la Charte oblige le professionnel au respect du secret; l’organisme ne peut, quant à lui, l’invoquer comme restriction à l’accès. ii) de l’organisme [15] Les parties au présent litige s’opposent aussi dans un litige civil; l’opinion juridique demandée traite directement de l’objet de ce litige civil. La
02 05 99 Page : 5 communication de cette opinion juridique est susceptible de compromettre le droit de l’organisme à une défense pleine et entière dans le litige civil. [16] L’opinion juridique visée par la demande d’accès a été détenue, utilisée et conservée de façon confidentielle. Elle porte sur l’application du droit à un cas particulier, le cas particulier étant la situation des parties sur laquelle les décideurs de l’organisme voulaient avoir un éclairage avant de se prononcer. [17] La résolution #3800-11-99 se limite à référer à la réception de cette opinion juridique. L’organisme n’a pas, pour autant, renoncé à la confidentialité de cette opinion ou à la discrétion de la communiquer que lui confère la loi. [18] L’opinion juridique en litige n’a jamais été déposée aux archives. La référence à cette opinion dans le préambule de la résolution #3800-11-99 n’équivaut pas à un dépôt aux archives. [19] L’article 31 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels de même que l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne s’appliquent à cette opinion juridique qui porte sur les moyens de défense de l’organisme et sur le droit d’action de la demanderesse. La communication de cette opinion aurait pour effet de déséquilibrer de façon indue le rapport de force entre les parties en ce qu’elle ferait connaître, à l’avance, les stratégies et les moyens de défense de l’organisme. DÉCISION [20] J’ai pris connaissance du document en litige. Il s’agit d’une opinion juridique préparée par un avocat mandaté par l’organisme. Cette opinion porte explicitement et de façon détaillée sur l’application du droit à un cas particulier que lui a confié l’organisme. [21] L’article 31 de la Loi sur l’accès habilite un organisme public à refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l’application du droit à un cas particulier : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une
02 05 99 Page : 6 version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [22] La décision du responsable est donc fondée. Les critères d’application de cet article qui sont ajoutés par la demanderesse et au sujet desquels elle souhaite enquêter ne sont pas prévus par le législateur. Il n’y a pas lieu, vu l’application de l’article 31 précité, de décider de l’objection soumise par la demanderesse. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE LA DEMANDE DE RÉVISION. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Jean Deschênes Deschênes & Doiron Avocat de la demanderesse M e Jean-François Roy Avocat de l’organisme
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