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Dossier : 00 20 78 Date : 20030408 Commissaire : M e Michel Laporte X Demanderesse c. BANQUE CIBC Entreprise DÉCISION LA DEMANDE DACCÈS [1] Le 3 octobre 2000, le procureur de M me Jacynthe Deschênes s'adresse à lentreprise, la Banque CIBC (la « Banque »), pour que lui soient communiqués les renseignements concernant le dossier de crédit et d'employée de sa cliente. Il spécifie vouloir notamment : les notes manquantes au dossier hypothécaire pour les années 1995, 1996 et 1997; les dossiers filières d'audition des rapports de ventes pour la période de juin 1995 à janvier 1998; les communications de la Banque entre son bureau de Toronto et celui de Montréal au sujet du congédiement ou des retards de paiement de M me Deschênes;
00 20 78 Page : 2 la filière de marge de crédit personnelle, les dossiers du Centre Visa et les dossiers du Centre de recouvrement pour l'hypothèque et la marge de crédit. [2] Le 2 novembre 2000, le procureur de la Banque, M e Mario Langlois, informe celui de M me Deschênes que cette dernière a déjà formulé la même demande le 26 janvier 2000. Il lui a alors été offert, le 17 février suivant, de contacter M mes Martine Côté, Hélène Boivin et Martine Roy pour qu'elle puisse consulter tous les dossiers la concernant détenus par le Centre Visa ainsi que ceux relatifs à sa marge de crédit personnelle. Il signale que M me Deschênes n'a pas donné suite à cette offre. Il réitère cette offre faite le 17 février 2000 en ce qui concerne le dossier des cartes Visa régulière et Visa Or. [3] M e Langlois ajoute que la partie de la demande daccès pour obtenir les communications transmises entre le bureau de Toronto et Montréal est trop vague pour que la Banque puisse y répondre. [4] Compte tenu de procédures judiciaires en cours, M e Langlois refuse maintenant l'accès aux autres renseignements exigés par la demande du 3 octobre 2000, notamment les renseignements au sujet de sa marge de crédit personnelle. LA DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE ET LES REQUÊTES DE LA BANQUE [5] Le 1 er décembre 2000, le procureur de M me Deschênes dépose à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande d'examen de mésentente. [6] Le 8 mai 2001, M e Langlois prétend que la Commission a perdu juridiction parce que la Banque, de juridiction fédérale, est soumise à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques 1 (loi fédérale), en vigueur depuis le 1 er janvier 2001. [7] Subsidiairement, M e Langlois soumet que la demande d'examen de mésentente a été présentée hors délai et qu'elle est manifestement abusive par le nombre de documents demandés. 1 L.C. 2000, c. 5.
00 20 78 Page : 3 LES DATES DAUDIENCES [8] L'audience prévue à Montréal pour le 12 juin 2001, remise au 16 août 2001 à la requête de la Banque, est de nouveau reportée au 11 octobre 2001 et se poursuit les 9 et 25 avril et 1 er novembre 2002. [9] Les 23 novembre, 18 décembre 2002 et 7 janvier 2003, M me Deschênes fait parvenir ses commentaires. La Banque, pour sa part, achemine les siens les 18 décembre 2002 et 8 janvier 2003. Le délibéré débute donc ce 8 janvier 2003. L'AUDIENCE SÉANCE DU 11 OCTOBRE 2001 Liste des pièces déposées : E-1 : Lettre de M me Deschênes du 26 janvier 2000; E-2 : Lettre de la Banque du 17 février 2000. A) QUESTIONS PRÉLIMINAIRES [10] M me Deschênes signale qu'elle n'est plus représentée par procureur dans le cadre du présent litige. i) Demande dexamen de mésentente tardive M e Mario Langlois [11] M e Langlois informe les parties qu'il n'entend pas contester la juridiction de la Commission, mais que la demande d'accès doit être rejetée pour le motif suivant : L'actuelle demande est similaire à une autre faite au mois de janvier 2000 et, dans les circonstances, l'examen de la requête pour mésentente de la part de M me Deschênes a été produit hors délai.
00 20 78 Page : 4 DÉCISION DE LA COMMISSION [12] La Commission constate que la Banque a répondu, le 2 novembre 2000, à la demande d'accès datée du 3 octobre précédent et que M me Deschênes a produit, le 1 er décembre suivant, sa requête pour que la Commission examine cette mésentente. [13] La Commission en arrive à la conclusion qu'elle est validement saisie d'une demande d'examen de mésentente, produite dans le délai requis à l'article 43 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 2 (la « Loi ») : 43. Lorsque la mésentente résulte du refus d'acquiescer à une demande ou d'une absence de réponse dans le délai accordé par la loi pour répondre, la personne concernée doit la soumettre à la Commission dans les 30 jours du refus de la demande ou de l'expiration du délai pour y répondre à moins que la Commission, pour un motif raisonnable, ne la relève du défaut de respecter ce délai. ii) Lexistence dune décision antérieure [14] La Commission précise également que, dans un autre dossier (C.A.I. n o 98 15 95) impliquant les mêmes parties, le soussigné a statué, par décision rendue le 11 janvier 2000, que la Banque avait transmis à M me Deschênes tous les documents qu'elle détenait au 18 août 1998 concernant ses dossiers d'employée et hypothécaire. [15] Cette même décision réserve toutefois à M me Deschênes ses droits pour d'autres documents. Comme la décision rendue dans le dossier n o 98 15 95 n'a pas fait l'objet d'un appel, la Commission fait remarquer qu'elle na pas à statuer de nouveau sur l'existence ou non de documents, avant la période du 18 août 1998, pour les dossiers d'employée et hypothécaire de M me Deschênes. 2 L.R.Q., c. P-39.1.
00 20 78 Page : 5 iii) La demande est abusive [16] La Commission accepte sous réserve cette requête de la Banque. M e Mario Langlois [17] M e Langlois soutient que la demande est abusive au sens de l'article 46 de la Loi et que l'intervention de la Commission n'est manifestement pas utile selon l'article 52 : 46. Une personne qui exploite une entreprise et détient des renseignements personnels sur autrui peut demander à la Commission de l'autoriser à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique ou de demandes qui, de l'avis de la Commission, ne sont pas conformes à l'objet de la présente loi. 52. La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. M. Jean-Pierre Paiement [18] M. Paiement, directeur des ressources humaines, raconte que M me Deschênes a présenté à la Banque une demande d'accès le 26 janvier 2000. Cette demande visait notamment : les rapports de ventes et les communications intervenues entre le bureau de Toronto et celui de Montréal la concernant; les dossiers relatifs à ses cartes de crédit Visa; les documents au sujet de sa marge de crédit; les notes personnelles qu'il a lui-même prises lors des séances d'arbitrage au Tribunal du travail impliquant les parties (pièce E-1). [19] M. Paiement soumet que la Banque a refusé, le 17 février 2000, de lui remettre les notes personnelles en raison des procédures judiciaires en cours et
00 20 78 Page : 6 parce que celles-ci ont été requises à la demande expresse du procureur de la Banque (pièce E-2). [20] M me Deschênes reconnaît avoir exigé les notes prises par M. Paiement pour les 58 dernières journées d'audience de la cause, encore en arbitrage. [21] Pour ce qui est des cartes de crédit Visa et de lhypothèque, M. Paiement confirme avoir offert à M me Deschênes de contacter les personnes responsables des dossiers pour la Banque et, le cas échéant, de faire venir à un même endroit tous les dossiers pour qu'elle puisse les consulter et identifier les documents dont elle désire obtenir copie. [22] M. Paiement prétend que la demande d'accès du 3 octobre 2000 est identique à celle du 26 janvier de la même année. [23] Interrogé par M me Deschênes, M. Paiement lui confirme la possibilité pour l'entreprise de retrouver tous les documents la concernant, à titre d'employée, avec son numéro d'assurance sociale (le « NAS »). Il ne peut cependant certifier si le NAS permet de repérer les renseignements ou documents au sujet des cartes de crédit Visa ou de sa marge de crédit. [24] M. Paiement précise que depuis trois ou quatre ans, la Banque attribue un numéro à chaque employé et n'utilise plus le NAS comme identifiant. Il atteste qu'à sa connaissance, la Banque n'exige le NAS que pour les personnes détentrices de cartes de crédit. [25] M. Paiement répond à M e Langlois que, selon lui, le NAS ne permet pas de connaître ou de repérer les courriels apparaissant au nom de M me Deschênes. M me Jacynthe Deschênes [26] M me Deschênes relate avoir requis la filière détenue par la Banque à son bureau de Toronto au sujet des rapports de ventes qu'elle a faits à titre de spécialiste en placement. Elle mentionne avoir pris connaissance d'une partie de ces derniers documents, les « audit report », lors d'une séance d'arbitrage pour son congédiement, mais qu'elle n'en a pas reçu copie. [27] M me Deschênes spécifie que sa demande vise à obtenir toutes les communications écrites la concernant, notamment les courriels transmis entre le bureau de Toronto et de Montréal. Elle spécifie que cette demande ne se limite pas aux documents faisant l'objet du litige en arbitrage.
00 20 78 Page : 7 [28] M me Deschênes reconnaît quelle na pas communiqué depuis février 2000 avec M mes Côté, Boivin et Roy pour consulter ses dossiers de cartes Visa et de marge de crédit. [29] M me Deschênes fait valoir qu'elle ne veut pas limiter lobjet de sa demande daccès, mais plutôt recevoir de la Banque réellement tout ce qui la concerne comme employée ou cliente. Elle ajoute vouloir obtenir tout ce qui lui est permis par la Loi. [30] M me Deschênes prétend que la Banque peut, avec son NAS, ouvrir le fichier informatisé du client (le « FIC ») et, à l'aide du système « COINS », repérer toutes les filières ou les documents la concernant, incluant les courriels. [31] M me Deschênes certifie que sa lettre du 26 janvier 2000 et la présente demande constituent essentiellement la même demande, à l'exception de son exigence pour obtenir les notes prises lors de larbitrage par M. Paiement. [32] M me Deschênes reconnaît l'existence de procédures judiciaires lopposant à la Banque, particulièrement au sujet de sa marge de crédit personnelle. SÉANCE DU 9 AVRIL 2002 Liste des pièces déposées : E-3 en liasse : Détails de la réclamation de M me Deschênes à la Banque au 25 juin 1999; E-4 en liasse : Déclaration de M me Deschênes à la Cour du Québec du 30 mai 2001. La Commission accepte sous réserve le dépôt de cette pièce; D-1 : Plainte de M me Deschêsnes à la Commission des valeurs mobilières du Québec; E-3 et D-1 : Interdiction de communication, publication ou diffusion par la Commission.
00 20 78 Page : 8 B) QUESTION PRÉLIMINAIRE Requête pour faire annuler un subpoena. M e Mario Langlois [33] M e Langlois demande de casser les deux subpoenas émis à la requête de M me Deschênes parce que la discussion est poursuivie sur les moyens préliminaires, quil existe un litige entre les parties et que les subpoenas ne sont pas conformes aux termes des 1 er et 2 e paragraphes de l'article 462 de la Loi sur les banques 3 : 462. (1) Le bref ou l'acte qui introduit une instance ou qui est délivré dans le cadre d'une instance, l'ordonnance ou l'injonction du tribunal ou l'avis ayant pour effet de céder ou de régulariser un droit sur un bien ou sur un compte de dépôt ou d'en disposer autrement ne produisent leurs effets que sur les biens appartenant à une personne à la succursale de la banque le bref, l'exploit, l'ordonnance ou l'injonction en question, ou l'avis y relatif, sont signifiées; dans le cas d'un compte de dépôt, ils ne produisent leurs effets que sur les sommes dues en raison d'un compte de dépôt et dans la mesure ils ont été signifiés à la succursale de tenue du compte. (2) À l'exception des documents visés au paragraphe (1), les avis envoyés à la banque concernant un de ses clients ne constituent un avis valable dont le contenu est porté à la connaissance de la banque que s'ils sont envoyés à la succursale se trouve le compte du client. M me Jacynthe Deschênes [34] M me Deschênes reconnaît l'existence d'un litige entre les parties devant le Tribunal du travail, mais fait valoir que sa demande d'émettre des subpoenas vise à démontrer qu'il est facile pour la Banque d'obtenir l'information désirée. DÉCISION DE LA COMMISSION [35] La Commission décide de casser les subpoenas émis pour le 9 avril 2002, mais de les maintenir pour la séance du 25 avril suivant. 3 L.C. 1991, c. 46.
00 20 78 Page : 9 C) POURSUITE DE LA PREUVE DE LA BANQUE/ SUR L'EXISTENCE ET LA DÉTENTION DE DOCUMENTS M. Alain Deschênes [36] M. Alain Deschênes, administrateur du réseau informatique local pour la Banque, explique que, pour récupérer les courriels des 12 derniers mois, avec un nom en particulier, la Banque est dans lobligation de recréer le même environnement informatique existant lors de cette période. [37] M. Deschênes explique que le système informatique de la Banque est situé à Toronto et composé de 53 serveurs. Chaque serveur coûte entre 30 000 $ et 40 000 $. En pratique, pour trouver un courriel non détruit dans un serveur, il lui faut recréer le même environnement existant au moment de lenvoi de ce courriel. Comme linformation se répartit de façon aléatoire vers lun ou lautre des 53 serveurs, il lui faut reconfigurer ces serveurs par le nombre de mois requis pour la recherche. Il évalue que la firme externe, responsable des copies de sauvegarde, peut mettre 12 heures par serveur pour le configurer, et ce, au coût de 700 $ par jour. À cette opération, il faut ajouter une moyenne de 15 heures, par serveur et par champ de recherche (nom), pour trouver un courriel non détruit. [38] M. Deschênes affirme qu'il est toutefois impossible de repérer un courriel après 12 mois, les cassettes denregistrement des serveurs étant réutilisées après une année. Il réitère quil ny a aucun serveur à Montréal et que les informations recherchées par M me Deschênes peuvent se trouver sur l'un ou l'autre des 53 serveurs. [39] Interrogé par M me Deschênes, M. Deschênes répète qu'il est impossible après 12 mois de trouver un courriel et, quà sa connaissance, la recherche ne sest jamais faite en raison des coûts exorbitants. M me Jacynthe Deschênes [40] M me Deschênes atteste poursuivre en justice la Banque en dommages- intérêts pour compenser les pertes qu'elle a subies à la suite de son congédiement (pièce E-3 en liasse). La réclamation, dit-elle, porte sur la perte de ses relations d'affaires, d'argent, de salaire et de commissions sur des ventes et des actifs sous gestion. [41] M me Deschênes veut obtenir copie des rapports de ventes et les « audit report » réalisés dans le cadre de son travail comme spécialiste en placement
00 20 78 Page : 10 pour la Banque. Elle précise quelle veut ceux qui nont pas été produits au Tribunal d'arbitrage. [42] M me Deschênes prétend que le bureau de la Banque à Toronto détient les rapports de vente et les réponses liées à ceux-ci la concernant. Elle ajoute que les rapports touchent 80 dossiers-clients. [43] M me Deschênes indique quelle amorce sa preuve devant le Tribunal d'arbitrage. Jusquà présent, note-t-elle, la Banque a fait témoigner 15 personnes et déposé 200 pièces en preuve sur une période de 60 jours d'audition. [44] M me Deschênes mentionne également l'existence d'autres recours lopposant à la Banque : une poursuite judiciaire réclamant les montants de sa marge de crédit personnelle consentie en 1993 (pièce E-4 en liasse (prise sous réserve)); une réclamation sur les cartes de crédit; une plainte qu'elle a déposée à la Commission des valeurs mobilières pour falsification de documents dans le dossier de l'un de ses ex-clients (pièce D-1); une plainte qu'elle a déposée auprès du Protecteur du citoyen ayant un lien avec la plainte à la Commission des valeurs mobilières. [45] La Commission prend acte que M me Deschênes autorise la remise de la plainte déposée à la Commission des valeurs mobilières. La Commission déclare qu'à ce stade, c'est le seul document qui lui est nécessaire pour déterminer l'existence de ce recours. SÉANCE DU 25 AVRIL 2002 Liste des pièces déposées : E-5 : Lettre du 27 septembre 1999 de la Banque réclamant à M me Deschênes le remboursement des montants dus à la marge de crédit;
00 20 78 Page : 11 E-6 : Mise en demeure de la Banque du 26 octobre 1999; E-7 : Lettre du procureur de M me Deschênes du 25 octobre 1999; E-8 : Lettre à M me Deschênes du 4 février 1999. M me Chrystine Condrain [46] M me Condrain, superviseur au Centre de recouvrement centralisé de la Banque depuis huit ans, trace lhistorique du cheminement et des conditions assorties au dossier de la marge de crédit de M me Deschênes : La demande a été faite et acceptée par la Banque au mois de septembre 1993; La Banque na eu aucun problème de 1993 à 1998; La marge de crédit est accordée si le ratio dendettement du client est moins de 35 %; La cote de crédit est établie à partir des biens et de la stabilité en emploi du client. Ces informations sont complétées par une évaluation du bureau de crédit. Le tout est consigné dans un rapport, communément appelé « Rapport Beacon »; Le renouvellement de la marge de crédit seffectue habituellement à tous les ans par la mise à jour du Rapport Beacon; La Banque peut, selon les informations obtenues par la mise à jour, décider de renouveler ou de rappeler un prêt. [47] M me Condrain indique que la marge de crédit de M me Deschênes, à la suite dune entente prise avec un créancier pour paiement réduit, affichait une cote R-5 au mois de novembre 1998 et un ratio dendettement de 43 % au lieu de 35 %. Une révision du dossier a alors été effectuée avec M me Deschênes, au mois de février 1999, et une entente est intervenue entre les parties pour un transfert de cette marge de crédit à une autre banque au mois davril 1999. [48] M me Condrain spécifie quune demande de prolongation de délai a alors été soumise au Service de gestion du risque par la succursale de la Banque
00 20 78 Page : 12 responsable de cette marge de crédit. Comme il ne peut y avoir une deuxième prolongation de délai, la Banque a décidé, le 18 mai 1999, de retirer à M me Deschênes laccès au crédit et de lui réclamer le montant . Le dossier est alors transféré au Centre de recouvrement de la Banque. [49] M me Condrain relate que le Centre de recouvrement a fait parvenir à M me Deschênes, le 23 septembre 1999, un avis de refus de paiement, M me Deschênes ayant mentionné quelle ne paierait pas tant que son dossier de congédiement ne sera pas réglé avec la Banque. Le bureau de Montréal a transmis à Toronto, au mois de novembre 1999, de façon informatique, le dossier de M me Deschênes pour évaluer les procédures à prendre. [50] M me Condrain fait valoir que la Banque a remis, au mois de mai 2000, le dossier de M me Deschênes entre les mains dune agence de recouvrement. Celle-ci a fermé le dossier au mois de juin en raison de lexistence de recours judiciaires. Le dossier revient donc au Centre de recouvrement de Montréal. [51] Le Centre de recouvrement fait parvenir une mise en demeure à M me Deschênes, au mois de janvier 2001, pour éviter la prescription du recours en recouvrement. [52] Interrogée par M me Deschênes, M me Condrain mentionne que son dossier de marge de crédit est géré par la succursale de Sept-Îles, mais ne peut lui certifier si celui-ci contient les notes ayant servi au renouvellement de sa marge de crédit en 1997. Elle confirme que la succursale possède le dossier papier. [53] M me Condrain affirme que le dossier détenu par le Centre de recouvrement de Montréal se trouve sur un programme informatique développé par la Banque, le « système CLASS ». Le dossier informatique contient des notes, lesquelles sont mises à jour régulièrement. Elle révèle que la première note inscrite au dossier du Centre de recouvrement réfère au début du litige avec M me Deschênes, soit le 3 février 1999. [54] M me Condrain mentionne que M me Deschênes détenait trois cartes de crédit avec la Banque. La Commission [55] La Commission exige de la Banque de lui faire parvenir, avant le 28 juin 2002, une copie complète des documents quelle détient sur les cartes de crédit Visa et concernant le dossier hypothécaire de M me Deschênes. Une déclaration
00 20 78 Page : 13 assermentée des personnes en autorité à la Banque devra accompagner les documents. [56] La Commission reçoit, le 19 juillet 2002, trois déclarations assermentées de la Banque : M me Crystine Condrain La déclaration de M me Condrain porte sur le prêt hypothécaire et ses recherches au sujet des notes informatisées au Centre de recouvrement. Elle annexe les notes informatisées (TCS) pour la période du 29 novembre 1993 au 23 décembre 1996 (16 pages) et les notes (RMS) du 9 août 1995 au 29 octobre 1997. Elle déclare que la Banque ne détenait, au 3 octobre 2000, aucune autre note; M me Hélène Boivin M me Boivin, représentante du Centre Visa de la Banque, indique que ses recherches ont porté sur les cartes de crédit CIBC-Visa de M me Deschênes. Elle annexe les relevés mensuels pour la période des mois de décembre 1993 à octobre 2000 pour AéroOr, les relevés mensuels pour la période des mois de janvier 1997 à octobre 2000 pour CIBC-Visa et les relevés mensuels pour la période des mois davril 1998 à août 1998 pour US CIBC-Visa; M me Maura Levine M me Levine, analyste financière, soutient que ses recherches visaient les rapports de ventes de M me Deschênes. Elle annexe tous les rapports de vente, récapitulatifs, daudition et de correspondance détenus au bureau de Toronto concernant M me Deschênes. Documents remis à M me Jacynthe Deschênes [57] Le 8 juillet 2002, la Commission fait parvenir à M me Deschênes tous les documents lui ayant été transmis par la Banque concernant le prêt hypothécaire et les cartes de crédit. Les autres documents touchant son dossier demployée, les rapports de vente, récapitulatifs, daudition et de correspondance sont conservés par la Commission sous pli confidentiel.
00 20 78 Page : 14 SÉANCE DU 1 ER NOVEMBRE 2002 M e Mario Langlois [58] M e Langlois fait valoir que la Banque a reconsidéré sa position. Sa cliente accepte de remettre à M me Deschênes copie de son dossier demployée, incluant la déclaration assermentée de M me Maura Levine du 17 juillet 2002 et les deux cahiers de documents annexés à celle-ci. Documents remis à M me Jacynthe Deschênes [59] La Commission remet séance tenante à M me Deschênes ces derniers documents et suspend laudience 30 minutes pour quelle puisse en prendre connaissance. [60] La Commission donne également à M me Deschênes une copie dune déclaration assermentée supplémentaire de M me Condrain traitant de sa marge de crédit personnelle et celle au même effet de M me Martine Côté, directrice du Centre bancaire CIBC à Sept-Îles. M me Chrystine Condrain [61] M me Condrain déclare que sa recherche lui a permis de trouver des renseignements détenus par M me Levine et par le Centre de recouvrement centralisé CIBC sur support papier ou informatisés. M e Mario Langlois [62] M e Langlois prétend que les seuls documents demeurant en litige sont ceux se rapportant à la marge de crédit de M me Deschênes. La Commission [63] La Commission exige toutefois de la Banque de lui faire parvenir, dans les 45 jours, une déclaration assermentée dune personne en autorité à la Banque confirmant ou infirmant lexistence de courriels de M. Ouimet et dautres documents sur M me Deschênes pour la période des mois de juin 1995 à novembre 1996. [64] La Commission reçoit, le 23 décembre 2002, les déclarations assermentées supplémentaires de M mes Condrain et Levine.
00 20 78 Page : 15 M me Chrystine Condrain [65] M me Condrain affirme que la Banque ne détient pas dautres documents au dossier hypothécaire de M me Deschênes. M me Maura Levine [66] M me Levine mentionne avoir fait une recherche exhaustive aux archives de la Banque à Toronto. De cette recherche, elle a trouvé quelques documents quelle annexe à sa déclaration. Elle affirme que la Banque ne détient pas dautres documents au sujet des rapports de ventes concernant M me Deschênes. M me Jacynthe Deschênes [67] M me Deschênes écrit à la Commission, les 23 novembre et 18 décembre 2002, et déplore avoir sy prendre à deux reprises pour obtenir de la Banque les renseignements la concernant. [68] M me Deschênes prétend que la Banque navait aucun motif pour lui refuser les documents contenus à son dossier de marge de crédit lors de sa première demande daccès. Dans les circonstances, soumet-elle, elle comprend difficilement pourquoi ce dossier ne lui est pas accessible. Elle est davis que la Banque bafoue ses droits et ne respecte pas la Loi. Elle réitère vouloir obtenir tous les documents la concernant détenus par la Banque. [69] M me Dechênes écrit de nouveau à la Commission, le 7 janvier 2003, pour exprimer son insatisfaction des déclarations assermentées quelle a reçues, nétant pas écrites, selon elle, par des personnes en autorité, tel que lexigeait la Commission. M e Mario Langlois [70] M e Langlois soumet à la Commission, le 8 janvier 2003, que la Banque a répondu aux directives émises par la Commission et quelle doit ignorer les propos émis par M me Deschênes le 7 janvier précédent. DÉCISION [71] Dentrée de jeu, la Commission a pu constater que les relations entre les parties ont été ponctuées de plusieurs recours judiciaires. Ainsi, au même moment que se déroule le débat sur le droit daccès de M me Deschênes, les parties sont
00 20 78 Page : 16 devant le Tribunal darbitrage depuis près de 60 jours. La Commission les a donc mises en garde à maintes reprises pour ne pas substituer devant elle leur querelle en matière de relations de travail, ne pouvant trancher ce type de litige. [72] La Commission signale quelle est intervenue à plusieurs reprises pour exiger de la Banque de fournir les explications nécessaires quant à lexistence au non de documents et démontrant les recherches faites pour trouver les documents requis par M me Deschênes. [73] La Commission croit, dans les circonstances, vu la preuve, que la demande de M me Deschênes nest pas frivole et que son intervention est utile. Elle rejette les motifs de refus de la Banque faits selon les termes des articles 46 et 52 de la Loi. [74] M me Deschênes a exercé un droit lui étant reconnu à larticle 27 de la Loi : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. [75] Les articles 1 et 2 définissent les documents et renseignements visés par la Loi : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public.
00 20 78 Page : 17 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. (soulignement ajouté) [76] De la demande daccès, la Banque doit y donner suite, selon les modalités prévues aux articles 32, 34 et 36 de la Loi : 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer. 34. La personne qui refuse d'acquiescer à la demande d'accès ou de rectification d'une personne concernée doit lui notifier par écrit son refus en le motivant et l'informer de ses recours. 36. Celui qui détient un renseignement faisant l'objet d'une demande d'accès ou de rectification doit, s'il n'acquiesce pas à cette demande, le conserver le temps requis pour permettre à la personne concernée d'épuiser les recours prévus par la loi. [77] Il est par conséquent de lobligation de la Banque deffectuer une recherche sérieuse et complète pour identifier les documents faisant lobjet de cette demande. Il appartient donc à la Banque de faire la preuve de lexistence ou non de documents. [78] M. Deschênes a rendu un témoignage précis et non contredit démontrant que la Banque, après une année, réutilise les enregistrements sur lesquels peut se trouver un courriel au nom de M me Deschênes. Vu cette preuve, la Commission en arrive à la conclusion que la Banque ne détient donc plus dautres courriels. [79] La Banque a fait entendre devant la Commission MM. Paiement et Deschênes et M me Condrain. Elle a produit également les affidavits supplémentaires de M mes Condrain, Boivin et Levine. Toutes les personnes ont déclaré, sous serment, qu'après avoir effectué des recherches sérieuses, la
00 20 78 Page : 18 Banque ne possède aucun autre document que ceux déjà donnés à M me Deschênes ou demeurant en litige. [80] Pour un dossier comme celui sous étude, il est raisonnable que M me Dechênes, soumettant une demande visant laccès à tous les renseignements détenus par la Banque la concernant, comme cliente et ex-employée, collabore pour identifier les documents recherchés. [81] Cest dans le cadre de cet exercice que la Commission a sollicité la collaboration des représentants de la Banque pour effectuer des recherches supplémentaires. Celles-ci nont dailleurs pas été vaines, ayant permis de trouver certains documents. [82] Cette dernière étape franchie, il revient à M me Dechênes de soumettre les éléments concrets pouvant constituer un début de preuve quant à lexistence dun document renfermant des renseignements à son sujet, tel qu'il a été défini à larticle 2 de la Loi. La Commission est davis que les dernières lettres reçues de M me Deschênes ne révèlent pas de situation concrète lui permettant de considérer quil existe dautres documents. [83] La Commission en arrive donc à la conclusion que la Banque, par prépondérance de la preuve, ne détient pas dautres documents en lien avec la demande. [84] M me Deschênes peut-elle recevoir le seul document demeurant en litige? [85] La Banque invoque le 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi pour refuser laccès au dossier en litige : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: […] 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [86] Jai examiné le dossier en litige. Il contient une série de documents, intitulés « Notes informatisées (RMS) du 9 août 1995 au 29 octobre 1997 », se rapportant, à leur face même, au défaut de remboursement de la marge de crédit de M me Deschênes.
00 20 78 Page : 19 [86] La Commission, faut-il le rappeler, doit se placer au moment de la demande et du refus daccès pour déterminer de la validité du motif invoqué par la Banque. [87] M me Deschênes a reconnu lexistence dun recours entre les parties. Cet aveu, la preuve et la lecture des documents au dossier en litige me convainquent de leffet que peuvent avoir ceux-ci sur une procédure judiciaire. [88] La Banque ayant exercé sa discrétion de ne pas communiquer le dossier en litige et les conditions de larticle 39 de la Loi ayant été satisfaites, M me Deschênes ne peut donc en obtenir une copie. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [89] PREND ACTE que la Banque ne conteste pas la juridiction de la Commission; [90] REJETTE la requête de la Banque faite selon les termes des articles 46 et 52 de la Loi; [91] CONSTATE que plusieurs documents ont été remis à M me Deschênes, et ce, après sa demande dexamen de mésentente; [92] ACCUEILLE donc, en partie, la demande dexamen de mésentente de M me Deschênes; [93] PREND ACTE que la Banque a donné à M me Deschênes les documents trouvés et détenus par elle en lien avec la demande daccès, à lexception du dossier en litige sur la marge de crédit; [94] REJETTE, quant au reste, la demande dexamen de mésentente. MICHEL LAPORTE Commissaire M e Mario Langlois Procureur de l'organisme
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