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Dossier : 98 12 55 Date : 20030328 Commissaire : M e Jennifer Stoddart URA GREENBAUM Demandeur c. CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L'OBJET [1] Le 17 juillet 1998, M. Ura Greenbaum le demandeur ») écrit au Curateur public l'organisme ), afin d'obtenir le renseignement suivant : […] Dans l'esprit d'ouverture, de transparence et de collaboration qui règne maintenant à la curatelle publique, j'aimerais avoir une copie du document intitulé <La révision des processus de travail - Fonctions du responsable-clients privé Protection - Rapport final (19 octobre 1995), (sic) […] [2] Le 10 août 1998, n'ayant pas reçu l'information souhaitée, il demande à la Commission d'accès à l'information la Commission ») de réviser cette demande.
98 12 55 Page : 2 L'AUDIENCE [1] L'audience est tenue à Montréal les 28 et 29 novembre 2002. A) LA PREUVE i) de l'organisme [2] M e Hélène Drapeau, responsable de l'accès à l'organisme, témoigne quant aux échanges avec M. Greenbaum au sujet de cette demande. Elle réfère au cahier de la correspondance et de la jurisprudence soumise, déposé par l'organisme sous la cote O-1 en liasse. [3] L'organisme dépose en preuve, sous la cote O-1, une lettre adressée au demandeur en date du 12 août 1999. Cette lettre se lit comme suit : La présente donne suite à votre demande reçue le 17 juillet 1999 dans laquelle vous demandiez « La révision des processus de travail - Fonctions du responsable-clients privé - Protection Rapport final (19 octobre 1995)». Nous vous avons alors informé, dans notre lettre datée du 27 avril 1999, que vous deviez acquitter des frais de 16,12 $ afin d'obtenir les documents demandés. Nous n'avons toujours par reçu votre paiement. Nous fermerons donc ce dossier le 13 septembre prochain, si nous n'avons pas de vos nouvelles d'ici cette date. […] [4] La responsable de l'accès à l'information de l'organisme témoigne qu'aucune réponse n'a été reçue du demandeur dans ce dossier. Les frais requis ne furent jamais envoyés. ii) du demandeur [5] Le demandeur dépose ensuite, sous la cote D-1, deux lettres : une en date du 23 septembre 1999 à M. Greenbaum et une autre à M. Kenneth Randon en date du 12 mai 2000.
98 12 55 Page : 3 [6] La lettre à M. Greenbaum se lit comme suit : […] La présente fait suite à vos demandes afin d'obtenir «une copie des extraits du Sujet 4 du Guide de travail des régimes privés de protection suivants : 4-23, 4-24, 4-26, 4-27 et 4-28». Nous joignons cette demande aux demandes reçues respectivement le 25 août 1999 afin d'obtenir «une copie du Sujet 5 à partir du début jusqu'à la fin de 5-20 du Guide de travail des régimes privés de protection intitulé Vérification de l'inventaire», le 24 août 1999 fin d'obtenir « une copie des pages 4-17, 4-18, 4-20, 4-21 et 4-22 du Sujet 4 du Guide de travail des régimes privés de protection» et le 23 août 1999 vous nous demandiez « une copie des pages 4-8, 4-10, 4-11, 4-12, 4-14 et 4-16 du Sujet 4 du Guide de travail des régimes privés de protection intitulé Vérification de l'inventaire». Conformément à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics (L..R.Q., chapitre A-2.1, une copie de ces documents peut vous être transmise moyennant les frais de reproduction. Les frais sont calculés de la façon suivante : 72 pages x 0,26 $ par copie= 18,72 $ - 5,20 $ (frais non exigibles) = 13,52 $ Dès réception de votre paiement de 13,52 $, nous vous ferons parvenir les copies demandées. Le paiement doit être fait en argent comptant ou sous forme de chèque certifié ou de mandat poste. Si vous faites parvenir votre paiement par la poste, nous vous suggérons de ne pas envoyer d'argent comptant. Le chèque certifié ou le mandat poste doit être fait au nom de «Curateur public du Québec». Nous attendrons vos instructions pour compléter le traitement de votre demande. (sic) […] [7] La lettre à M. Randon explicite aussi la même position du Curateur : We have received your request for a copy of « Sujets 4-14, 4=16 and 4.21 the Guide de travail des régimes privés de protection It is our view that you have made this request in order to avoid paying the fees provided by the Act respecting access to documents held by public bodies and on the protection of personal information (R.S.Q., chapter A-2-1), and we refuse to send you the documents piecemeal, out of respect for the law and fairness to others who pay the required fees. However, we will send you a copy of the handbook if you pay the fee, calculated as follows: 443 pages @ $0.26 per copy = $115.18 - $5.20 (deductible) = $109.98.
98 12 55 Page : 4 This charge is based on the Regulation on the fees charged for the transcription, reproduction and transmission of documents and information under the Law respecting access. Upon receipt of your payment of $109.98, we will send you the copy you request. (sic) […]. [8] M. Greenbaum témoigne à l'effet qu'il croit avoir droit à 20 pages gratuitement, sans devoir le demander à l'organisme. B) LES ARGUMENTS i) de l'organisme [9] La procureure de l'organisme fait valoir que la demande initiale était pour un document complet. Ce n'est qu'à l'audience, que le demandeur affirme vouloir obtenir les vingt premières page sans frais. La procureure soutient que dans cette dernière optique, la décision de la Cour du Québec dans l'affaire Curateur Public du Québec c. Cécile Boeck 1 , confirme son interprétation de ses obligations à savoir qu'elle n'est pas obligée de remettre les vingt premières pages gratuitement. Elle souligne, en référant au témoignage de Madame Evelyne Racette, alors responsable de l'accès à l'époque, dans l'affaire Cécile Boeck c. Curateur Public 2 , que la Commission a déjà examiné des circonstances similaires à celles du présent dossier, l'on tente d'obtenir gratuitement un document assez volumineux en exigeant des tranches successives de vingt pages. ii) du demandeur [10] Le demandeur exprime son opinion sur les faits mis en preuve par l'organisme. Il trouve que l'attitude du Curateur est discriminatoire à son égard en comparant les réponses données à M. Randon, pour ce qu'il allègue être le même document. [11] À la suite de l'audience, le demandeur fait parvenir trois arrêts de jurisprudence en appui à son affirmation d'être l'objet de discrimination par l'organisme à cause de ses qualités personnelles, ses activités et ses liens. Dans l'affaire François Lapare c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal 3 , le demandeur trouve un appui pour ses prétentions à l'effet que les 1 J.E. 2002-1687. 2 [2001] C.A.I. 3. 3 [1989] C.A.I. 193.
98 12 55 Page : 5 vingt premières pages doivent être transmises gratuitement. Il souligne le passage suivant : […] La franchise de 5 $ prévue à l'article 3 du règlement correspond à 20 pages pour une demande d'accès à un document. Procédant à l'application de ce régime, le responsable de l'accès a transmis gratuitement les 20 premières pages et exigé du demandeur les frais correspondant aux pages restantes. […) [12] Dans l'affaire Jean-Marc Fournier c. Ministère des finances et Caisse de dépôt et placement du Québec 4 , il cite le paragraphe suivant de la décision : […] tous les demandeurs sont égaux dans l'exercice de ce droit d'accès aux documents « administratifs » et qu'ils ne doivent aucunement démonter leur intérêt. Le corollaire de cet énoncé est que la Commission ne doit pas s'inventer des critères spéciaux d'accès pour certaines catégories de demandeurs […]. [13] Finalement, il attire l'attention sur le passage suivant de la conclusion dans l'affaire Association des Locateurs des salons de jeux c. Régie des alcools, des courses et des jeux 5 . […] Le droit d'accès est le même pour tout individu quel que soit son titre, son intérêt ou son occupation. […] La réponse de l'organisme [14] Commentant les arrêts cités par le demandeur, la procureure fait valoir qu'ils n'apportent aucun argument additionnel à l'encontre des positions de l'organisme. Elle considère que la preuve de la discrimination à l'encontre du demandeur n'est pas faite. [15] Quant à la décision dans l'affaire François Lapare c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal 6 , elle fait valoir que cet arrêt est cité dans le jugement de la Cour du Québec dans Curateur Public c. Cécile Boeck 7 et que rien dans cette décision appuie la position du demandeur. 4 [1998] C.AI. 341. 5 [1999] C.A.I. 250. 6 Supra, note 3. 7 Supra, note 1.
98 12 55 Page : 6 [16] L'affirmation que tous les demandeurs sont égaux dans l'exercice de leur droit d'accès qui se trouve dans la décision de la Commission dans l'affaire Jean-Marc Fournier c. Ministère des finances et Caisse de dépôt et placement du Québec 8 n'est pas pertinente dans la présente cause, soutient-elle, car il est énoncé pour rejet un argument que la Commission devrait considérer les motifs pour lesquels une demande d'accès est faite. Cet argument fut rejeté dans cette décision. [17] Finalement, elle dit souscrire entièrement au principe que le droit d'accès est le même pour tout individu, articulé dans la décision Association des locateurs de salons de jeux du Québec c, Régie des alcools 9 , mais elle soutient que ce principe n'est pas mis en cause dans le présent dossier : […] Après la lecture de ces documents, nous vous soumettons qu'ils n'apportent aucun argument additionnel à l'encontre de l'argumentation que nous avons portée à votre attention à l'audience du 29 novembre dernier. En effet, le demandeur n'a pas du tout démontré que le Curateur public l'a discriminé. Au contraire, nous considérons que la pièce produite par le demandeur qui consiste en une lettre de réponse du responsable d'accès datée du 12 mai 2000, adressée à un certain Kenneth Randon démontre justement que le Curateur public a répondu à ce citoyen de la même manière qu'il a répondu au demandeur à demande d'accès à un document par tranche de 20 pages ou moins. (sic) […] DÉCISION [3] La Commission conclut qu'il y a lieu de rejeter la demande de révision pour les raisons suivantes : [4] Toute pratique qui a pu exister de donner, de temps en temps, des documents par tranches de 20 pages n'a pas été prouvée. Même si une telle pratique existait, elle ne peut servir de précédent pour créer un droit d'obtenir un document gratuitement par tranches de 20 pages. La Commission, dans l'affaire François Lapare c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal 10 , a distingué entre l'envoi d'un nombre maximal de 20 pages gratuitement, ce que la Loi et le Règlement permettent, et la nature illicite de demandes successives des parties d'un document pour éviter ainsi l'application de la politique tarifaire établie par règlement. La Commission rejette donc, pour absence de preuve, les allégations que l'organisme a agi de façon arbitraire face 8 Supra, note 4. 9 Supra, note 5. 10 Supra, note 3.
98 12 55 Page : 7 aux demandes successives du demandeur. Des allégations à l'effet que le demandeur a déjà eu des documents par tranches de 20 pages, allégations qui ne sont appuyées par aucune preuve écrite, malgré ses nombreuses demandes d'accès à l'information, ne modifient pas cette conclusion. [5] Il est vrai que dans les décisions de la Cour du Québec Curateur public c. Harold Boeck 11 et Curateur public c. Cécile Boeck 12 , décision quasi-identiques, il s'agit d'actions concertées par des époux. Toutefois, un seul individu peut fractionner aussi ses demandes. C'est ce que faisait chacun des époux Boeck. La Commission rejette donc la prétention que les décisions Boeck ne peuvent pas s'appliquer à un seul demandeur et qu'il faut faire la preuve d'un système échafaudé par plusieurs personnes. La Commission conclut que la demande initiale du demandeur, en date du 3 mai 1999, laquelle a été remplacée par une demande faite en date du 10 mai 1999 pour les 20 premières pages du même document constitue la preuve de la tentative d'utiliser un tel système, soit une approche par fractionnement, pour ne pas dépasser le seuil des 20 pages gratuites. [6] La Commission comprend que les décisions dans les affaires Boeck précitées réaffirment le principe général que la consultation sur place est gratuite mais qu'autrement le tarif réglementaire s'applique et ne permet pas le fractionnement, soit par le biais de demande de groupes ou de demande d'individus. [7] Les allégations vagues quant aux changements de pratique de consultation sur place ou d'accès aux documents par le Curateur ne justifient non plus la Commission de conclure autrement par rapport aux dispositions claires de la Loi, du Règlement, et de la jurisprudence sur les normes de calcul de la tarification. [8] La demande initiale de M. Greenbaum était pour un document de quelques 38 pages. La réponse de l'organisme est d'offrir de lui remettre le document, dès la réception des frais calculés en vertu du Règlement sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents et de renseignements nominatifs précités. [9] Lors de l'audience, la position du demandeur à l'effet qu'il a droit à vingt pages gratuitement, provoque un débat à ce sujet. La Commission note que la franchise qui correspond à vingt pages gratuites a été soustraite du calcul effectué par le responsable. Le demandeur fut informé de ce calcul dans la réponse de l'organisme. 11 Curateur public du Québec c. Boeck, C.Q. Montréal, n o 500-02-091524-012, 3 mai 2002, j. Dansereau. 12 Supra, note 1.
98 12 55 Page : 8 [10] Le demandeur soulève, par ailleurs, la possibilité qu'il fut l'objet de traitement discriminatoire et inégal de la part de l'organisme. Le demandeur allègue être victime de discrimination à cause de ses liens, ses activités et ses associations, sans plus élaborer sur cette question. [11] L'article 74 de la Charte des droits et libertés 13 prévoit que la procédure appropriée dans des cas d'allégation de discrimination dans des services offerts au public est de déposer une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. En conséquence, la Commission ne tire pas de conclusion quant aux allégations de discrimination dans le présent dossier. Même si la preuve d'un traitement inégal du demandeur par le Curateur public était faite, elle ne pourrait pas faire naître un droit en vertu de la Loi si ce droit n'existait pas déjà. C'est le cas ici. [12] Finalement, la Commission réfère à nouveau à la décision de la Cour du Québec dans l'affaire Curateur public c. Cécile Boeck 14 précitée : […] Le tamis d'une grille tarifaire applicable aux demandes ne peut être mis de côté. […] Si ces tarifs sont, comme le règlement le prévoit, modérés, équitables et universel, sauf certaines exemptions spécifiques, ils ne stérilisent aucun droit à l'accès, mais en modulent l'exercice. [13] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [14] REJETTE la demande de révision. JENNIFER STODDART Commissaire M e Claire-Élaine Audet Procureure de l'organisme 13 L.R.Q., c. C-12. 14 Supra, note 1.
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